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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 2, 5 février 2015, n° 13/19500

PARIS

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. CHARLON

Conseillers :

Mme LOUYS, Mme GRAFF DAUDRET

Avocats :

Me BARATELLI, SCP BOLLING - DURAND - LALLEMENT, Me Plot

TGI BOBIGNY, du 2 oct. 2013

2 octobre 2013

FAITS ET PROCEDURE':

Mme P., décédée à Bobigny le 23 avril 2001, avait par testament authentique du 6 août 1993 institué la Fondation Bersabée, devenue la Fondation des Petits Frères des Pauvres (la FONDATION), légataire universelle. Par testament olographe du 23 mai 2000, elle a établi M. Albert D. légataire universel. Ce dernier a renoncé à son legs par acte notarié du 10 mai

2009. Le 25 août 2009, la FONDATION a accepté purement et simplement le legs universel de Mme P..

Par ordonnance sur requête du 8 mars 2013, M. D. a obtenu l'envoi en possession de la succession.

Par acte du 3 juillet 2013, la FONDATION a assigné M. D. en référé, aux fins de voir rétracter l'ordonnance d'envoi en possession.

Par ordonnance contradictoire du 2 octobre 2013, le juge des référés du tribunal de grande instance de Bobigny a :

- déclaré la demande recevable,

- réservé l'action civile du défendeur relative aux propos qu'il qualifie d'injurieux ou dilatoires,

- rétracté l'ordonnance du «'9 » mars 2013 ayant envoyé M. D. en possession de la

succession de Mme P.,

- dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes,

- condamné M. D. à payer à la FONDATION la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

M. Albert D. a interjeté appel de cette décision le 10 octobre 2013.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 décembre 2014.

Mme Michèle LEBOSSE, administrateur provisoire de la succession de Simone P., assignée, n'a pas constitué avocat. Par lettre du 15 octobre 2013, elle a fait savoir à la Cour que sa mission en cette qualité était terminée.

Mme Paulette N. et Mme Marie Georgette N., respectivement assignées à personne et à l'étude de l'huissier, n'ont pas constitué avocat.

Par dernières conclusions du 2 décembre 2014, auxquelles il convient de se reporter, M. D. demande à la Cour de :

- infirmer l'ordonnance de référé rendue le 2 octobre 2013 par le tribunal de grande instance de Bobigny sauf en ce qu'elle a réservé l'action civile du défendeur quant aux propos diffamatoires,

En conséquence, statuant à nouveau :

- rejeter l'ensemble des demandes formulées par la FONDATION,

- constater qu'il a irrévocablement accepté la succession de Mme P. et ne peut plus y renoncer,

- constater que son acte de renonciation au legs en date du 10 mars 2009 est dénué de tout effet,

- constater que le testament établi le 6 août 1993 par Mme P. au profit de la FONDATION est dépourvu de tout effet juridique,

En conséquence :

- constater qu'il est le seul et unique légataire universel de Mme P.,

- confirmer dans l'ensemble de ses dispositions l'ordonnance rendue le 8 mars 2013, l'ayant envoyé en possession du legs universel qui lui a été fait par Mme P.,

En tout état de cause :

- condamner la FONDATION à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de la présente instance qui seront recouvrés par la Scp Bolling Durand Lallement conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Il fait valoir que l'ordonnance d'envoi de possession a été rétractée pour non respect du contradictoire alors que l'article 1008 du code civil prévoit le recours à la procédure sur requête pour qu'un légataire universel soit envoyé en possession du legs effectué au moyen d'un testament olographe';

Que son acte de renonciation est dépourvu de tout effet car il n'a pas été enregistré au greffe du

tribunal de grande instance de Bobigny';

Qu'il a par ailleurs perçu des fonds en sa qualité de légataire universel de Mme P., en particulier la somme de 281 197,28 euros correspondant au dégrèvement fiscal accordé à Mme P.'; qu'il a donc fait des actes impliquant nécessairement son intention d'accepter la succession de Mme P., au sens de l'article 782 du code civil'; que ces actes constituent incontestablement un acte d'acceptation pure et simple du legs ; qu ainsi, M. D., en sa qualité de légataire universel qui a obtenu l'envoi en possession et a, en cette qualité, perçu des fonds dépendant de la succession, l'a irrévocablement acceptée et ne peut plus y renoncer.

Par dernières conclusions du 5 novembre 2014, auxquelles il convient de se reporter, la FONDATION demande à la Cour de :

- confirmer purement et simplement l'ordonnance de référé du tribunal de grande instance de Bobigny du 2 octobre 2013,

Par voie de conséquence :

- rétracter l'ordonnance d'envoi en possession en date du 8 mars 2013 du legs universel fait par Mme P. au profit de M. D.,

- débouter ce dernier de l'ensemble de ses demandes,

Subsidiairement,

- ordonner le sursis à statuer jusqu'au prononcé d'une décision définitive la procédure pendante devant le tribunal de grande instance de Paris sous le RG 14/01206,

Y ajouter,

- condamner M. D. à lui payer la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle réplique que l'envoi de possession de M. D. obtenue non contradictoirement est très critiquable';

Que par acte notarié en date du 10 mars 2009, M. D. a déclaré « renoncer purement et simplement au legs universel qui lui a été fait par Simone P. aux termes de son testament en la forme olographe en date du 23 mai 2000 .. voulant que ce legs soit considéré comme non avenu et ne produise aucun effet »'; que conformément aux dispositions de l'article 1043 du code civil, cette renonciation a entraîné la caducité du legs et l'a rétroactivement privé de tout effet'; que cet acte notarié a été déposé au greffe de la juridiction pénale de Bobigny';

Qu'elle a accepté la succession sans équivoque ce qui fait obstacle à une éventuelle rétractation de la renonciation.

SUR QUOI, LA COUR,

Considérant que selon l'article 1008 du code civil, dans le cas de l'article 1006, si le testament est olographe ou mystique, le légataire universel sera tenu de se faire envoyer en possession, par une ordonnance du président du tribunal de grande instance, mise au bas d'une requête à laquelle sera joint l'acte de dépôt';

Que selon l'article 496, alinéa 2, du code de procédure civile, s'il est fait droit à la requête, tout

intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance';

Considérant que selon l'article 58 du code de procédure civile, la requête est l'acte par lequel le demandeur saisit la juridiction sans que son adversaire en ait été préalablement informé';

Que la dérogation au principe, fondamental, de la contradiction, ne peut se justifier que par autorisation de la loi, ou par autorisation du juge';

Considérant qu'en cas d'autorisation de la loi, le requérant est fondé à agir par voie de requête sans avoir à démontrer qu'il est nécessaire d'emprunter une voie non contradictoire'; que tel est le cas d'espèce, l'article 1008 du code civil autorisant le légataire universel à ne pas appeler de partie adverse'; que cette requête, «'nommée'» ou «'spéciale'» n'exige pas non plus l'urgence';

Qu'il n'y a donc lieu de procéder, comme l'a fait le premier juge, à l'examen des circonstances exigeant que la mesure réclamée ne soit pas prise contradictoirement, au sens de l'article 493 du code de procédure civile, lequel s'applique aux requêtes «'inommées'» ou «'générales'»';

Que le juge de la requête, et le juge de la rétractation, sont cependant tenus de vérifier que les conditions prévues par la loi pour ordonner la mesure sollicitée sont réunies';

Que la juridiction saisie d'une requête à fin d'envoi en possession par application de l'article 1008 du code civil doit seulement s'assurer de la validité apparente des dispositions testamentaires';

Considérant que M. D. se prévaut d'un testament olographe du 23 mai 2000 pour demander l'envoi en possession du legs universel qui lui a été fait par Simone P.';

Qu'à l'appui de la requête du 8 mars 2013, il a fait valoir qu'une précédente ordonnance d'envoi en possession du 14 août 2001 a été rétractée le 10 juin 2002 uniquement en raison d'une procédure pénale en cours des chefs d'abus de faiblesse et d'abus de confiance, mais qu'il a été relaxé par arrêt définitif de la cour d'appel de Paris (Pôle 2-9) du 25 mai 2011 ;

Qu'à cette seconde requête d'envoi en possession, la FONDATION oppose à M. D. sa renonciation au legs faite devant notaire le 10 mars 2009, M. D. soutenant que cet acte est sans effet, dès lors qu'il n'a pas été enregistré au greffe du tribunal de grande instance et qu'il a accompli des actes impliquant nécessairement son intention d'accepter la succession, au sens de l'article 782 du code civil, une telle acceptation étant irrévocable';

Que cependant, si l'appelant se prévaut du défaut de dépôt de la renonciation litigieuse au greffe du tribunal de grande instance, conformément aux articles 804 du code civil et 1339 du code de procédure civile, la contestation de l'intimée selon laquelle cet acte notarié a été effectivement déposé au greffe de la juridiction pénale du tribunal de grande instance de Bobigny comme rappelé dans son jugement du 2 juillet 2009, apparaît sérieuse, seul le juge du fond, que M. D. a lui même saisi, ayant pouvoir pour apprécier la portée de ce dépôt et son opposabilité aux tiers';

Que l'appelant invoque encore le caractère irrévocable de l'acceptation, tacite, de son legs, résultant de sa demande d'envoi en possession et d'encaissement de sommes provenant de la succession';

Que sa première demande d'envoi en possession du 14 août 2001 est cependant antérieure à sa renonciation au legs reçue par acte authentique le 10 mars 2009, tandis que sa seconde demande d'envoi en possession du 8 mars 2013 est présentement litigieuse du fait même de cette renonciation préalable';

Qu'ensuite, la perception par M. D., en sa qualité de légataire universel, de la somme de 282 197, 28 euros correspondant à un dégrèvement fiscal accordé à Simone P. et à son

ex époux M.F. MATHIEU, à la suite de l'envoi en possession par ordonnance du 14 août 2001, ne peut, avec l'évidence requise en référé, être tenue pour une acceptation non équivoque et irrévocable de la succession, alors que cette ordonnance d'envoi en possession a été rétractée le 10 juin 2002, quels que soient les motifs de la rétractation, et que par arrêt du 7 décembre 2011, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par M. D. contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 2 juin 2010 ayant confirmé l'ordonnance de référé condamnant M. D. à rembourser à Maître LEBOSSE, en sa qualité d'administrateur de la succession de Simone P., la somme précitée au motif que la renonciation du 10 mars 2009 avait entraîné la caducité du legs et l'avait rétroactivement privé de tout effet';

Qu'enfin, la FONDATION oppose encore à la demande d'envoi en possession de M. D. sa propre acceptation sans équivoque de la succession en août 2009, et le dépôt de sa déclaration de succession en octobre 2011, invoquant le fait que la rétractation de la renonciation à la succession ne saurait produire effet dès lors qu'un autre héritier a dans l'intervalle manifesté son intention non équivoque d'accepter la succession';

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments une contestation sérieuse faisant obstacle à l'envoi en possession';

Que l'ordonnance entreprise sera, dès lors, confirmée, en tant que de besoin par motifs substitués';

PAR CES MOTIFS

CONFIRME l'ordonnance entreprise,

Y ajoutant,

CONDAMNE M. Albert D. à payer à la FONDATION DES PETITS FRERES DES PAUVRES la somme de 8 000 euros au titre de l article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. Albert D. aux dépens d'appel.

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