CA Bordeaux, 1re ch. civ., 26 décembre 2024, n° 22/01920
BORDEAUX
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Axa France IARD (SA), Sateco (SAS)
Défendeur :
Uperio France (SAS), Allianz IARD (SA), CPAM de la Gironde (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Poirel
Conseillers :
Mme Lamarque, M. Breard
Avocats :
Me Aymard-Cezac, Me Laneelle, Me Journaud, Me Joly, Me de Boussac di Pace
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
M. [Y] [S], employé de la société Sobebo en qualité de chef chantier, est intervenu sur un chantier de construction d'un bassin de rétention à [Localité 10].
Le 13 octobre 2014, alors qu'il se trouvait en haut d'une banche, c'est à dire un panneau de coffrage utilisé pour la réalisation notamment des murs en béton armé, il a perdu l'équilibre et a essayé de se retenir à la barrière du garde-corps qui s'est rompue sous son poids et a entraîné sa chute.
M. [S] a été hospitalisé au CHU de [Localité 9] où il a été constaté une fracture du coude droit, une luxation de l'épaule droite ainsi qu'une fracture du processus transverse d'une vertèbre justifiant une ITT de deux mois.
Par la suite les arrêts de travail ont été prolongés jusqu'au 12 avril 2015, date de consolidation retenue par l'organisme de sécurité sociale avec un taux d'incapacité physique permanente de 33 %.
Une enquête pénale a été ouverte puis classée sans suite le 2 mars 2015.
Par ordonnance de référé du 31 mars 2016, le tribunal de commerce de Toulouse a désigné M. [O] [F] en qualité d'expert pour déterminer les causes de l'accident. L'expert a déposé son rapport définitif en janvier 2019.
Par acte du 1er juin 2018, M. [S] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Gironde aux fins de voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur.
Par jugement du 14 juin 2019, le pôle social du tribunal de grande instance de Bordeaux a ordonné le sursis à statuer dans l'attente de l'issue de l'instance.
En effet, par actes des 23 et 24 mai et 20 juin 2019, M. [S] a fait assigner la SARL Sateco en sa qualité de fabriquant de la banche, son assureur la SA Axa France IARD, la SAS Matebat en sa qualité de propriétaire et loueur de la banche à la société Sobebo, la SA Allianz IARD en sa qualité d'assureur de la société Matebat ainsi que, en qualité de tiers payeurs, la CPAM de la Gironde, devant le tribunal judiciaire de Bordeaux, aux fins, notamment, de voir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, dire les sociétés Sateco, Axa France IARD, Axa France et Allianz IARD tenues d'indemniser in solidum ou l'une à défaut de l'autre les préjudices subis par M. [S] et voir ordonner une expertise médico-légale judiciaire confiée à tel expert qu'il plaira et ayant mission habituelle en la matière.
Par jugement contradictoire du 9 mars 2022, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :
- déclaré les demandes de M. [S] contre la société Sateco recevables ;
- dit que la société Sateco est responsable du préjudice de M. [S] suite à l'accident du 13 octobre 2014 ;
- débouté M. [S] de ses demandes a l'encontre de la compagnie Axa France IARD et de son assureur la compagnie Allianz IARD ;
- ordonné une mesure d'expertise et désigne pour y procéder :
le docteur [N] [W]
[Adresse 3]
[Localité 9]
tél: [XXXXXXXX01]
- dit que l'expert répondra à la mission suivante :
- après avoir convoqué et entendu les parties, assistées, le cas échéant, de leurs conseils, et recueilli leurs observations à l'occasion de l'exécution des opérations ou de la tenue des réunions d'expertise, s'être fait remettre toutes pièces utiles à l'accomplissement de sa mission, procédé à l'examen médical de M. [Y] ;
1) indiquer son état antérieur à la survenance de l'événement à l'origine du litige ;
2) rappeler les soins, traitements, opérations et autres interventions à fins curatives, thérapeutiques, de restauration ou de rééducation nécessités par l`événement à l'origine du litige ;
3) décrire précisément l'état actuel, la date de consolidation et les conséquences qu'il comporte sur l'activité professionnelle et sur la vie personnelle, en mentionnant les atteintes à l'autonomie et la nécessité de l'intervention d'une tierce personne ;
4) indiquer l'évolution prévisible dans le temps de cet état, soit par suite d'aggravation, soit par suite d'amélioration, en précisant, dans ce dernier cas, les soins, traitements ou interventions auxquels l'intéressé devra se soumettre ;
5) préciser si et dans quelle mesure cet état actuel et les suites prévisibles sont en lien direct avec l'événement à l'origine du litige ;
6) évaluer les postes de préjudice qui résultent de l'état actuel constaté :
- indiquer s'il y a un Déficit Fonctionnel Temporaire ( DPT), le quantifier et proposer la date de consolidation des blessures ; à défaut, indiquer dans quel délai la victime devra être à nouveau examinée, en évaluant, si possible, l'importance prévisible des dommages ;
- indiquer la durée de l'incapacité temporaire de travail, totale ou partielle éventuellement liée au déficit fonctionnel temporaire ;
- Indiquer si, du fait des lésions imputables à l'accident, il existe une atteinte permanente (Déficit Fonctionnel Permanent DFP) d`une ou plusieurs fonctions physiques, psychosensorielles, intellectuelles à ventiler, en spécifiant les actes, gestes et mouvements rendus difficiles ou impossibles, à laquelle s'ajoute les phénomènes douloureux, les répercussions psychologiques, la souffrance morale et les troubles dans les conditions l'existence (personnelles, familiales et sociales) ;
- donner son avis sur le taux du déficit physiologique qui en résulte ;
- préciser l'incidence de cette atteinte sur l'activité professionnelle de la victime ou la gêne qu'elle entraîne dans l'exercice de son métier (Incidence Professionnelle IP - préjudice scolaire, universitaire ou de formation) ;
- dans l'hypothèse d'un état pathologique antérieur, mentionner si cet état était révélé et entraînait un déficit physiologique, s'il a été révélé par l'accident, s'il a été aggravé par lui, et donner son avis sur le taux global de déficit physiologique, compte tenu de l'état préexistant ;
- donner son avis sur l'importance des souffrances endurées ;
- indiquer s'il existe des atteintes esthétiques temporaires et permanentes et les spécifier et les quantifier ;
- dire s'il existe un préjudice d'agrément et le caractériser ;
- dire s'il existe un préjudice sexuel, ou un préjudice d'établissement ;
- dire, le cas échéant, si l'aide d'une tierce personne à domicile est nécessaire avant consolidation et après consolidation, s'il existe un besoin d'appareillage et si des soins postérieurs à la consolidation des blessures sont à prévoir ; dire s'il y aura des Dépenses de Santé Futures (DSF), Frais de Logement Adapté (FLA), Frais de Véhicule Adapté (FVA). Dans l'affirmative, donner des éléments permettant d'en chiffrer le coût ;
- dit que l'expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 264 et suivants du code de procédure civile et qu'en particulier, il pourra l'adjoindre, en cas de besoin, un sapiteur de son choix dans une spécialité autre que la sienne ;
- dit que l'expert devra déposer un pré-rapport, le soumettre aux parties a qui il impartira un délai pour présenter leurs dires et qu'il devra répondre aux dires reçus dans le délai imparti ;
- dit que l'expert déposera son rapport en double exemplaire au Greffe de ce tribunal dans un délai de six mois à compter de sa saisine et qu'il en fera parvenir une copie aux parties ou a leurs conseils ;
- désigné le juge chargé du contrôle des expertises pour suivre le déroulement de l'expertise ;
- dit que M. [S] consignera la somme de 1 200 euros au greffe du Tribunal dans le délai de deux mois à compter de la décision pour valoir provision sur les frais et honoraires de l'expert, faute de quoi la décision pourra être déclarée caduque ;
- condamné in solidum la société Sateco et la compagnie Axa France IARD à payer a M. [S] la somme provisionnelle de 10 000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice corporel ;
- condamné in solidum la société Sateco et la compagnie Axa France IARD à payer à la CPAM de la Gironde la somme provisionnelle de 45 500 euros à valoir sur son indemnisation définitive ;
- réservé les dépens ;
- condamné in solidum la société Sateco et la compagnie Axa France IARD à payer à M. [S] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné in solidum la société Sateco et la compagnie Axa France IARD à payer à la CPAM de la Gironde la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté la compagnie Axa France et la compagnie Allianz IARD de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ordonné l'exécution provisoire de la décision ;
- rejeté les autres demandes des parties ;
- renvoyé l'affaire à la mise en état électronique du 13 décembre 2022.
La compagnie Axa France IARD et la société Sateco ont relevé appel de ce jugement par déclaration du 15 avril 2022, en ce qu'il a :
- déclaré les demandes de M. [S] contre la société Sateco recevables ;
- dit que la société Sateco est responsable du préjudice de M. [S] suite à l'accident du 13 octobre 2014 ;
- débouté M. [S] de ses demandes à l'encontre de la compagnie Axa France et de son assureur, la compagnie Allianz IARD ;
- ordonné une mesure d'expertise et désigne pour y procéder le Dr [N] [W] avec les chefs de mission exposés dans le dispositif ;
- condamné in solidum la société Sateco et la compagnie Axa France IARD à payer à M. [S] la somme provisionnelle de 10 000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice corporel ;
- condamné in solidum la société Sateco et la compagnie Axa France IARD à payer à la CPAM de la Gironde la somme provisionnelle de 45 500 euros à valoir sur son indemnisation définitive ;
- réservé les dépens ;
- condamné in solidum la société Sateco et la compagnie Axa France IARD à payer à M. [S] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné in solidum la société Sateco et la compagnie Axa France IARD à payer à la CPAM de la Gironde la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions déposées le 14 novembre 2022, la compagnie Axa France IARD et la société Sateco demandent à la cour de :
- réformer le jugement en ce qu'il a :
- déclaré les demandes de M. [S] contre la société Sateco recevables ;
- dit que la société Sateco est responsable du préjudice de M. [S] suite à l'accident du 13 octobre 2014 ;
- débouté M. [S] de ses demandes à l'encontre de la compagnie Axa France et de son assureur, la compagnie Allianz IARD ;
- ordonné une mesure d'expertise et désigne pour y procéder le Dr [W] avec les chefs de mission exposés dans le dispositif ;
- condamné in solidum la société Sateco et la compagnie Axa France IARD à payer à M. [S] la somme provisionnelle de 10 000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice corporel ;
- condamné in solidum la société Sateco et la compagnie Axa France IARD à payer à la CPAM de la Gironde la somme provisionnelle de 45 500 euros à valoir sur son indemnisation définitive ;
- condamné in solidum la société Sateco et la compagnie Axa France IARD à payer à M. [S] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné in solidum la société Sateco et la compagnie Axa France IARD à payer à la CPAM de la Gironde la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Statuant à nouveau :
- débouter M. [S] de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de la société Sateco et de son assureur la compagnie Axa France IARD, en ce qu'elles s'avèrent prescrites ;
- le condamner à verser à la société Sateco et à la compagnie Axa France IARD la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens, dont distraction au profit de Me Eva Vieuville à valoir sur son offre de droit conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Au fond :
- juger que la responsabilité de la société Sateco est insuffisamment démontrée ;
- débouter l'ensemble des demandes formées à l'encontre de la société Sateco en ce qu'elles s'avèrent infondées car injustifiées ;
- mettre la société Sateco et son assureur, la compagnie Axa France IARD, hors de cause ;
- condamner M. [S] à verser à la société Sateco et à la compagnie Axa France IARD la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens, dont distraction au profit de Me Vieuville à valoir sur son offre de droit conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
À titre subsidiaire :
- limiter la mission d'expertise aux seuls postes de préjudices non couverts par application des dispositions du code de la sécurité sociale ;
- débouter M. [S] et la CPAM de leurs demandes provisionnelles en ce qu'elles s'avèrent injustifiées.
Par dernières conclusions déposées le 30 juillet 2024, M. [S] demande à la cour de :
- juger recevables mais mal fondées la société Sateco et la compagnie Axa France IARD en leur appel ;
- les débouter de l'ensemble de leurs demandes ;
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :
- déclaré les demandes de M. [S] contre la société Sateco recevables ;
- dit que la société Sateco est responsable du préjudice de M. [S] suite à l'accident du 13 octobre 2014 ;
- ordonné une mesure d'expertise et désigné pour y procéder le Dr [W] avec mission de droit commun ;
- condamné in solidum la société Sateco et la compagnie Axa France IARD à payer à M. [S] la somme provisionnelle de 10 000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice corporel ;
- condamné in solidum la société Sateco et la compagnie Axa France IARD à payer à la CPAM de la Gironde la somme provisionnelle de 45 500 euros à valoir sur son indemnisation définitive ;
- infirmer le jugement en ce qu'il a :
- débouté M. [S] de ses demandes à l'encontre de la compagnie Axa France et de son assureur, la compagnie Allianz IARD ;
- condamner la société Uperio France, venant aux droits de la compagnie Axa France, et la compagnie Allianz IARD in solidum avec la société Sateco et la compagnie Axa France IARD à indemniser les préjudices subis par M. [S] ;
- condamner in solidum la société Sateco, la compagnie Axa France IARD, la société Uperio France, venant aux droits de la compagnie Axa France, et la compagnie Allianz IARD ou les uns à défaut des autres au paiement d'une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
- condamner les mêmes et à même solidarité aux entiers dépens d'instance avec distraction au profit de la SELARL Cabinet Aurélie Journaud prise en la personne de Me Aurélie Journaud en application des dispositions des articles 699 et suivants du code de procédure civile ;
- dire l'arrêt à intervenir commun à la CPAM de la Gironde.
Par dernières conclusions déposées le 12 janvier 2023, la société Uperio France, venant aux droits de la compagnie Axa France, et la compagnie Allianz IARD demandent à la cour de :
À titre principal :
- juger que la responsabilité de la compagnie Axa France (société Uperio France) ne peut être recherchée sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux ;
- juger que la compagnie Axa France IARD n'a commis aucune faute.
En conséquence :
- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux du 9 mars 2022 en ce que M. [S] et la CPAM de la Gironde ont été déboutés de leurs demandes à l'encontre de la société Uperio France et de la compagnie Allianz IARD ;
- rejeter les demandes formulées par M. [S] et la CPAM de la Gironde à l'encontre de la société Uperio France et de la compagnie Allianz IARD ;
- condamner la société Sateco et la compagnie Axa France IARD, ou toute partie succombant à payer à la société Uperio France et à la compagnie Allianz IARD une indemnité de 3 500 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel, outre les entiers dépens.
Par dernières conclusions déposées le 14 octobre 2022, la CPAM de la Gironde demande à la cour de :
- déclarer la CPAM de la Gironde recevable et bien fondée en son appel incident, ses écritures, demandes, fins et prétentions.
En conséquence :
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bordeaux le 9 mars 2022 en ce qu'il a :
- « déclaré les demandes de M. [S] contre la société Sateco recevables » comme étant non prescrites et non forcloses ;
- « dit que la société Sateco est responsable du préjudice de M. [S] suite à l'accident du 13 octobre 2014 » ;
- « ordonné une expertise médicale et désigné » pour y procéder le Dr [W] avec la mission habituelle en la matière ;
- « condamné in solidum la société Sateco et la compagnie Axa France IARD à payer M. [S] la somme provisionnelle de 10 000 euros à valoir sur son indemnisation définitive » ;
- « condamné in solidum la société Sateco et la compagnie Axa France IARD à payer M. [S] la somme provisionnelle de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile » ;
- « condamné in solidum la société Sateco et la compagnie Axa France IARD à payer la CPAM de la Gironde la somme provisionnelle de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile » ;
- « débouté la compagnie Axa France IARD et la compagnie Allianz IARD de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile » ;
- « ordonné l'exécution provisoire de la décision » ;
- « renvoyé l'affaire à la mise en état électronique du 13 décembre 2022 » ;
- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bordeaux le 9 mars 2022 en ce qu'il a :
- « débouté M. [S] de ses demandes à l'encontre de la compagnie Axa France IARD et de son assureur la compagnie Allianz IARD » ;
- « condamné in solidum la société Sateco et la compagnie Axa France IARD à payer la CPAM de la Gironde la somme provisionnelle de 45 500 euros à valoir sur son indemnisation définitive » ;
- « rejeté les autres demandes des parties ».
Statuant à nouveau :
- déclarer la compagnie Axa France IARD responsable, pour partie, de l'accident dont a été victime M. [S] et des préjudices qui en ont résulté pour ce dernier et pour la CPAM de la Gironde ;
- condamner in solidum la société Sateco, son assureur, la compagnie Axa France IARD ainsi que la compagnie Axa France et son assureur, la compagnie Allianz IARD, à payer la CPAM de la Gironde la somme provisionnelle de 200 000 euros à valoir sur l'indemnisation définitive de son préjudice.
En tout état de cause :
- condamner in solidum la société Sateco, son assureur, la compagnie Axa France IARD ainsi que la société Matebat et son assureur, la compagnie Allianz IARD, à payer la CPAM de la Gironde la somme 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens, en cause d'appel.
L'affaire a été fixée à l'audience rapporteur du 14 novembre 2024.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 31 octobre 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Le litige se présente devant la cour dans les mêmes termes qu'en première instance très clairement exposé.
- Sur la responsabilité de la société Sateco
Le tribunal a reconnu la responsabilité de la société Sateco en sa qualité de producteur de banche, en raison de la fragilité du métal composant la banche de laquelle M. [S] a chuté, alors même que le produit avait été mis en circulation plus de 10 ans avant l'accident en raison du comportement fautif de la société Sateco, conformément aux articles 1245 et suivants du code civil. Les premiers juges ont retenu trois fautes:
- l'absence de justificatif du contrôle de la banche par un organisme agréé ainsi que de production de l'attestation prévue par la norme française pour être autorisé à le vendre sur le marché français,
- l'absence de mention de l'insertion des goupilles participant à la sécurisation du matériel dans les recommandations du montage,
- l'absence de production du document attestant de la vérification annuelle du bon état de conservation et de l'examen d'épeire statique avant chaque changement de site.
Les appelantes soutiennent au contraire l'absence de tout comportement fautif de la part de la société Sateco, et en conséquence la prescription de l'action engagée sur le fondement de l'article 1245 du code civil. Elles soutiennent que c'est bien le défaut d'entretien des banches par la société Matebat qui est en cause.
M. [S] fonde ses demandes sur les dispositions des articles 1245 à 1245-17 du code civil, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, relatifs à la responsabilité du fait des produits défectueux.
Ces articles instaurent un régime d'indemnisation spécifique, résultant de la directive 85/374 CEE du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux. Transposée en droit interne par la loi n° 98-389 du 19 mai 1998, elle a institué une responsabilité de plein droit des producteurs pour les dommages causés par un défaut de leurs produits, dite responsabilité du fait des produits défectueux.
En application de l'article 1245 du code civil (anciennement 1386-1), le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit, ou non, lié par un contrat avec la victime.
Le demandeur à l'indemnisation doit démontrer non seulement le dommage, mais également le défaut du produit et le lien de causalité entre dommage et défaut, la preuve pouvant se faire par tous moyens et notamment par présomptions ou indices précis, graves et concordants.
Selon l'article 1245-10 2° du code civil (anciennement 1386-11), le producteur est responsable de plein droit à moins qu'il ne prouve que compte tenu des circonstances, il y a lieu d'estimer que le défaut ayant causé le dommage n'existait pas au moment où le produit a été mis en circulation par lui ou que ce défaut est né postérieurement.
En l'espèce, il n'est pas contesté que la société Sateco est le fabricant du matériel vendu à la société Matebat en 2006, qui l'a loué à la société Sobebo qui employait M. [S] pour le temps du chantier. La société Sateco est à ce titre assimilée au producteur tel que visé par l' articles 1245-5 alinéa 1 du code civil.
Selon le rapport d'expertise judiciaire du 3 janvier 2019 :
'le basculement du garde-corps est causé par la rupture soudaine d'un des plats de calage du garde-corps dans sa gorge, au niveau de la liaison à la soudure sur pied droit. Sous l'appui exercé par M. [S], la rupture de soudure du second plat s'est produite sous l'important effet de couple ainsi reporté. La clavette sur ressort n'assurant que le verrouillage de l'axe sur un plan de translation verticale mais non de rotation, le basculement du garde-corps était inévitable ce qui a causé la chute de M. [S].'
L'expert considère que 'la cause première de l'accident résulte d'une fragilité endogène au matériel et plus particulièrement à la qualité de l'acier constituant l'un des plats supports de verrouillage du garde-corps litigieux. En effet, le premier plat qui a rompu était d'une consistance manifestement imparfaite qui s'est avérée fragilisée par l'usage et la fatigue du métal. La pièce en cause a pu être micro fissurée ou fatiguée quelques semaines avant l'accident, personne n'est en mesure de l'établir bien qu'il soit probable que ce soit le cas et que la rupture accidentelle survenue lors de l'accident soit l'expression d'une résistance arrivée à son état limite. Une expertise courante telle qu'elle pouvait être attendue du locataire Sobebo n'était pas de nature à permettre de déceler la dite fatigue du matériau. Dans le cadre de l'expertise, Matebat nous informe avoir procédé à une révision des banches similaires dans son parc en ayant décelé des faiblesses identiques. La cause de rupture semble donc prendre naissance dans le corps même du plat métallique qui a rompu à proximité de la soudure du fait d'un attachement lamellaire favorisé par un état inclusionaire localement médiocre.
A l'analyse des faits, il apparaît que la description des conditions de montage et verrouillage du garde-corps des banches Sateco SC 9015 dans sa position ouverte est insuffisante. En revanche, il ne semble pas qu'une insuffisance de conception soit à relever car le dispositif en place qui permet le verrouillage du garde-corps par la mise en place de clavette démontre que le concepteur des banches a prévu un dispositif de verrouillage du garde-corps dans une translation verticale mais également dans un mouvement de rotation.
La fragilité du plat qui a rompu était difficilement décelable sans un examen approfondi de l'état de l'équipement. Matebat expose avoir, après l'accident, procédé à une révision du matériel et identique des faiblesses similaires sur d'autres banches. Ceci signifie donc qu'une inspection approfondie du matériel était de nature à permettre de déceler lesdites faiblesses. L'expert admet que c'est plus facile à faire lorsque l'on sait où regarder (ce qui est le cas de Matebat dans ses inspections post accident).
La fragilité en cause à l'origine de l'accident échappe selon l'expert aux obligations de vérification qui pourraient être imposées au locataire mais également au coordinateur SPS dans l'exercice de sa mission.'
Pour statuer sur la recevabilité de l'action fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueux, il appartient à la cour d'examiner les fautes reprochées par les intimés et contestées par la société Sateco, celles-ci étant une cause d'exclusion de la prescription décennale prévue à l'article 1245-15 du code civil.
- Sur le comportement fautif de la société Sateco
L'expert conclut plus précisément, au terme de ses investigations et des observations des parties à trois comportements fautifs de la société Sateco :
- à un dispositif de verrouillage insuffisant, tel que prévu par le constructeur dans sa fiche de montage du matériel, dès lors qu'il 'n'était fait mention à aucun moment de la nécessité d'insérer des broches dans les perçages situés au -dessus de la broche pivot'. Si le 'dispositif de verrouillage de translation verticale du garde-corps qui était recommandé était suffisant lorsque la banche est dans un bon état d'usage avec des pièces d'usure entretenues et des pièces mécaniques remplacées quand besoin est, en revanche, les jeux induits par l'usure et exposés dans les constats de la banche litigieuse ont fragilisent le dispositif préconisé et l'insertion des goupilles étaient de nature à empêcher la rotation du garde-corps.'
Il est justifié par ailleurs que la société Sateco ait inscrit dans ses nouvelles conditions de montage la mise en place des axes des goupilles.
Les appelantes relèvent que si la notice de montage était insuffisante, le système de verrouillage avait bien été prévu et que les traces d'usure prouvent que les goupilles étaient habituellement insérées, affirmant qu'aucun lien n'est établi entre cette insuffisance de précision dans la notice et l'accident.
Toutefois, 'l'expert considère donc que les recommandations de montages étaient incomplètes sur le point précis du verrouillage du garde-corps en position verticale'.
L'absence de mention de la nécessité d'insérer les goupilles dans la notice d'utilisation constitue en conséquence une faute du fabriquant.
- à l'absence de rapport de contrôle d'un organisme agréé extérieur ayant déclaré le montage du garde-corps conforme aux règles de sécurité. Dans sa réponse au dire à expert de la société Sobebo du 27 juin 2018, sur ce point, l'expert sur ce point l'expert 'partage les observations émises'.
L'appelante se basant sur le rapport d'expertise note qu'il ne fait pas état de l'absence de conformité de la banche à la norme NFP 93.350 qui ne le prévoit pas, mais produit toutefois le dire du 15 juin 2016 adressé à l'expert dans lequel elle joint l'attestation.
La cour relève que la norme NFP 93 350 s'applique aux fabricants industriels de banches industrielles pour la réalisation d'ouvrage en béton et la conformité permet de justifier que les prescriptions normatives sont respectées, que les vérifications correspondantes ont été effectuées conformément aux prescriptions de la norme.
Cette attestation en date du 26 mai 2015 est postérieure à la date de l'accident et la déclaration de conformité n'est pas rédigée par un organisme extérieur mais par le bureau d'études de la société Sateco, ne garantissant pas que le matériel est réellement conforme aux normes.
La faute de la société Sateco, défaillante dans l'administration de la preuve d'une attestation de conformité de la mise sur le marché du système de contrôle de la banche par un organisme agréé doit par conséquent être retenue.
- à l'absence de production de la fiche technique de vérification annuelle du bon état de conservation et d'un examen statique du matériel avant chaque changement de site. L'expert note d'ailleurs qu'aucun processus de traçabilité formel de l'entretien des banches n'a été mise en place par Matebat, aucune instruction en ce sens n'étant recommandée par le fabricant, ce qui ne veut pas dire pour autant qu'ils n'ont pas été faits.
En l'absence de production de cette fiche technique de vérification qui devait être établie et transmise par le fabricant au loueur, la faute de la société Sateco est établie.
Au vu des fautes ainsi relevées de la société Sateco, il y a lieu de confirmer le jugement déféré qui retenu la recevabilité de l'action en responsabilité du fabricant de la banche au-delà du délai de forclusion de 10 ans à compter de la mise à disposition de la banche litigieuse au loueur de matériel.
M. [S] n'ayant eu connaissance du défaut de la banche produite par la société Sateco et louée par la société Matebat à la société Sobebo qui l'a employé qu'au jour du dépôt par l'expert judiciaire de son rapport d'expertise, soit le 3 janvier 2019, l'action engagée les 23 et 24 mai et 20 juin 2019 n'est pas prescrite.
- Sur la responsabilité du fait de la banche défectueuse
L'expert conclut de façon détaillé à la cause première de l'accident dû :
- 'à une fragilité endogène au matériel et plus particulièrement à la qualité de l'acier constituant l'un des plats supports de verrouillage du garde-corps litigieux. En effet, le premier plat qui a rompu était d'une consistance manifestement imparfaite qui s'est avérée fragilisée par l'usage et la fatigue du métal' (...) 'Le premier plat qui a rompu était d'une consistance manifestement imparfaite qui s'est avérée fragilisée par l'usage de la banche et la fatigue du métal' (...) La cause de la rupture semble donc prendre naissance dans le corps même du lat métallique qui a rompu à proximité de la soudure du fait d'un arrachement lamellaire favorisé par un état inclusionaire localement médiocre'.
- et à une usure du dispositif ayant constaté que les plats de garde-corps ne s'inscrivent plus parfaitement en fond de lumière, comme préconisé par le fabricant, que la déformation du bout de la clavette réduit son efficacité puisqu'en position fermée, elle ne couvre plus totalement l'axe à goupille comme le préconise le fabricant, la fonction de verrouillage étant ainsi altérée et que les lèvres des lumières supports des languettes sont usées et autorisent un jeu qui fait que les lumières de contrôle et de garde-corps ne se superposent plus systématiquement.
La société Sateco soutient que si le garde corps n'a pas résisté à la pression exercée par le salarié en raison d'une fragilité endogène du métal due à son ancienneté, c'était non pas en raison du défaut de mise en oeuvre des organes de sécurité qu'étaient l'insertion des goupilles qui avaient été enclenchées, mais des mesures de contrôle périodiques prévues par la documentation technique qui avaient pour but de déceler ce type de défaut de résistance. Elle soutient en conséquence qu'il appartenait à la société Matebat, loueur de justifier de la mise en oeuvre des contrôles avant l'accident.
De même, l'appelante indique avoir transmis à l'expert la fiche technique recommandant la vérification annuelle de la banche (dire n°1 du 15 juin 2016 - 3) (4 et 5) , qui en a déduit l'obligation de maintenance et de contrôle périodique à la charge de la société Matebat.
Si la société Matebat n'a pu produire les éléments sur les dispositions adaptées pour assurer la maintenance des banches avant l'accident, 'cela ne signifie pas pour autant que l'entretien courant de ces dernières n'était pas assuré par le loueur', étant précisé que la faiblesse du matériel à l'origine de l'accident n'était décelable que par un contrôle attentif et plus approfondi' et avec 'connaissance exacte de ce qu'il fallait trouver'.
L'expert n'a pas donc pas retenu l'argument de cette dernière d'avoir à prévoir la mise en place d'une goupille supplémentaire pour sécuriser le garde-corps dès lors que la solidité des matériaux est suffisante.
Par ailleurs, il relève de façon très claire que 'la fragilité en cause à l'origine de l'accident échappe aux obligations de vérification qui pourraient être imposées au locataire'.
En effet, la fiche technique produite aux débats mentionne différents types de contrôles à effectuer dans lesquels ne figure pas le contrôle de ce type de défaut de résistance.
En conséquence, il ne peut être retenu que la faute de la société loueuse du matériel exonère la faute du fabricant dans la conception de la banche ou dans son usure anormale.
Au vu du rapport d'expertise qui a retenu comme cause de l'accident la fragilité endogène du matériel et plus particulièrement la qualité de l'acier constituant l'un des plats supports de verrouillage du garde-corps litigieux', il est établi qu'une des causes du dommage a résidé dans la défectuosité du produit fabriqué par la société Sateco.
Celle-ci ni ne soutient ni ne rapporte la preuve de ce que le défaut n'existait pas au moment où le produit a été mis en circulation ou qu'il serait né postérieurement, le fait qu'il ait été utilisé pendant de nombreuses années sans dysfonctionnement étant insuffisamment probant à cet égard.
Par conséquent, la responsabilité de la société Sateco en qualité de fabricant des banches, producteur au sens de l'article 1245 du code civil, est engagée.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
- Sur la responsabilité de la société Matebat
M. [S] a formé appel incident du jugement qui a rejeté sa demande de voir condamner la société loueuse de matériel sur le fondement de l'article 1245-6 du code civil, le tribunal ayant rappelé que le producteur était identifiable en l'espèce.
Il soutient que la société Matebat est débitrice des obligations relatives aux produits défectueux dès lors qu'elle a loué ce produit par contrat du 2 octobre 2014 à la société Sobebo, au même titre que le producteur qui l'a fabriqué et vendu à la société Matebat le 24 janvier 2006.
Conformément à l'article 3§3 de la directive, l'article 1245-6 du code civil prévoit la subsidiarité de la responsabilité du loueur de matériaux au même titre que le producteur, en l'absence d'identification de ce dernier.
Comme l'a relevé le tribunal dans la décision déférée, il n'est pas contesté que la société Sateco est le fabricant de la banche litigieuse, assimilée ici au producteur pour la mise en jeu de la responsabilité du fait des produits défectueux. La responsabilité du loueur ne peut donc être recherchée sur ce fondement.
M. [S] forme également appel incident en ce que le tribunal l'a débouté de sa demande de reconnaissance de la responsabilité de la société Matebat sur le fondement de la responsabilité délictuelle en ce qu'elle a commis plusieurs fautes :
- en sa qualité de détentrice du matériel, elle n'a pas procédé aux inspections et révisions régulières du-dit matériel en vue de sa location. Il se fonde sur la fiche technique établie par la société Sateco recommandant une vérification du bon état de conservation tous les 12 mois et un examen d'épreuve statique avant chaque changement de site.
Rejoignant le dire de la société Sateco du 14 février 2017, il constate que la société Matebat n'a pas produit les attestations et certificats de vérification du matériel.
- en sa qualité de garante d'une délivrance de matériel en état d'usage et de fonctionnement, elle ne produit pas les justificatifs d'entretien du matériel.
Il indique ainsi que la société Matebat a loué une banche d'une part avec les plats des montants de garde-corps comportant une usure (ne se mettaient pas naturellement au fond de leur lumière), nuisant au bon fonctionnement du principe et d'autre part avec la clavette mobile permettant le verrouillage automatique du garde-corps dans un mauvais état de fonctionnement, réduisant son efficacité à néant, le verrouillage automatique du garde-corps en position verticale ne se faisant plus automatiquement.
M. [S] relève qu'une inspection approfondie du matériel était de nature à permettre de déceler lesdites faiblesses, inspection à laquelle procédé la société Matebat après l'accident ayant conduit à déceler des faiblesses identiques à celle de la banche litigieuse.
- en sa qualité de loueur, elle n'a pas fait de recommandations particulières auprès de la société Sobebo quant à l'insuffisance du système de verrouillage tel que mentionné dans la fiche technique de la banche.
Pour engager la responsabilité délictuelle de la société Matebat, M. [S] doit rapporter la preuve d'une faute, d'un dommage et d'un lien de causalité entre les deux.
Pour ce faire, le tribunal s'est rapporté au rapport d'expertise qui a relevé que la fragilité du plat qui a rompu était difficilement décelable sans un examen approfondi de l'état de l'équipement et au demeurant sans savoir le défaut à chercher avant l'accident. Il a également constaté l'absence de recommandations du constructeur visant à vérifier spécifiquement les défaillances relatives au mécanisme de fixation du garde-corps.
La société Uperio France (anciennement dénommée Matebat) se rapportant aux même conclusions expertales soutient qu'il n'est pas établi que la fragilité de l'acier était décelable avant l'accident.
Il n'est pas contesté que la société Matebat n'a pas été en mesure de produire les fiches d'intervention et de vérification du matériel de manière périodique ni au moment de leur installation alors que pèse sur elle l'obligation de vérification annuelle du matériel.
Toutefois, l'expert a précisé que les vérifications habituelles du matériel qui étaient faites par la société Matebat n'auraient pas permis de déceler les faiblesses de la banche, seul un examen approfondi et en connaissance des failles recherchées ayant pu permettre de déceler la fragilité des banches identiques détenues par ailleurs par la société Matebat et vendues par la société Sateco.
De sorte que n'est pas établi le lien de causalité entre le défaut de vérification et le dommage subi par M. [S].
S'agissant de l'habitude prise par la société Matebat de mettre un troisième axe qui sécurise la résistance du garde-corps, comme le recommandait l'expert, cette prescription n'était pas prévue sur la fiche de montage, et il ne peut être reproché à la société Matebat, loueuse de n'avoir pas transmis une recommandation qui n'était pas faite par le fabricant lui-même.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement qui a rejeté la responsabilité de la société Matebat sur le fondement délictuel.
- Sur la mission d'expertise
Les appelantes demandent que la mission soit limitée à la partie non réparée par la sécurité sociale, en application de l'article L 454-1 du code de la sécurité sociale, la cour de cassation ayant écarté l'octroi d'un complément d'indemnisation des préjudices tels que les pertes de gains professionnels, l'incidence professionnelle de l'incapacité, les frais médicaux ou le déficit fonctionnel permanent par l'entreprise responsable autre que l'employeur.
Toutefois, il est constant que même si l'accident a été pris en charge au titre de la législation professionnelle, les tiers responsables autres que l'employeur de la victime sont tenus de procéder à l'indemnisation des préjudices résultant de l'accident dans les conditions du droit commun. Le tribunal judiciaire de Bordeaux a par ailleurs sursis à statuer sur la demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur dans l'attente de la présente procédure sur la reconnaissance des sociétés fabricant et/ ou loueur ainsi que sur le rapport d'expertise portant sur l'indemnisation du préjudice, lequel fixera par ailleurs la date de consolidation.
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a ordonné une expertise complète couvrant l'ensemble des chefs de préjudice indemnisable.
La CPAM de la Gironde justifie d'une créance provisoire de 228.167,52 euros à la date du 17 mars 2021 et sollicite que le montant de la provision soit portée à 200.000 euros.
Toutefois, c'est à une juste appréciation qu'a procédé le tribunal qui était déjà en possession de la créance provisoire de la CPAM en fixant la provision à 45.500 euros.
- Sur les dépens et les frais irrépétibles
La société Sateco et son assureur la société Axa France Iard, parties perdantes, seront condamnée in solidum aux dépens d'appel ainsi qu'au paiement à M. [S] de la somme complémentaire de 2.000 euros et à la CPAM de la Gironde de la somme complémentaire de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre de la procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme le jugement déféré,
Y ajoutant,
Déboute la société Uperio et la société Alliant Iard de leurs demandes au titre des frais irrépétibles,
Condamne la société Sateco et la société Axa France Iard in solidum à payer à M. [S] la somme complémentaire de 2.000 euros et à la CPAM de la Gironde la somme complémentaire de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre de la procédure d'appel,
Condamne la société Sateco et la société Axa France Iard in solidum aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Paule POIREL, présidente, et par Vincent BRUGERE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.