CA Versailles, ch. soc. 4-4, 8 janvier 2025, n° 24/01493
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Mlb Concept (Sté), Groupe Mlb Concept (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Prache
Conseillers :
M. Baby, Mme Gautier
Avocats :
Me Clerc, Me Cappe de Baillon, Me Tiar
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Par jugement du 12 septembre 2023, notifié aux salariés et à la société SAS MLB Concept le 13 septembre 2023, le conseil de prud'hommes de Versailles (section industrie) a :
. déclaré la péremption de l'affaire
. débouté les parties au titre de leur demande respective au titre de l'article 700 du code de procédure civile
. condamné M. [B] aux entiers dépens conformément aux articles 696 et 393 du code de procédure civile.
Par déclaration adressée au greffe de la cour d'appel de Versailles le 13 octobre 2023, M. [B] ont interjeté appel de ce jugement à l'encontre de la société SASU MLB Concept RCS 509 485 462.
Par ordonnances du 2 mai 2024, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Versailles a :
. déclaré l'appel irrecevable ;
. rappelé que la présente ordonnance met fin à l'instance ;
. dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
. condamné M. [B] aux dépens d'appel ;
. rappelé que cette ordonnance peut être déférée à la cour dans les quinze jours de sa date.
Les motifs de l'ordonnance sont les suivants :
« Il résulte des articles 32 et 117 du code de procédure civile, qu'est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir, cette situation n'étant pas susceptible d'être régularisée lorsque la prétention est émise par ou contre une partie dépourvue de la personnalité juridique, et l'irrégularité ne pouvant être couverte par l'intervention volontaire à l'instance d'une autre partie.
Au cas particulier, il ressort des éléments de la cause que : la SASU MLB Concept, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Versailles sous le numéro 509 485 462 et domiciliée au [Adresse 2], a fait l'objet d'une transmission universelle de patrimoine intervenue le 17 février 2020 puis d'une dissolution le 24 février 2020 par décision de l'associé unique par suite de la réunion de toutes les parts sociales en une seule main, avant d'être radiée du registre du commerce et des sociétés le 7 juin 2020 ; la société LMH qui l'a absorbée est devenue la SAS Groupe MLB Concept, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Versailles sous le numéro 788 459 543 et domiciliée au [Adresse 2].
Ainsi, la SASU MLB Concept a été dissoute sans liquidation par décision de l'associé unique, à compter du 24 février 2020, et cette dissolution a entraîné la transmission universelle du patrimoine de la société à ce même associé unique, laquelle a pris effet au cours de cette même année, en tout cas après la saisine prud'homale intervenue en 2019.
Il ne s'agit donc pas d'une simple erreur de dénomination constituant une irrégularité de forme affectant la déclaration d'appel, laquelle vise en effet, en tant qu'intimée, la SASU MLB Concept, n° RCS 509485462, mais d'une fin de non[1]recevoir tirée de l'absence de droit d'agir de la société absorbée en ce que la société absorbante a acquis, de plein droit, la qualité pour poursuivre les instances engagées par ou contre la société absorbée, situation non régularisable.
En tout état de cause, cette irrégularité ne peut être couverte par l'intervention volontaire de la société Groupe MLB Concept.
L'absence de possibilité de régularisation de la procédure par voie d'intervention volontaire de la société absorbante en cours d'instance ne méconnaît pas le droit d'accès à un tribunal garanti par l'article 6, §1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En effet, le but poursuivi par la règle qui impose que la personne morale, en demande comme en défense, soit pourvue d'une existence juridique est légitime, en ce qu'il tend à protéger les droits de la défense. Cette règle ne porte pas atteinte au droit d'accès à un tribunal dans sa substance. En outre, il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
L'appel engagé à l'encontre de la SASU MLB Concept sera donc déclaré irrecevable en raison de la disparition de la personnalité juridique de cette dernière, à la date de l'introduction de l'instance d'appel.
En équité, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Les entiers dépens d'appel seront mis à la charge de l'appelant. »
Par requêtes aux fins de déféré du 15 mai 2024, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'énoncé complet des moyens, les salariés demandent à la cour de :
. déclarer recevable et bien fondée la présente requête
Et, y faisant droit,
. réformer l'irrecevabilité de l'appel et de la déclaration d'appel prononcée par ordonnance du 2 mai 2024
. fixer un calendrier de procédure avec fixation d'une audience de plaidoirie
. condamner à verser à chacun des requérants la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Ils soutiennent que l'appel a été régularisé selon les informations détenues, au vu notamment des mentions portées sur le jugement attaqué à la date de la déclaration au greffe, que de manière déloyale l'absorption invoquée lui a été dissimulée, que la société intervenante volontaire exerce son activité à la même enseigne que la société absorbée, que le nouveau numéro d'immatriculation au RCS de la société intimée ne constitue pas pour cette dernière un grief justifiant l'annulation de la déclaration d'appel alors que la société SAS MLB Concept s'est constituée sous cette dénomination.
Le défendeur au déféré, la société SAS Groupe MLB Concept, venant aux droits de la société SASU MLB Concept, demande à la cour de :
. confirmer l'ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état le 2 mai 2024
. déclarer irrecevable l'appel interjeté par M. [B] à l'encontre de la société SASU MLB Concept (n° RCS 509 485 462),
. condamner (les salariés) à payer à la SAS Groupe MLB Concept la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
. condamner (les salariés) aux dépens.
Elle soutient que :
. à la date de la déclaration d'appel, la société intimée en qualité d'employeur, la société SASU MLB Concept, était dépourvue d'existence juridique après avoir été absorbée par la société SAS Groupe MLB Concept à la suite d'une transmission universelle de patrimoine qui a pris effet le 17 février 2020, et radiée du registre du commerce et des sociétés avec effet au 24 mars 2020 ; l'appelant aurait donc dû interjeter appel contre la société SAS Groupe MLB Concept ;
. la saisine de la cour à l'encontre d'une société radiée du registre du commerce et des sociétés constitue une irrégularité de fond rendant le recours de l'appelant irrecevable et ne pouvant être régularisée par l'intervention de la société SAS Groupe MLB Concept ;
. les démarches accomplies par l'appelant depuis le jugement de première instance, tel que le fait de renvoyer un bordereau de pièces déjà communiqué ultérieurement, ne sont pas de nature à interrompre la péremption.
MOTIFS
Sur la jonction
En application de l'article 367 du code de procédure civile, il convient, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, d'ordonner la jonction des instances inscrites au répertoire général du greffe sous les RG n° 24/01493, RG n° 24/01494, RG n° 24/01495, RG n° 24/01496, RG n° 24/01497,
RG n° 24/01499, RG n° 24/01498, RG n° 24/01500, et de dresser du tout un seul et même arrêt sous le RG n° 24/01493.
En effet, la question de procédure que la cour d'appel est invitée à trancher est posée de façon strictement identique pour l'ensemble des dossiers.
Sur le déféré
En application des articles 32 et 117 du code de procédure civile, l'existence de l'action est subordonnée à l'existence juridique de la personne qui agit ou se défend, qui lui confère sa capacité de jouissance du droit d'agir en justice. La capacité de jouissance désigne l'aptitude à devenir titulaire d'un droit ou d'une obligation.
Il est constant qu'est dépourvue de la personnalité juridique et de capacité d'ester en justice une société dissoute (Com., 6 mai 2003, pourvoi n°00-17.344).
En l'espèce, il n'est pas contesté que la société à l'encontre de laquelle la déclaration d'appel a été dirigée, la société MLB Concept, immatriculée au RCS de [Localité 19] sous le numéro 509 485 462 et domiciliée au [Adresse 2] à [Localité 18], a fait l'objet d'une transmission universelle de patrimoine à la société LMH devenue la société SAS Groupe MLB Concept, intervenue le 17 février 2020, et qu'elle a été dissoute le 24 février 2020, avant d'être radiée du RCS le 7 juin 2020. La société SAS Groupe MLB Concept est immatriculée sous le RCS 788 459 543 et domicilée à la même adresse.
Il résulte de l'ensemble de ces constatations qu'à la date de la déclaration d'appel, qui est postérieure à la dissolution entraînée par l'opération d'absorption précitée, la société MLB Concept.
La cour relève que la déclaration d'appel enregistrée par le RPVA et ainsi transmise au greffe par le conseil de l'appelant le 13 octobre 2023 à 12h14 comporte l'indication de la société SASU MLB Concept RCS 509 485 462, et l'annexe à cette déclaration d'appel mentionne la société SAS MLB Concept (nom de la société indiqué sur le chapeau du jugement et figurant sur les contrats de travail des salariés) avec le numéro de RCS précité correspondant à celui de la société MLB Concept.
Il en résulte que la déclaration d'appel a bien été dirigée contre la société dissoute MLB Concept et non à l'encontre de la société SAS Groupe MLB Concept.
Le conseiller de la mise en état a retenu à juste titre que l'intervention volontaire à l'instance de la société absorbante en qualité d'ayant cause à titre universel de la société absorbée ne peut valoir régularisation a posteriori de l'irrégularité affectant la déclaration d'appel qui constitue l'acte de saisine de la cour.
La fin de non-recevoir ne peut être écartée au motif que celle-ci n'aurait pas avisé les salariés et la juridiction de l'opération par laquelle elle a absorbée la société MLB Concept, cette circonstance n'étant pas de nature à couvrir l'absence de personnalité morale, à la date de l'appel, de la société contre laquelle le recours est dirigé.
En tout état de cause, le moyen selon lequel l'absorption précitée de la société MLB Concept par la société LMH devenue la société SAS Groupe MLB Concept a été dissimulée aux salariés n'est pas fondé dès lors qu'il n'est pas contesté que cette absorption a fait l'objet d'une publicité au journal spécial des sociétés le 22 février 2020 ainsi que cela ressort du K bis produit de la société MLB Concept (à jour du 16 janvier 2024). Enfin, il importe peu que la société SAS Groupe MLB Concept exerce son activité à la même adresse et enseigne que la société absorbée, dès lors que cette société n'a plus d'existence juridique.
S'agissant d'une fin de non-recevoir tirée de l'absence de qualité à agir, le moyen tiré de l'absence de grief de la société intimée est inopérant.
Par des motifs pertinents, que pour le surplus la cour adopte, le conseiller de la mise en état a donc déclaré l'appel irrecevable. Ses ordonnances seront confirmées en toutes leurs dispositions.
Les dépens du déféré seront mis à la charge des salariés, parties succombantes.
L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Les demandes formées à ce titre seront donc rejetées.
PAR CES MOTIFS:
La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe:
ORDONNE la jonction des affaires enrôlées sous les RG n° 24/01493, RG n° 24/01494, RG n° 24/01495, RG n° 24/01496, RG n° 24/01497, RG n° 24/01499, RG n° 24/01498, RG n° 24/01500, et de dresser du tout un seul et même arrêt sous le RG n° 24/01493,
CONFIRME en toutes leurs dispositions les ordonnances du conseiller de la mise en état de la chambre 4-1 de la cour d'appel de Versailles,
Y ajoutant
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et rejette les demandes formulées à ce titre,
CONDAMNE M. [B], M. [N] [R], M. [W], M. [M] [O], M. [U] [E], M. [U], M. [D] [C], M. [T] [S] aux dépens du déféré.