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Décisions

CA Pau, 2e ch. sect. 1, 13 janvier 2025, n° 23/02562

PAU

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

A+ Energies (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Baylaucq

Vice-président :

Mme François

Conseiller :

M. Darracq

Avocats :

Me Gosseaume, Me Royer, Me Bordenave

TJ Pau, du 5 sept. 2023, n° 22/330

5 septembre 2023

FAITS - PROCEDURE - PRETENTIONS et MOYENS DES PARTIES

Le 6 juillet 2019, M. [M] [S] a signé un bon de commande avec la société A+ énergies (sas) pour la fourniture et l'installation, démarchages administratives incluses, d'un kit photovoltaïque en autoconsommation, d'un ballon thermodynamique et d'une domotique énergétique destinés à son logement, moyennant le prix total de 17.680 euros.

Un prêt affecté était signé le même jour pour financier l'opération.

La société A+ énergies a émis deux factures du même jour, le 25 septembre 2019, au titre du bon de commande.

M. [S] a contesté l'achèvement et la conformité de l'installation fournie.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 25 août 2020, la société A+ énergies a demandé à M. [S] de lui remettre « les documents de fin de chantier pour le règlement de l'installation ».

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 août 2020, M. [S] a demandé à la société A+ énergies de venir récupérer les matériels livrés, entre-temps déposés et stockés dans son garage.

Après vaine mise en demeure de payer, et suivant exploit du 16 janvier 2022, la société A+ énergies a fait assigner M. [S] par devant le tribunal judiciaire de Pau en paiement de la somme de 17.680 euros en principal, outre intérêts et dommages et intérêts.

Par jugement contradictoire du 5 septembre 2023, le tribunal a :

- prononcé la nullité du contrat de vente conclu le 6 juillet 2019

- condamné la société A+ énergies à reprendre la totalité des éléments entreposés dans le garage de M. [S] dans un délai de 30 jours à compter de la signification du présent jugement, passé ce délai M. [S] en fera son affaire personnelle

- débouté la société A+ énergies de ses demandes

- débouté M. [S] de sa demande de dommages et intérêts

- condamné la société A+ énergies aux dépens, outre le paiement d'une indemnité de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration faite au greffe de la cour le 20 septembre 2023, la société A+ énergies a relevé appel de ce jugement.

La procédure a été clôturée par ordonnance du magistrat du 9 octobre 2024.

***

Vu les dernières conclusions notifiées le 14 juin 2024 par la société A+ énergies qui a demandé à la cour d'annuler et en toute hypothèse réformer le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a débouté M. [S] de sa demande de dommages et intérêts, ce chef devant être confirmé, et, statuant à nouveau, de :

- juger que le contrat conclu le 6 juillet 2019 entre les parties est valable

- rejeter l'intégralité des demandes, fins et prétentions de M. [S]

- condamner M. [S] à lui payer la somme de 17.680 euros TTC au titre de la facture n° 2019 0908718 du 25 septembre 2019, augmentée des intérêts au taux légal majoré de trois fois à titre de pénalité contractuelle

- condamner M. [S] à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

* Vu les dernières conclusions notifiées le 15 mars 2024 par M. [S] qui a demandé à la cour de confirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts, et l'infirmant de ce chef, de condamner la société A+ énergies à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts, outre une indemnité supplémentaire de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

sur la nullité du bon de commande

L'appelante fait grief au jugement entrepris d'avoir annulé le bon de commande liant les parties, après avoir retenu plusieurs irrégularités formelles affectant celui-ci alors que :

- M. [S] connaissait exactement les conditions d'installation et les caractéristiques essentielles des panneaux photovoltaïques décrites dans les fiches techniques annexées au bon de commande dont il a reconnu avoir pris connaissance

- M. [S] a signé le procès-verbal de réception des travaux, sans réserve, les annexes à ce procès-verbal ayant été signées par celui-ci, attestant de la bonne exécution de la prestation convenue et du bon fonctionnement de l'installation livrée, M. [S] s'étant, de mauvaise foi, opposé au déblocage des fonds empruntés auprès de la banque.

Mais, il résulte des articles L. 242-1, L. 221-9 alinéa 2, L. 221-25 et L. 111-1, 1° du code de la consommation que le contrat conclu hors établissement comprend, à peine de nullité du contrat, les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2, et notamment les caractéristiques essentielles du bien ou du service et, en l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à délivrer le bien ou à exécuter le service.

En application de ces dispositions, le bon de commande conclu hors établissement doit notamment :

- mentionner le délai de livraison d'installation des biens et celui d'exécution des autres prestations auxquelles le vendeur s'est engagé( 1re Civ., 15 juin 2022, pourvoi n° 21-11.747, 1re Civ., 20 décembre 2023, pourvoi n° 22-13.014), ce délai ne pouvant être global lorsque plusieurs prestations doivent être fournies ( 1re Civ., 24 janvier 2024, pourvoi n° 22-13.678)

- au titre des caractéristiques essentielles d'une installation photovoltaïque, mentionner la production d'électricité de l'installation (1re Civ., 20 décembre 2023, pourvoi n° 22-14.020)

- au titre des caractéristiques essentielles d'un bien ou service, mentionner la marque du bien ou du service (1re Civ., 24 janvier 2024, pourvoi n° 21-20.691).

Dans tous les cas, le bon de commande doit mentionner de manière claire et compréhensible les caractéristiques essentielles du bien ou du service objet du contrat, le défaut d'information ne pouvant être suppléé par une annexe au bon de commande prévoyant les caractéristiques du bien vendu ou le délai de livraison (en ce sens 1er Civ, 24 janvier 2024 précité et n° 21-20.693).

En l'espèce, l'exemplaire du bon de commande produit par la société A+ énergies comporte des mentions (sur la puissance de l'installation photovoltaïque précisant « 4 .1 kW » et sur le délai de livraison précisant « sous 2 mois ») qui ne figurent pas sur l'exemplaire remis à M. [S] dont rien ne suggère qu'il aurait pu être altéré.

Ces ajouts sont inopposables à M. [S].

Le bon de commande remis à M. [S] ne comporte aucune désignation précise :

- du kit photovoltaïque vendu : le nombre de panneaux ni la marque ne sont mentionnés, ni la puissance de l'installation, ni la marque de l'onduleur dont la fourniture n'est pas même mentionnée

- du ballon thermodynamique : aucune marque ni capacité ne sont mentionnées

- la domotique énergétique: aucune marque n'est mentionnée

La cour ne soulèvera pas d'office l'irrégularité tirée de l'absence de délai de livraison qui n'a pas été expressément invoqué par M. [S], chacune des graves lacunes informatives ci-avant retenues affectant le bon de commande étant de nature à entraîner son annulation.

La mention pré-imprimée du bon de commande indiquant « je reconnais avoir pris également connaissance des annexes », précédant une case cochée, dont se prévaut l'appelante est doublement inopposable à M. [S], d'une part en ce que les caractéristiques essentielles du bien ou du service doivent être mentionnées dans le contrat lui-même et non dans des annexes, et, d'autre part, en ce qu'il est fait référence à des « annexes » mais sans précision de leur objet, privant le consommateur de toute garantie quant au document qui a pu lui être effectivement remis.

Au surplus, M. [S] justifie qu'il s'est vu remettre des annexes techniques qui ont été paraphées par un tiers, ce qui démontre que la volonté de surprendre la vigilance du consommateur au moment de la signature du bon de commande lacunaire en lui remettant des documents en blocs, censées contenir des informations sans le mettre en mesure d'en prendre loyalement connaissance, comme l'atteste encore la remise anticipée d'un procès-verbal de réception vierge signé des deux parties.

Les irrégularités du bon de commande ne peuvent être couvertes unilatéralement par l'établissement d'une facture détaillant les prestations réalisées, étant au surplus constaté, en l'espèce, la confusion entretenue par la société A+ énergies qui a émis deux factures de prestations différentes pour la même opération.

Et, il n'est pas soutenu que M. [S] aurait entendu ratifier les nullités du bon de commande qu'il a signé.

Il s'ensuit que la société A+ énergies a proposé à M. [S] la signature d'un bon de commande présentant des irrégularités formelles méconnaissant gravement le formalisme informatif destiné à protéger le consommateur ayant conclu un contrat hors établissement.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de vente conclu le 6 juillet 2019.

La disposition ayant ordonné l'enlèvement du matériel n'étant pas autrement contestée, le jugement sera confirmé de ce chef également.

sur la demande de dommages et intérêts

M. [S] n'ayant pas fondé en droit sa demande de dommages et intérêts au titre d'un « acharnement de la société A+ énergies à son encontre », ni caractérisé un abus du droit d'agir en justice, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté ce chef de demande.

Le jugement entrepris sera confirmé sur les dépens et les frais irrépétibles.

La société A+ énergies sera condamnée aux dépens d'appel et à payer à M. [S] une indemnité complémentaire de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

la cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

y ajoutant,

CONDAMNE la société A+ énergies aux dépens d'appel,

CONDAMNE la société A+ énergies à payer à M. [S] une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Madame Laurence BAYLAUCQ, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Nathalène DENIS, greffière suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.