Cass. 3e civ., 9 janvier 2025, n° 23-16.698
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Teiller
Rapporteur :
Mme Grandjean
Avocat :
SCP Bouzidi et Bouhanna
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° A 23-16.698 et X 23-16.764 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 23 mars 2023), [C] [P], aux droits duquel viennent Mmes [E] [P] épouse [K], [F] [Y] épouse [W] et [N] [P], MM. [T] et [D] [P], [X] [Y] et [L] [V], mineur représenté par son père, [A] [V] (le locataire), a pris à bail des locaux situés aux n° [Adresse 6] à [Localité 8], à usage d'hôtel-restaurant pour l'un (n° 5) et de snack pour l'autre (n° 6), qui ont été acquis par la commune de [Localité 8] (la bailleresse) en 2008.
3. Le bail a été renouvelé à compter du 1er juin 2015 pour une durée de neuf années moyennant un loyer annuel de 10 123,44 euros. En 2016, le locataire a signalé des fissures en façade du bâtiment à usage d'hôtel- restaurant et, après avis de la commission de sécurité, le maire de la commune a pris un arrêté de fermeture le 17 juin 2017.
4. Après expertise judiciaire, le locataire a assigné la bailleresse aux fins de remise en état du bien et d'indemnisation de son préjudice. La bailleresse a demandé, à titre reconventionnel, que soit constatée la résiliation partielle du bail pour les seuls locaux à usage d'hôtel-restaurant, sans indemnité pour perte de la chose louée, et que soit fixé le loyer du local à usage de snack.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa cinquième branche
Enoncé du moyen
5. Le locataire fait grief à l'arrêt de constater que le bail est résilié de plein droit au 19 septembre 2018 pour l'immeuble à usage d'hôtel-restaurant, d'ordonner la libération de cet immeuble et de rejeter ses demandes, alors « qu' en énonçant, pour faire droit à la demande du bailleur sur le fondement de l'article 1722 du code civil, que si l'expert judiciaire indique que l'origine des désordres tient d'une part, à la vétusté de l'immeuble aggravée par un défaut d'entretien des éléments structurels en maçonnerie relevant de la responsabilité du bailleur, d'autre part à la conception structurelle d'époque inadaptée, et que cette seconde cause est prépondérante en ce qu'elle est à l'origine de l'absence de stabilité de l'immeuble, quand il résulte de ces motifs que l'état actuel de l'immeuble est dû, au moins en partie, à des défauts d'entretien imputables au bailleur, de sorte que la perte de la chose louée, à la supposer acquise, n'est pas due exclusivement à un cas fortuit, la cour d'appel a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et violé le texte susvisé. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
6. La bailleresse conteste la recevabilité du moyen. Elle estime qu'il est nouveau et mélangé de fait.
7. Cependant, le locataire soutenait, dans ses conclusions d'appel, que les désordres affectant l'immeuble ne résultaient pas d'un cas fortuit, condition exigée par l'article 1722 du code civil, mais d'un défaut d'entretien de la bailleresse.
8. Le moyen, qui n'est pas nouveau, est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'article 1722 du code civil :
9. Aux termes de ce texte, si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; si elle n'est détruite qu'en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail. Dans l'un et l'autre cas, il n'y a lieu à aucun dédommagement.
10. Il est jugé que l'existence d'un vice caché ne peut être assimilé à un cas de force majeure qui a nécessairement une origine extérieure à la chose louée et qu'un cas fortuit n'est pas caractérisé lorsque la dégradation des bâtiments est due à un défaut d'entretien de la chose louée imputable au bailleur (3e Civ., 30 septembre 1998, pourvoi n° 96-17.684, Bull. 1998, III, n° 177 et 3e Civ., 2 avril 2003, pourvoi n° 01-17.724, Bull. 2003, III, n° 74).
11. Pour prononcer la résiliation partielle du bail, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que, si un défaut d'entretien du bâtiment par la bailleresse est évoqué par l'expert judiciaire, les désordres affectant l'un des immeubles donnés à bail trouvent leur cause prépondérante dans la conception structurelle d'époque inadaptée pour un ouvrage d'une telle hauteur, qui est à l'origine du défaut de stabilité et du danger que présente le bâtiment, de sorte que l'existence d'un cas fortuit est établie.
12. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 mars 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen.