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Décisions

CA Basse-Terre, 2e ch., 27 décembre 2024, n° 23/00901

BASSE-TERRE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Karuk Alu (SARL)

Défendeur :

Trinidad (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Robail

Conseillers :

Mme Clédat, M. Groud

Avocats :

Me Mignot, Me Deraine

TJ Pointe-à-Pitre, du 25 août 2023, n° 2…

25 août 2023

FAITS ET PROCEDURE

Par acte sous seing privé en date du 18 janvier 2018, la SCI Trinidad a conclu avec la société Karuk Alu un contrat de bail commercial ayant pour objet un local situé [Adresse 1]) pour une durée de 9 années à compter du 1er janvier 2018.

Les parties ont convenu que le loyer, révisable tous les 3 ans et payable d'avance le 1er de chaque mois et pour la première fois le 1er janvier 2018, serait d'un montant mensuel de 2 800 euros hors taxes soit 2 821 euros toutes taxes comprises. Ce montant prenait en compte la prise en charge de la société Karuk Alu, preneur, des dépenses nécessaires à l'entretien de la toiture.

Le bail mettait également à la charge de la locataire le paiement de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères et prévoyait une clause résolutoire.

Par acte de commissaire de justice en date du 15 décembre 2022, la SCI Trinidad a fait délivrer à la société Karuk Alu un commandement de payer visant la clause résolutoire pour la somme de 10 929,69 euros.

Au 30 janvier 2023, la société locataire restait devoir la somme de 4 788,03 euros.

Par acte de commissaire de justice en date du 10 février 2023, la SCI Trinidad a fait assigner la société Karuk Alu devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre aux fins de voir :

- constater la résiliation du bail commercial conclu entre elle et la société Karuk Alu par acquisition de la clause résolutoire au 15 janvier 2023, en raison du défaut de paiement des loyers et charges ;

En conséquence,

- ordonner l'expulsion de la société Karuk Alu et de tous occupants de son chef du local situé [Adresse 1], sur une parcelle cadastrée section AM n° [Cadastre 2], lieudit [Localité 5] d'une surface de 00ha 31a 29 ca, avec au besoin le concours de la force publique, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir ;

- condamner la société Karuk Alu à lui payer une provision de 4 788,03 euros à valoir sur la créance de loyers et charges impayés au 30 janvier 2023 ;

- condamner la société Karuk Alu à lui payer la somme provisionnelle de 145,96 euros par jour à titre d'indemnité d'occupation à compter du 15 décembre 2022, jusqu'à complète libération des lieux ;

- condamner la société Karuk Alu à lui payer une provision de 1 070,78 euros à valoir sur la créance au titre de la clause pénale ;

- dire que les sommes dues produiront intérêts au taux légal majoré de 5 points, conformément à la clause du bail intitulée « retard de paiement » ;

- lui donner acte qu'elle conservera le montant du dépôt de garantie soit la somme de 5 200 euros ;

- condamner la société Karuk Alu à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par ordonnance du 25 août 2023 , le juge des référés a :

- renvoyé les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseraient, mais dès à présent par provision ;

- dit y avoir lieu à référé ;

- constaté la résiliation du bail commercial conclu entre la SCI Trinidad et la société Karuk Alu par acquisition de la clause résolutoire au 15 janvier 2023, en raison du défaut de paiement des loyers et charges ;

- ordonné l'expulsion de la société Karuk Alu et de tous occupants de son chef du local sis [Adresse 1], sur une parcelle cadastrée section AM n° [Cadastre 2], lieudit [Localité 5] d'une surface de 00ha 31a 29 ca, avec au besoin le concours de la force publique, sous astreinte de 80 euros par jour de retard à compter de la signification de l'ordonnance ;

- condamné la société Karuk Alu à payer à la SCI Trinidad une provision de 4788,03 euros à valoir sur la créance de loyers et charges impayés au 30 janvier 2023 ;

- condamné la société Karuk Alu à payer à la SCI Trinidad la somme provisionnelle de 145,96 euros par jour à titre d'indemnité d'occupation à compter du 15 décembre 2022, jusqu'à complète libération des lieux et remise des clés ;

- condamné la société Karuk Alu à payer à la SCI Trinidad une provision de 1 070,78 euros à valoir sur la créance au titre de la clause pénale ;

- dit que les sommes dues produiraient intérêts au taux légal majoré de 5 points, conformément à la clause du bail intitulée « retard de paiement » ;

- donné acte à la SCI Trinidad qu'elle conserverait le montant du dépôt de garantie, soit la somme de 5 200 euros ;

- condamné la société Karuk Alu à payer à la SCI Trinidad la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

La société Karuk Alu a interjeté appel de cette décision par déclaration remise au greffe de la cour par voie électronique le 12 septembre 2023, en visant expressément les chefs de jugement par lesquels le juge des référés du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre a :

- constaté la résiliation du bail commercial conclu entre la SCI Trinidad et la société Karuk ALU par acquisition de la clause résolutoire au 15 janvier 2023, en raison du défaut de paiement des loyers et charges ;

- ordonné l'expulsion de la société Karuk Alu et de tous occupants de son chef du local sis [Adresse 1], sur une parcelle cadastrée section AM n° [Cadastre 2], lieudit [Localité 5] d'une surface de 00ha 31a 29 ca, avec au besoin le concours de la force publique, sous astreinte de 80 euros par jour de retard à compter de la signification de l'ordonnance ;

- condamné la société Karuk Alu à payer à la SCI Trinidad une provision de 4788,03 euros à valoir sur la créance de loyers et charges impayés au 30 janvier 2023 ;

- condamné la société Karuk Alu à payer à la SCI Trinidad la somme provisionnelle de 145,96 euros par jour à titre d'indemnité d'occupation à compter du 15 décembre 2022, jusqu'à complète libération des lieux et remise des clés ;

- condamné la société Karuk Alu à payer à la SCI Trinidad une provision de 1 070,78 euros à valoir sur la créance au titre de la clause pénale ;

- dit que les sommes dues produiraient intérêts au taux légal majoré de 5 points, conformément à la clause du bail intitulée « retard de paiement » ;

- donné acte à la SCI Trinidad qu'elle conserverait le montant du dépôt de garantie, soit la somme de 5 200 euros ;

- condamné la société Karuk Alu à payer à la SCI Trinidad la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

La procédure a fait l'objet d'une orientation à bref délai avec fixation de l'affaire à l'audience du 26 février 2024.

En réponse à l'avis du 2 octobre 2023 du greffe, la société Karuk Alu a fait signifier, le 6 octobre 2023, la déclaration d'appel, l'ordonnance de fixation de l'affaire à bref délai, ses conclusions d'appelant et ledit avis à Ia société Trinidad.

La société Trinidad a remis au greffe sa constitution d'intimée par voie électronique le 7 novembre 2023.

Faisant droit à la demande de la société Karuk Alu, par ordonnance du 6 mars 2024, le délégué du premier président de la cour d'appel de Basse-Terre a ordonné l'arrêt de l'exécution provisoire de droit attachée à l'ordonnance de référé rendue le 25 août 2023 par le président du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre.

A l'audience du 10 juin 2024, la décision a été mise en délibéré au 19 septembre 2024 ; les parties ont ensuite été avisées de la prorogation de ce délibéré à ce jour, par mise à disposition au greffe, en raison de la surcharge des magistrats.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

1/ La société Karuk Alu, appelante :

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 6 février 2024, par lesquelles la société Karuk Alu demande à la cour de :

- à titre liminaire, prononcer l'irrecevabilité des conclusions d'intimée, tant celles communiquées le 6 novembre que le 7 novembre 2023 ;

- à titre principal, annuler l'ordonnance de référé rendue par le président du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre et toute la procédure subséquente ;

A titre subsidiaire,

Infirmer la décision attaquée en toutes ses dispositions ;

Dire n'y avoir lieu à référé concernant l'ensemble des demandes de la société Trinidad en raison de l'existence d'une contestation sérieuse ;

Rejeter l'ensemble des demandes de la société Trinidad ;

Condamner la société Trinidad à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

A titre infiniment subsidiaire,

Lui accorder rétroactivement un délai de grâce pour le règlement de sa dette locative ;

Dire que la clause résolutoire insérée dans le bail commercial litigieux ne jouera pas ;

Débouter la société Trinidad de l'ensemble de ses prétentions ;

Laisser les frais irrépétibles à la charge de chaque partie ;

Statuer ce que de droit sur les dépens.

2/ La société Trinidad, intimée :

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 25 février 2024, par lesquelles la société Trinidad demande à la cour, au visa des articles 455, 562 et 835, alinéa 2, du code de procédure civile, L. 145-41 du code de commerce, 1103, 1219, 1231-5 et 1343-5 du code civil, de :

In limine litis,

- dire et juger que ses conclusions ont été régulièrement notifiées le 6 novembre 2023 ;

- débouter la société Karuk Alu de sa demande d'irrecevabilité ;

A titre principal,

- débouter la société Karuk Alu de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

- constater la résiliation du bail commercial conclu entre elle et la société Karuk Alu par acquisition de la clause résolutoire au 15 janvier 2023 en raison du défaut de paiement des loyers et charges ;

En conséquence,

- ordonner l'expulsion de la société Karuk Alu et de tous occupants de son chef du local sis [Adresse 1], sur une parcelle cadastrée section AM, n° [Cadastre 2], lieudit [Localité 5], d'une surface de 00 ha 31 a 29 ca, avec au besoin le concours de la force publique sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la signification de l'ordonnance ;

- condamner la société Karuk Alu à lui payer à titre provisionnel une indemnité d'occupation de 145,96 euros par jour à compter du 15 décembre 2022 et jusqu'à complète libération des lieux ;

- condamner la société Karuk Alu à lui payer une provision de 1 070,76 euros à valoir sur la créance au titre de la clause pénale ;

- dire que les sommes dues produiront intérêt au taux légal majoré de 5 points conformément à la clause du bail intitulée « retard de paiement » ;

- lui donner acte qu'elle conservera le montant du dépôt de garantie, soit la somme de 5 200 euros ;

En tout état de cause, condamner la société Karuk Alu à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions pour un exposé détaillé des prétentions et moyens.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur la recevabilité de l'appel

L'article 490 du code de procédure civile dispose que l'ordonnance de référé peut être frappée d'appel à moins qu'elle n'émane du premier président de la cour d'appel ou qu'elle n'ait été rendue en dernier ressort en raison du montant ou de l'objet de la demande.

L'ordonnance rendue en dernier ressort par défaut est susceptible d'opposition.

Le délai d'appel ou d'opposition est de quinze jours.

En l'espèce, la société Karuk Alu a interjeté appel le 12 septembre 2023 de l'ordonnance rendue le 25 août 2023, mais dont la date de signification ne ressort pas du dossier de procédure.

Son appel est donc recevable quant au délai.

Sur la recevabilité des conclusions d'intimée notifiées le 6 novembre 2023

L'article 905-2 ancien du code de procédure civile, applicable aux appels diligentés avant le 1er septembre 2024, dispose en ses deux premiers alinéas que :

A peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, l'appelant dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception de l'avis de fixation de l'affaire à bref délai pour remettre ses conclusions au greffe.

L'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d'un délai d'un mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.

En l'espèce, il est constant que la société appelante ayant signifié ses conclusions à la société Trinidad le 6 octobre 2023, l'intimée devait remettre ses conclusions au greffe et à la partie adverse au plus tard le 6 novembre 2023.

Or, il n'est pas plus discuté que la société intimée ait remis et notifié par RPVA ses conclusions au greffe et à la partie adverse le 6 novembre 2023.

Les conclusions litigieuses ont donc été remises au greffe dans le délai imparti par l'article 905-1 ancien du code de procédure civile précitée.

Cependant, la société Karuka Alu soutient que les conclusions de l'intimée sont irrecevables à défaut de constitution préalable d'avocat, cette dernière étant advenue le 7 novembre 2023 de même que la seconde remise des conclusions d'intimée.

Toutefois, comme le fait justement valoir la société Trinidad, aucune disposition légale n'exige de l'intimé sa constitution préalable par un acte distinct à la notification des conclusions.

En outre, l'intimée souligne à juste titre que le message de refus du greffe consécutif à la notification par RPVA réalisée le 6 novembre 2023 est dépourvue de conséquence juridique sur la recevabilité des conclusions litigieuses.

Enfin, il est de jurisprudence constante que le dépôt des conclusions vaut constitution.

Par conséquent, les conclusions de la société Trinidad, notifiées par RPVA le 6 novembre 2023, sont recevables.

La demande d'irrecevabilité soulevée sera donc rejetée.

Sur la demande principale d'annulation de l'ordonnance déférée

Aux termes de l'article 455 du code de procédure civile, le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d'un visa des conclusions des parties avec l'indication de leur date. Le jugement doit être motivé.

En vertu de l'article 458 du même code, ces exigences sont prescrites à peine de nullité.

Le juge doit viser les conclusions avec l'indication de leur date. Néanmoins, cette indication n'est pas exigée s'il n'y a qu'un seul dépôt de conclusions par chacune des parties.

En outre, ces dispositions ne sont pas applicables à une procédure orale, les écrits auxquels se réfère une partie et que mentionne le juge ayant nécessairement pour date celle de l'audience.

En l'espèce, l'ordonnance entreprise mentionne ainsi les écritures de la société Karuk Alu : « Vu les conclusions de la société Karuk Alu en date du ».

La société Karuk Alu déduit de l'absence de date que le juge des référés n'a pas pris en compte ses écritures.

Cependant, ainsi que cela ressort de la liste des pièces qu'elle a produites en appel, la société Karuk Alu n'a produit qu'un seul jeu de conclusions en première instance, de sorte que dans le cadre d'une procédure orale, ces écritures ont nécessairement pour date celle de l'audience.

C'est donc à tort qu'il est fait grief à la décision entreprise de ne pas avoir exposé les prétentions de l'appelante.

Par ailleurs, cette dernière indique que dans ses écritures de première instance, elle demandait au juge des référés de :

A titre principal,

Dire n'y avoir lieu à référé concernant l'ensemble des demandes de la société Trinidad en raison de l'existence d'une contestation sérieuse,

Rejeter l'ensemble des demandes de la société Trinidad,

Condamner la société Trinidad à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure, civile ainsi qu'aux entiers dépens.

A titre subsidiaire,

Dire que la clause résolutoire insérée dans le bail commercial litigieux ne jouera pas,

Débouter la demanderesse de l'ensemble de ses prétentions,

Laisser les frais irrépétibles à la charge de chaque partie,

Statuer ce que de droit sur les dépens.

L'appelante soutient également qu'elle avait établi devant le premier juge avoir acquitté au cours de la procédure l'intégralité de la dette locative.

Elle prétend que le juge des référés n'a tenu aucun compte de ses moyens et pièces.

Cependant, en faisant droit aux prétentions de la société Trinidad, le juge des référés a nécessairement écarté la demande de rejet de la société Karuk Alu sans avoir à entrer dans le détail de son argumentation, dès lors qu'il constatait que les sommes visées au commandement de payer n'avaient pas été payées dans le délai d'un mois imparti.

Enfin, la société appelante prétend que l'ordonnance déférée est un copié-collé des conclusions adverses.

Mais, elle ne fait pas la démonstration d'une identité entre la décision critiquée et les conclusions de la SCI Trinidad, un tel copié-collé ne pouvant se déduire du seul fait que le juge des référés a fait droit à la totalité des demandes du bailleur.

En outre, la société Karuk Alu ne verse pas aux débats l'assignation en date du 10 février 2023 délivrée par la société Trinidad, acte qui ne figure pas dans les pièces de la procédure, de sorte qu'elle ne met pas la cour en mesure d'examiner l'allégation d'une apparence de motivation.

La demande d'annulation de la décision déférée sera donc rejetée.

Sur l'existence d'une contestation sérieuse

En vertu de l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

L'urgence est caractérisée chaque fois qu'un retard dans la prescription de la mesure sollicitée serait préjudiciable aux intérêts du demandeur.

En outre, une contestation sérieuse survient lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

Par ailleurs, l'article 1219 du code civil dispose qu'une partie peut refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.

En matière de bail, il est de jurisprudence constante que le locataire ne peut invoquer l'exception d'inexécution que si le manquement du bailleur à son obligation de délivrance a pour conséquence que les locaux loués ont été rendus impropres à l'usage auquel ils étaient destinés.

En l'espèce, la société Karuk Alu, alléguant de l'état de délabrement du local loué, soutient que le bailleur a manqué à son obligation de délivrance d'une chose conforme à la destination stipulée. Elle invoque l'exception d'inexécution en soutenant que le bailleur a manqué à son obligation de faire les grosses réparations.

Elle en déduit que le juge des référés ne peut constater l'acquisition de la clause résolutoire car cela impliquerait de trancher au fond une contestation sérieuse afférente à la réunion ou non des conditions de l'exception d'inexécution de nature à faire échec à l'obligation de paiement des loyers.

Cependant, la société appelante indique dans ses écritures qu'elle n'est pas confrontée à une impossibilité d'exploiter le bien loué.

De plus, cette exploitation est attestée par le constat établi par un commissaire de justice versé aux débats par l'appelante, lequel fait état de la présence dans le local loué d'employés.

En outre, la société Karuk Alu fait valoir qu'elle a réglé l'intégralité des loyers et charges dus, paiement incohérent avec l'invocation de l'exception d'inexécution.

Les conditions de l'exception n'étant manifestement pas réunies, il convient de considérer que cette contestation n'est pas sérieuse.

L'ordonnance déférée sera donc confirmée en ce qu'elle a dit y avoir lieu à référé.

Sur la demande d'acquisition de la clause résolutoire

L'article L.145-41 du code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai. Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

Selon l'article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues. Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital. Il peut subordonner ces mesures à l'accomplissement par le débiteur d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.

En l'espèce, il est constant que par acte de commissaire de justice en date du 15 décembre 2022, la SCI Trinidad a fait délivrer à la société Karuk Alu un commandement de payer visant la clause résolutoire pour la somme de 10 929,69 euros.

Il n'est pas plus contesté qu'un mois après la délivrance de ce commandement, la société locataire n'avait pas payé les sommes dues.

La société appelante sollicite qu'il lui soit accordé rétroactivement un délai de grâce pour le règlement de sa dette locative.

Cette demande ne peut qu'être rejetée.

En effet, au jour d'acquisition de la clause résolutoire, la société appelante restait débitrice de la somme de 4 788,03 euros sur celle de 10 929,69 euros visée par la clause résolutoire.

De plus, cette dette de 4 788,03 euros n'a été acquittée que le 3 mars 2023, en même temps que le règlement des loyers de février et mars 2023.

Ainsi, postérieurement à l'expiration du délai d'un mois suivant la délivrance du commandement de payer, l'appelante a apuré la totalité de sa dette y visée, de sorte que la demande d'un délai de grâce est sans objet.

En outre, la société KARUK ALU a connu de nouveaux impayés puisqu'elle est débitrice de la somme de 5 919,60 euros à l'égard de la société intimée sur les loyers et charges d'octobre et novembre 2023 selon décompte certifié conforme du 3 novembre 2023.

Cette dette traduit le défaut de bonne foi de la société appelante. Sa demande de suspension des effets de la clause résolutoire avec effet rétroactif ne pourra qu'être rejetée.

Au regard de cet ensemble d'éléments, il convient de retenir que la clause résolutoire a été acquise le 15 janvier 2023.

La décision entreprise sera donc confirmée en ce qu'elle a constaté la résiliation du bail commercial conclu entre la SCI Trinidad et la société Karuk Alu par acquisition de la clause résolutoire au 15 janvier 2023, en raison du défaut de paiement des loyers et charges.

En conséquence, l'ordonnance sera également confirmée en ce qu'elle a :

- ordonné l'expulsion de la société Karuk Alu et de tous occupants de son chef du local sis [Adresse 1], sur une parcelle cadastrée section AM n° [Cadastre 2], lieudit [Localité 5] d'une surface de 00ha 31a 29 ca, avec au besoin le concours de la force publique, sous astreinte de 80 euros par jour de retard à compter de la signification de l'ordonnance ;

- condamné la société Karuk Alu à payer à la SCI Trinidad la somme provisionnelle de 145,96 euros par jour à titre d'indemnité d'occupation à compter du 15 décembre 2022, jusqu'à complète libération des lieux et remise des clés ;

- condamné la société Karuk Alu à payer à la SCI Trinidad une provision de 1 070,78 euros à valoir sur la créance au titre de la clause pénale ;

- dit que les sommes dues produiraient intérêts au taux légal majoré de 5 points, conformément à la clause du bail intitulée « retard de paiement » ;

- donné acte à la SCI Trinidad qu'elle conserverait le montant du dépôt de garantie, soit la somme de 5 200 euros

Par ailleurs, la société Karuk Alu ayant payer à la SCI Trinidad une provision de 4788,03 euros à valoir sur la créance de loyers et charges impayés au 30 janvier 2023, le jugement sera infirmé de ce chef.

Par contre la société Karuk Alu sera condamnée à payer à la société intimée une provision de 5 919,60 euros à valoir sur les loyers et charges d'octobre et de novembre 2023.

Sur les dépens et frais irrépétibles

La société Karuk Alu qui succombe dans ses prétentions, sera condamnée aux entiers dépens de l'instance d'appel. L'ordonnance entreprise sera par ailleurs confirmée en ce qu'elle l'a condamnée aux entiers dépens de première instance.

En outre, l'équité commande à la fois de confirmer la même ordonnance en ce qu'elle l'a condamnée au titre des frais irrépétibles de première instance à hauteur de la somme de 2 000 euros, et de la condamner à payer à la société Trinidad la somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel. Conséquemment, la société Karuk Alu sera déboutée de sa propre demande au titre des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déclare recevable l'appel de la SARL Karuk Alu,

Déclare recevables les conclusions notifiées par la SCI Trinidad le 6 novembre 2023,

Déboute la société Karuk Alu de sa demande en annulation de l'ordonnance querellée,

Confirme ladite ordonnance en toutes ses dispositions déférées, sauf en ce qu'elle a condamné la SARL Karuk Alu à payer à la SCI Trinidad une provision de 4 788,03 euros à valoir sur la créance de loyers et charges impayés au 30 janvier 2023

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la SARL Karuk Alu à payer à la SCI Trinidad une provision de 5 919,60 euros à valoir sur les loyers et charges d'octobre et de novembre 2023,

Rejette la demande d'un délai de grâce formée par la SARL Karuk Alu,

Condamne la SARL Karuk Alu à payer à la SCI Trinidad la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de code de procédure civile en réparation des frais irrépétibles d'appel,

Condamne la SARL Karuk Alu aux entiers dépens de l'instance d'appel,

Rejette la demande de la SARL Karuk Alu au titre des frais irrépétibles.

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