CA Paris, Pôle 4 ch. 6, 10 janvier 2025, n° 22/11569
PARIS
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Delacourt
Conseillers :
Mme Tardy, Mme Szlamovicz
Avocats :
Me Lecocq, Me Dupuy
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
M. [B] [G] et Mme [R] [W] sont propriétaires d'un terrain constructible situé [Adresse 1] à [Localité 7].
Le 14 novembre 2015, ils ont conclu avec la société [H] [L] un contrat pour la construction de leur maison pour un montant de 202 320 euros TTC. La société [H] [L] a démarré les travaux en septembre 2016. Des factures ont été émises portant le coût total des travaux à la somme de 237 563,26 euros TTC.
Fin septembre 2016, les voisins de M. [G] et Mme [W], M. et Mme [O], ont constaté un affaissement de leur terrain à proximité de la parcelle en construction et l'apparition de fissures sur leur maison.
Une expertise a été ordonnée le 29 septembre 2016 par le juge des référés du tribunal de grande instance de Créteil. L'expert a rendu son rapport le 26 juin 2017.
Par jugement du 29 mars 2019, le tribunal de grande instance de Créteil a notamment requalifié le contrat liant M. [G] et Mme [W] à la société [H] [L] en contrat de construction de maison individuelle sans fourniture de plan, rejeté les demandes des époux [O] et de M. [G] et Mme [W] à l'encontre de la société Millenium Insurance Company Ltd, assureur de la société [H] [L], en raison de l'exclusion du contrat de construction de maison individuelle de la garantie fournie par cette société et condamné in solidum M. [G], Mme [W] et la société [H] [L] à verser aux époux [O] les sommes de 14 025 euros au titre des travaux de reprise, 2 274 euros de frais engagés au cours de l'expertise, 8 000 euros de dommages-intérêts pour préjudice de jouissance, 1 000 euros de dommages-intérêts pour préjudice moral et 4 000 euros au titre des frais irrépétibles.
Le 20 juillet 2019, M. [G] et Mme [W] ont déposé plainte contre M. [H] [L], gérant de la société [H] [L], auprès du procureur de la république de [Localité 6] pour violation manifeste des règles légales d'établissement d'un contrat de construction de maison individuelle. Le 1er mars 2021, la plainte a été classée sans suite.
Par acte d'huissier en date du 24 juillet 2019, M. [G] et Mme [W] ont fait assigner M. [L] aux fins d'indemnisation de leurs préjudices.
Par jugement du 10 mai 2022, le tribunal de commerce d'Evry a statué en ces termes :
- déboute M. [B] [G] et Mme [R] [W] de toutes leurs demandes ;
- déboute les parties de toutes leurs demandes plus amples ou contraires au présent jugement ;
- condamne M. [B] [G] et Mme [R] [W] aux dépens, en ce compris les frais de greffe liquidés à la somme de 84,48 euros TTC.
Par déclaration en date du 20 juin 2022, M. [G] et Mme [W] ont interjeté appel du jugement, intimant M. [L] devant la cour.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 18 septembre 2024, M. [B] [G] et Mme [R] [W] demandent à la cour de :
- déclarer recevables et bien fondés en leur appel, M. [B] [G] et Mme [R] [W] ;
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce d'Evry du 10 mai 2022 ;
Statuant à nouveau,
- dire et juger que M. [H] [L] a commis personnellement des fautes civiles par violation des règles encadrant le contrat de construction de maison individuelle en débutant volontairement l'exécution des travaux, en créant une fouille sans étayer et sans précaution qui causa l'éboulement de terre et les désordres pour les voisins M. et Mme [O], nonobstant l'absence de tout contrat écrit régulier de contrat de construction de maison individuelle, en l'absence de l'attestation financière de garantie de bonne livraison et au vu des versements supérieurs aux montants maximum prévus par les textes, de nature à engager sa responsabilité civile personnelle, et en s'abstenant d'étayer, et en ayant recours à des entreprises sous-traitantes sans contrat de sous-traitance écrit pourtant obligatoire et sans les présenter au maître d'ouvrage pour agrément ;
- condamner M. [L] à payer au profit de M. [B] [G] et de Mme [R] [W] les sommes suivantes en réparation de leurs préjudices financiers communs :
- 43 756,45 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du premier préjudice financier,
- 19 411,12 euros TTC à titre de dommages et intérêts en réparation du deuxième préjudice financier,
- 66 396,77 euros TTC à titre de dommages et intérêts en réparation du troisième préjudice financier,
- condamner M. [L] à payer 2 500 euros au profit de Mme [R] [W] en réparation de son préjudice moral personnel ;
- condamner M. [L] à payer 2 500 euros au profit de M. [B] [G] en réparation de son préjudice moral personnel ;
- condamner M. [L] au paiement de 6 000 euros au profit des requérants sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel, y compris ceux de première instance, dont distraction sera ordonnée au profit de Maître Lecocq conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 12 décembre 2022, M. [H] [L] demande à la cour de :
- déclarer M. [H] [L] recevable et bien fondé en toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- confirmer en conséquence, le jugement rendu le 10 mai 2022 par le tribunal de commerce d'Evry en toutes ses dispositions ;
- condamner solidairement M. [G] et Mme [W] à payer à M. [L] la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner solidairement M. [G] et Mme [W] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
La clôture a été prononcée par ordonnance du 19 septembre 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience du 17 octobre 2024, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré.
MOTIVATION
Sur la faute personnelle de M. [H] [L], gérant de la société [H] [L]
Moyens des parties
Sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil, M. [G] et Mme [W] soutiennent que M. [L] a commis des fautes personnelles par violation des règles d'ordre public relatives au contrat de construction de maison individuelle, engageant sa responsabilité personnelle envers les tiers et rappellent que ces fautes constituent un délit pénal. Ils ajoutent qu'il n'ignorait pas qu'il ne bénéficiait pas de garantie de responsabilité décennale et de responsabilité civile professionnelle pour la construction de maison individuelle et qu'il les a donc exposés à la réalisation d'un risque sans garantie de couverture. Ils soutiennent qu'il s'agit de fautes de gestion au sens des dispositions de l'article L. 223-22 du code de commerce, et que M. [L] a commis d'autres fautes en ne concluant aucun contrat de sous-traitance écrit avec les sociétés LMTPT, pour les voiles par passe, et Pickaert Consultant, faute par ailleurs pénalement répréhensible, avant que ces sociétés n'interviennent, et en sollicitant des versements en exécution du contrat de construction en violation des règles sur les versements au titre d'un contrat de construction de maison individuelle.
M. [L] conteste toute faute de sa part, détachable de ses fonctions de gérant de la société [H] [L]. Il fait valoir que M. [G] et Mme [W] ont décidé en toute connaissance de cause de ne pas solliciter un constructeur de maison individuelle et qu'ils n'ignoraient pas que sa société était une entreprise générale, non une société de construction de maison individuelle, et ajoute que nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude. Il précise que les appelants savaient qu'il n'était pas assuré pour la construction de maison individuelle, puisqu'ils ont reconnu pendant l'enquête pénale avoir enlevé les fenêtres du devis pour être en conformité avec ses garanties. Enfin, il conteste la qualité de sous-traitantes des sociétés LMTPT et Pickaert Consultant.
Subsidiairement, si une faute personnelle lui était imputée, il rappelle que les appelants ont expressément souhaité éviter de conclure un contrat de construction de maison individuelle, ce qui constitue une cause exonératoire de sa responsabilité.
Réponse de la cour
Selon l'article 1382 du code civil, dans sa version antérieure au 1er octobre 2016, applicable au présent litige, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
L'article L. 223-22 du code de commerce dispose que les gérants sont responsables, individuellement ou solidairement, selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion.
Il est constant que la responsabilité personnelle d'un dirigeant à l'égard des tiers ne peut être retenue que s'il a commis une faute séparable de ses fonctions et qui lui soit imputable personnellement (Cass., Com., 27 janvier 1998, n° 93-11.437). Il en est ainsi lorsque le dirigeant commet intentionnellement une faute d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales (Cass., Com., 20 mai 2003, n° 99-17.092). Le gérant d'une SARL qui commet une faute constitutive d'une infraction pénale intentionnelle, séparable comme telle de ses fonctions sociales, engage sa responsabilité civile à l'égard des tiers à qui cette faute a porté préjudice (Cass., Com., 28 septembre 2010, n° 09-66.255 ; Cass., 3e Civ., 10 mars 2016, n° 14-15.326).
M. [G] et Mme [W] reprochent à M. [L] plusieurs fautes tirées de la violation des règles d'ordre public entourant la conclusion d'un contrat de construction de maison individuelle (absence de contrat écrit avant le début des travaux, de souscription d'une garantie financière, non-respect des règles de versement d'acomptes), de la souscription d'un contrat de construction de maison individuelle sans être assuré pour ce type d'activité et du recours à des sous-traitants sans conclusion de contrat écrit préalable aux travaux.
Mettant en jeu la responsabilité pour faute personnelle du gérant de la société avec laquelle ils ont conclu un contrat, il leur appartient de rapporter la preuve d'une faute de M. [L] séparable de ses fonctions de gérant de la société [H] [L].
1) Sur les manquements à la législation d'ordre public afférente au contrat de construction de maison individuelle
Le contrat conclu entre M. [G] et Mme [W] d'une part et la société [H] [L] d'autre part le 14 novembre 2015 portait sur l'édification d'une maison individuelle, incluant notamment les fondations, les planchers, les murs, la charpente et la couverture, les fenêtres, soit le gros-oeuvre et la mise hors d'eau et hors d'air d'un immeuble à usage d'habitation. Ce contrat est donc, au sens de l'article L. 232-1 du code de la construction et de l'habitation, un contrat de construction de maison individuelle sans fourniture de plan, pour lequel l'entrepreneur a l'interdiction, pénalement réprimée à l'article L. 241-8 du code de la construction et de l'habitation, d'entreprendre les travaux sans contrat écrit comportant des mentions obligatoires ou sans garantie de livraison.
Le contrat conclu ne respecte pas le formalisme d'ordre public de l'article L. 232-1 précité, notamment l'absence de délai d'exécution, de référence à l'assurance dommages-ouvrage souscrite par le maître d'ouvrage, l'engagement de l'entrepreneur de fournir une garantie de livraison, l'échelonnement des paiements. En outre, il n'est pas contesté par les parties que la société [H] [L] n'a ni sollicité ni obtenu de garantie de livraison.
La société [H] [L] a donc conclu un contrat ne respectant pas un formalisme et des obligations d'ordre public pénalement répréhensibles.
Le gérant de la société, M. [L], qui a engagé la société dans la conclusion d'un contrat ne respectant pas la législation du contrat de construction de maison individuelle, a donc commis une faute constitutive d'une infraction pénale intentionnelle, séparable comme telle de ses fonctions sociales, et il engage sa responsabilité civile à l'égard des tiers à qui cette faute a porté préjudice. Est inopérante, en sa qualité de professionnel de la construction, l'allégation selon laquelle il ignorait qu'un contrat de construction de maison individuelle était obligatoire eu égard aux travaux requis.
2) Sur l'absence de garantie d'assurance
La société [H] [L] a conclu avec M. [G] et Mme [W] un contrat qualifié de contrat de construction de maison individuelle sans être assurée pour cette activité, ce qu'elle ne pouvait ignorer. L'absence d'assurance décennale pour le constructeur constitue une infraction établie à l'article L. 243-3 du code des assurances.
Le fait pour la société [H] [L] d'avoir conclu un contrat qualifié de contrat de construction de maison individuelle et de ne pas être assurée au titre de la garantie décennale obligatoire en qualité de constructeur de maison individuelle constitue donc une infraction pénale, et, pour le gérant de la société, une faute personnelle séparable de ses fonctions sociales.
En revanche, l'absence d'assurance de responsabilité civile professionnelle n'est pas pénalement sanctionnée, et il ne peut être considéré que l'absence d'assurance de responsabilité professionnelle de la société [H] [L] pour l'activité de construction de maison individuelle constitue, pour son gérant, une faute personnelle séparable de ses fonctions.
3) Sur le manquementé tiré du défaut de sous-traité écrit
M. [G] et Mme [W] reprochent à M. [L] une faute consistant en l'absence de conclusion par sa société de sous-traité écrit avec les sociétés LMTPT et Pickaert Consultant pour leur intervention sur le chantier ensuite de l'expertise, avant que ces sociétés n'exécutent le contrat.
Selon l'article 1 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975, la sous-traitance est l'opération par laquelle un entrepreneur confie par un sous-traité, et sous sa responsabilité, à une autre personne appelée sous-traitant l'exécution de tout ou partie du contrat d'entreprise ou d'une partie du marché public conclu avec le maître de l'ouvrage.
Il résulte des pièces versées aux débats que la société Pickaert Consultant est intervenue à la demande de la société [H] [L] pour rédiger un rapport de mission géotechnique (pièce 15 des appelants, feuillets K à M), selon contrat signé entre les deux sociétés le 5 décembre 2016 (pièce 18). Dès lors que le contrat liant M. [G] et Mme [W] à la société [H] [L] ne stipulait aucune étude géotechnique et que la nécessité en est apparue dans le cadre de l'expertise, l'intervention de la société Pickaert Consultant ne relève pas de la relation de sous-traitance avec la société [H] [L].
Quant à la société LMTPT, elle est intervenue pour réaliser les voiles par passes nécessaires pour la stabilisation du terrain des époux [O], et a établi un devis à l'intention de la société [H] [L]. Or, cette société devait, selon contrat conclu avec M. [G] et Mme [W], parmi les prestations convenues, la préparation des sols et le terrassement sur 80 m² (fondation, isolation, évacuation de la terre pour un sous-sol semi-enterré). La société LMTPT est donc intervenue à la demande de la société [H] [L] pour accomplir une partie du contrat d'entreprise convenu avec les maîtres d'ouvrage, et la société [H] [L] a fait figurer le coût de la prestation de la société LMTPT sur sa dernière facture adressée à M. [G] et Mme [W]. Cela démontre l'existence d'un sous-traité entre les sociétés [H] [L] et LMTPT.
Conformément aux dispositions de l'article L. 241-9 du code de la construction et de l'habitation, l'entrepreneur chargé d'un contrat de construction de maison individuelle commet un délit en ne concluant pas par écrit le sous-traité avant l'exécution des travaux.
En l'espèce, il n'est pas justifié aux débats de la conclusion d'un sous-traité écrit entre la société [H] [L] et la société LMTPT pour les travaux de voiles par passes, survenu avant la réalisation desdits voiles. Dès lors, la société [H] [L] a commis une infraction et son gérant engage sa responsabilité personnelle, séparable de ses fonctions sociales, à avoir amené la société à commettre une telle infraction.
4) Sur la faute des maîtres d'ouvrage
Il résulte des déclarations de M. [G] faites à un agent de police judiciaire le 18 septembre 2020 (pièce 1 de M. [L]) et confirmées par Mme [W] que le couple avait acheté un terrain et souhaitait faire construire sa maison, qu'il avait pris attache avec des constructeurs de maison individuelle mais que ce type de contrat ne leur convenait pas du fait de sa rigidité les empêchant de procéder eux-mêmes à certains travaux, et qu'ils ont sollicité la société [H] [L] afin justement de construire la maison qu'ils souhaitaient sans la contrainte d'un contrat de construction de maison individuelle.
M. [G] a ajouté que la banque refusait de leur octroyer un financement en l'absence de justificatif d'un contrat de construction de maison individuelle, et que pour contourner ce refus, il a été convenu avec la société [H] [L] de retirer les fenêtres du devis, ce qui permettait, en excluant la qualification de contrat de construction de maison individuelle en retirant le clos de la construction, d'obtenir le financement et, ainsi que l'a précisé M. [G], de 'se mettre en conformité avec les garanties de M. [L].'
Il n'est pas établi que M. [G] et Mme [W] ont été avisés par la société [H] [L] du caractère obligatoire de la conclusion d'un contrat de construction de maison individuelle eu égard aux prestations définies dans le contrat.
Cependant, face à la demande de la banque de voir justifier la conclusion d'un contrat de construction de maison individuelle, et au refus de celle-ci de financer le projet en l'absence de justification de la conclusion de ce contrat, ils ont modifié le contrat afin d'échapper à cette qualification. Par conséquent, il doit être considéré que, par leur choix délibéré de ne pas placer leur relation contractuelle dans le cadre d'un contrat de construction de maison individuelle, ils ont ainsi contribué à la survenance de leur dommage, à hauteur d'une part de responsabilité qu'il convient de fixer à 30 %.
Sur les demandes indemnitaires de M. [G] et Mme [W]
Moyens des parties
M. [G] et Mme [W] font valoir que les fautes de M. [L] leur ont causé des préjudices financiers tirés de l'obligation d'indemniser les époux [O] à hauteur de la somme de 43 756,45 euros, conformément au jugement rendu le 29 mars 2019 par le tribunal de grande instance de Créteil, somme incluant les dépens, du coût des frais d'avocat dans les procédures en référé et au fond devant le tribunal de grande instance, ainsi que le dépôt d'une plainte pénale et d'une déclaration de créance à la procédure collective de la société [H] [L], soit 8 450 euros, des frais d'expertise de cette même procédure, soit 10 961,12 euros, et du coût supplémentaire induit par la reprise des travaux avec des voiles par passes, soit 64 396,77 euros. Ils se prévalent également de préjudices moraux, l'instance ayant eu des répercussions sur leur santé. Ils rappellent que la faute de M. [L] a conduit à l'absence de toute garantie de la part de son assureur et les a contraint à indemniser les époux [O].
M. [L] soutient qu'en cas d'admission d'une faute personnelle de sa part, le préjudice indemnisable est limité à la réparation de la perte d'une chance, et il soutient que la preuve de ce préjudice n'est pas rapportée. Il précise qu'en considération de la nature des désordres, apparus dès le début des travaux, l'assurance dommages-ouvrage et l'assurance de responsabilité décennale n'auraient pas joué. Il ajoute que la présente instance ne peut avoir pour objet de le substituer à la société [H] [L] et que les demandes indemnitaires doivent être rejetées.
Réponse de la cour
L'indemnisation des préjudices suppose que soit rapportée la preuve, par celui qui se prévaut desdits préjudices, de leur existence et du lien de causalité avec les fautes imputées au responsable du dommage.
Il a été retenu à l'encontre de M. [L] des fautes personnelles, séparables de ses fonctions de gérant de la société [H] [L], consistant à ne pas avoir fait bénéficier M. [G] et Mme [W] du régime protecteur du contrat de construction de maison individuelle, à avoir commencé les travaux sans ce contrat écrit, à ne pas avoir souscrit d'assurance de responsabilité décennale du constructeur de maison individuelle et à ne pas avoir conclu de sous-traité écrit avec la société LMTPT avant qu'elle ne commence ses travaux, soit la violation de règles pénalement sanctionnées, relatives au contrat de construction de maison individuelle, alors que la société avait conclu avec M. [G] et Mme [W] un contrat devant, de par sa nature, être qualifié de contrat de construction de maison individuelle. Il a également été retenu la faute de M. [G] et Mme [W], exonérant partiellement M. [L] de sa responsabilité délictuelle.
M. [G] et Mme [W] font valoir à titre de préjudices financiers les sommes versées à M. et Mme [O] en raison des dommages causés à leur maison par les travaux menés par la société [H] [L], les frais d'avocat et d'expertise pour les procédures civile, pénale et de déclaration de créance, le coût des travaux supplémentaires des voiles par passes, et un préjudice moral.
Cependant, les fautes de M. [L] sont sans lien de causalité avec l'indemnisation des dommages causés à M. et Mme [O], ainsi que les frais d'avocat et d'expertise exposés, y compris pour la déclaration de créance à la procédure collective de la société [H] [L], et le coût des voiles par passes, dès lors que M. [G] et Mme [W] ont exposé ces dépenses en raison de la mauvaise exécution des fondations par la société [H] [L], sans lien avec la nature du contrat conclu avec cette société ou avec le fait que les travaux aient commencé avant qu'un contrat de construction de maison individuelle ait été signé.
En outre, ces préjudices sont également sans lien de causalité avec le défaut de souscription d'une assurance de garantie décennale du constructeur de maison individuelle par la société [H] [L], dans la mesure où cette assurance n'aurait pas pu jouer, les désordres étant survenus avant réception de l'ouvrage.
Enfin, la plainte pénale diligentée à l'encontre de M. [L] ayant été classée sans suite, ils ne peuvent solliciter l'indemnisation de leur préjudice financier tiré du coût du recours à un avocat dans cette procédure.
Quant au préjudice moral allégué, M. [G] et Mme [W] ne justifient pas des répercussions sur leur santé des 'tracasseries' inhérentes à une procédure judiciaire, dans la mesure où n'est pas établi le lien entre les prescriptions médicales et problèmes de santé justifiés aux débats et la présente instance.
Dès lors, il convient de rejeter leurs demandes indemnitaires de ce chef et de confirmer le jugement du tribunal de commerce de Créteil.
Sur les frais du procès
Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement sur la condamnation aux dépens.
En cause d'appel, M. [G] et Mme [W], parties succombantes, seront condamnés in solidum aux dépens et à payer à M. [L] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles. Leur demande de ce chef sera rejetée.
Le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile sera accordé aux avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre.
PAR CES MOTIFS
La cour,
CONFIRME le jugement en ses dispositions soumises à la cour,
Y ajoutant,
CONDAMNE in solidum M. [B] [G] et Mme [R] [W] aux dépens d'appel,
ADMET les avocats qui en ont fait la demande et peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
CONDAMNE in solidum M. [B] [G] et Mme [R] [W] à payer à M. [H] [L] la somme de deux mille euros (2 000 euros) au titre des frais irrépétibles,
REJETTE leur demande de ce chef.