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Cass. crim., 8 janvier 2025, n° 23-86.646

COUR DE CASSATION

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Cassation

Cass. crim. n° 23-86.646

8 janvier 2025

N° F 23-86.646 F-D

N° 00019

RB5
8 JANVIER 2025

CASSATION PARTIELLE

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 8 JANVIER 2025

Mme [W] [Y] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble, chambre correctionnelle, en date du 5 octobre 2023, qui, pour complicité de tentative de vol et blanchiment, aggravés, l'a condamnée à trois ans d'emprisonnement et une confiscation.

Des mémoires ont été produits.

Sur le rapport de M. Turbeaux, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [W] [Y], et les conclusions de M. Fusina, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 novembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Turbeaux, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Par ordonnance du 20 avril 2023, le juge d'instruction a ordonné le renvoi de Mme [W] [Y] devant le tribunal correctionnel des chefs de complicité de tentative de vol par effraction et en réunion, et de blanchiment à titre habituel.

3. Par jugement du 7 juin 2023, le tribunal correctionnel a déclaré Mme [Y] coupable et l'a condamnée à trois ans d'emprisonnement et une confiscation.

4. Mme [Y] a relevé appel et le ministère public a formé appel incident.

Examen des moyens

Sur le premier moyen et le troisième moyen, pris en sa première branche

5. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré Mme [Y] coupable du délit de blanchiment aggravé par concours habituel à une opération de placement, dissimulation ou conversion du produit d'un délit, condamnée à la peine de trois ans d'emprisonnement et a ordonné, à titre de peine complémentaire, la confiscation du véhicule Maserati acquis le 11 mai 2020, alors « qu'à la suite d'un réquisitoire introductif visant des faits de non-justification de ressources, blanchiment en bande organisée et association de malfaiteurs entre le 1er octobre 2020 et le 21 janvier 2021, par ordonnance du 20 avril 2023, le juge d'instruction a d'une part, dit n'y avoir lieu à suivre contre quiconque des chefs « d'avoir à [Localité 3], depuis le 1er octobre 2020 et jusqu'au 21 janvier 2021, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, facilité par tout moyen la justification mensongère de l'origine des biens ou des revenus de l'auteur d'un délit lui ayant procuré un profit direct ou indirect, avec cette circonstance que les faits ont été commis en bande organisée » et « d'avoir à [Localité 3], dans la Drôme, depuis le 1er octobre 2020 et jusqu'au 21 janvier 2021, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, étant en relations habituelles avec une ou plusieurs personnes se livrant à la commission de crimes ou de délits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement leur procurant un profit direct ou indirect, omis de justifier des ressources correspondant à son train de vie ou de justifier de l'origine d'un bien détenu, avec cette circonstance que les infractions commises constituaient les crimes ou délits de trafic de stupéfiants », d'autre part, ordonné le renvoi de Mme [W] [Y] du seul chef d'avoir « entre le 1er octobre 2020 et le 21 janvier 2021, en tous cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription de l'action publique, apporté son concours à une opération de dissimulation du produit direct ou indirect d'un délit, avec cette circonstance que les faits ont été commis de façon habituelle, en l'espèce notamment en intégrant des fonds illicites dans les recettes du tabac [2] déposées sur le compte bancaire de celui-ci et en acquérant des biens à l'aide de ces mêmes fonds » ; en retenant avoir été saisie par cette ordonnance des faits commis entre le 1er octobre 2020 et le 21 janvier 2021 « mais aussi depuis le temps non couvert par la prescription de l'action publique, soit la période antérieure au cours de laquelle les acquisitions de biens par Madame [Y] ont été réalisées », au motif que « le réquisitoire introductif du 1er octobre 2020 fait notamment référence à la non-justification des ressources correspondant à son train de vie ou la non-justification d'origine d'un bien détenu, avec cette circonstance que les infractions commises constituaient les crimes ou délits de trafic de stupéfiants », que « les pièces jointes à ce réquisitoire introductif visent notamment un véhicule Maserati, une montre Rolex, un sac à dos et une pochette de marque Vuitton, un portefeuille de marque Guess, biens acquis dans les semaines ou mois précédant le 1er octobre 2020 » et que « les termes de l'ordonnance de renvoi ne peuvent laisser aucune incertitude, dans l'esprit de Madame [Y], sur le fait que la période retenue ne se limitait pas à la seule période postérieure au 1er octobre, mais aussi la période pendant laquelle elle a acquis ces biens, acquisitions sur lesquelles les investigations ont été réalisées et sur lesquelles elle a été longuement interrogée et qui motivent son renvoi devant le tribunal Correctionnel par le juge d'instruction suivant en cela les réquisitions du ministère public », la cour d'appel a conféré au réquisitoire introductif une portée de saisine de la juridiction de jugement qu'il n'a pas, et méconnu l'autorité de la chose jugée attachée à l'ordonnance de non-lieu partiel ainsi que les limites de sa saisine, en violation des articles 6 et 388 du code de procédure pénale, ensemble l'article 6 §1 et §3 a) de la convention européenne des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

7. C'est à tort que la cour d'appel s'est considérée saisie de faits commis hors de la période comprise entre le 1er octobre 2020 et le 21 janvier 2021, visée par l'acte de poursuite, au titre de ce que l'ordonnance de renvoi se réfère au temps non couvert par la prescription de l'action publique, ce dont il ne pouvait être tiré aucune conséquence sur l'étendue de sa saisine.

8. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure pour les motifs qui suivent.

9. D'une part, la cour d'appel a, dans son dispositif, confirmé le jugement sur la culpabilité, qui lui-même avait expressément, dans son propre dispositif, déclaré la prévenue coupable des faits commis aux seules dates fixées dans la prévention.

10. D'autre part, pour déclarer la prévenue coupable de blanchiment, les juges ont retenu qu'elle était la gérante de fait de la société [2], et avait recyclé des fonds issus d'un trafic de stupéfiants par le biais de ladite société, fait expressément visé par la prévention.

11. Dès lors le moyen doit être écarté.

Mais sur le troisième moyen, pris en ses autres branches

Enoncé du moyen

Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné, à titre de peine complémentaire, la confiscation du véhicule Maserati, alors :

« 2°/ qu'un bien acquis et intégralement financé des mois avant la commission d'une infraction ne peut en être le produit ; la cour d'appel a confirmé le jugement ayant, dans son dispositif, déclaré Mme [Y] pour des faits de blanchiment aggravé par concours habituel à une opération de placement, dissimulation ou conversion du produit d'un délit commis du 1er octobre 2020 au 21 janvier 2021 ainsi que pour complicité de tentative de vol aggravé commis le 24 avril 2021 ; pour ordonner la confiscation à titre de peine complémentaire du véhicule Maserati, l'arrêt retient que ce véhicule « doit être considéré comme étant le produit des infractions reprochées à Mme [Y] » tout en constatant que ce véhicule a été acquis le 11 mai 2020 (p. 14 §5), payé pour partie au moment de l'achat et pour partie « par un crédit auprès du [1] suite à un dépôt de bijoux en gage, bijoux récupérés quelques semaines plus tard par un dépôt d'espèces » (p. 16§6) ; il en résulte que ce véhicule n'est pas le produit des infractions en cause, commises plusieurs mois après; la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 131-21 alinéa 3 et 324-7, 8° du code pénal. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 131-21, alinéa 3, du code pénal :

12. Selon ce texte, la confiscation porte sur tous les biens qui sont l'objet ou le produit direct ou indirect de l'infraction.

13. Pour prononcer la confiscation d'un véhicule de marque Maserati, l'arrêt attaqué retient que ledit véhicule doit être considéré comme le produit des infractions reprochées à la prévenue.

14. En se déterminant ainsi, après avoir constaté que le véhicule avait été acquis le 11 mai 2020, à une date antérieure aux faits visés par la poursuite, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé.

15. La cassation est par conséquent encourue de ce chef, sans qu'il y ait lieu d'examiner l'autre grief.

Portée et conséquences de la cassation

16. La cassation sera limitée aux peines, dès lors que les autres dispositions n'encourent pas la censure. Les autres dispositions de l'arrêt seront donc maintenues.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Grenoble, en date du 5 octobre 2023, mais en ses seules dispositions relatives aux peines prononcées contre Mme [W] [Y], toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Chambéry, à ce désignée par délibération spéciale pris en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Grenoble et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du huit janvier deux mille vingt-cinq.

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