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Décisions

CA Versailles, ch. com. 3-2, 14 janvier 2025, n° 24/04077

VERSAILLES

Arrêt

Autre

CA Versailles n° 24/04077

14 janvier 2025

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 4HA

Chambre commerciale 3-2

ARRET N°

PAR DEFAUT

DU 14 JANVIER 2025

N° RG 24/04077 - N° Portalis DBV3-V-B7I-WTPY

AFFAIRE :

S.A.R.L. IDEAL COIFFURE 95

C/

LE PROCUREUR GENERAL

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Juin 2024 par le Tribunal de Commerce de PONTOISE

N° chambre : 9

N° RG : 2024P00576

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Hélène LADIRE

Me Christophe DEBRAY

PG

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATORZE JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

APPELANT

S.A.R.L. IDEAL COIFFURE 95

Ayant son siège

[Adresse 3]

[Localité 6]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social

Représentant : Me Hélène LADIRE, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 378 -

Plaidant : Me François BENEDETTI, avocat au barreau D'ESSONNE

****************

INTIMES

LE PROCUREUR GENERAL

POLE ECOFI - COUR D'APPEL DE VERSAILLES

[Adresse 2]

[Localité 4]

Organisme UNION DE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURITE SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES - URSSAF IDF pris en la personne de son Directeur en exercice

Ayant son siège

[Adresse 1]

[Localité 5]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social

Représentant : Me Christophe DEBRAY, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 24219

S.E.L.A.R.L. [H] prise en la personne de Maître [R] [Y] [H], es qualité de liquidateur judiciaire de la société IDEAL COIFFURE 95, désigné à cette fonction par jugement du Tribunal de commerce de Pontoise du 17 juin 2024

Ayant son siège

[Adresse 8]

[Localité 7]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social

Défaillant, déclaration d'appel signifiée à étude

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 18 Novembre 2024, Madame Gwenael COUGARD, conseillère, ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :

Monsieur Ronan GUERLOT, Président de chambre,

Monsieur Cyril ROTH, Président de chambre,

Madame Gwenael COUGARD, Conseillère,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN

En la présence du Ministère Public, représenté par Madame Anne CHEVALIER, Avocat Général dont l'avis du 7 octobre 2024 a été transmis le 8 octobre 2024 au greffe par la voie électronique.

EXPOSE DU LITIGE

Le 23 mai 2024, l'URSSAF Ile de France a assigné la SARL Idéal Coiffure 95 devant le tribunal de commerce de Pontoise afin de voir constater son état de cessation des paiements et voir ouvrir à son égard une procédure de liquidation judiciaire et subsidiairement de redressement judiciaire.

Le 17 juin 2024, par jugement réputé contradictoire, le tribunal de commerce de Pontoise a :

- ouvert une procédure de liquidation judiciaire simplifiée à l'égard de la société Idéal Coiffure 95 ;

- fixé provisoirement au 2 octobre 2023 la date de cessation des paiements ;

- nommé la SELARL [H], prise en la personne de M. [Y] [H], en qualité de liquidateur judiciaire.

Le 26 juin 2024, la société Idéal Coiffure 95 a interjeté appel de ce jugement en tous ses chefs de disposition.

Le 20 août 2024, le premier président de la cour d'appel de Versailles a arrêté l'exécution provisoire dont était assorti le jugement frappé d'appel.

Par dernières conclusions du 3 novembre 2024, la société Idéal Coiffure 95 demande à la cour de :

- déclarer son appel recevable et bien fondé ;

A titre principal,

- annuler le jugement du 17 juin 2024 ;

A titre subsidiaire,

- infirmer le jugement du 17 juin 2024 en tous ses chefs de disposition ;

Et statuant à nouveau,

- dire n'y avoir lieu à liquidation judiciaire ;

- ouvrir une procédure de redressement judiciaire à son égard ;

- désigner la société de Keating mandataire judiciaire ;

- dire n'y avoir lieu à désignation d'un administrateur judiciaire ;

- fixer la date de cessation des paiements au prononcé de l'arrêt ;

- fixer une période d'observation de trois mois ;

- renvoyer la cause et les parties devant le tribunal de commerce de Pontoise afin de poursuivre la procédure.

Par dernières conclusions du 11 novembre 2024, l'URSSAF Ile-de-France demande à la cour de :

- déclarer irrecevable en tout cas mal fondée la société Idéal Coiffure 95 en sa demande afin d'annulation du jugement du 17 juin 2024, ouvrant la procédure de liquidation judiciaire et l'en débouter en tout état de cause ;

- lui donner acte de ce qu'elle reprend à titre principal sa demande subsidiaire devant le tribunal de commerce de Pontoise afin de redressement judiciaire de la société Idéal Coiffure 95 ;

- réformer le jugement entrepris et prononcer le redressement judiciaire de la société Idéal Coiffure 95 sous réserve de l'adoption d'un plan strict d'apurement de son passif et plus particulièrement ces charges sociales dont elle reste créancière depuis le mois de septembre 2022 ;

- mettre les dépens à la charge de la société Idéal Coiffure 95 qui seront recouvrés en frais privilégiés de procédure collective.

Le 7 octobre 2024, le ministère public a émis un avis favorable à une procédure de redressement judiciaire.

La déclaration d'appel et les conclusions de l'appelante ont été signifiées à la société de Keating le 11 septembre par dépôt à l'étude et le 31 octobre 2024 par remise à personne habilitée. La société de Keating n'a pas constitué avocat.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 18 novembre 2024.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux conclusions susvisées.

MOTIFS

- Sur l'annulation du jugement

La société appelante soutient que le tribunal a indiqué de façon lapidaire que l'état de cessation des paiements était avéré et que le redressement aurait été manifestement impossible, et n'a pas caractérisé la double condition imposée par la loi.

Elle rappelle que la cour européenne des droits de l'homme a pu enrichir les obligations imposées par l'article 458 du code de procédure civile et l'article L. 641-1 alinéa 3 du code de commerce, au regard au droit au procès équitable, d'une exigence que le justiciable soit en mesure de comprendre la décision rendue, surtout si elle lui est défavorable.

En réponse, l'URSSAF fait observer que l'appelante ne peut prétendre que la décision n'est pas motivée, alors qu'elle ne s'est pas présentée à l'audience, et n'a pas justifié au tribunal les moyens sérieux de son redressement. Elle affirme que le jugement n'a pu être motivé qu'avec les éléments dont a disposé le tribunal.

Réponse de la cour

L'URSSAF qui affirme que l'appelante est irrecevable à solliciter l'annulation du jugement ne fonde ni en droit ni en fait cette prétention, qui sera écartée.

Aux termes de l'article 455 alinéa 1er du code de procédure civile, " le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d'un visa des conclusions des parties avec l'indication de leur date. Le jugement doit être motivé. "

L'article 458 énonce que ce qui est prescrit par l'article précité " doit être observé à peine de nullité. "

Ne satisfait pas aux exigences de l'article 455 le juge qui se borne à énoncer que la demande est régulière, recevable et bien fondée. (Com., 17 juin 1986, pourvoi n° 84-16.887) ; légitime et bien fondée (Civ. 1re, 26 sept. 2012, no 11-17.210 ; Civ. 2e, 16 juin 1993, n° 92-10.062).

Dans le cas présent, le tribunal écrit ainsi " qu'il résulte des pièces produites et des informations recueillies en chambre du conseil que la créance invoquée par le demandeur est certaine, liquide et exigible, qu'elle est restée irrecouvrée en dépit de la mise en demeure des voies d'exécution, ce donc il est amplement justifié ; que la débitrice est dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, et se trouve en état caractérisé de cessation des paiement ; (') que la situation de l'entreprise est définitivement obérée, que cette situation de fait est probante de l'impossibilité manifeste de parvenir à un redressement. "

Cette décision, rédigée en termes généraux, ne permet pas à la cour de déterminer ce qui a fondé la décision du tribunal.

En particulier, aucun élément autre que la créance de l'URSSAF, créancier poursuivant, n'est évoqué quant à la consistance du passif ; il n'est pas non plus fait état d'éléments d'actif ; ainsi, la décision du tribunal d'ouvrir une liquidation judiciaire d'emblée n'est pas explicitée, ce alors le manque d'informations consécutif à la non comparution de la débitrice régulièrement assignée ne peut fonder un tel choix.

Le jugement encourt en conséquence la nullité, pour défaut de motivation.

En conséquence, le jugement sera annulé, et en application de l'article 562 du code de procédure civile, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, la cour statuera sur le fond du litige.

- Sur le redressement judiciaire

La société expose que son gérant ignorait la convocation à l'audience, éloigné de sa résidence à cette période, en raison de difficultés familiales.

Elle fait état d'un passif constitué uniquement de la dette de l'URSSAF au 30 juin 2024, et d'un actif composé de la valorisation du fonds de commerce. Elle affirme pouvoir justifier du sérieux de son prévisionnel de gestion et de la bonne tenue de sa comptabilité à jour des exercices antérieurs.

Elle ajoute que l'entreprise est en situation de relance, et qu'elle a pu reprendre son activité commerciale à la mi-octobre.

S'agissant de la date de l'état de cessation des paiements, elle considère que dans l'hypothèse la plus défavorable pour elle, ce serait la date d'assignation en liquidation le 23 mai 2024 qui devrait être retenue, ou dans une hypothèse plus favorable au 17 juin 2024, date de l'audience.

En réponse, l'URSSAF dit actualiser sa créance à la somme de 11 220 euros pour la période allant du mois de septembre 2022 au mois de mai 2024.

Elle observe que la présentation d'un plan de redressement paraissant viable économiquement conduira la cour à convertir la liquidation judiciaire en redressement judiciaire, à condition qu'il soit imposé à la société une rigueur dans la gestion de l'exploitation de son fonds de commerce.

1. Sur la cessation des paiements :

Il se déduit de l'article L. 631-1 du code de commerce qu'est en cessation des paiements tout débiteur dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible et que le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n'est pas en cessation des paiements.

Aucun débat ne porte sur l'état de cessation de paiement de la société Idéal Coiffure, qui ne discute pas l'existence d'un passif exigible supérieur à l'actif disponible.

2. Sur le redressement judiciaire :

En vertu de l'article L. 631-1 du code de commerce, une procédure de liquidation judiciaire est ouverte à tout débiteur en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible.

La société Idéal Coiffure 95 justifie d'un passif constitué uniquement de la dette de l'URSSAF au 30 juin 2024 qui s'élève à un montant de 11 220 euros ; d'après le cabinet de conseil en gestion, la société Ara Consulting, dont elle s'est assurée le concours, l'actif de la société, composé du fonds de commerce, peut être valorisé à une somme allant de 45 000 à 55 000 euros, en prenant en compte l'ancienneté de l'exploitation, et le bon emplacement du local.

Pour justifier du sérieux de son prévisionnel de gestion et de la bonne tenue de sa comptabilité à jour des exercices antérieurs, elle produit ainsi ses liasses fiscales pour 2022 et 2023 et un prévisionnel de gestion et d'exploitation sur cinq ans établi par le cabinet de gestion Ara Consulting, dont elle s'est adjoint les services pour le traitement de ses données sociales.

Il résulte de la lecture de ces documents que des possibilités d'une reprise d'activité sont envisageables, à la stricte condition d'une gestion saine et particulièrement rigoureuse, qui n'a pas eu cours depuis la création de la société, ce que son gérant a reconnu.

La cour observe que l'entreprise est en situation de relance, après l'arrêt de l'exécution provisoire ordonnée par le premier président le 24 août 2024 ; cette décision a rendu possible la restitution des clés du local à la date du 16 septembre dernier, puis progressivement la remise à niveau du local commercial et l'exploitation du fichier clients, avant le processus de recrutement d'un salarié licencié du fait de la liquidation judiciaire le 14 octobre 2024. Il est enfin démontré qu'une activité commerciale a pu reprendre à partir du 16 octobre 2024.

Compte tenu des éléments justifiés par la société Idéal Coiffure à hauteur d'appel, la seule créance déclarée consistant dans celle de l'URSSAF, dont le montant est actualisé à hauteur d'appel, la reprise de l'activité de la société, rendue réalisable par la restitution du local et l'embauche d'un ancien salarié, enfin l'état prévisionnel établi par le conseil en gestion sollicité par la société appelante, il est établi que le redressement judiciaire de cette dernière n'est pas manifestement impossible.

Le jugement sera donc infirmé, une procédure de redressement judiciaire ouverte et une période d'observation fixée à trois mois.

Il n'y a pas lieu à désignation d'un administrateur judiciaire pour l'établissement du plan, en application des articles L621-4 alinéa 4 et R621-11 du code de commerce.

- Sur la date de cessation des paiements :

La cour ouvrant, par arrêt de ce jour, une procédure de redressement judiciaire après arrêt de l'exécution provisoire du jugement de liquidation, la date de cessation des paiements ne peut être fixée avant le 14 juillet 2023, par application des articles L. 641-1 IV et L. 631-8 du code de commerce.

La société Idéal Coiffure est débitrice à l'égard de l'URSSAF d'une somme de 10 375,81 euros pour un arriéré de cotisations pour la période courant du 1er septembre 2022 au 31 janvier 2024, et les tentatives d'exécution forcée des contraintes signifiées par l'URSSAF se sont révélées infructueuses, conduisant l'organisme social à introduire cette procédure collective.

Il est ainsi justifié que la contrainte signifiée le 14 septembre 2023 entre les mains du gérant de la société Idéal Coiffure 95, n'a pas permis le recouvrement des montants exigibles, en dépit des tentatives d'exécution forcée menée, notamment une saisie attribution le 2 octobre 2023.

Aucun autre élément, en particulier concernant le solde du compte bancaire, n'est versé.

A la date du 2 octobre 2023, date de cette saisie-attribution infructueuse, l'état de cessation des paiements était constitué.

Cette date du 2 octobre 2023 sera donc retenue comme la date de cessation des paiements.

- Sur les demandes accessoires :

Les dépens de première instance et d'appel seront passés en frais privilégiés de la procédure de redressement judiciaire.

L'équité et la situation financière de la société Idéal Coiffure commandent de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs,

La cour, statuant par défaut,

Annule le jugement du 7 juin 2024 ;

Et statuant au fond,

Ouvre une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SARL Idéal Coiffure 95, dont le siège social est [Adresse 3], inscrite au registre du commerce et des sociétés sous le N° SIREN 918 796 558 (2022 B 05262),

Ouvre une période d'observation de trois mois à compter du présent arrêt,

Désigne M. [I] [G] en qualité de juge-commissaire,

Désigne la SELARL [H] prise en la personne de M. [R] [Y] [H], demeurant à [Adresse 8], en qualité de mandataire judiciaire,

Fixe la date de la cessation des paiements au 2 octobre 2023,

Invite les délégués du personnel ou les salariés s'il en existe à désigner un représentant dans les conditions prévues par les articles L. 621-4 et L. 621-6 du code de commerce et à en communiquer le nom et l'adresse au greffe du tribunal de commerce de Pontoise,

Fixe à huit mois à compter du présent arrêt le délai de dépôt, par le mandataire judiciaire, de la liste des créances mentionnée à l'article L. 624-1 du code de commerce,

Renvoie l'affaire devant le tribunal de commerce de Pontoise pour la poursuite de la procédure,

Rappelle que le greffe du tribunal de commerce de Pontoise devra procéder aux mentions et publicités prévues par la loi,

Ordonne l'emploi des dépens de première instance et d'appel en frais privilégiés de la procédure collective de redressement judiciaire.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Ronan GUERLOT, Président, et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

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