CA Nîmes, référés du pp, 10 janvier 2025, n° 24/00080
NÎMES
Ordonnance
Autre
COUR D'APPEL
DE NÎMES
REFERES
ORDONNANCE N°
AFFAIRE : N° RG 24/00080 - N° Portalis DBVH-V-B7I-JHPO
AFFAIRE : S.A.R.L. EL RANCHO C/ [V] [J], [R]-[L], [V] [J], [V]
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ RENDUE LE 10 Janvier 2025
A l'audience publique des RÉFÉRÉS de la COUR D'APPEL DE NÎMES du 22 Novembre 2024,
Nous, S. DODIVERS, Présidente de Chambre à la Cour d'Appel de NÎMES, spécialement désignée pour suppléer le Premier Président dans les fonctions qui lui sont attribuées,
Assistée de Madame Véronique PELLISSIER, Greffière, lors des débats et lors du prononcé,
Après avoir entendu en leurs conclusions et plaidoiries les représentants des parties, dans la procédure introduite
PAR :
S.A.R.L. EL RANCHO
immatriculée au RCS de NIMES sous le n° 490 199 601
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social
[Adresse 2]
[Localité 8]
représentée par Me Géraldine BRUN de la SELARL SELARL PLMC AVOCATS, avocat au barreau de NIMES
DEMANDERESSE
Monsieur [C] [V] [J], décédé le 4 juin 2024
né le 18 Juillet 1949 à [Localité 10]
[Adresse 1]
[Localité 8]
Madame [E] [V], es qualité d'ayant droit de M. [C] [V]
née le 03 Décembre 1956 à [Localité 7]
[Adresse 1]
[Localité 8]
représentée par Me Frédéric MANSAT JAFFRE de la SELARL MANSAT JAFFRE, Postulant, avocat au barreau de NIMES,
représentée par Me Didier FAVRE, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué par Me Guy ROCHE, avocat au barreau de MONTPELLIER
Madame [K] [V] [J] Es qualité d'ayant droit de Monsieur [C] [V] [J] né le 18 juillet 1949 à [Localité 10] et décédé le 04 juin 2024 à [Localité 10]
née le 31 Juillet 1979 à [Localité 9]
[Adresse 6]
[Localité 5]
représentée par Me Lassaad CHEHAM, Plaidant, avocat au barreau de BOURGOIN-JALLIEU,
représentée par Me Justine FAGES, Postulante, avocat au barreau de NIMES
Madame [U] [V]
[Adresse 11]
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Jean-pierre BIGONNET, avocat au barreau d'ALES substitué par Me Clotilde LAMY, avocat au barreau de NIMES
DÉFENDEURS
Avons fixé le prononcé au 10 Janvier 2025 et en avons ensuite délibéré conformément à la loi ;
A l'audience du 22 Novembre 2024, les conseils des parties ont été avisés que l'ordonnance sera rendue par sa mise à disposition au Greffe de la Cour le 10 Janvier 2025.
EXPOSE DU LITIGE
Par jugement contradictoire du 10 mai 2024, assorti de l'exécution provisoire de droit, le tribunal judiciaire de Nîmes a :
prononcé la nullité de l'acte d'assignation du 15/01/2021 délivré à la demande de la SARL El Rancho visant à faire opposition au commandement de payer délivré et à la sommation d'évacuer délivré le 18/12/2020 à la demande de M. [C] [V]-[J] à l'encontre de EURL El Rancho.
constaté en application de la clause résolutoire insérée dans le bail commercial, la résolution dudit bail commercial à compter du 19/01/2021
condamné la société EURL El Rancho à payer à M. [C] [V]-[J] la somme de 10 663 euros représentant les loyers commerciaux arriérés de juin 2013 à avril 2017 ;
prononcé l'expulsion de la société EURL El Rancho du lieu situé [Adresse 2] et ordonné l'expulsion dudit lieu de la société EURL El Rancho et de tout occupant de son chef au besoin avec le concours de la force publique et d'un serrurier, à défaut de libération volontaire des lieux par la société EURL El Rancho ou tout autre occupant de son chef dans un délai de trois mois à compter de la signification du présent jugement ;
fixé l'indemnité d'occupation mensuelle due par la société EURL El Rancho depuis le 19/01/2021 date de la résolution du bail commercial jusqu'à la complète libération des lieux à la somme de 2762,12 euros ;
débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires
condamné la société EURL El Rancho au paiement des entiers dépens
rappelé que l'exécution provisoire du présent jugement est de droit.
Par déclaration du 30 mai 2024, la SARL El Rancho a interjeté appel de l'ensemble des chefs de condamnation de cette décision.
M. [C] [V] est décédé le 4 juin 2024 laissant pour lui succéder Mme [U] [V].
Par exploits de commissaire de justice du 18 juin 2024, la SARL El Rancho a fait assigner M. [C] [J] [V], Mme [E] [R]-[L] veuve [V]-[J], Mme [K] [V]-[J] et Mme [U] [V] devant le premier président, sur le fondement des articles 514-3 et 521 du code de procédure civile, aux fins de :
Juger la société El Rancho bien fondé en sa demande,
Juger qu'il existe des moyens sérieux d'annulation et de réformation du jugement dont appel,
Juger qu'il résulte des éléments produits que l'exécution provisoire de la décision rendue le 10 mai 2024 par le tribunal judiciaire de Nîmes risque d'entrainer des conséquences manifestement excessives et irréversibles pour la société El Rancho,
En conséquence,
Ordonner l'arrêt de l'exécution provisoire des condamnations non pécuniaires prononcées par le jugement rendu le 10 mai 2024 par le tribunal judiciaire de Nîmes, dont appel,
Pour le surplus,
Prononcer l'aménagement de l'exécution provisoire attachée aux condamnations pécuniaires prononcées par ledit jugement,
Autoriser la société El Rancho à consigner les sommes auxquelles elle a été condamnée sur le compte CARPA de son conseil, la SELARL PLMC Avocats, dans l'attente de l'arrêt qui sera rendu par la Cour d'appel de Nîmes,
En tout état de cause,
Rejeter les demandes, fins et prétentions des défenderesses,
Condamner les défenderesses au paiement de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 12 novembre 2024, la SARL El Rancho sollicite du premier président, au visa des articles 514-3 et 521 du code de procédure civile, de :
Juger la société El Rancho bien fondée en sa demande,
Juger qu'il existe des moyens sérieux d'annulation et de réformation du jugement dont appel,
Juger qu'il résulte des éléments produits que l'exécution provisoire de la décision rendue le 10 mai 2024 par le Tribunal Judiciaire de Nîmes risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives et irréversibles, pour la société El Rancho.
Rejeter les demandes fins et prétentions de Mesdames [E] [V], [K] [V] et [U] [V]
En conséquence,
Ordonner, l'arrêt de l'exécution provisoire des condamnations non pécuniaires prononcées par le jugement rendu le 10 mai 2024 par le Tribunal Judiciaire de Nîmes, dont appel, et notamment celles ayant ordonner la résiliation du bail commercial et l'expulsion de la société El Rancho.
Pour le surplus,
Prononcer l'aménagement de l'exécution provisoire attachée aux condamnations pécuniaires prononcées par le jugement rendu le 10 mai 2024 par le Tribunal Judiciaire de Nîmes, dont appel
Autoriser la société El Rancho à consigner les sommes auxquelles elle a été condamnée sur le compte CARPA de son Conseil, la SELARL PLMC Avocats, dans l'attente de l'arrêt qui sera rendu par la Cour d'Appel de Nîmes.
En tout état de cause
Rejeter les demandes, fins et prétentions des défenderesses,
Condamner les défenderesses au paiement de la somme de 1.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
La SARL El Rancho indique tout d'abord que la procédure d'appel a été régularisée à l'encontre de Mesdames [E] [V], [K] [V] et [U] [V] qui viennent aux droits de M. [C] [V], décédé le 4 juin 2024, par assignations des 2 et 7 août 2024, d'une part, et qu'elle a fait valoir ses observations sur l'exécution provisoire en première instance tenant son incompatibilité avec la nature de l'affaire et les conséquences manifestement excessives pour les parties, d'autre part.
Au soutien de ses prétentions, la SARL El Rancho soutient l'existence de moyens sérieux d'annulation et de réformation concernant la régularité de l'assignation délivrée le 15 janvier 2021, le fond du dossier et le caractère infondé des demandes de M. [V].
Elle explique que :
le premier juge a commis une erreur manifeste dans la mesure où la dénomination sociale de la société demanderesse est bien « El Rancho » et forme sociale « SARL »,
le tribunal a commis un excès de pouvoir dans la mesure où il ne pouvait pas relever d'office une exception de procédure, à savoir la nullité de l'assignation du 15 janvier 2021,
la fin de non-recevoir tirée de la prescription peut être relevée en tout état de cause, et même pour la première fois en appel.
les exceptions de procédure relèvent de la compétence du juge de la mise en état en application de l'article 789 du code de procédure civile,
M. [V] n'a jamais soulevé d'exception de procédure, in limine litis, dans le cadre de ses écritures,
le tribunal judiciaire de Nîmes n'a pas renvoyé le dossier en audience de mise en état, mais en audience de plaidoirie uniquement pour que la demanderesse produise des pièces spécifiques
la nullité d'un acte est subordonnée à la démonstration d'un grief dont la charge de la preuve incombe à ce qui l'invoque,
la nullité prononcée par le juge a eu pour effet l'anéantissement rétroactif de l'acte régulier et par voie de conséquence des actes subséquents,
M. [V] ne l'a jamais assigné en règlement des arriérés de loyers, lesquels sont prescrits,
il n'y a eu aucune reconnaissance des loyers par la société El Rancho, de sorte que la prescription quinquennale n'a jamais été interrompue.
le paiement des loyers mentionnés dans le commandement de payer a été régularisé dans le mois de la délivrance dudit commandement de payer,
le tribunal n'a pas statué sur la demande relative à la suspension des effets de la clause résolutoire en l'état des règlements intervenus et des contestations, ainsi qu'à l'obtention d'un délai de grâce pour régler les sommes restantes éventuellement dus à M. [V],
elle n'a pas reçu de demande de M. [V] concernant une quelconque augmentation du montant du loyer résultant de l'application de la clause de révision triennale.
Elle fait valoir par ailleurs que le maintien de l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives, risque qu'elle ne puisse supporter et ce d'autant que la condamnation prononcée en première instance est totalement injustifiée eu égard notamment à la prescription des demandes de rappel de loyer de M. [V] et au caractère infondé de ses demandes au titre de la révision triennale du loyer.
Elle ajoute de surcroît que l'exécution provisoire du jugement emporterait des conséquences manifestement excessives voire irréversibles révélées postérieurement au jugement entrepris notamment la cessation de l'entreprise, le licenciement des salariés et le non-renouvellement des contrats de travail à durée déterminée, le non-respect du plan de continuation, et l'absence de remboursement intégral des créanciers ainsi que la perte de 75 chevaux. Elle précise avoir fait valoir ses observations sur l'exécution provisoire dans le cadre de ses écritures de première instance et avoir conclu au rejet de l'exécution provisoire.
Elle considère enfin être légitime à solliciter l'aménagement de l'exécution provisoire attachée à la décision de première instance et être autorisée à consigner les sommes auxquelles elle a été condamnée compte tenu des motifs sérieux d'annulation et de réformation du jugement dont appel et du risque de non-restitution des sommes dues par M. [V] en cas de réformation dudit jugement.
Aux termes de ses conclusions notifiées par RPVA le 20 novembre 2024, Mme [E] [R]-[L] veuve [V]-[J], intimée, sollicite du premier président, au visa des articles 114, 117 et 54 du code de procédure civile, de :
Juger recevables et bien fondées les conclusions de Mme [E] [R]-[L] veuve [V]-[J] ;
Et, y faisant droit, rejeter toutes prétentions adverses comme manifestement irrecevables ou infondées ;
Prononcer sa mise hors de cause,
En tout état de cause,
Condamner la « société El Rancho » à la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
A l'appui de ses écritures et notamment de sa mise hors de cause, elle fait valoir qu'il résulte de l'acte de partage, selon attestation notariale en date du 18 novembre 2024, qu'elle ne dispose d'aucun droit et titre concernant le bail commercial, l'acte de partage visant à ce titre l'un des ayants droits en la personne de Mme [K] [V].
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 30 octobre 2024, Mme [K] [V]-[J], intimée, sollicite du premier président, au visa des articles 122 et suivants du Code de procédure civile, et des articles 621-21, L 622-6 et suivants du Code de commerce, de :
Déclarer le recours de la société El Rancho tendant à l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement rendu le 10 mai 2024 par le Tribunal judiciaire de Nîmes irrecevable
Condamner la société El Rancho à payer à la concluante une somme de 1.500 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure civile,
Condamner la même aux entiers dépens d'instance.
A l'appui de ses écritures, elle soutient tout d'abord l'absence de conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance car la SARL El Rancho ne produit aucun document de nature à étayer son allégation portant sur l'existence de difficultés financières, sur la propriété des chevaux scellés et sur la masse salariale, et ne tente pas en outre de justifier d'éventuelles recherches d'un nouveau local.
Elle rappelle par ailleurs que l'exécution d'une mesure d'expulsion ne constitue pas en soi un risque de conséquences manifestement excessives, le demandeur devant faire la preuve de son incapacité à trouver un autre local, ou même, des difficultés à ce titre, ou d'une perte de sa clientèle, ou des difficultés financières importantes.
Elle fait valoir également l'absence de moyen sérieux de réformation ou d'annulation de la décision de première instance en ce que la demande de voir constater la prescription des demandes en paiement des arriérés des loyers commerciaux est irrecevable pour ne pas avoir été soulevée devant le juge de la mise en état, seul compétent en la matière, d'une part, et que la SARL El Rancho n'apporte pas la preuve du paiement des loyers réclamés sur la période 2013/2017, d'autant plus que toutes les dettes ne sont pas prescrites compte tenu du délai de prescription de 5 ans et de l'imputation des sommes payées, d'autre part.
Elle rappelle sur ce point qu'un loyer est considéré comme impayé lorsque le locataire ne respecte pas l'obligation de payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus dans le contrat de location, et ce, dès le premier mois de non-paiement du loyer.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 19 novembre 2024, Mme [U] [V], intimée, sollicite du premier président, de :
Constater que le bien immobilier correspondant au ranch situé sur la Commune du [Localité 8] est devenu la propriété de la seule Mme [K] [V] [J],
En conséquence,
Juger hors de cause Mme [U] [V],
En tout état de cause,
Condamner la société El Rancho aux entiers dépens et à lui payer la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
A l'appui de ses écritures, Mme [U] [V] rappelle tout d'abord qu'elle intervient es-qualité d'héritière de M. [C] [V] tel que cela résulte d'un acte de notoriété établi par Maître [H] [Z] Notaire Associé au [Localité 8].
Elle expose ne plus être concernée par le devenir du bien immobilier considéré et des procédures qui le concerne en l'état d'un acte de partage du 15 novembre 2024 établi par Me [Z], aux termes duquel le ranch litigieux a été attribué à Mme [K] [V] [J], dorénavant seule propriétaire du bien.
Elle indique par ailleurs qu'elle n'entend pas développer une argumentation sur les prétendus moyens sérieux d'annulation et de réformation car ce débat appartient à la Cour d'Appel de Nîmes dans le débat de fond, d'autant plus que les moyens de droit soulevés pour tenter de démontrer le caractère sérieux de l'appel correspondent pour la plupart à des discussions de forme concernant l'assignation délivrée le 15 janvier 2021.
S'agissant des conséquences manifestement excessives, elle indique qu'elle s'en rapporte concernant les condamnations non pécuniaires, et qu'elle prend acte du fait que la société El Rancho a d'ores et déjà consigné la somme de 16 617.80 euros sur le compte CARPA de son conseil concernant les condamnations pécuniaires.
Il est renvoyé, pour le surplus de l'exposé des faits, moyens et prétentions des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience.
SUR CE,
- Sur les demandes de mise hors de cause :
Il ressort des pièces produites que suite au décès de Monsieur [V]-[J] [C], les héritiers ont été mis en cause.
Pendant le cours de la procédure, la succession a été réglée et le partage effectué, au terme de celui-ci, seule se trouve être propriétaire du ranch objet du bail Madame [K] [V]-[J].
En conséquence de quoi, il y a lieu de mettre hors de cause les autres héritiers qui ne sont pas concernés par la présente procédure à savoir Madame [U] [V] et Madame [E] [R]-[L].
Sur la recevabilité de la demande en suspension de l'exécution provisoire
L'article 514-3 du code de procédure civile prévoit que :
«' La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance. »
Il ressort des pièces versées que dans les conclusions versées par la société El Rancho devant le juge de première instance, il a été formulé des observations sur l'exécution provisoire, en conséquence de quoi, il n'est pas nécessaire pour être recevable à la présente procédure de prouver l'existence de conséquences manifestement excessives qui se seraient révélées postérieurement à la décision de première instance.
La société El Rancho doit être déclarée recevable.
- Sur la suspension partielle de l'exécution provisoire s'agissant des condamnations non pécuniaires :
L'article 514-3 du code de procédure civile, applicable en l'espèce, dispose :
'En cas d'appel, le premier président peut être saisi afin de d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.' »
Ainsi, pour obtenir gain de cause devant le premier président, l'appelante doit rapporter la preuve que les deux conditions cumulatives du premier alinéa de l'article précité sont réunies.
Sur les moyens sérieux d'annulation ou de réformation du jugement
Il convient de rappeler que selon une jurisprudence constante un moyen sérieux d'annulation ou de réformation est un moyen qui, compte tenu de son caractère très pertinent, sera nécessairement pris en compte par la juridiction d'appel, avec des chances suffisamment raisonnables de succès.
En l'espèce, sans reprendre les nombreuses contestations dont l'EURL El Rancho a saisi la cour d'appel, au fond, il convient de relever qu'elle présente des moyens sérieux de réformation de la décision de première instance notamment s'agissant de l'annulation de l'assignation, et de ses conséquences dans la décision déférée.
Sur les conséquences manifestement excessives attachées à l'exécution de la décision déférée
L'existence de conséquences manifestement excessives est liée à la nature de l'exploitation mettant en cause l'hébergement d'un nombre important d'animaux et l'existence de contrats de travail saisonniers. La difficulté de trouver un lieu identique, nonobstant la vente d'un ranch situé à proximité mais qui propose non seulement l'immobilier mais aussi le fonds de commerce pour un prix qui ne correspond pas aux capacités de l'EURL El Rancho. L'exécution de la décision déférée entraînerait la disparition de cette société, une telle disparition dans ce contexte constitue une conséquence manifestement excessive.
La société Rancho ayant rapporté la preuve de l'existence de moyens sérieux d'annulation ou de réformation du jugement rendu le 10 mai 2024 et de l'existence de conséquences manifestement excessives attachées à l'exécution de la décision déférée, il y a lieu d'ordonner la suspension partielle de l'exécution provisoire s'agissant des seules condamnations non pécuniaires.
- Sur l'aménagement des dispositions pécuniaires du jugement assorties de l'exécution provisoire :
L'article 521 du code de procédure civile dispose :
« La partie condamnée au paiement de sommes autres que des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions peut éviter que l'exécution provisoire soit poursuivie en consignant, sur autorisation du juge, les espèces ou les valeurs suffisantes pour garantir, en principal, intérêts et frais, le montant de la condamnation. En cas de condamnation au versement d'un capital en réparation d'un dommage corporel, le juge peut aussi ordonner que ce capital sera confié à un séquestre à charge d'en verser périodiquement à la victime la part que le juge détermine. »
Les dispositions des articles 514-5 et 517-1 du code de procédure civile prévoient que le premier président peut prendre les mesures prévues à l'article 521. Il en résulte que la possibilité d'aménager l'exécution provisoire n'est pas subordonnée à la condition que cette exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives. Elle est laissée à la discrétion du premier président.
La société El Rancho indique disposer des fonds et les avoirs déjà consignés, elle va continuer à occuper les lieux, il n'y a donc pas de raison d'ordonner la consignation des sommes dues, sachant que l'exécution d'une décision de première instance frappée d'appel se fait aux risques et périls de celui qui en poursuit l'exécution.
La demande visant à voir aménager l'exécution provisoire dans le cadre d'une consignation est rejetée.
Sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Les circonstances de la cause et l'équité ne justifient pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, les parties seront déboutées des demandes formulées de ce chef.
- Sur les dépens :
La société El Rancho qui succombe partiellement et qui a intérêt à la décision supportera la charge des entiers dépens de la présente procédure.
PAR CES MOTIFS :
Nous S. Dodivers statuant sur délégation du premier président de la cour d'appel de Nîmes, en référé, par ordonnance contradictoire, en dernier ressort et mise à disposition au greffe,
DECLARONS la société El Rancho recevable à solliciter l'arrêt de l'exécution provisoire attachée au jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nîmes le 10 mai 2024,
PRONONÇONS la mise hors de cause de Madame [U] [V] et Madame [E] [R]-[L],
ORDONNONS l'arrêt de l'exécution provisoire des condamnations non pécuniaires attachées à la décision du tribunal judiciaire Nîmes en date du 10 mai 2024,
DISONS n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
DEBOUTONS les parties des demandes formulées en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamnons la société El Rancho aux dépens de la présente procédure.
Ordonnance signée par Madame S. DODIVERS, Présidente de Chambre, et par Madame Véronique PELLISSIER, Greffière, présente lors du prononcé.
LA GREFFIERE
LA PRÉSIDENTE
DE NÎMES
REFERES
ORDONNANCE N°
AFFAIRE : N° RG 24/00080 - N° Portalis DBVH-V-B7I-JHPO
AFFAIRE : S.A.R.L. EL RANCHO C/ [V] [J], [R]-[L], [V] [J], [V]
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ RENDUE LE 10 Janvier 2025
A l'audience publique des RÉFÉRÉS de la COUR D'APPEL DE NÎMES du 22 Novembre 2024,
Nous, S. DODIVERS, Présidente de Chambre à la Cour d'Appel de NÎMES, spécialement désignée pour suppléer le Premier Président dans les fonctions qui lui sont attribuées,
Assistée de Madame Véronique PELLISSIER, Greffière, lors des débats et lors du prononcé,
Après avoir entendu en leurs conclusions et plaidoiries les représentants des parties, dans la procédure introduite
PAR :
S.A.R.L. EL RANCHO
immatriculée au RCS de NIMES sous le n° 490 199 601
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social
[Adresse 2]
[Localité 8]
représentée par Me Géraldine BRUN de la SELARL SELARL PLMC AVOCATS, avocat au barreau de NIMES
DEMANDERESSE
Monsieur [C] [V] [J], décédé le 4 juin 2024
né le 18 Juillet 1949 à [Localité 10]
[Adresse 1]
[Localité 8]
Madame [E] [V], es qualité d'ayant droit de M. [C] [V]
née le 03 Décembre 1956 à [Localité 7]
[Adresse 1]
[Localité 8]
représentée par Me Frédéric MANSAT JAFFRE de la SELARL MANSAT JAFFRE, Postulant, avocat au barreau de NIMES,
représentée par Me Didier FAVRE, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué par Me Guy ROCHE, avocat au barreau de MONTPELLIER
Madame [K] [V] [J] Es qualité d'ayant droit de Monsieur [C] [V] [J] né le 18 juillet 1949 à [Localité 10] et décédé le 04 juin 2024 à [Localité 10]
née le 31 Juillet 1979 à [Localité 9]
[Adresse 6]
[Localité 5]
représentée par Me Lassaad CHEHAM, Plaidant, avocat au barreau de BOURGOIN-JALLIEU,
représentée par Me Justine FAGES, Postulante, avocat au barreau de NIMES
Madame [U] [V]
[Adresse 11]
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Jean-pierre BIGONNET, avocat au barreau d'ALES substitué par Me Clotilde LAMY, avocat au barreau de NIMES
DÉFENDEURS
Avons fixé le prononcé au 10 Janvier 2025 et en avons ensuite délibéré conformément à la loi ;
A l'audience du 22 Novembre 2024, les conseils des parties ont été avisés que l'ordonnance sera rendue par sa mise à disposition au Greffe de la Cour le 10 Janvier 2025.
EXPOSE DU LITIGE
Par jugement contradictoire du 10 mai 2024, assorti de l'exécution provisoire de droit, le tribunal judiciaire de Nîmes a :
prononcé la nullité de l'acte d'assignation du 15/01/2021 délivré à la demande de la SARL El Rancho visant à faire opposition au commandement de payer délivré et à la sommation d'évacuer délivré le 18/12/2020 à la demande de M. [C] [V]-[J] à l'encontre de EURL El Rancho.
constaté en application de la clause résolutoire insérée dans le bail commercial, la résolution dudit bail commercial à compter du 19/01/2021
condamné la société EURL El Rancho à payer à M. [C] [V]-[J] la somme de 10 663 euros représentant les loyers commerciaux arriérés de juin 2013 à avril 2017 ;
prononcé l'expulsion de la société EURL El Rancho du lieu situé [Adresse 2] et ordonné l'expulsion dudit lieu de la société EURL El Rancho et de tout occupant de son chef au besoin avec le concours de la force publique et d'un serrurier, à défaut de libération volontaire des lieux par la société EURL El Rancho ou tout autre occupant de son chef dans un délai de trois mois à compter de la signification du présent jugement ;
fixé l'indemnité d'occupation mensuelle due par la société EURL El Rancho depuis le 19/01/2021 date de la résolution du bail commercial jusqu'à la complète libération des lieux à la somme de 2762,12 euros ;
débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires
condamné la société EURL El Rancho au paiement des entiers dépens
rappelé que l'exécution provisoire du présent jugement est de droit.
Par déclaration du 30 mai 2024, la SARL El Rancho a interjeté appel de l'ensemble des chefs de condamnation de cette décision.
M. [C] [V] est décédé le 4 juin 2024 laissant pour lui succéder Mme [U] [V].
Par exploits de commissaire de justice du 18 juin 2024, la SARL El Rancho a fait assigner M. [C] [J] [V], Mme [E] [R]-[L] veuve [V]-[J], Mme [K] [V]-[J] et Mme [U] [V] devant le premier président, sur le fondement des articles 514-3 et 521 du code de procédure civile, aux fins de :
Juger la société El Rancho bien fondé en sa demande,
Juger qu'il existe des moyens sérieux d'annulation et de réformation du jugement dont appel,
Juger qu'il résulte des éléments produits que l'exécution provisoire de la décision rendue le 10 mai 2024 par le tribunal judiciaire de Nîmes risque d'entrainer des conséquences manifestement excessives et irréversibles pour la société El Rancho,
En conséquence,
Ordonner l'arrêt de l'exécution provisoire des condamnations non pécuniaires prononcées par le jugement rendu le 10 mai 2024 par le tribunal judiciaire de Nîmes, dont appel,
Pour le surplus,
Prononcer l'aménagement de l'exécution provisoire attachée aux condamnations pécuniaires prononcées par ledit jugement,
Autoriser la société El Rancho à consigner les sommes auxquelles elle a été condamnée sur le compte CARPA de son conseil, la SELARL PLMC Avocats, dans l'attente de l'arrêt qui sera rendu par la Cour d'appel de Nîmes,
En tout état de cause,
Rejeter les demandes, fins et prétentions des défenderesses,
Condamner les défenderesses au paiement de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 12 novembre 2024, la SARL El Rancho sollicite du premier président, au visa des articles 514-3 et 521 du code de procédure civile, de :
Juger la société El Rancho bien fondée en sa demande,
Juger qu'il existe des moyens sérieux d'annulation et de réformation du jugement dont appel,
Juger qu'il résulte des éléments produits que l'exécution provisoire de la décision rendue le 10 mai 2024 par le Tribunal Judiciaire de Nîmes risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives et irréversibles, pour la société El Rancho.
Rejeter les demandes fins et prétentions de Mesdames [E] [V], [K] [V] et [U] [V]
En conséquence,
Ordonner, l'arrêt de l'exécution provisoire des condamnations non pécuniaires prononcées par le jugement rendu le 10 mai 2024 par le Tribunal Judiciaire de Nîmes, dont appel, et notamment celles ayant ordonner la résiliation du bail commercial et l'expulsion de la société El Rancho.
Pour le surplus,
Prononcer l'aménagement de l'exécution provisoire attachée aux condamnations pécuniaires prononcées par le jugement rendu le 10 mai 2024 par le Tribunal Judiciaire de Nîmes, dont appel
Autoriser la société El Rancho à consigner les sommes auxquelles elle a été condamnée sur le compte CARPA de son Conseil, la SELARL PLMC Avocats, dans l'attente de l'arrêt qui sera rendu par la Cour d'Appel de Nîmes.
En tout état de cause
Rejeter les demandes, fins et prétentions des défenderesses,
Condamner les défenderesses au paiement de la somme de 1.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
La SARL El Rancho indique tout d'abord que la procédure d'appel a été régularisée à l'encontre de Mesdames [E] [V], [K] [V] et [U] [V] qui viennent aux droits de M. [C] [V], décédé le 4 juin 2024, par assignations des 2 et 7 août 2024, d'une part, et qu'elle a fait valoir ses observations sur l'exécution provisoire en première instance tenant son incompatibilité avec la nature de l'affaire et les conséquences manifestement excessives pour les parties, d'autre part.
Au soutien de ses prétentions, la SARL El Rancho soutient l'existence de moyens sérieux d'annulation et de réformation concernant la régularité de l'assignation délivrée le 15 janvier 2021, le fond du dossier et le caractère infondé des demandes de M. [V].
Elle explique que :
le premier juge a commis une erreur manifeste dans la mesure où la dénomination sociale de la société demanderesse est bien « El Rancho » et forme sociale « SARL »,
le tribunal a commis un excès de pouvoir dans la mesure où il ne pouvait pas relever d'office une exception de procédure, à savoir la nullité de l'assignation du 15 janvier 2021,
la fin de non-recevoir tirée de la prescription peut être relevée en tout état de cause, et même pour la première fois en appel.
les exceptions de procédure relèvent de la compétence du juge de la mise en état en application de l'article 789 du code de procédure civile,
M. [V] n'a jamais soulevé d'exception de procédure, in limine litis, dans le cadre de ses écritures,
le tribunal judiciaire de Nîmes n'a pas renvoyé le dossier en audience de mise en état, mais en audience de plaidoirie uniquement pour que la demanderesse produise des pièces spécifiques
la nullité d'un acte est subordonnée à la démonstration d'un grief dont la charge de la preuve incombe à ce qui l'invoque,
la nullité prononcée par le juge a eu pour effet l'anéantissement rétroactif de l'acte régulier et par voie de conséquence des actes subséquents,
M. [V] ne l'a jamais assigné en règlement des arriérés de loyers, lesquels sont prescrits,
il n'y a eu aucune reconnaissance des loyers par la société El Rancho, de sorte que la prescription quinquennale n'a jamais été interrompue.
le paiement des loyers mentionnés dans le commandement de payer a été régularisé dans le mois de la délivrance dudit commandement de payer,
le tribunal n'a pas statué sur la demande relative à la suspension des effets de la clause résolutoire en l'état des règlements intervenus et des contestations, ainsi qu'à l'obtention d'un délai de grâce pour régler les sommes restantes éventuellement dus à M. [V],
elle n'a pas reçu de demande de M. [V] concernant une quelconque augmentation du montant du loyer résultant de l'application de la clause de révision triennale.
Elle fait valoir par ailleurs que le maintien de l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives, risque qu'elle ne puisse supporter et ce d'autant que la condamnation prononcée en première instance est totalement injustifiée eu égard notamment à la prescription des demandes de rappel de loyer de M. [V] et au caractère infondé de ses demandes au titre de la révision triennale du loyer.
Elle ajoute de surcroît que l'exécution provisoire du jugement emporterait des conséquences manifestement excessives voire irréversibles révélées postérieurement au jugement entrepris notamment la cessation de l'entreprise, le licenciement des salariés et le non-renouvellement des contrats de travail à durée déterminée, le non-respect du plan de continuation, et l'absence de remboursement intégral des créanciers ainsi que la perte de 75 chevaux. Elle précise avoir fait valoir ses observations sur l'exécution provisoire dans le cadre de ses écritures de première instance et avoir conclu au rejet de l'exécution provisoire.
Elle considère enfin être légitime à solliciter l'aménagement de l'exécution provisoire attachée à la décision de première instance et être autorisée à consigner les sommes auxquelles elle a été condamnée compte tenu des motifs sérieux d'annulation et de réformation du jugement dont appel et du risque de non-restitution des sommes dues par M. [V] en cas de réformation dudit jugement.
Aux termes de ses conclusions notifiées par RPVA le 20 novembre 2024, Mme [E] [R]-[L] veuve [V]-[J], intimée, sollicite du premier président, au visa des articles 114, 117 et 54 du code de procédure civile, de :
Juger recevables et bien fondées les conclusions de Mme [E] [R]-[L] veuve [V]-[J] ;
Et, y faisant droit, rejeter toutes prétentions adverses comme manifestement irrecevables ou infondées ;
Prononcer sa mise hors de cause,
En tout état de cause,
Condamner la « société El Rancho » à la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
A l'appui de ses écritures et notamment de sa mise hors de cause, elle fait valoir qu'il résulte de l'acte de partage, selon attestation notariale en date du 18 novembre 2024, qu'elle ne dispose d'aucun droit et titre concernant le bail commercial, l'acte de partage visant à ce titre l'un des ayants droits en la personne de Mme [K] [V].
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 30 octobre 2024, Mme [K] [V]-[J], intimée, sollicite du premier président, au visa des articles 122 et suivants du Code de procédure civile, et des articles 621-21, L 622-6 et suivants du Code de commerce, de :
Déclarer le recours de la société El Rancho tendant à l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement rendu le 10 mai 2024 par le Tribunal judiciaire de Nîmes irrecevable
Condamner la société El Rancho à payer à la concluante une somme de 1.500 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure civile,
Condamner la même aux entiers dépens d'instance.
A l'appui de ses écritures, elle soutient tout d'abord l'absence de conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance car la SARL El Rancho ne produit aucun document de nature à étayer son allégation portant sur l'existence de difficultés financières, sur la propriété des chevaux scellés et sur la masse salariale, et ne tente pas en outre de justifier d'éventuelles recherches d'un nouveau local.
Elle rappelle par ailleurs que l'exécution d'une mesure d'expulsion ne constitue pas en soi un risque de conséquences manifestement excessives, le demandeur devant faire la preuve de son incapacité à trouver un autre local, ou même, des difficultés à ce titre, ou d'une perte de sa clientèle, ou des difficultés financières importantes.
Elle fait valoir également l'absence de moyen sérieux de réformation ou d'annulation de la décision de première instance en ce que la demande de voir constater la prescription des demandes en paiement des arriérés des loyers commerciaux est irrecevable pour ne pas avoir été soulevée devant le juge de la mise en état, seul compétent en la matière, d'une part, et que la SARL El Rancho n'apporte pas la preuve du paiement des loyers réclamés sur la période 2013/2017, d'autant plus que toutes les dettes ne sont pas prescrites compte tenu du délai de prescription de 5 ans et de l'imputation des sommes payées, d'autre part.
Elle rappelle sur ce point qu'un loyer est considéré comme impayé lorsque le locataire ne respecte pas l'obligation de payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus dans le contrat de location, et ce, dès le premier mois de non-paiement du loyer.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 19 novembre 2024, Mme [U] [V], intimée, sollicite du premier président, de :
Constater que le bien immobilier correspondant au ranch situé sur la Commune du [Localité 8] est devenu la propriété de la seule Mme [K] [V] [J],
En conséquence,
Juger hors de cause Mme [U] [V],
En tout état de cause,
Condamner la société El Rancho aux entiers dépens et à lui payer la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
A l'appui de ses écritures, Mme [U] [V] rappelle tout d'abord qu'elle intervient es-qualité d'héritière de M. [C] [V] tel que cela résulte d'un acte de notoriété établi par Maître [H] [Z] Notaire Associé au [Localité 8].
Elle expose ne plus être concernée par le devenir du bien immobilier considéré et des procédures qui le concerne en l'état d'un acte de partage du 15 novembre 2024 établi par Me [Z], aux termes duquel le ranch litigieux a été attribué à Mme [K] [V] [J], dorénavant seule propriétaire du bien.
Elle indique par ailleurs qu'elle n'entend pas développer une argumentation sur les prétendus moyens sérieux d'annulation et de réformation car ce débat appartient à la Cour d'Appel de Nîmes dans le débat de fond, d'autant plus que les moyens de droit soulevés pour tenter de démontrer le caractère sérieux de l'appel correspondent pour la plupart à des discussions de forme concernant l'assignation délivrée le 15 janvier 2021.
S'agissant des conséquences manifestement excessives, elle indique qu'elle s'en rapporte concernant les condamnations non pécuniaires, et qu'elle prend acte du fait que la société El Rancho a d'ores et déjà consigné la somme de 16 617.80 euros sur le compte CARPA de son conseil concernant les condamnations pécuniaires.
Il est renvoyé, pour le surplus de l'exposé des faits, moyens et prétentions des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience.
SUR CE,
- Sur les demandes de mise hors de cause :
Il ressort des pièces produites que suite au décès de Monsieur [V]-[J] [C], les héritiers ont été mis en cause.
Pendant le cours de la procédure, la succession a été réglée et le partage effectué, au terme de celui-ci, seule se trouve être propriétaire du ranch objet du bail Madame [K] [V]-[J].
En conséquence de quoi, il y a lieu de mettre hors de cause les autres héritiers qui ne sont pas concernés par la présente procédure à savoir Madame [U] [V] et Madame [E] [R]-[L].
Sur la recevabilité de la demande en suspension de l'exécution provisoire
L'article 514-3 du code de procédure civile prévoit que :
«' La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance. »
Il ressort des pièces versées que dans les conclusions versées par la société El Rancho devant le juge de première instance, il a été formulé des observations sur l'exécution provisoire, en conséquence de quoi, il n'est pas nécessaire pour être recevable à la présente procédure de prouver l'existence de conséquences manifestement excessives qui se seraient révélées postérieurement à la décision de première instance.
La société El Rancho doit être déclarée recevable.
- Sur la suspension partielle de l'exécution provisoire s'agissant des condamnations non pécuniaires :
L'article 514-3 du code de procédure civile, applicable en l'espèce, dispose :
'En cas d'appel, le premier président peut être saisi afin de d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.' »
Ainsi, pour obtenir gain de cause devant le premier président, l'appelante doit rapporter la preuve que les deux conditions cumulatives du premier alinéa de l'article précité sont réunies.
Sur les moyens sérieux d'annulation ou de réformation du jugement
Il convient de rappeler que selon une jurisprudence constante un moyen sérieux d'annulation ou de réformation est un moyen qui, compte tenu de son caractère très pertinent, sera nécessairement pris en compte par la juridiction d'appel, avec des chances suffisamment raisonnables de succès.
En l'espèce, sans reprendre les nombreuses contestations dont l'EURL El Rancho a saisi la cour d'appel, au fond, il convient de relever qu'elle présente des moyens sérieux de réformation de la décision de première instance notamment s'agissant de l'annulation de l'assignation, et de ses conséquences dans la décision déférée.
Sur les conséquences manifestement excessives attachées à l'exécution de la décision déférée
L'existence de conséquences manifestement excessives est liée à la nature de l'exploitation mettant en cause l'hébergement d'un nombre important d'animaux et l'existence de contrats de travail saisonniers. La difficulté de trouver un lieu identique, nonobstant la vente d'un ranch situé à proximité mais qui propose non seulement l'immobilier mais aussi le fonds de commerce pour un prix qui ne correspond pas aux capacités de l'EURL El Rancho. L'exécution de la décision déférée entraînerait la disparition de cette société, une telle disparition dans ce contexte constitue une conséquence manifestement excessive.
La société Rancho ayant rapporté la preuve de l'existence de moyens sérieux d'annulation ou de réformation du jugement rendu le 10 mai 2024 et de l'existence de conséquences manifestement excessives attachées à l'exécution de la décision déférée, il y a lieu d'ordonner la suspension partielle de l'exécution provisoire s'agissant des seules condamnations non pécuniaires.
- Sur l'aménagement des dispositions pécuniaires du jugement assorties de l'exécution provisoire :
L'article 521 du code de procédure civile dispose :
« La partie condamnée au paiement de sommes autres que des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions peut éviter que l'exécution provisoire soit poursuivie en consignant, sur autorisation du juge, les espèces ou les valeurs suffisantes pour garantir, en principal, intérêts et frais, le montant de la condamnation. En cas de condamnation au versement d'un capital en réparation d'un dommage corporel, le juge peut aussi ordonner que ce capital sera confié à un séquestre à charge d'en verser périodiquement à la victime la part que le juge détermine. »
Les dispositions des articles 514-5 et 517-1 du code de procédure civile prévoient que le premier président peut prendre les mesures prévues à l'article 521. Il en résulte que la possibilité d'aménager l'exécution provisoire n'est pas subordonnée à la condition que cette exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives. Elle est laissée à la discrétion du premier président.
La société El Rancho indique disposer des fonds et les avoirs déjà consignés, elle va continuer à occuper les lieux, il n'y a donc pas de raison d'ordonner la consignation des sommes dues, sachant que l'exécution d'une décision de première instance frappée d'appel se fait aux risques et périls de celui qui en poursuit l'exécution.
La demande visant à voir aménager l'exécution provisoire dans le cadre d'une consignation est rejetée.
Sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Les circonstances de la cause et l'équité ne justifient pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, les parties seront déboutées des demandes formulées de ce chef.
- Sur les dépens :
La société El Rancho qui succombe partiellement et qui a intérêt à la décision supportera la charge des entiers dépens de la présente procédure.
PAR CES MOTIFS :
Nous S. Dodivers statuant sur délégation du premier président de la cour d'appel de Nîmes, en référé, par ordonnance contradictoire, en dernier ressort et mise à disposition au greffe,
DECLARONS la société El Rancho recevable à solliciter l'arrêt de l'exécution provisoire attachée au jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nîmes le 10 mai 2024,
PRONONÇONS la mise hors de cause de Madame [U] [V] et Madame [E] [R]-[L],
ORDONNONS l'arrêt de l'exécution provisoire des condamnations non pécuniaires attachées à la décision du tribunal judiciaire Nîmes en date du 10 mai 2024,
DISONS n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
DEBOUTONS les parties des demandes formulées en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamnons la société El Rancho aux dépens de la présente procédure.
Ordonnance signée par Madame S. DODIVERS, Présidente de Chambre, et par Madame Véronique PELLISSIER, Greffière, présente lors du prononcé.
LA GREFFIERE
LA PRÉSIDENTE