Cass. 1re civ., 16 février 1994, n° 92-10.397
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. de Bouillane de Lacoste
Rapporteur :
Mme Lescure
Avocat général :
M. Gaunet
Avocat :
Me Choucroy
Attendu que M. X... Kaci, de nationalité algérienne, titulaire d'une licence en droit décernée par la faculté d'Alger et inscrit au barreau d'Alger depuis le mois de juillet 1980, a sollicité son inscription au barreau de Paris ; que, par décision du 30 avril 1991, le conseil de l'Ordre a refusé son inscription ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que l'Ordre des avocats à la cour d'appel de Paris fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 4 décembre 1991) d'avoir infirmé l'arrêté du conseil de l'Ordre et déclaré M. X... Kaci inscrit au barreau de Paris, alors, selon le moyen, de première part, qu'aux termes de l'article 44.7°, du décret n° 72-468 du 9 juin 1972 sont dispensés de la condition du certificat d'aptitude à la profession d'avocat les anciens défenseurs et avocats précédemment inscrits au tableau d'un barreau dans un Etat lié à la France par un accord de coopération judiciaire ; que le protocole judiciaire franco-algérien du 28 août 1962 ne renferme aucune disposition permettant aux ressortissants des deux Etats l'exercice de la profession d'avocat sur le territoire de l'autre Etat sans respect des conditions de diplômes et de formation exigées par la législation de cet Etat, puisqu'au contraire, l'article 15 du protocole prévoit que, à titre de réciprocité, les citoyens de chacun des deux pays pourront librement demander leur inscription à un barreau de l'autre pays sous réserve de satisfaire aux conditions légales requises pour ladite inscription dans le pays où cette inscription est demandée ; qu'ainsi, en dispensant M. X... Kaci de l'obtention de la maîtrise en droit et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat, alors que l'accord de coopération judiciaire liant l'Etat algérien à la France l'obligeait à satisfaire aux conditions légales françaises de diplôme et de formation, la cour d'appel a méconnu les dispositions de l'article 44.7°, du décret précité, ensemble l'article 15 du protocole judiciaire franco-algérien du 28 août 1962 ; alors, de seconde part, que le conseil de l'Ordre avait retenu que le protocole judiciaire du 28 août 1962 ne pouvait recevoir application en France et constituer un accord de coopération judiciaire au sens de l'article 44.7°, du décret du 9 juin 1972 que dans la mesure où il était, en l'état des législations des Etats signataires, susceptible d'application réciproque ; qu'à cet égard l'Ordre avait fait valoir que les dispositions de la loi algérienne n° 9104 du 8 janvier 1991 excluaient toute réciprocité dans l'application du protocole en Algérie, dès lors que la loi algérienne posait des conditions d'aptitude physique inconnues dans le protocole judiciaire, que l'accès des barreaux algériens pouvait être refusé aux personnes ayant eu " une conduite contraire à la révolution de novembre 1954 ", ce qui était de nature à exclure tous les anciens combattants de la guerre d'Algérie ; que le conseil de l'Ordre avait encore retenu que l'ordre public français s'oppose à l'application réciproque en France du protocole dans la mesure où la loi algérienne du 8 janvier 1991 permet l'accès aux barreaux algériens, sans examen, de personnes titulaires d'une licence en charia islamique et qu'il était contraire à l'ordre public français que de telles personnes puissent de plein droit prétendre à l'accès aux barreaux français ; qu'en se bornant à énoncer qu'en fait n'était pas établie la non-réciprocité d'application du protocole judiciaire du 28 août 1962, sans rechercher si, en droit, la conception française de l'ordre public international et la loi algérienne du 8 janvier 1991 ne faisaient pas obstacle à la réciprocité d'application de ce protocole, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article 55 de la constitution du 4 octobre 1958, ensemble les articles 15 du protocole judiciaire du 28 août 1962 et 44.7°, du
décret du 9 juin 1972 ;
Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel énonce à bon droit qu'en vertu de l'article 15, alinéa 9, du protocole judiciaire franco-algérien, qui constitue un accord de coopération judiciaire au sens de l'article 44.7°, du décret du 9 juin 1972, l'accès des citoyens algériens à la profession d'avocat en France se trouve soumis, exception faite de la condition relative à la nationalité, à la réglementation française, laquelle comporte l'ensemble des dispositions législatives et réglementaires édictées en la matière qui forment un tout indivisible, comportant notamment les dispositions prévues à l'article 44.7°, précité, et relève à juste titre que l'accès en France de M. X... Kaci à la profession d'avocat n'est pas contraire à la conception française de l'ordre public international en ce qui concerne les conditions d'exercice de la fonction de conseil et de la défense, dès lors qu'il justifie être titulaire d'une licence en droit et d'une pratique effective de cette profession ;
Attendu, ensuite, qu'en l'absence d'initiative prise par le Gouvernement pour dénoncer une convention ou en suspendre l'exécution, il n'appartient pas aux juges d'apprécier la condition de réciprocité prévue dans les rapports entre Etats par l'article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958 ;
Que, dès lors, en retenant que M. Y... Kaci, précédemment inscrit au barreau d'Alger, était dispensé des conditions de diplôme, de possession du certificat d'aptitude à la profession d'avocat et de stage imposées par les articles 11.2° et 3°, et 12 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, la cour d'appel, loin de méconnaître les textes invoqués, en a fait une exacte application ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le second moyen : (sans intérêt) ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.