Décisions

Cass. 1re civ., 6 mars 1990, n° 87-14.293

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bernard

Rapporteur :

M. Massip

Avocat général :

Mme Flipo

Avocats :

SCP Piwnica et Molinié, Me Hennuyer

Attendu que par un jugement du 24 février 1982, le tribunal de grande instance de Strasbourg a prononcé le divorce de M. Patrick X... et de Mme Y... et a condamné le mari à payer une pension alimentaire pour l'entretien de son fils Lionel, confié à la garde de la mère ; que le 5 novembre 1984, Mme Y... a assigné les époux Jean X... devant le tribunal d'instance en leur réclamant le paiement d'une pension alimentaire pour leur petit-fils ; que le tribunal, relevant que la mère percevait déjà une pension du père de l'enfant a fixé à 500 francs par mois la pension complémentaire mise à la charge des grands-parents ; qu'après avoir enjoint aux parties, par un arrêt du 25 septembre 1986, de produire leurs avis d'imposition et leurs déclarations de revenus, la cour d'appel a élevé à 7 000 francs par mois le montant de la pension due par les époux X... pour l'entretien de leur petit fils ;.

Sur le premier moyen :

Attendu que M. et Mme Jean X... concluent à la cassation de l'arrêt attaqué, en conséquence de la cassation à intervenir sur le pourvoi n° S 86-18.736 formé par eux contre l'arrêt rendu le 25 septembre 1986 ;

Mais attendu que par arrêt du 11 juillet 1989, la 2e chambre civile de la Cour de Cassation a déclaré ce pourvoi irrecevable ; que le moyen ne peut donc être accueilli ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que M. et Mme Jean X... font grief à la cour d'appel d'avoir accueilli la demande de pension alimentaire dirigée contre eux, alors, d'une part, que l'obligation d'entretien qui, selon l'article 203 du Code civil, pèse sur les père et mère exclut l'obligation alimentaire que les articles 205 et 207 du même code imposent aux autres ascendants, de sorte que l'arrêt attaqué, ayant constaté le paiement régulier d'une pension par le père de l'enfant, ne pouvait exiger des grands-parents paternels le paiement d'une pension alimentaire supplémentaire ; et alors, d'autre part, que l'obligation alimentaire est subordonnée à l'état de besoin du créancier d'aliments, de sorte que l'arrêt attaqué, qui n'a pas précisé en quoi l'exécution par le père de son obligation d'entretien laissait subsister pour l'enfant des besoins alimentaires, serait dépourvu de base légale ;

Mais attendu que l'obligation que l'article 203 met à la charge des père et mère de nourrir, entretenir et élever leurs enfants n'exclut celle que les articles 205 et 207 du même code imposent en leur faveur aux autres ascendants que dans la mesure où les parents peuvent faire face en totalité à leurs propres obligations ; que la cour d'appel qui relève que l'enfant Lionel est âgé de 11 ans, que son père M. Patrick X... a versé dans le courant de l'année 1986 une pension alimentaire mensuelle de l'ordre de 1 600 francs et que la mère est sans ressources propres a, en mettant à la charge des époux X..., grands-parents paternels de Lionel, une pension alimentaire complémentaire, implicitement mais nécessairement estimé que les sommes versées par le père étaient insuffisantes pour subvenir aux besoins de l'enfant ; que le moyen n'est donc fondé en aucune de ses deux branches ;

REJETTE les premier et deuxième moyens ;

Mais sur le troisième moyen :

Vu l'article 208 du Code civil ;

Attendu que pour fixer à 7 000 francs le montant de la pension alimentaire mensuelle mise à la charge des époux X... pour l'entretien de leur petit fils, la cour d'appel, après avoir relevé que la mère était sans ressources et percevait seulement une allocation de logement équivalant à peu près au montant de son loyer, retient que M. et Mme Jean X..., qui se refusent à communiquer le moindre document justificatif de leurs revenus, ont une situation de fortune incontestée ;

Attendu, cependant, que les aliments ne sont accordés que dans la proportion du besoin de celui qui réclame ; que dès lors, en se déterminant comme elle a fait, sans expliquer les raisons qui la conduisaient à évaluer à 7 000 francs par mois les besoins d'un enfant âgé de 11 ans, lequel bénéficiait d'une pension de 1 600 francs versée pour son entretien, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 mars 1987, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.