Cass. com., 28 mars 2006, n° 04-15.762
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société X... Paris que sur le pourvoi incident relevé par les consorts Y... ;
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 27 février 2004), que Mme Y..., gérant de la société civile immobilière du 60, boulevard de l'hôpital (la SCI), a consenti une promesse de vente à la société Paradis 9 portant sur un immeuble dans lequel la société Z... exploitait un garage automobile ; que cette promesse ne s'étant pas réalisée du fait de la bénéficiaire, une indemnité d'immobilisation de 500 000 francs a été allouée à la SCI ; que par acte du 6 juillet 2000, la société Greuet, devenue la société X... Paris (la société X...) a acquis la totalité des parts sociales de la société Z... détenues par Mme Y... et ses deux enfants, Véronique et Philippe Y... (les consorts Y...) ainsi que le montant du solde créditeur du compte courant dont Mme Y... était titulaire dans les livres comptables de la société Z... ; que l'acte de cession de parts comportait une clause de garantie de passif par laquelle les cédants acceptaient de laisser entre les mains du cessionnaire une somme de 200 000 francs qui devait être remboursée dans le délai de huit semaines à compter de la réception de la situation comptable arrêtée au 30 juin 2000, après vérification de la sincérité de celle-ci ; que les consorts Y... ont assigné la société X... en restitution de cette somme ainsi que d'une somme de 250 000 francs, au prorata de leurs parts dans la société Z..., à titre de rétrocession de la moitié de l'indemnité d'immobilisation payée par la société Paradis 9 à la SCI, au motif que la société Z... possédait la moitié du capital de la SCI ; que la société X... a sollicité reconventionnellement la condamnation des consorts Y... à lui payer une certaine somme en invoquant des irrégularités comptables ainsi que la mise en oeuvre de la clause de garantie du passif fiscal ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal :
Attendu que la société X... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en paiement formée contre les consorts Y... au titre d'irrégularités comptables et de l'avoir en conséquence condamnée à restituer à ces derniers la somme de 200 000 francs alors, selon le moyen :
1 / que la société X... alléguait et établissait, par la production de différentes pièces, plusieurs irrégularités comptables révélées par l'examen de la situation comptable de la société au 30 juin 2000 ; qu'elle produisait ainsi des factures antérieures au 30 juin 2000 et non réglées à cette date qui n'avaient pas été comptabilisées en charge, ainsi que les documents établissant d'une part les erreurs de comptabilité relatives à l'achat d'un véhicule pour 63 918 francs et sa valorisation en stock pour 53 000 francs HT alors que ce véhicule n'appartenait plus à la société depuis le 19 avril 2000 et, d'autre part, l'enregistrement TTC du produit de cette vente au lieu de son enregistrement HT, et ainsi, enfin, que les documents prouvant la non prise en compte de la dépréciation d'un autre véhicule d'occasion, à hauteur de 18 770 francs ; qu'en écartant l'ensemble de ces allégations aux seuls motifs que la société X... "n'en justifie pas, n'apportant pas de contestation sérieuse à l'indication par l'expert comptable de ce que la variation en question de 63 918 francs correspondait à l'achat d'un
véhicule", sans examiner, même sommairement, les documents qui lui étaient soumis, ni répondre aux moyens qui ne se résumaient pas aux conséquences de l'achat d'un véhicule pour le prix de 63 918 francs, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / la société X... alléguait elle-même l'achat d'un véhicule pour le prix de 63 918 francs, mais critiquait le traitement comptable de l'opération et de ses suites ; qu'en déboutant pourtant la société X... de ses demandes au motif qu'elle "n'apporte pas de contestation sérieuse à l'indication par l'expert comptable de ce que la variation en question de 63 918 francs correspondait à l'achat d'un véhicule", la cour d'appel a répondu par un motif inopérant, violant une nouvelle fois l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que, sous couvert du grief non fondé de violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine de la valeur probante des éléments de preuve par les juges du fond, qui ont estimé que la société X... ne justifiait pas des irrégularités comptables qu'elle alléguait ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le second moyen du pourvoi principal :
Attendu que la société X... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en garantie du passif fiscal alors, selon le moyen qu'elle exposait dans ses conclusions que "la clause de non garantie de passif ne prévoit aucune sanction en cas de non respect" du délai stipulé pour informer les cédants d'une réclamation de l'administration fiscale (conclusions, p.19, in fine) et qu'aucune déchéance n'ayant ainsi été stipulée, "il ne peut donc être opposé à la société Greuet un dépassement de délai pour la sanctionner par l'impossibilité de mettre en oeuvre la garantie de passif" (ibid.) ; qu'en excluant cependant toute garantie des cédants pour le passif fiscal révélé au seul motif que "les consorts Y... n'ont été informés de la vérification de la comptabilité qui avait débuté le 15 février 2002 que par lettre recommandée adressée le 26 février 2002 soit après l'expiration du délai de 8 jours prévu pour la mise en oeuvre de la garantie", sans répondre aux conclusions de la société X... Paris en ce qu'elles alléguaient qu'aucune déchéance n'avait été stipulée pour une telle hypothèse, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la clause de garantie de passif fiscal contenue dans l'acte de cession de parts stipulait que sa mise en oeuvre était subordonnée à l'information des consorts Y... par la société X... de tout contrôle fiscal, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, dans le délai de huit jours, la cour d'appel, qui a constaté que les consorts Y... avaient été informés de la vérification de la comptabilité après l'expiration de ce délai, a exactement déduit, répondant par là même, en les écartant, aux conclusions prétendument délaissées, que ces derniers n'étaient pas tenus à garantie ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu que les consorts Y... font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leurs demandes en rétrocession de la moitié de l'indemnité d'immobilisation payée par la société Paradis 9 à la SCI alors, selon le moyen :
1 / qu'en se fondant, pour rejeter leurs demandes qu'ils avaient dirigées contre la société Greuet, sur les stipulations de l'acte de vente, conclu entre Mme Y... et M. X..., la cour d'appel a violé l'article 1165 du Code civil ;
2 / que, sauf clause contraire, une cession de parts ne prend en compte l'actif social de la société cédée que pour sa consistance au jour de la transaction, de sorte que si un produit exceptionnel, trouvant son origine avant la vente, vient abonder cet actif après la vente, ce surplus revient nécessairement aux cédants ; qu'en rejetant les demandes des consorts Y... tendant à la condamnation de la société Greuet à leur verser une fraction des condamnations prononcées au profit de la SCI du 60, boulevard de l'Hôpital, la cour d'appel a violé l'article 1582 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient que les parties à l'acte de cession de parts sociales avaient manifesté la volonté de figer un prix définitif de négociation sans réintégration de l'indemnité d'immobilisation, qui faisait l'objet d'une instance en cours, dans l'actif net de la société Z..., en l'absence de toute clause en ce sens ; qu'en l'état de ces appréciations souveraines de la commune intention des parties, la cour d'appel, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la première branche, a justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois principal et incident.