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Décisions

CA Versailles, ch. civ. 1-4 construction, 13 janvier 2025, n° 21/05593

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Spie Batignolles Ile De France (SA)

Défendeur :

Conseil Etudes Realisations Compositions Impacts Services (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Trouiller

Conseillers :

Mme Romi, Mme Moulin-Zys

Avocats :

Me de Kerckhove, Me Dupichot, Me Pedroletti, Me Saba

T. com. Nanterre, du 30 juill. 2021, n° …

30 juillet 2021

FAITS ET PROCÉDURE

Les sociétés Spie SCGPM et Spie Batignolles TPCI (devenue Spie Batignolles Île-de-France, ci-après Spie) ont eu recours à la société Conseil études réalisations compositions impacts services (ci-après Cercis), société spécialisée dans les travaux de voiries et réseaux divers (VRD) et espaces verts, pour réaliser des travaux sur différents chantiers de construction.

Se plaignant de l'absence de fourniture de caution de garantie en paiement, telle que prévue par la loi du 31 décembre 1975, la société Cercis a assigné la société Spie et la société TPCI devant le tribunal de commerce de Nanterre le 12 avril 2011 pour obtenir la nullité de trois contrats de sous-traitance :

- n°1094 du 30 octobre 2009 conclu avec la société Spie (marché [Localité 6] Guyot I),

- n°933855 du 18 février 2010 conclu avec la société TPCI (marché Carrefour [Localité 5]),

- n°1104 des 24 et 27 août 2010 conclu avec la société Spie (marché Nano innov).

Par jugement contradictoire rendu le 5 mars 2015, le tribunal de commerce de Nanterre a notamment :

- prononcé la nullité des marchés de sous-traitance n°1094 et n°1104,

- débouté la société Cercis de sa demande en nullité du marché n° 933835,

- désigné avant dire droit M. [T] [G] [W] en qualité d'expert avec mission de fournir tous éléments lui permettant de faire les comptes entre les parties au titre des deux marchés de sous-traitance à savoir les marchés n°1094 et n° 1104,

- débouté la société Cercis de sa demande de paiement à titre provisionnel de la somme de 105 516,92 euros,

- débouté la société TPCI de sa demande reconventionnelle à l'encontre de la société Cercis.

Le 18 juillet 2015, la société Cercis a interjeté appel de ce jugement à l'encontre de la société Spie et de la société TPCI.

L'expert judiciaire a déposé son rapport le 7 octobre 2015.

Par ordonnance du 1er mars 2016, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevable comme tardif l'appel interjeté le 18 juillet 2015 par la société Cercis, l'a condamnée à payer à la société TPCI la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et dit que les dépens, à la charge de la société Cercis, allaient être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par arrêt rendu le 31 octobre 2016, la cour d'appel de Versailles a :

- confirmé que l'appel régularisé par la société Cercis à l'encontre de la société TPCI le 18 juillet 2015 était irrecevable comme tardif,

- dit que la procédure se poursuivait entre les sociétés Cercis et Spie,

- condamné la société Cercis à payer à la société TPCI une indemnité complémentaire de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens de l'instance éteinte qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par jugement du 23 juillet 2021, rectifié par un jugement en date du 30 juillet 2021 (rectification de la date et du nom de l'expert), le tribunal de commerce de Nanterre a :

- déclaré recevable l'exception de nullité du rapport d'expertise mais l'a dit mal fondée,

- condamné la société Spie à payer à la société Cercis la somme de 934 575, 14 euros TTC, au titre des débours techniques et frais généraux des marchés [Localité 6] Guyot et Nano innov, à augmenter d'intérêts au taux légal à compter du 26 juin 2012, avec anatocisme,

- débouté la société Cercis de sa demande au titre des débours financiers,

- débouté la société Spie de sa demande relative à la mise en 'uvre par la société Cercis d'un comportement déloyal et constitutif de dol pré contractuel et au paiement de la réparation du préjudice en résultant,

- condamné la société Spie à payer à la société Cercis la somme de 60 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civil,

- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire du présent jugement,

- condamné la société Spie aux dépens, et ce inclus la somme de 8 369,28 euros en couverture des frais d'expertise de M. [W] supportés par la société Cercis,

- liquidé les dépens du greffe à la somme de 94,92 euros dont TVA 15,82 euros.

Le tribunal a déclaré recevable l'exception de nullité du rapport d'expertise soulevée in limine litis.

Rejetant les critiques formulées par la société Spie, le tribunal a retenu qu'il n'y avait pas lieu d'écarter ni d'annuler le rapport d'expertise.

Sur le fond, concernant l'indemnité due à la société Cercis, le tribunal a retenu la méthode d'évaluation de l'expert, soit par l'évaluation des coûts avec contrôle des débours de l'entreprise, et non celle de l'approche comparative en ce qu'il s'agissait d'un ouvrage unique, qu'il n'était pas possible de procéder à une évaluation à partir de travaux similaires, et qu'en tout état de cause, la difficulté posée par l'analyse des conditions particulières d'exécution ne permettait pas une telle approche.

S'agissant de la détermination des débours, le tribunal a retenu les sommes respectives de 119 515 euros et 333 819 euros à titre d'indemnisation des marchés Montreuil Guyot et Nano innov.

Le tribunal a jugé que l'indemnité qui allait être versée en considération des travaux réalisés par la société Cercis était, dans sa globalité, taxable à la TVA, dès lors que les indemnités versées en contrepartie directe de travaux immobiliers étaient bien soumises à cette taxe et qu'il n'était pas fait distinction dans les textes entre les coûts directs, les frais généraux et les frais financiers, tous parties intégrantes du coût des travaux constituant la contrepartie de l'indemnité versée par l'entreprise, y compris lorsqu'elle était décidée par le juge.

Le tribunal a ainsi jugé que la société Cercis détenait à l'égard de la société Spie une créance de 934 575,14 euros TTC au titre des débours techniques et des frais généraux des deux marchés.

Le tribunal n'a pas ordonné l'exécution provisoire, au vu des faits et de la nature de la cause.

Par déclaration du 6 septembre 2021, la société Spie a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions n°2 remises au greffe le 29 mai 2024, la société Spie demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré recevable l'exception de nullité du rapport d'expertise de M. [W],

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Cercis de sa demande de paiement au titre des débours financiers,

- infirmer le jugement pour le surplus,

- débouter la société Cercis de son appel incident et de l'ensemble de ses demandes,

- prononcer la nullité du rapport d'expertise de M. [W],

- ou, à tout le moins, considérer que le rapport d'expertise de M. [W] est mal-fondé et dépourvu de toute force probante,

- débouter la société Cercis de l'ensemble de ses demandes de paiement au titre des débours techniques et frais généraux des marchés [Localité 6] Guyot et Nano innov, augmentées d'intérêts au taux légal à compter du 26 juin 2012, avec anatocisme,

- à titre subsidiaire, désigner un collège d'experts, composé d'un expert financier, d'un expert-comptable, inscrit sur la société des experts en « comptabilité », et d'un expert sapiteur spécialisé en bâtiments, infrastructures et voies, avec pour mission de :

- se rendre si nécessaire sur les lieux de la réalisation des travaux sous-traités, aux fins, le cas échéant, de faire un métré,

- fournir tous les éléments techniques et de fait en précisant ses références, ses bases et méthodes de calcul, propres à chiffrer en se plaçant à l'époque de l'exécution du sous-traité, le juste coût des travaux réalisés, sans tenir compte du prix du contrat, en fonction des difficultés techniques et économiques du chantier,

- dire s'ils correspondent à des conditions normales d'exécution des travaux réalisés,

- fournir à la juridiction saisie tous les éléments lui permettant de faire les comptes entre les parties, et cela au titre des deux marchés de sous-traitance Nano-innov et [Localité 6].

- ou, à tout le moins, désigner tel expert qu'il plaira à la cour avec pour mission de déterminer le juste coût des ouvrages par la société Cercis, sans tenir compte du prix du contrat, en fonction des difficultés techniques et économiques du chantier,

- à titre très subsidiaire et si la cour décidait d'entrer en voie de condamnation sans ordonner une nouvelle expertise contradictoire avec une mission précisément définie,

- limiter les condamnations au titre du solde du juste coût des ouvrages réalisés par la société Cercis à la somme qui ne saurait excéder 19 670, 98 euros TTC pour le chantier de [Localité 6] et 277 176,63 euros TTC pour le chantier de Nano innov, tel que résultant du métré et du calcul du juste coût réalisé par M. [U] [K] sur la base des quantités effectivement mises en 'uvre et des prix courant unitaires de l'époque et au regard du déroulé effectif des chantiers ne comportant pas d'élément de difficulté intrinsèques.

- à titre infiniment subsidiaire et reconventionnel, si la cour d'appel confirmait la condamnation prononcée par le jugement à son encontre :

- juger que l'indemnité extra-contractuelle due à la société Cercis doit être fixée hors TVA et imputer l'intégralité des sommes versées TVA incluse et TTC par elle en cours de chantier sur l'indemnité extra-contractuelle, à charge pour chacune des parties de régulariser la situation au titre de la TVA perçue et de la TVA déduite,

- fixer le point de départ des intérêts au taux légal assortissant sa condamnation à la date du prononcé de la décision,

- condamner la société Cercis à lui régler la somme de 1 124 446,60 euros en réparation du préjudice causé par le dol pré-contractuel,

- en tout état de cause :

- ordonner la compensation des créances connexes entre les deux parties,

- condamner la société Cercis à lui payer une somme de 50 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens qui comprendront les frais d'expertise de 8 369,28 euros.

Aux termes de ses conclusions n°4, remises au greffe le 28 mai 2024, la société Cercis forme appel incident et demande à la cour de :

- déclarer la société Spie mal fondée en son appel et la débouter de toutes ses demandes,

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel incident,

- infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré recevable l'exception de nullité du rapport d'expertise de M. [W] et le confirmer en ce qu'il l'a déclarée mal fondée,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre des débours financiers,

- le confirmer pour le surplus,

- en conséquence, déclarer la société Spie irrecevable en sa demande de nullité du rapport de M. [W] et, en tout état de cause mal fondée,

- déclarer le rapport de M. [W] pleinement opposable à la société Spie et écarter toutes ses contestations,

- entériner le rapport d'expertise judiciaire et condamner la société Spie à lui payer :

- au titre des débours techniques et frais généraux, la somme de 1 124 446,60 euros TTC, avec intérêts au taux légal sur cette somme à compter du 26 juin 2012, date de ses conclusions récapitulatives n°1 valant mise en demeure au sens de l'article 1231-6 du code civil et capitalisation des intérêts dans les termes de l'article 1342-2 du code civil,

- au titre des débours financiers arrêtés au 30 juin 2015, la somme de 168 996 euros TTC et celle de 2 174,01 euros TTC par mois, depuis le 1er juillet 2015 et jusqu'à parfait paiement, outre les intérêts au taux légal sur ces sommes à compter de chacune de ces dates et capitalisation des intérêts dans les termes de l'article 1343-2 du code civil,

- débouter la société Spie de sa demande de condamnation à son encontre au titre d'un prétendu dol pré-contractuel,

- la débouter de sa demande de nouvelle expertise judiciaire,

- la condamner à lui payer la somme de 150 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de ses frais irrépétibles et aux entiers dépens de première instance et d'appel, incluant les frais d'expertise de M. [W] à hauteur de 8 369,28 euros, qui pourront être directement recouvrés par Me Pedroletti, avocat au barreau de Versailles, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 12 décembre 2023, le conseiller de la mise en état a condamné la société Spie à payer à la société Cercis une provision de 500 000 euros TTC.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 juillet 2024, l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoirie du 21 octobre 2024 et elle a été mise en délibéré au 13 janvier 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il faut rappeler que la nullité des contrats de sous-traitance suivants :

- n° 1094 du 30 octobre 2009 entre les sociétés Spie et Cercis (marché [Localité 6])

- n° 1104 du 24 août 2010 entre les sociétés Spie et Cercis (marché Nano innov)

et la nécessité d'indemniser la société Cercis de ses prestations ont été tranchées par le tribunal de commerce de Nanterre, confirmé par la présente cour d'appel dans son arrêt du 11 mars 2019. Ces dispositions sont définitives.

Les juges sont souverains pour apprécier le juste prix des prestations effectuées par le sous-traitant et fondés à ordonner à cet effet une mesure d'expertise, ce qui est advenu en l'espèce.

Sur la nullité du rapport d'expertise et la demande de désignation d'un collège d'experts

Sur la recevabilité de l'exception de nullité du rapport

Les irrégularités entachant les opérations d'expertise sont sanctionnées par application de l'article 175 du code de procédure civile qui dispose « La nullité des décisions et actes d'exécution relatifs aux mesures d'instruction est soumise aux dispositions qui régissent la nullité des actes de procédure ».

La demande de nullité de l'expertise ne constitue pas une exception de procédure et relève à ce titre de la compétence du juge du fond.

Pour autant, il est admis que la demande de nullité du rapport d'expertise doit être, à peine d'irrecevabilité, invoquée in limine litis, soit avant toute défense au fond, conformément à l'article 112 du même code qui dispose « La nullité des actes de procédure peut être invoquée au fur et à mesure de leur accomplissement ; mais elle est couverte si celui qui l'invoque a, postérieurement à l'acte critiqué, fait valoir des défenses au fond ou opposé une fin de non-recevoir sans soulever la nullité ».

En l'espèce, il est soulevé la nullité du rapport d'expertise judiciaire par la société Spie tandis que la société Cercis soulève l'irrecevabilité de cette demande de nullité comme n'ayant pas été soulevée avant toute défense au fond.

Les premiers juges du tribunal de commerce, devant lequel la procédure est orale, ont considéré à juste titre que le document intitulé « conclusions au fond N°1 » déposé à l'audience du 9 octobre 2019 dans le cadre de l'instance opposant les deux sociétés Spie SCGPM et Cercis, par la première, émis en réponse aux conclusions du 15 mai 2019 de la société Cercis, avait été déposé en fait pour la société Spie Batignolles IDF, la mention de la société Spie TPCI dans le document ne résultant que d'une erreur matérielle.

En effet, lesdites conclusions traitaient exclusivement des deux marchés [Localité 6] et Nano innov contractés par la société Cercis avec la société Spie SGPM devenue depuis 2018 la société Spie Batignolles IDF et étaient déposées dans l'intérêt exclusif de la société Spie SCGPM, devenue Spie Batignolles IDF et non de la société Spie TPCI.

Sur le reste, le tribunal de commerce a déclaré la demande de nullité du rapport d'expertise présentée par la société Spie recevable comme n'ayant pas été soulevée après avoir conclu au fond.

Il n'est pas contesté que ces conclusions ne contenaient pas cette demande d'irrecevabilité et contenaient bien des moyens de fond.

Le tribunal a considéré que le principe de l'oralité des débats primait sur les échanges écrits et que l'exception de nullité avait été soulevée in limine litis par la société Spie lors de la première audience devant le juge chargé d'instruire l'affaire.

En effet, en application de l'article 74 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité, cette nullité qui doit être soulevée avant toute défense au fond, doit l'être également lorsque la procédure est orale comme en l'espèce.

Ainsi, seules doivent être prises en considération les déclarations faites à l'audience, dès lors que celles-ci sont faites avant toute référence aux conclusions au fond.

En application de l'article 446-1 du même code « lorsqu'une disposition particulière le prévoit, les parties peuvent être autorisées à formuler leurs prétentions et leurs moyens par écrit sans se présenter à l'audience ». En ce cas, l'irrecevabilité doit être soulevée dans les premières conclusions ou au début des écritures contenant l'ensemble des moyens de défense.

L'article 446-2 organise ces échanges ainsi « Lorsque les débats sont renvoyés à une audience ultérieure, le juge peut organiser les échanges entre les parties comparantes. Après avoir recueilli leur avis, le juge peut ainsi fixer les délais et, si elles en sont d'accord, les conditions de communication de leurs prétentions, moyens et pièces.

Lorsque toutes les parties comparantes formulent leurs prétentions et moyens par écrit et sont assistées ou représentées par un avocat, les conclusions doivent formuler expressément les prétentions ainsi que les moyens en fait et en droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau énumérant les pièces justifiant ces prétentions est annexé aux conclusions. Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Les moyens qui n'auraient pas été formulés dans les écritures précédentes doivent être présentés de manière formellement distincte. Le juge ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion. Les parties doivent reprendre dans leurs dernières conclusions les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. À défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et le juge ne statue que sur les dernières conclusions déposées.

Lorsque les parties formulent leurs prétentions et moyens par écrit et qu'elles ne sont pas assistées ou représentées par un avocat, le juge peut, avec leur accord, prévoir qu'elles seront réputées avoir abandonné les prétentions et moyens non repris dans leurs dernières écritures communiquées.

À défaut pour les parties de respecter les modalités de communication fixées par le juge, celui-ci peut rappeler l'affaire à l'audience, en vue de la juger ou de la radier.

Le juge peut écarter des débats les prétentions, moyens et pièces communiqués sans motif légitime après la date fixée pour les échanges et dont la tardiveté porte atteinte aux droits de la défense ».

La date des prétentions et moyens des parties régulièrement présentés par écrit est celle de leur communication entre elles, selon l'article 446-4. L'application de cette disposition suppose que le juge ait organisé les échanges écrits entre elles conformément au dispositif de la mise en état de la procédure orales prévu par l'article 446-2 précité.

En l'espèce, il n'apparaît pas que le juge chargé de la mise en état ait voulu recourir à la procédure décrite à l'article 446-2.

La société Spie qui a soulevé pour la première fois l'irrecevabilité du rapport d'expertise devant ce juge est recevable en sa demande.

En conséquence, c'est justement que le tribunal a dit l'exception de nullité du rapport d'expertise recevable. Le jugement est confirmé.

Sur le bien-fondé de l'exception de nullité du rapport et la demande de désignation d'un collège expertal

L'article 114 du code de procédure civile dispose qu'aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'est pas expressément prévue par la loi, ou s'il n'a pas été manqué à une formalité substantielle ou d'ordre public. En toute hypothèse, la nullité ne peut être déclarée sans que celui qui s'en prévaut n'ait démontré qu'il subit un grief.

L'article 232 du même code dispose que le juge peut commettre toute personne de son choix pour l'éclairer par des constatations, par une consultation ou par une expertise sur une question défait qui requiert les lumières d'un technicien.

Conformément aux articles 233, 234, 237 du même code, le technicien doit remplir personnellement la mission qui lui est confiée, avec conscience, objectivité et impartialité. Il peut être récusé pour les mêmes causes que les juges.

L'article 238 précise que ce technicien doit donner son avis sur les points pour l'examen desquels il a été commis, sans répondre à d'autres questions, sauf accord écrit des parties, ni jamais porter d'appréciations d'ordre juridique.

En l'espèce, la mission de l'expert était de « déterminer les éléments permettant au tribunal de se prononcer sur les sommes restantes à percevoir par les sociétés CERCIS auprès de Spie SCGPM au titre des marchés de MONTREUIL et NANNO INOV ».

Si la société Spie estimait que cette mission était lacunaire, elle aurait pu faire un recours en demandant que sa mission soit complétée.

Il est reproché à M. [W], par la société Spie, essentiellement, de ne pas avoir effectué sa mission personnellement dans la mesure où en renvoyant les parties à un autre rapport -de M. [Y], réalisé à la demande de la société Cercis- il n'a pas fait d'investigations personnelles suffisantes et a fondé ses constatations exclusivement sur ce rapport qui était très contesté par la société Spie dans le jugement désignant l'expert judiciaire. Et ceci, toujours selon la société Spie, car il n'avait pas les compétences nécessaires pour effectuer la mission car il est un ingénieur en bâtiment et en infrastructures de transport alors que sa mission consistait à faire les comptes entre les parties au titre des deux marchés de sous-traitance annulés soit une mission à la fois comptable et technique du bâtiment. Selon elle, il aurait dû se faire aider d'un sapiteur comme le code de procédure civile le lui permet et comme elle lui avait demandé. De plus, il ne s'est pas rendu sur place pour effectuer un métré des travaux effectués. Sur ce dernier point il faut remarquer que les travaux sont achevés, par un tiers, depuis de nombreuses années et qu'un métré sur place ne présenterait que très peu d'utilité pour effectuer la mission impartie.

Ce premier grief recoupe le troisième grief qui lui est fait, soit l'obligation pour l'expert d'accomplir sa mission en toute conscience, objectivité et impartialité.

Sur ces griefs, il faut remarquer à la lecture du rapport de M. [W], que celui-ci s'est fait remettre ce document -le rapport de M. [D] [Y], réalisé à la demande de la société Cercis- comme les missions expertales le précisent, l'expert devant consulter tous les documents utiles. D'ailleurs, la société Spie a communiqué le rapport de son propre expert, M. [V] [M].

L'expert a pu, avec ces deux rapports, évaluer la qualité des travaux de ces deux experts, il a indiqué, de façon explicite, qu'il se fondait sur le document rédigé par M. [Y] « plutôt que d'engager à nouveau un pointage fastidieux des documents ayant servi à M. [Y] » avant de reconnaître que « la suite montrera qu'un nouveau pointage méticuleux a été nécessaire ».

M. [W] n'avait pas l'obligation d'écarter les conclusions de M. [Y] s'ils les trouvaient pertinentes. S'il a utilisé des informations contenues dans ce rapport c'est en les confrontant à ses propres constatations et aux contestations de l'expert de la société Spie. Il a, pour ce faire, organisé une réunion avec M. [M] pour qu'il expose ses griefs contre le rapport de M. [Y] et que la société Cercis y réponde. Il a organisé deux autre réunions pour cerner la réalité des dépenses prétendues par la société Cercis et évaluer les critiques de la société Spie sur celles-ci. Tout cela en parfaite transparence et dans le respect du principe du contradictoire.

Deux rapports, non contradictoires, de MM. [B] et [K] présentés par la société Spiene lui ont alors pas été soumis.

M. [W] a indiqué que la société Cercis utilisait un logiciel de comptabilité analytique Prograp de la société MC31 validé par son commissaire aux comptes. Ce logiciel permet pour chaque chantier d'imputer les commandes, les dépenses de personnel et de matériel, utilisées en totalité ou partiellement.

Néanmoins, il a demandé aux parties de lui fournir toutes les pièces complémentaires pour évaluer les dépenses de la société Cercis. Ainsi, pour exemple, afin d'évaluer les coûts de personnel, l'expert a effectué un travail exhaustif et remarquable en se faisant communiquer tous les documents nécessaires, il a écarté certaines indemnités relevant de « mauvaises pratiques ».

L'expert judiciaire a, après examen de toutes les pièces, rendu ses conclusions -en expliquant la méthode retenue poste par poste- qui, pour plusieurs d'entre elles, sont différentes de celles de M. [Y].

Il a répondu précisément aux dires des parties, respectant là aussi le principe du contradictoire.

Sa compétence professionnelle en la matière ne peut être valablement contestée.

Il est évident qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir effectué sa mission personnellement comme le texte ci-dessus l'y oblige, ni d'avoir manqué de conscience, objectivité et impartialité, tout expert devant, en conclusion de ses opérations, prendre parti sans qu'il puisse être reproché un manque d'impartialité et ceci même si cela n'est pas en faveur d'une des parties.

Il a d'ailleurs noté la très bonne collaboration de la société Cercis qui a déféré promptement à ses demandes de communications de pièces et a, inversement, déploré les critiques permanentes et souvent infondées de la société Spie, arguant d'une fraude généralisée de la comptabilité de la société Spie, l'expert l'ayant renvoyée à présenter ses griefs devant les instances judiciaires compétentes.

Sur les autres griefs formulés par la société Spie, soit l'insuffisance de la durée de l'expertise, l'expert a été désigné le 5 mars 2015 et a rendu son rapport le 2 octobre 2015. Cette durée ne souffre d'aucun grief. Il faut rappeler que la célérité d'un expert n'est pas un défaut, au contraire et que la prorogation de la date du dépôt du rapport expertal doit rester exceptionnelle. Ce grief n'est de toute façon pas une cause de nullité de l'expertise.

Enfin, l'allégation d'une prétendue collusion de l'expert judiciaire avec le dirigeant de la société Cercis n'est en rien démontrée.

Il en résulte que la nullité du rapport d'expertise ne peut être prononcée.

De plus, le rapport de M. [W] est précis et complet, il est inutile de faire diligenter une nouvelle mesure d'instruction comme le réclame la société Spie. Une telle mesure d'instruction, en application de l'article 144 du code de procédure civile, peut être ordonnée en tout état de cause dès lors que le juge ne dispose pas d'éléments suffisants pour statuer. Dans le cas d'espèce, la mesure d'expertise déjà ordonnée suffit à la cour pour faire les comptes entre les parties.

Le jugement est confirmé sur ces points.

Sur la demande de la société Cercis au titre de ses débours

Les contrats de sous-traitance [Localité 6] et Nano innov ont été annulés, il convient d'indemniser la société Cercis.

Dans le cas où un contrat nul a été exécuté, les parties doivent être remises dans l'état où elles se trouvaient avant cette exécution.

Le sous-traitant est fondé à réclamer à l'entrepreneur le paiement du coût réel de ses prestations -sommes déboursées et charges supportées- même s'il doit excéder le prix contractuellement prévu ou de la valeur de l'ouvrage, ceci ne constituant pas un abus de droit.

Toutefois, la restitution par l'entreprise principale des sommes réellement déboursées -sans que soit prise en compte la valeur de l'ouvrage- ne permet pas au sous-traitant de déterminer sa créance par référence à ses dépenses réelles, telles qu'elles ressortent de sa seule comptabilité analytique dans le cas où il ne fournirait aucun élément permettant de donner une appréciation sur le coût réel de la partie d'ouvrage relative au marché en cause.

Afin d'avoir une appréciation de l'indemnité due au sous-traitant, il a été ordonné une mesure d'expertise.

Les premiers juges ont tenu compte des sommes déboursées par le sous-traitant, mais non du prix convenu au contrat ni de la valeur réelle de l'ouvrage.

Dans le cas présent, la méthode par référence à des travaux similaires demandée par la société Spie n'a pas été possible en raison du caractère unique de l'ouvrage et de la difficulté de chiffrer des travaux similaires. Seule la méthode d'évaluation des coûts avec contrôle des débours de l'entreprise a été utilisée par l'expert qui s'en est expliqué devant les premiers juges.

Considérant cela, la cour retient la méthode utilisée par l'expert judiciaire.

Pour l'évaluation du préjudice, concernant les postes suivants, ils ont fait l'objet de contestations des parties et donc de précisions utiles de la part de l'expert.

Les frais généraux (hors frais financiers)

L'expert judiciaire retient un taux moyen de 29,3355 % sur l'ensemble des débours, calculés à partir de dépenses réelles et appliqués à des chiffres d'affaires chantiers incluant les factures à établir (FAE).

Il explique s'être basé sur le taux établi par le commissaire aux comptes de 29,936 % en 2009 et 30,105 % en 2010.

Sur le fait de calculer sur les chiffres de marché et non sur des chiffres d'affaires espérés, il précise que les contrats ayant été annulés, il faut appliquer les taux sur ces chiffres d'affaires espérés ou sur les dépenses totales constatées pour les deux chantiers, ce qui revient au même.

L'expert a demandé d'extraire de ces calculs la part destinée à couvrir les interventions éventuelles après-vente (SAV) puisqu'en obtenant une indemnisation sur ces dossiers, la société Cercis n'a pas eu à faire appel au SAV. Devant l'impossibilité d'extraire les dépenses réelles de SAV des frais généraux, il a exclu de l'établissement des coûts une part de SAV de 0,7 %. Ceci est convenable.

Généralement, pour un chantier la part de SAV intervient pour 0,7 % des coûts et, dans les frais généraux, sont incluses les dépenses réelles de SAV des autres chantiers et du chantier considéré. Il y a donc un doublon qu'il ne faut pas retenir.

Quant à l'assurance responsabilité civile, elle doit être intégrée puisque les primes ont été payées.

Concernant le taux à appliquer, il retient donc celui du commissaire aux comptes retranché des 0,7 %, soit un taux de 29,266 % en 2009 et 29,405 % en 2010 calculés sur les débours.

Sur les taux horaires

La société Cercis affecte les dépenses de personnel suivants des « rapports journaliers de pointage » pour les personnels de base et des « fiches mensuelles » pour les cadres et ETAM (employés, techniciens, agents de maîtrise). Ces fiches n'étaient toutefois pas toutes signées, l'expert les a qualifiées néanmoins d'acceptables.

L'évaluation des taux horaires prend pour base les coûts salariaux réels bruts selon le temps de présence réelle de chaque ouvrier sur la base de 35 heures par semaine et incluant en plus les heures supplémentaires par ouvrier ainsi que des frais d'EPI (équipements de protection individuelle), de véhicule de transport et de téléphone, ces derniers coûts étant calculés en moyenne sur l'ensemble. Ceci est convenable.

Sur la gestion des matériels

L'expert relate que sur un chantier coexistent deux types de matériels, ceux loués pour lesquels les factures sont affectées au chantier et les matériels en propre pour lesquels un taux interne de location est créé chaque année et facturés au chantier selon le nombre de jours de présence sur le chantier, en utilisation réelle ou pas.

Pour les locations, l'expert a vérifié que la société Cercis avait respecté les termes de ses contrats généraux et rendu les matériels dès qu'ils n'étaient plus nécessaires au chantier.

Concernant les frais de carburant, ils sont impossibles à quantifier chantier par chantier. L'expert remarque toutefois que les prix des locations internes, carburants compris, sont très largement inférieurs aux prix de marché des locations externes -carburants compris-, pour chaque type de matériel.

Les affectations de factures fournisseurs

La société Cercis présente chaque facture qui s'appuie sur un bon de commande numéroté et portant le numéro du chantier ([Localité 6] et Nano innov).

Or l'expert remarque que, dans nombre de cas, ces numéros diffèrent soit parce que le fournisseur a imprimé son numéro à lui, soit parce que le fournisseur ne l'a pas modifié.

Un état complet de ces anomalies a été réalisé par la société Spie.

L'expert affirme que supprimer tout ce qui présente une anomalie reviendrait à considérer que les chantiers ont été réalisés avec de la matière gratuite, ce qui n'est pas admissible.

Il a procédé par « présomption de vraisemblance » incluant pour frais réels relevant du chantier, soit ce qui a été corrigé sur un bordereau, soit ce qui est vraisemblable et livré sur le chantier alors qu'il est facturé ailleurs, soit en ce que si la facture ne portant pas le numéro de la société Cercis du chantier, elle est reliée à un bon de commande qui le porte soit l'inverse.

Après examen complet et exhaustif des relevés établis par la société Spie et vérifications sur pièces lors d'une réunion contradictoire, l'expert a retiré les facture douteuses, précision faite qu'il a vérifié, sur pièces, que les factures retenues avaient été payées par la société Cercis.

Il a ainsi expliqué précisément ce qu'il avait exclu et pour quelles raisons pour une somme totale de 19 521,31 euros HT pour le chantier Nano innov. Il est renvoyé au rapport d'expertise judiciaire pour le détail.

Pour les dépenses après réception, qui concernent le chantier Nano innov, l'expert n'a pas retenu à juste titre certaines dépenses mal définies de matériel et de frais administratifs. Il explique qu'il a cependant, après explications de la société Cercis, retenu les dépenses de personnel et encadrement.

Comme l'affirme justement la société Spie, la réception si elle intervient avec réserves est opposable au sous-traitant en ce qui concerne les réserves affectant l'exécution de ses travaux, nonobstant l'annulation du sous-traité.

La société Cercis n'a pas contesté son obligation de lever les réserves imputables à ses ouvrages mais a soumis à l'expert des dépenses postérieures à la réception et correspondant à des travaux de levée de réserves.

La cour après examen des pièces concernant ces coûts se range à l'avis de l'expert, seule la somme de 6 562 euros HT est déduite des dépenses du chantier Nano innov.

Les débours financiers et les gains manqués

Dans un dire de la société Cercis, il a été réclamé de tels débours financiers supportés par elle dans les deux affaires pour se procurer la ressource financière, chiffrés à 324 846,60 euros.

Elle réclame également des gains manqués pour un montant de 77 861 euros, soit un bénéfice non obtenu afférant aux travaux et prestations accomplis et des pénalités de retards sociales et fiscales pour un montant total de 94 067,60 euros.

L'expert affirme qu'il est difficile d'affecter les frais bancaires à telle partie du chantier.

Du début du chantier à la réception, les conditions de financement relèvent de la gestion ordinaire.

En revanche, pour ce qui concerne les débours financiers et frais généraux, il retient le droit à indemnité, de la réception et pendant 60 jours. Selon une méthode de moyenne arithmétique, prenant en considération le taux d'intérêt moyen pour chaque banque et pour chaque période, il obtient un taux pondéré pour chacune des périodes qu'il applique à la somme due.

Le tribunal n'a pas retenu cette méthode, considérant que ces coûts n'étaient pas rattachables à l'exécution des travaux. La cour lui donne raison sur ce point.

En revanche, pour compenser ceci, il a attribué des intérêts à compter des premières demandes de la société Cercis. Or d'une part, si ces frais ne sont pas rattachables à l'exécution des travaux il n'y a pas lieu de compenser un quelconque préjudice, d'autre part, ceci est contraire aux dispositions légales, puisqu'il s'agit ici d'intérêts compensatoires et non moratoires.

Concernant les gains prétendus manqués, l'expert considère qu'il est difficile de les quantifier pour des exercices déficitaires (2010-2013) alors que les factures à émettre correspondant à la réclamation de la société Cercis ont déjà été intégrées dans les comptes sans aucune provision.

Estimés à 5 % pour la partie « espaces verts » et à 2 % pour la partie VRD, ils pourraient apparaître comme un enrichissement sans cause.

C'est pour cela qu'ils ne seront pas retenus.

N'ont pas été retenus les retards de paiement des charges sociales et fiscales, en dépit de l'attestation de l'expert-comptable, faute d'imputation certaine aux chantiers. La cour suit l'expert dans cette affirmation.

Ainsi, en conclusion, suivant l'avis pertinent de l'expert et renvoyant à son rapport clair et complet, les indemnités suivantes doivent être versées à la société Cercis par la société Spie pour les deux chantiers concernés :

- 999 355,40 euros HT pour les travaux et frais généraux du chantier [Localité 6]

Dont il est constant qu'il a déjà été payé la somme de 509 441,23 euros

Soit un solde de 489 914,17 euros

- 1 699 595,51 euros HT pour les travaux et frais généraux du chantier Nano innov

Dont il est constant qu'il a déjà été payé la somme de 1 249 346,93 euros

Soit un solde de 450 248,58 euros

Ainsi, il est dû la somme totale de 940 162,75 euros HT.

Le jugement est partiellement infirmé.

Sur l'application de la TVA, il est cité le Bofip de l'administration fiscale dans son chapitre « Indemnités » qui prévoit :

« Pour être imposées à la TVA, les indemnités doivent correspondre à des sommes qui constituent la contrepartie d'une prestation de services individualisée rendue à celui qui la verse

270 (') Si la somme représente, pour la personne qui la verse, la contrepartie d'un service qui lui est rendu, il conviendra de conclure au caractère taxable de cette somme indépendamment du fait qu'elle résulte de l'application du contrat ou de la loi. Il en va de même lorsqu'elle est fixée par le juge.

280 (') A titre d'illustration, pourront notamment être considérés comme la contrepartie d'un service :

L'indemnité versée dans le cadre de la résiliation d'un contrat de travaux immobiliers, lorsqu'elle constitue, en fait, la rémunération d'un commencement d'exécution ».

En conséquence, il convient d'assortir cette somme du taux de la TVA applicable. La cour confirme sur ce point le jugement déféré.

Enfin, s'agissant d'une indemnité compensatoire, les intérêts sont dus à compter de la présente décision, avec capitalisation dans les conditions légales. Le jugement est partiellement confirmé.

Sur la demande au titre du dol pré-contractuel

Selon l'article 1116 du code civil, ancien, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man'uvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.

La société Spie argue d'un dol pré-contractuel de la part de la société Cercis qui aurait consisté à formuler une offre anormalement basse par rapport aux débours réellement dépensés ainsi évalués et dont elle sollicite la restitution.

Toutefois, il faut lui faire remarquer qu'en matière de sous-traitance, elle a choisi en toute connaissance de cause le « moins-disant », comme c'est souvent le cas dans le secteur du bâtiment et que si les contrats de sous-traitance n'avaient pas été annulés, elle ne se serait pas plainte d'avoir payé une somme moindre pour les travaux effectués.

D'autre part, si les contrats ont été annulés c'est parce qu'elle n'a pas respecté ses obligations légales en la matière.

Ainsi, aucun dol n'a été commis et la société Spie est particulièrement mal venue de soutenir une telle demande. Le jugement est confirmé.

Sur les dépens et les autres frais de procédure

La société Spie, qui succombe en grande partie, a été à juste titre condamnée aux dépens de première instance. Elle est également condamnée aux dépens d'appel, conformément à l'article 696 du code de procédure civile. Les dépens pourront être recouvrés directement dans les conditions prévues par l'article 699 du même code.

Selon l'article 700 1° de ce code, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

Le premier juge a fait une application équitable de ces dispositions. Les circonstances de l'espèce justifient de condamner la société Spie à payer à la société Cercis une indemnité de 20 000 euros au titre des frais exclus des dépens exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a,

- déclaré recevable l'exception de nullité du rapport d'expertise de M. [W] soulevée par la société Spie Batignolles Île-de-France, mais l'a dit mal fondée,

- débouté la société Cercis de sa demande au titre des débours financiers,

- débouté la société Spie Batignolles Île-de-France de sa demande relative à la mise en 'uvre par la société Conseil études réalisations compositions impacts services d'un comportement déloyal et constitutif de dol précontractuel et au paiement de la réparation du préjudice en résultant,

- condamné la société Spie Batignolles Île-de-France à payer à la société Conseil études réalisations compositions impacts services la somme de 60 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civil,

- condamné la société Spie Batignolles Île-de-France aux dépens, incluant la somme de 8 369,28 euros en couverture des frais d'expertise de M. [W] supportés par la société Conseil études réalisations compositions impacts services,

- liquidé les dépens du greffe à la somme de 94,92 euros dont TVA 15,82 euros

Infirme le jugement déféré pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Condamne la société Spie Batignolles Île-de-France à payer à la société Conseil études réalisations compositions impacts services la somme de 940 162,75 euros HT, augmentée de la TVA au taux applicable, à titre d'indemnité, pour les marchés [Localité 6] Guyot et Nano innov, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision, avec capitalisation dans les conditions légales et ce, après déduction des sommes versées en exécution de l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 12 décembre 2023 ;

Y ajoutant,

Condamne la société Spie Batignolles Île-de-France aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés directement dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer à la société Conseil études réalisations compositions impacts services une indemnité de 20 000 euros, par application de l'article 700 du code de procédure civile, et la déboute de sa demande à ce titre.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

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