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Décisions

Cass. 1re civ., 24 octobre 2000, n° 98-17.341

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lemontey

Rapporteur :

M. Guérin

Avocat général :

Mme Petit

Avocats :

SCP Bouzidi, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez

AIX EN PROVENCE, du 28 avril 1998

28 avril 1998

Attendu que Lucienne Colin, veuve Dumon, est décédée le 31 juillet 1990, après avoir, par testament authentique du 24 février 1990, institué M. Jean-Paul Casile, directeur d'une clinique où elle avait été hébergée entre le 17 janvier et le 19 février précédent, légataire universel de tous ses biens, sous réserve des droits de son petit-fils, M. Max Dumon, seul héritier réservataire ; que celui-ci a, après avoir porté plainte contre X... pour escroquerie, demandé l'annulation de ce testament, en invoquant l'insanité d'esprit de la testatrice, les manoeuvres dolosives du gratifié et son incapacité à recevoir des legs de la part des pensionnaires de son établissement ; que l'arrêt confirmatif attaqué (Aix-en-Provence, 28 avril 1998) l'a débouté de son action ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que M. Dumon fait grief à l'arrêt de ne pas avoir retenu l'insanité d'esprit de la testatrice, alors que, selon le moyen, en s'abstenant de rechercher si les correspondances produites ne révélaient pas une véritable oblitération de son bon sens et n'étaient pas de nature à établir sa faiblesse mentale lors de la confection du testament, la cour d'appel aurait privé sa décision de base légale au regard de l'article 901 du Code civil ;

Mais attendu qu'après avoir relevé l'ancienneté des correspondances invoquées, la cour d'appel a souverainement retenu que Lucienne Dumon était saine d'esprit lors de la rédaction de son testament, en se fondant sur les conclusions des experts psychiatres ayant procédé à son examen peu auparavant à la demande du juge des tutelles, ainsi que sur les dépositions des témoins ayant attesté au cours de l'enquête de police que ses capacités intellectuelles étaient restées constantes dans les jours ayant précédé et suivi le testament litigieux ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que M. Dumon fait encore grief à l'arrêt d'avoir estimé qu'il n'était pas démontré de manoeuvres dolosives de M. Casile, alors que, selon le moyen, d'une part, en s'abstenant de répondre aux conclusions faisant valoir que le testament litigieux avait été établi cinq jours seulement après que la testatrice eût quitté l'établissement dirigé par M. Casile et qu'elle était restée sous son emprise, d'autre part, en n'indiquant pas en quoi les différentes preuves produites ne caractérisaient pas les manoeuvres dolosives constitutives de la captation d'héritage, la cour d'appel aurait privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant retenu, au vu de l'enquête pénale et des attestations produites, que les raisons du testament incriminé résultaient des liens affectifs anciens existant entre M. Casile et Mme Dumon et étaient étrangères au récent séjour de la testatrice dans son établissement, les juges du fond en ont souverainement déduit que les manoeuvres dolosives alléguées ne pouvaient être la cause déterminante de la libéralité contestée ; que le moyen n'est donc pas fondé ;

Sur le troisième moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que M. Dumon fait enfin grief à l'arrêt d'avoir déclaré M. Casile apte à recevoir une libéralité de la part d'une ancienne pensionnaire de son établissement, alors que, selon le moyen, d'une part, en ne recherchant pas si l'assistance du personnel de la clinique dirigée par M. Casile n'était pas de nature à caractériser l'emprise de ce dernier lors de la rédaction du testament, la cour d'appel aurait privé sa décision de base légale au regard de l'article 209 bis du Code de la famille ; alors que, d'autre part, en retenant qu'il n'était pas démontré que la testatrice était encore médicalement suivie par la clinique, la cour d'appel aurait, de nouveau, privé sa décision de base légale à l'égard du même texte qui n'exige pas que la personne hébergée ait été médicalement assistée ; alors, enfin, qu'en s'abstenant de rechercher si les circonstances dans lesquelles la testatrice avait été ramenée chez elle, assistée d'un infirmier et de deux aides-soignants payés par la clinique, n'étaient pas de nature à caractériser la captation d'héritage au profit du dirigeant de cette clinique, dans laquelle elle avait été hébergée cinq jours avant l'établissement de son testament, la cour d'appel aurait encore privé sa décision de base légale ;

Mais attendu que si, aux termes de l'article 209 bis du Code de la famille, les administrateurs d'établissements recevant des personnes âgées ne peuvent profiter des libéralités testamentaires faites en leur faveur par les personnes hébergées dans ces établissements, l'arrêt attaqué retient à bon droit que ces dispositions ne peuvent être systématiquement étendues aux anciens pensionnaires de ces établissements ayant regagné leur environnement habituel ; qu'ayant constaté que, lors de la rédaction du testament litigieux, Lucienne Dumon n'était plus hébergée dans la clinique dirigée par M. Casile, mais était rentrée à son domicile où elle avait repris la direction de ses affaires, la cour d'appel en a, à bon droit, déduit que la présomption de captation invoquée ne pouvait recevoir application en la cause ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision et que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

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