Cass. com., 26 mars 2013, n° 12-21.630
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Rapporteur :
M. Rémery
Avocat général :
M. Le Mesle
Avocats :
SCP Monod et Colin, SCP de Nervo et Poupet, Me Bouthors, SCP Boré et Salve de Bruneton
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Bureau Veritas international que sur le pourvoi incident relevé par la société Chantier naval Pierre Gléhen et fils ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Compagnie maritime des Iles du Nord (société Comarin) a confié à la société Chantier naval Pierre Gléhen et fils (société Gléhen) la construction du navire « Saint Barth ferry » puis a cédé, en cours de chantier, à la copropriété de navire Saint Barth ferry, dont elle a pris la gérance, ses droits à la construction ainsi qu'à l'exploitation du navire ; que les plans en ont été conçus par la société d'architectes navals BGV innovation, aujourd'hui en liquidation judiciaire, la société Coprema établissant le dossier de stabilité hydrostatique avec l'approbation de la société Bureau Veritas international (bureau Veritas) qui a délivré le certificat de franc-bord, tandis que la Société bretonne de construction navale (SBCN), assurée par la société Generali IARD, fournissait l'appareil propulsif ; qu'en raison d'incidents survenus après la recette du navire, lors de son acheminement sur son lieu d'exploitation, la société Comarin a saisi la chambre arbitrale maritime de Paris, institution d'arbitrage désignée par une clause compromissoire insérée au contrat de construction ; que, par un arrêt du 24 janvier 2002, la sentence arbitrale avant dire droit désignant un expert a été annulée, un arrêt du 6 mars 2003 refusant ensuite d'évoquer le fond du litige ; que la société Comarin, après avoir de nouveau saisi le tribunal arbitral, a demandé à un tribunal de commerce la réparation de son préjudice personnel à l'encontre de tous les intervenants ; que l'arrêt attaqué a retenu la compétence de cette juridiction pour l'ensemble du litige ;
Sur la recevabilité du pourvoi principal, contestée par les société Comarin et SBCN :
Attendu que ces sociétés contestent, par application des dispositions des articles 607 et 608 du code de procédure civile, la recevabilité de ce pourvoi immédiat, au motif que l'arrêt, après avoir retenu la compétence du tribunal de commerce pour l'ensemble du litige et décidé d'évoquer, s'est borné à rouvrir les débats pour permettre aux parties de conclure sur le fond, ne mettant pas ainsi fin à l'instance ;
Mais attendu que le pourvoi est immédiatement recevable en cas d'excès de pouvoir ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches, de ce pourvoi :
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble les articles 5 et 42 II du décret du 30 août 1984 relatif à la sauvegarde de la vie humaine en mer ;
Attendu que, pour dire le tribunal de commerce compétent dans les rapports de la société Comarin et du bureau Veritas, l'arrêt retient que celui-ci avait pour rôle de délivrer, non seulement, le certificat de franc-bord, mais aussi l'attestation de visite de construction du navire et qu'il devait, en outre, viser les plans de structure de la coque et approuver le dossier de stabilité hydrostatique et en déduit que ces prestations d'assistance technique hors classification relevaient d'une mission de caractère commercial consistant à vérifier la stabilité du navire ;
Attendu qu'en statuant ainsi, après avoir également relevé que les incidents lors de l'acheminement du navire étaient dus à un enfoncement anormal en raison d'un surpoids, alors qu'il résulte de l'ensemble des constatations effectuées que la responsabilité du bureau Veritas, société de classification habilitée, était mise en cause à l'occasion de l'établissement par elle du certificat de franc-bord, lequel constitue un titre de sécurité dont la délivrance, qui doit tenir compte de la structure et de la stabilité du navire, relève de l'exécution du service public administratif du contrôle des navires et ressortit ainsi à la compétence de la juridiction administrative, la cour d'appel, en ne tirant pas les conséquences légales de ses constatations, a excédé ses pouvoirs et violé les textes susvisés ;
Sur la recevabilité du pourvoi incident, contestée par la SBCN :
Attendu que cette société conteste la recevabilité de ce pourvoi immédiat au même motif que celui précédemment énoncé ;
Mais attendu que le pourvoi est immédiatement recevable en cas d'excès de pouvoir ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche, de ce pourvoi :
Vu les articles 1351 du code civil et 480, 1458 et 1485 du code de procédure civile, ces deux derniers textes dans leur rédaction antérieure à celle du décret du 13 janvier 2011 ;
Attendu que, pour dire le tribunal de commerce également compétent dans les rapports des sociétés Comarin et Gléhen, l'arrêt retient que la société Comarin ayant été révoquée de sa fonction de gérant de la copropriété Saint Barth Ferry, qualité en laquelle elle avait « essentiellement » saisi le tribunal arbitral, la clause compromissoire du contrat de construction navale ne s'appliquait plus à sa demande d'indemnisation d'un préjudice personnel ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte de l'arrêt du 24 janvier 2002 que la demande d'arbitrage avait été présentée par la société Comarin tant en son nom personnel qu'en sa qualité de gérant de la copropriété et de celui du 6 mars 2003 qu'à la demande de la société Comarin, qui n'avait plus, à ce moment, cette dernière qualité, la juridiction de l'État, après annulation de la sentence avant dire droit, avait refusé de se prononcer sur le fond, de sorte que la saisine des arbitres, devant lesquels les parties étaient ainsi renvoyées, portait nécessairement sur la partie du litige concernant l'indemnisation du préjudice personnel de la société Comarin, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé les textes susvisés ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a rejeté les demandes d'annulation du jugement déféré et de constatation de la péremption de l'instance, l'arrêt rendu le 9 mai 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.