Décisions

Cass. 1re civ., 6 novembre 1990, n° 88-16.336

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bernard

Rapporteur :

M. Zennaro

Avocat général :

M. Lupi

Avocats :

SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Célice et Blancpain, SCP Le Bret et Laugier, SCP Vier et Barthélémy

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que la coopérative agricole de Châteaulin et Briec (la coopérative) a assigné les époux Louis Y... - Marie-Thérèse X... en paiement du solde débiteur de leur compte courant arrêté au 29 février 1986, outre intérêts conventionnels au taux de 1,5 % par mois à compter du 1er mars 1984 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les époux Y... reprochent à l'arrêt attaqué (Rennes, 10 mars 1988) de les avoir déboutés de leur demande tendant à voir déclarer irrecevables les conclusions et pièces déposées et signifiées par la coopérative le jour même de l'ordonnance de clôture rendue le 14 janvier 1980, alors, selon le moyen, qu'en statuant ainsi, sans nier la circonstance qu'ils n'avaient pas été à même de s'expliquer sur ces documents, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile et le principe des droits de la défense ;

Mais attendu que les époux Y... ne sont pas recevables à reprocher à la cour d'appel d'avoir tenu compte des conclusions et pièces déposées et signifiées dans ces conditions, dès lors qu'ils ne justifient pas avoir usé de la faculté qui leur était ouverte par l'article 784 du nouveau Code de procédure civile de demander la révocation de l'ordonnance de clôture afin d'organiser leur défense ;

D'où il suit que le premier moyen ne peut être accueilli ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses trois branches et sur le troisième moyen, pris en sa première branche :

Attendu que les époux Y... reprochent aussi à l'arrêt attaqué de les avoir condamnés à payer à la coopérative la somme de 274 690,67 francs pour solde de compte arrêté au 29 février 1984 et comprenant des intérêts de retard, et de les avoir déboutés de leur demande tendant au remboursement de ces intérêts de retard indûment perçus par ladite coopérative, alors, selon le moyen, d'une part, que seul un associé coopérateur peut être tenu de payer à une coopérative des majorations contractuelles de retard sur le solde débiteur d'un compte courant, et que la cour d'appel, qui n'a pas constaté leur qualité d'associés coopérateurs, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1134 du Code civil et de l'article R. 522-3 du Code rural ; alors, d'autre part, que ce dernier texte ne distingue pas entre les divers types de sanctions auxquelles une coopérative peut recourir, que celle-ci ne peut prétendre au paiement d'intérêts de retard que dans la mesure où ils ont été fixés par ses statuts et qu'en prétendant leur faire application d'intérêts de retard dont il n'est pas contesté qu'ils ont été fixés par une simple délibération du conseil d'administration de la coopérative en cause, à l'exclusion de toute disposition statutaire, la cour d'appel a violé les textes précités ; et alors, enfin, qu'en toute hypothèse le taux d'intérêt conventionnel afférent au solde débiteur d'un compte courant doit, pour sa validité même, être fixé par un écrit opposable au titulaire de ce compte, et qu'en faisant jouer des intérêts conventionnels qui résultaient d'une simple délibération du conseil d'administration de la coopérative,

dont il n'était ni allégué ni établi qu'ils en auraient eu connaissance et qu'elle leur était opposable, et qui ne constituait donc pas un écrit au sens des articles 1134 et 1907 du Code civil, la cour d'appel a violé lesdits articles ;

Mais attendu, d'abord, que M. Y... n'a jamais soutenu devant la cour d'appel qu'il n'avait pas la qualité d'associé coopérateur de la coopérative en cause ; qu'en ce qui le concerne, le deuxième moyen, pris en sa première branche, est nouveau, mélangé de fait et de droit et, dès lors, irrecevable ;

Qu'en ce qui concerne Mme Y..., la cour d'appel a relevé qu'elle ne justifiait pas qu'à l'époque des faits, elle exerçait la profession d'ouvrière d'usine, et constaté que, dans la reconnaissance de dette écrite au pied du relevé de compte de mars 1981, elle et son mari déclaraient être " cultivateurs " et " en relation d'affaires avec la coopérative agricole de Châteaulin et Briec depuis plusieurs années " et que tous deux reconnaissaient devoir à celle-ci, à la date du 31 mars 1981, la somme de 200 532,55 francs, qu'ils s'engageaient à régler ; que les juges du second degré ont ainsi implicitement admis, par une appréciation souveraine, que Mme Y... avait la qualité d'associé coopérateur ;

Attendu, ensuite, que la cour d'appel a relevé qu'aux termes de l'article R. 522-3 du Code rural, les seules sanctions qui doivent être définies dans les statuts d'une coopérative sont celles qui répriment la violation, par un associé coopérateur, de son engagement d'utiliser les services de ladite coopérative ; qu'elle en a justement déduit que cette disposition du Code rural ne peut servir de référence pour la fixation du principe et du montant des intérêts de retard réclamés par la coopérative aux associés coopérateurs dont le solde du compte courant est débiteur et que les époux Y... n'étaient pas fondés à réclamer à la coopérative en cause le remboursement des intérêts qu'elle a ainsi perçus, au seul motif qu'ils ont été prévus par une décision du conseil d'administration de ladite coopérative ;

Attendu, enfin, que les époux Y... n'ont pas contesté devant les juges du fond que les intérêts litigieux étaient fixés par une délibération du conseil d'administration de la coopérative dont ils étaient les adhérents ; que cette délibération constitue un écrit dont il n'a pas été soutenu qu'il n'avait pas été porté à leur connaissance ;

D'où il suit que le deuxième moyen en ses trois branches et le troisième moyen en sa première branche ne peuvent être accueillis ;

Sur le troisième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches : (sans intérêt) ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.