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Décisions

CA Basse-Terre, 2e ch., 27 décembre 2024, n° 23/00563

BASSE-TERRE

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Robail

Conseillers :

Mme Cledat, Mme Bryl

Avocats :

Me Poribal-Gatibelza, Me Bille

TJ Pointe-à-Pitre, du 2 mars 2023, n° 22…

2 mars 2023

FAITS ET PROCEDURE

M. [X] [S] dit [L] est propriétaire d'une parcelle de terre sise au [Localité 5] et cadastrée sous le n° [Cadastre 2] de la section BS, lieudit [Localité 4], pour une contenance de 3183 m2, ainsi que de la parcelle limitrophe cadastrée au même lieudit sous le n° [Cadastre 3] de la section BS ;

Il prétend avoir loué à M. [Y] [N], preneur, suivant bail verbal de 1989, un hangar édifié sur la parcelle BS [Cadastre 2], moyennant un loyer mensuel de 200 euros, et ce pour ce dernier y exploiter son activité de garagiste ;

Par ordonnance en date du 23 février 2018, ayant donné lieu à décision rectificative du 28 décembre 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance de POINTE-A-PITRE :

- a débouté [X] [F] [S] de ses demandes d'expulsion, d'indemnité provisionnelle d'occupation et d'indemnité provisionnelle pour occupation illégale de la parcelle BS [Cadastre 2],

- a constaté que [Y] [N] était occupant sans droit ni titre de la parcelle cadastrée BS [Cadastre 3],

- a ordonné l'expulsion de [Y] [N] de cette parcelle, ainsi que celle de tous occupants de son chef,

- a ordonné la libération de la parcelle cadastrée BS [Cadastre 3] des épaves, véhicules et autres carcasses, objets métalliques et autres encombrants, aux frais de [Y] [N], dans le délai d'un mois à compter de la signification de cette ordonnance ce, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à l'issue de ce délai,

- a condamné [Y] [N] à payer à [X] [F] [S] une indemnité provisionnelle d'occupation mensuelle à hauteur de 500 euros, ce à compter du 11 juillet 2017 et jusqu'à libération totale de la parcelle BS [Cadastre 3],

- a condamné [Y] [N] à payer à [X] [F] [S] la somme provisionnelle de 5 000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice,

- a débouté les parties de leurs prétentions plus amples ou contraires,

- a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- et a dit que chacune des parties prendrait à sa charge ses propres dépens. Par arrêt du 26 octobre 2020, sur appel de ladite ordonnance interjeté par M. [N], la cour d'appel de ce siège :

- a infirmé cette ordonnance en ce qu'elle a :

** débouté [X] [F] [S] de ses demandes d'expulsion, d'indemnité provisionnelle d'occupation et d'indemnité provisionnelle pour occupation illégale de la parcelle BS [Cadastre 2],

** constaté que [Y] [N] était occupant sans droit ni titre de la parcelle cadastrée BS [Cadastre 3],

** ordonné son expulsion de la parcelle cadastrée BS [Cadastre 3] et celle de tous occupants de son chef, dans le délai d'un mois à compter de la signification de la présente ordonnance ce, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à l'issue de ce délai,

** condamné [Y] [N] à payer à [X] [F] [S] une indemnité provisionnelle d'occupation mensuelle à hauteur de 500 euros, ce à compter du 11 juillet 2017 et jusqu'à libération totale de la parcelle BS [Cadastre 3],

** dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

** dit que chacune des parties prendra à sa charge ses propres dépens,

- l'a confirmé pour le surplus,

Sur les dispositions infirmées, statuant à nouveau et y ajoutant,

- a constaté l'existence d'un trouble manifestement illicite sur les parcelles BS [Cadastre 2] et BS [Cadastre 3] issue de la parcelle BS [Cadastre 1] propriété d'[X] [S] et causé par [Y] [N],

- a donné injonction à [Y] [N], à ses frais, de remettre à état le fonds, en en retirant les épaves, véhicules et autres carcasses, objets métalliques et autres encombrants, dans le délai d'un mois à compter de la signification de la présente ordonnance ce, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à l'issue de ce délai et pour une durée de six mois,

- a débouté [X] [S] de ses prétentions à expulsion et en paiement d'une indemnité provisionnelle d'occupation mensuelle,

- a condamné [Y] [N] à payer à [X] [S] une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel ;

***

Par acte de commissaire de justice du 19 août 2022, M. [S] a fait signifier à M. [N] un commandement de payer les loyers prétendument échus et impayés entre août 2018 et juillet 2022, en exécution d'un bail portant sur la parcelle cadastrée sous le n° [Cadastre 2] de la section BS, et ce pour un total de 12 000 euros, ce commandement mentionnant expressément, en entête, qu'il vise 'la clause résolutoire de plein droit (article L.145-41 du code de commerce)'; cet acte a été remis à la personne de M. [N] ;

Estimant que le bail avait pris fin le 19 septembre 2022 en suite du non-paiement des causes de ce commandement dans le mois de sa délivrance, M. [S], par acte de commissaire de justice du 3 octobre 2022, a fait appeler M. [N] devant le tribunal judiciaire de POINTE-A-PITRE à l'effet de voir, avec exécution provisoire :

- constater l'acquisition de la clause résolutoire au 19 septembre 2022 pour les locaux loués par M. [X] [S] à M. [Y] [N] situés à [Adresse 7],

- prononcer en conséquence la résiliation du bail à compter du 19 septembre 2022,

- ordonner l'expusion de M. [N] et celle de tous occupants de son chef des locaux sus-décrits, à peine d'astreinte,

- condamner M. [N] à payer à M. [S] les sommes suivantes :

** 12 400 euros au titre des loyers impayés,

** 100 euros par jour à titre d'indemnité d'occupation du 19 septembre 2022 jusqu'à justification de la libération totale des lieux et remise des clés,

** 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens en ce compris le coût du commandement du 19 août 2022 ;

M. [N] n'a pas comparu et, par jugement réputé contradictoire du 2 mars 2023, le tribunal a débouté M. [S] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux entiers dépens, le déboutant par suite de sa demande au titre des frais irrépétibles;

Par déclaration remise au greffe par voie électronique (RPVA) le 7 juin 2023, M. [X] [S] a relevé appel de ce jugement, y intimant M. [Y] [N] et y critiquant expressément chacune de ses dispositions ;

Cet appel a été orienté à la mise en état ;

En exécution d'un avis du greffe adressé au conseil de l'appelant par RPVA le 12 septembre 2023, M. [S] a fait signifier sa déclaration d'appel à M. [N] suivant acte de commissaire de justice du 15 septembre 2023 ;

M. [N] a constitué avocat par acte remis au greffe et notifié à l'appelant par voie électronique le 12 octobre 2023 ;

M. [S] a conclu au fond à deux reprises, par actes remis au greffe, par RPVA, respectivement les 1er septembre 2023 et 26 février 2024 ; les premières ont été signifiées à M. [N], non encore constitué, par acte de commissaire de justice du 15 septembre 2023, tandis que les secondes ont été notifiées au conseil de l'intimé par voie électronique le 26 février 2024 ;

M. [N] a remis au greffe ses conclusions d'intimé au fond et les a notifiées à l'avocat adverse les 15 novembre 2023 et 17 novembre 2023 ; seules ces dernières seront donc tenues pour ses dernières écritures ;

Par ordonnance du 22 avril 2024, le conseiller de la mise en état a clôturé l'instruction de l'affaire et renvoyé cause et parties à l'audience du conseiller rapporteur du 23 septembre 2024 ;

A l'issue de cette audience, l'affaire a été mise en délibéré au 5 décembre 2024, par mise à disposition au greffe ; elles ont ensuite été avisées de la prorogation de ce délibéré à ce jour en raison de la surcharge des magistrats ;

En l'absence de remise du dossier de pièces de l'intimé par son conseil avant cette audience et le jour même de cette audience, un avis lui a été adressé, par voie électronique, le 23 septembre 2024, pour lui demander de le déposer avant le 26 septembre 2024 ; aucun dossier n'a cependant été remis à la juridiction à ce jour ;

EXPOSE DES PRETENTIONS DES PARTIES

1°/ Par ses dernières conclusions, remises au greffe le 26 février 2024, M. [S], appelant principal, conclut aux fins de voir :

- déclarer son appel recevable,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de l'ensemble de ses demandes, condamné aux dépens et débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles,

Statuant à nouveau,

A TITRE PRINCIPAL

- constater l'acquisition de la clause résolutoire au 19 septembre 2022 pour les locaux loués par M. [X] [S] à M. [Y] [N] situés à [Adresse 7],

- prononcer en conséquence la résiliation du bail à compter du 19 septembre 2022,

- ordonner l'expulsion de M. [N] et celle de tous occupants de son chef des locaux en cause, dans le mois de la décision à intervenir, au besoin avec le concours de la force publique et sous astreinte de 300 euros par jour de retard,

- condamner M. [N] à payer à M. [S] les sommes suivantes :

** 16 000 euros au titre des loyers impayés et indemnités d'occupation pour les mois d'août 2018 à février 2024 inclus,

** 200 euros par jour à titre d'indemnité d'occupation jusqu'à justification de la libération totale des lieux et la remise des clés,

A TITRE SUBSIDIAIRE

- juger que M. [S] et M. [N] sont liés par un bail à usage et que ce dernier a bénéficié d'un délai raisonnable et suffisant pour quitter les locaux et le terrain,

- ordonner à M. [N] de restituer à M. [S] son terrain d'une superficie de 800 m2 et le garage y édifié situés en la commune du [Localité 5], lieudit [Localité 6] sur la parcelle BS [Cadastre 2], dans un délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

- ordonner l'expulsion de M. [N] et de tous occupants de son chef dudit terrain, dans le mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, au besoin avec le concours de la force publique et sous astreinte de 300 euros par jour de retard,

EN TOUT ETAT DE CAUSE

- condamner M. [Y] [N] à lui payer la somme de 5 000 eruos au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, en ce compris les frais du commandement de payer du 19 août 2022 d'un montant de 204,60 euros, sous distraction ;

Au soutien de ces fins, M. [S] fait valoir notamment :

- que les parties sont liées par un bail commercial verbal relativement au hangar et au terrain de 800 m2 situés sur la parcelle BS [Cadastre 2] qui en sont l'objet, bail pour lequel M. [N], preneur, est inscrit au répertoire SIRENE depuis le 1er décembre 2002 pour l'exercice d'une activité d'entretien et réparation de véhicules légers,

- que cette location n'a pas été convenue à titre gratuit dans la mesure où, à ses débuts, les loyers de 200 euros par mois étaient payés, ceci résultant des souches de son carnet de reçus datant de 2010 et 2011 qui sont versées aux débats,

- qu'en ses conclusions d'intimé devant la cour, page 2, M. [N] avoue l'existence, depuis 1989, de ce bail commercial portant sur un terrain avec un hangar, pour un loyer de 200 euros par mois,

- qu'il en avait également fait l'aveu devant le juge des référés en 2017,

- que M. [S], bailleur, est handicapé moteur à la suite d'une longue maladie et est immobilisé dans une chaise roulante depuis février 2014, ce dont M. [N] a profité pour ne plus respecter ses engagements envers lui depuis 2013, et, plus encore, pour transformer sa propriété en véritable dépôt et démantèlement d'épaves mises au rebut,

- que M. [N] n'a toujours pas respecté la décision de condamnation prononcée contre lui au titre de l'enlèvement de ces épaves de son terrain,

- que la créance de M. [S] au titre des loyers impayés n'est pas sérieusement contestable au regard des pièces qu'il verse aux débats pour en justifier,

- que M. [N] ne s'est pas manifesté depuis qu'il s'est vu signifier le commandement de payer du 19 août 2022, si bien que le bail a pris fin le 19 septembre suivant,

- qu'en cas de manquement du locataire au paiement de son loyer malgré commandement de payer, le bail commercial est résilié de plein droit par le seul effet de la clause résolutoire et l'intervention du juge se cantonne à le constater,

- et que l'amalgame entretenu par M. [N], en ses écritures d'intimé, entre les parcelles BS [Cadastre 2] et BS [Cadastre 3] est vain et sans fondement, à telle enseigne que l'engagement de location qui a été retenu par la cour d'appel en son arrêt de 2020 avait bien trait à la seule parcelle BS [Cadastre 2] ;

Pour plus ample exposé des moyens proposés par l'appelante au soutien de ces fins, il est expressément référé à ces écritures ;

2°/ Par ses conclusions remises au greffe le 17 novembre 2023, M. [N] conclut quant à lui aux fins de voir :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [S] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens de l'instance,

- constater :

** que le hangar loué par M. [S] depuis 1989 et le terrain y afférent d'une superficie de 800 m2, se situent sur la parcelle BS [Cadastre 2] séparée de la parcelle BS [Cadastre 3] par un chemin d'accès,

** et que 'le garage exploité à titre individuel par M. [N] n'est pas implanté sur la parcelle BS [Cadastre 3] qui n'est pas concernée par le bail, lequel relève de la parcelle B [Cadastre 1], laquelle a été divisée en deux parcelles, BS [Cadastre 3] et BS [Cadastre 2]",

- 'dire et juger de l'impossibilité de toute poursuite ou d'exécution concernant la libération de la parcelle BS [Cadastre 3]", 'monsieur [N] louant un terrain avec un hangar sans précision de la parcelle concernée',

- dire et juger l'absence de preuve de l'occupation par M. [N] de la parcelle BS [Cadastre 3] et de tout préjudice y afférent,

- dire et juger que M. [N] 'ne saurait privé de l'exploitation de son garage et de son outil de travail, les véhicules en réparation étant de la propriété de ses clients',

- condamner M. [S] 'au paiement de la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice causé par les poursuites à l'encontre du requérant',

- dire et juger qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [N] les frais irrépétibles qu'il a été contraint d'exposer en justice et pour la présente procédure,

- condamner M. [S] au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;

Au soutien de ces fins, M. [N] expose en substance :

- qu'en sa qualité d'artisan mécanicien inscrit à la chambre des métiers, il loue depuis 1989 à M. [S] un terrain avec un hangar en vue de l'exercice de son activité d'entretien, réparation, dépannage des véhicules automobiles et vente de pièces détachées, et ce moyennant un loyer de 200 euros par mois,

- que M. [S] a confirmé par courrier du 3 octobre 1996, légalisé à la mairie du [Localité 5] le 10 décembre 1999, la location avec promesse de vente du terrain sur lequel M. [N] avait implanté son garage sur une superficie de 40 x 20 mètres depuis mai 1989,

- que les juridictions jusqu'ici saisies ont bien relevé que le litige portait sur la désignation de la chose louée et que c'était bien un hangar qui était loué avec un terrain de 800 m2,

- qu'il a même été constaté que M. [S] ne faisait pas la preuve de l'interdiction qu'il aurait faite à M. [N] de stocker des véhicules à l'extérieur du local, 'le déboutant de sa demande d'expulsion',

- que dans ces conditions, il est impossible de faire droit à la demande de M.[S] concernant la libération de la parcelle BS [Cadastre 3],

- que le plan de division de sa propriété, originairement cadastrée BS [Cadastre 1], que M. [S] avait fini par produire dans les précédentes procédures, dressé le 7 juillet 2011, soit 33 ans après le début de la location, ne délimite pas la surface de 800 m2 donnée en location,

- que le hangar est sur la parcelle BS [Cadastre 2] de 3 183 m2, séparée de la parcelle BS [Cadastre 3] d'une superficie de 1 000 m2 par un chemin d'accès, parcelle dont l'occupation par M. [N] n'est pas prouvée,

- que la cour devra confirmer le jugement entrepris 'en l'absence de toute existence d'un bail commercial, moyennant le paiement d'un loyer mensuel d'un montant de 200 euros, concernant le hangar',

- et que 'M. [N] a subi un préjudice tant matériel que moral par l'acharnement de son bailleur qui n'a de cesse que de le voir partir', alors même qu'il 'n'a pas tenu ses engagements tant dans la promesse de vente du local et du terrain de 800 m2, ni établi de bail conforme en la désignation des lieux loués' ;

Pour l'exposé plus ample des moyens proposés par l'intimé au soutien de ces fins, il est expressément référé à ses écritures ;

SUR CE

I- Sur la recevabilité de l'appel

Attendu qu'aux termes des articles 528 et 538 du code de procédure civile, le délai de recours par une voie ordinaire en matière contentieuse est d'un mois à compter de la notification du jugement ;

Attendu que M. [S] a relevé appel le 7 juin 2023 d'un jugement rendu le 2 mars 2023, mais dont il n'est ni prétendu ni justifié qu'il lui ait été préalablement signifié ; que son appel sera donc jugé recevable ;

II- Sur la demande de M. [S] tendant à voir 'constater l'acquisition de la clause résolutoire au 19 septembre 2022"

Attendu que M. [S] affirme lui-même en tête de ses conclusions d'appel (page 2, deuxième paragraphe encadré), que le bail commercial qui le lie à M. [N], preneur, est un bail verbal, ce que ce dernier confirme ; que, dès lors, aucune clause résolutoire de plein droit en cas de non paiement des loyers ne peut avoir été écrite et ne peut par suite exister, sauf à démontrer qu'elle aurait été convenue verbalement, ce que ne fait pas l'appelant ; qu'en conséquence, le commandement de payer délivré à M. [N] le 19 août 2022, en ce que M. [S] y dit se prévaloir des dispositions de l'article L145-41 du code de commerce aux termes desquelles 'toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux', est dépourvu de portée quant à la résiliation de plein droit du bail verbal litigieux ; qu'il échet par suite de débouter M. [S] de sa demande tendant au constat de l'acquisition de la clause résolutoire au 19 septembre 2022 ;

III- Sur les demandes de M. [S] tendant à voir prononcer la résiliation du bail à compter du 19 septembre 2022, ordonner l'expulsion de M. [N] et de tous occupants de son chef et condamner M. [N] au paiement des loyers impayés et d'une indemnité d'occupation mensuelle

Attendu que la demande tendant à voir prononcer la résiliation du bail est présentée à titre principal juste après celle au titre de sa seule constatation, et non pas à titre subsidiaire en cas de rejet de cette dernière ; qu'elle est cependant présentée hors tout lien de subséquence avec la demande au titre de l'acquisition d'une clause de résiliation de plein droit qui n'existe pas, si bien que la cour estime qu'elle en est saisie de façon autonome et doit y répondre distinctement ;

Attendu qu'il échet de constater que le hangar et la partie de terrain dont M. [S] demande expressément, en ses dernières conclusions d'appelant, l'expulsion de M. [N], relèvent d'une parcelle cadastrée au [Localité 5] sous le n° [Cadastre 2] de la section BS, et non point de la parcelle mitoyenne BS [Cadastre 3] ; qu'en effet, si, au dispositif de ces écritures, il n'est demandé, à titre principal, que l'expulsion 'des locaux en cause situés à [Adresse 7]', sans autre précision quant au numéro cadastral de la parcelle en cause, d'une part, en page 2 des mêmes écritures, M. [S] décrit expressément le hangar loué comme édifié sur la parcelle BS [Cadastre 2] et, d'autre part, sa demande subsidiaire figurant au dispositif desdites conclusions, page 20, et tendant à voir ordonner la restitution par M. [N] du terrain et du hangar, vise précisément un terrain de 800 m2 et un 'garage' situés dans la parcelle BS [Cadastre 2] et non point BS [Cadastre 3];

Attendu que si, en l'absence de comparution de M. [N], le premier juge a estimé que la preuve du bail commercial verbal invoqué par M. [S] n'était pas suffisamment rapportée, non plus que celle du prix du loyer allégué pour 200 euros par mois, M. [N] a constitué avocat devant cette cour, cette fois, et a même remis et notifié des conclusions dans lesquelles, aux tout premiers paragraphes du chapitre I ('RAPPEL DES FAITS'), il reconnaît et prétend expressément :

- qu'en sa qualité d'artisan mécanicien inscrit à la chambre des métiers, il 'loue depuis 1989 à M. [X] [S] un terrain avec un hangar en vue de l'exercice de son activité professionnelle (...)',

- que 'le bail verbal lie les parties depuis 1989 moyennant un loyer de 200 euros par mois',

- et que 'le garage n'est pas implanté sur la parcelle BS [Cadastre 3] qui n'est pas concernée par le bail verbal, lequel relève de la parcelle B [Cadastre 1], laquelle a été divisée en deux parcelles, BS [Cadastre 3] et BS [Cadastre 2]" ;

Attendu qu'il résulte en logique de ces aveux, notamment le dernier, que le hangar et le terrain que reconnaît louer M. [N], sont bel et bien situés sur partie de la parcelle plus vaste cadastrée BS [Cadastre 2] ; qu'en effet, dès lors qu'il expose que le bail verbal litigieux relève de la parcelle anciennement B559, que celle-ci a été divisée en deux parcelles nouvellement cadastrées BS [Cadastre 2] et BS [Cadastre 3], mais que le hangar et le terrain loués ne sont pas sur cette dernière (BS [Cadastre 3]), ils sont nécessairement situés sur le terrain BS [Cadastre 2] ;

Attendu qu'il ressort ainsi de la confrontation des écritures respectives des parties sur ce point qu'elles s'accordent sur le fait que le bail verbal en cause porte bel et bien sur un hangar et un terrain situés sur la parcelle BS [Cadastre 2], laquelle est précisément celle qui est l'objet des demandes de résiliation et d'expulsion de M. [S] à l'encontre de M. [N] ;

Attendu que si M. [N] excipe en second lieu (troisième paragraphe de son rappel des faits), juste après avoir reconnu expressément l'existence d'un bail verbal depuis 1989 moyennant un loyer de 200 euros par mois, d'une 'location avec promesse de vente', et s'il prétend en faire la preuve au moyen de la production, en pièce 5, d'un 'courrier de Monsieur [X] [S] du 3 octobre 1996 certifié conforme par la mairie du [Localité 5] le 10 décembre 1999", force est de constater que cette pièce n'est finalement pas versée aux débats, le conseil de M. [N], nonobstant rappel exprès de la cour par un message électronique qu'il a reçu le 26 septembre 2024, n'ayant jamais remis son dossier de pièces à la cour ; qu'il y a donc lieu d'en rester à son aveu d'un bail verbal de 1989 et de constater que la preuve n'est pas faite de la novation de ce bail commercial verbal en contrat de location avec promesse de vente ;

Attendu que, en droit, il appartient à M. [N], débiteur des loyers convenus pour 200 euros par mois, de faire la preuve de leur paiement dès lors que le bailleur prétend qu'ils sont restés impayés à hauteur de 12 000 euros pour la période allant du 1er août 2018 au 31 juillet 2022, telle que visée au commandement de payer du 19 août 2022, et à hauteur d'un total porté à 16 000 euros au titre des loyers échus à fin février 2024;

Attendu que la cour observe à cet égard qu'à aucun moment de ses conclusions M. [N] n'évoque cette prétendue dette de loyers, ni pour la contester ni pour la reconnaître ; qu'il se borne en effet, s'agissant de ces loyers, à reconnaitre expressément, au second paragraphe de son exposé du rappel des faits, que 'le bail verbal lie les parties depuis 1989 moyennant un loyer de 200 euros par mois', sans s'exprimer ensuite sur la dette qui lui est imputée à cet égard et sans, partant, proposer la moindre preuve d'un quelconque paiement libératoire ; qu'il échet en conséquence d'infirmer le jugement déféré de ce chef et, statuant à nouveau, de condamner M. [N] à payer à M. [S] la somme de 16 000 euros au titre des loyers échus et impayés à février 2024 ;

Attendu que, même en l'absence de clause résolutoire convenue entre les parties, le paiement du loyer est un élément essentiel des obligations du preneur, dont le non respect est une faute pouvant, sauf circonstances exceptionnelles, fonder une demande en résiliation du bail ; qu'il résulte en effet de l'article 1728 du code civil que le preneur est tenu de eux obligations principales, dont celle de payer le prix du bail aux termes convenus ;

Attendu qu'il est manifeste que pour n'avoir pas payé le loyer convenu avec M. [S] d'août 2018 à février 2024, nonobstant notamment un commandement d'avoir à ce faire du 19 août 2022, soit pendant 67 mois consécutifs, M. [N] a commis une faute contractuelle particulièrement grave qui impose, sur infirmation du jugement déféré de ce chef, de prononcer à ses torts la résiliation du bail portant sur les biens situés sur la parcelle BS [Cadastre 2] ; qu'il lui sera donc ordonné de libérer les lieux de sa personne, de ses biens et des personnes et biens de tous occupants de son chef dans le mois suivant signification du présent arrêt, à peine d'expulsion passé ce délai, avec, au besoin, le concours de la force publique ;

Attendu que, conformément à la demande de M. [S] à cet égard, M. [N] se verra imposer le paiement d'une indemnité d'occupation de 200 euros par mois à compter du présent arrêt qui vaut résiliation et jusqu'à libération effective des lieux anciennement loués ;

Attendu que, compte tenu de la modestie de cette indemnité d'occupation, il importe de faire droit, fût-ce partiellement, à la demande de M. [S] et d'assortir l'obligation pour M. [N] de libérer les lieux d'une astreinte de 10 euros par jour de retard passé le délai qui lui a été donné ci-avant pour ce faire ;

Attendu que M. [N] sera subséquemment débouté de toutes ses demandes tendant à la pérennisation du bail en cours sur la parcelle BS [Cadastre 2] ;

IV- Sur la demande reconventionnelle de M. [N] en dommages et intérêts

Attendu que M. [N] fonde sa demande de dommages et intérêts sur le 'préjudice tant matériel que moral (qu'il a subi) par l'acharnement de son bailleur, qui n'a de cesse que de le voir partir', alors même qu'il a été jugé ci-avant que les demandes de M. [S] au titre des loyers impayés et de la résiliation du bail étaient parfaitement fondées en fait et en droit ; qu'aucune faute n'est donc établie à l'encontre de ce dernier, si bien que M. [N] sera débouté purement et simplement de sa demande de ce chef ;

V- Sur les dépens et les frais irrépétibles

Attendu que, succombant in fine en ses défenses et demandes reconventionnelles, M. [N] devra supporter tous les entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris le coût du commandement de payer du 19 août 2022 (204,60 euros), si bien que le jugement déféré sera infirmé en ce que le tribunal a condamné M. [S] aux premiers de ces dépens ;

Attendu qu'en équité, M. [N] devra indemniser M. [S] de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel à hauteur de la somme globale de 4 000 euros ; et que, dès lors, le susdit jugement sera infirmé du chef, cette fois, du rejet de la demande de M. [S] au titre de ses frais irrépétibles de première instance ;

Attendu que M. [N] sera débouté corrélativement de ses demandes au titre des dépens et frais irrépétibles d'appel ;

PAR CES MOTIFS

La cour,

- Dit recevable M. [X] [S] en son appel à l'encontre du jugement du tribunal judiciaire de POINTE-A-PITRE en date du 2 mars 2023,

- Infirme ce jugement en toutes ses dispositions déférées,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

- Prononce, aux torts du preneur, M. [Y] [N], la résiliation du bail commercial verbal liant les parties depuis 1989 relativement à un hangar et une parcelle de terrain de 800 m2 situés sur une plus grande parcelle cadastrée, dans la commune du [Localité 5], sous le n° [Cadastre 2] de la section BS,

- Ordonne à M. [Y] [N] de libérer ce hangar et cette parcelle de sa personne, de ses biens et des personnes et biens de tous occupants de son chef dans le mois suivant signification du présent arrêt, à peine d'une astreinte provisoire de 10 euros par jours de retard passé ce délai,

- Dit qu'à défaut de ce faire, M. [Y] [N] et tous occupants de son chef pourront être expulsés de ces biens (hangar et parcelle de 800 m2) avec le concours, si besoin, de la force publique,

- Fixe l'indemnité d'occupation due par M. [Y] [N] à M. [X] [S] à compter du présent arrêt et jusqu'à libération effective des lieux anciennement loués, à la somme de 200 euros par mois et l'y condamne,

- Condamne M. [Y] [N] à payer à M. [X] [S] la somme de 16 000 euros au titre des loyers échus et impayés au 29 février 2024,

- Déboute M. [Y] [N] de toutes ses demandes, notamment celles au titre des dommages et intérêts et frais irrépétibles,

- Condamne M. [Y] [N] à payer à M. [X] [S] la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens de ces mêmes instances, en ce compris le coût du commandement de payer du 19 août 2022 (204,60 euros).

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