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Décisions

CA Versailles, ch. civ. 1-2, 14 janvier 2025, n° 23/06260

VERSAILLES

Arrêt

Autre

CA Versailles n° 23/06260

14 janvier 2025

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 51A

Chambre civile 1-2

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 14 JANVIER 2025

N° RG 23/06260 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WCGR

AFFAIRE :

[K] [B]

C/

[I] [J] [X] [H]

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 juin 2023 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de VERSAILLES

Expéditions exécutoires

Copies certifiées conformes délivrées

le : 14/01/25

à :

Me Oriane DONTOT

Me Audrey ALLAIN

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATORZE JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

APPELANTE

Madame [K] [B]

née le 06 juin 1960 à [Localité 8] (92)

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentant : Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF & TEYTAUD SALEH, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617

Plaidant : Me Hervé BROSSEAU, avocat au barreau de NANCY, vestiaire : 181

Substitué par : Me RUBINSOHN Mickaël, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0586

****************

INTIMÉS

Monsieur [I] [J] [X] [H]

né le 26 avril 1934 à [Localité 9]

[Adresse 7]

[Localité 4]

Représentant : Me Audrey ALLAIN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 344

Plaidant : Me Jean-François LOUIS de la SCP SCP SOUCHON - CATTE - LOUIS - PLAINGUET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0452

Monsieur [F] [E] [H]

né le 13 janvier 1954 à [Localité 11] (93)

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentant : Me Audrey ALLAIN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 344

Plaidant : Me Jean-François LOUIS de la SCP SCP SOUCHON - CATTE - LOUIS - PLAINGUET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0452

S.C.I. DU [Adresse 2]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 891 35 9 8 12

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentant : Me Audrey ALLAIN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 344

Plaidant : Me Jean-François LOUIS de la SCP SCP SOUCHON - CATTE - LOUIS - PLAINGUET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0452

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 14 octobre 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle BROGLY, Magistrate honoraire chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe JAVELAS, Président,

Madame Anne THIVELLIER, Conseillère,

Madame Isabelle BROGLY, Magistrate honoraire,

Greffière lors des débats : Madame Céline KOC

Greffière placée lors du prononcé : Madame Gaëlle RULLIER

****************

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous-seing privé d'une durée de six ans conclu le 25 novembre 2013, à effet à compter du 1er décembre 2013, M. [I] [H] et M. [X] [H], aux droits desquels vient la SCI du [Adresse 2], ont donné en location à Mme [K] [B] un local d'habitation situé [Adresse 2], à [Localité 5].

Le bail a été tacitement renouvelé le 1er décembre 2019, pour une durée s'achevant le 30 novembre 2025.

Par acte de commissaire de justice en date du 17 mars 2021, un commandement visant la clause résolutoire du bail d'avoir à payer les loyers impayés, a été délivré à Mme [B].

Par acte de commissaire de justice délivré le 13 octobre 2022, la SCI du [Adresse 2] à [Localité 9], ainsi que MM. [H] ont fait délivrer assignation à Mme [B] à comparaître devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Versailles aux fins, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- de se voir déclarer recevable et bien fondé de ses demandes, fins et conclusions,

- voir constater l'acquisition de la clause résolutoire du bail au 17 mai 2021,

- voir prononcer l'expulsion de la locataire ainsi que celle de tous occupants de son chef, avec l'assistance du commissaire de police et de la force publique si besoin est,

- voir ordonner la séquestration des meubles et objets mobiliers aux frais, risques et périls des défendeurs,

- voir condamner Mme [B] à leur verser la somme de 58 848,99 euros, selon décompte avec intérêts de droit,

- voir condamner Mme [B] à leur payer à compter de la résiliation du bail et jusqu'à reprise effective des lieux une indemnité d'occupation mensuelle de 1610 euros, charges en sus pour 40 euros, avec indexation,

- voir condamner Mme [B] à payer une indemnité de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens incluant le coût du commandement de payer et celui de la dénonciation à la préfecture.

Un nouvel acte introductif d'instance a été délivré le 12 janvier 2023 selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire du 22 juin 2023, le juge des contentieux et de la protection du tribunal Judiciaire de Versailles a :

- déclaré la SCI du [Adresse 2] à [Adresse 10] recevable en sa demande d'acquisition de la clause résolutoire,

- constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail au 17 mai 2021,

- autorité en conséquence, et à défaut de départ volontaire de la locataire, le bailleur à faire procéder à l'expulsion de Mme [B], ainsi qu'à celle de tout occupant de son chef avec si besoin est, l'assistance de la force publique,

- dit n'y avoir lieu à ordonner le transport et la séquestration du mobilier,

- dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte,

- constaté que Mme [B] est redevable de la somme de 25 918,27 euros pour la période comprise entre le 25 janvier 2016 et le 10 octobre 2019,

- condamné Mme [B] à payer au bailleur la somme de 70 696,39 euros au titre de loyers et charges impayés, échéance du mois d'avril 2023 inclus, avec intérêts au taux légal à compter du 17 mars 2021 à hauteur de 55 548,99 euros, et à compter du 13 octobre 2022 pour le surplus,

- fixé l'indemnité d'occupation que Mme [B] sera condamnée à payer, à compter du 1er mai 2023 et jusqu'à son départ effectif des lieux caractérisé par la restitution des clefs au bailleur à somme mensuelle, de 1633,24 euros charges en sus pour 50 euros,

- dit que si l'occupation devait se prolonger plus d'un an, l'indemnité d'occupation serait indexée sur l'indice IRL s'il évolue à la hausse, l'indice de base étant le dernier indice paru à la date de l'ordonnance à intervenir,

- condamné Mme [B] à payer à la SCI du [Adresse 2] à [Localité 9] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [B] aux dépens,

- rappelé l'exécution provisoire de droit du présent jugement.

Par déclaration reçue au greffe le 30 août 2023, Mme [B] a relevé appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 10 septembre 2024, Mme [B] demande à la cour de :

- la dire recevable et bien fondée en son appel,

- réformer le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection le 22 juin 2023,

statuant à nouveau :

- prononcer l'incompétence du juge des contentieux de la protection pour statuer sur les demandes financières dont il est saisi,

- prononcer l'irrecevabilité des demandes des intimés en condamnation au paiement d'arriérés de loyers ou d'indemnités d'immobilisation et en tout état de cause, les déclarer mal fondées,

- juger que la demande d'expulsion locative et de restitution des clés sont sans objet et irrecevables,

- condamner les intimés à lui verser 4 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- les condamner aux dépens, dont distraction au profit de Me Oriane Dontot, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées le 18 septembre 2024, MM. [H] et la SCI du [Adresse 2] à [Localité 9] demandent à la cour de :

- les déclarer recevables et bien fondés en toutes leurs demandes,

- rejeter toutes les prétentions et demandes formées à leur encontre par Mme [B],

- confirmer le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection en date du 22 juin 2023 en toutes ses dispositions,

- condamner, en outre, Mme [B] au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle de 1 633,24 euros , charges en sus pour 50 euros, à partir du 1er mai 2023 et arrêté au 11 août 2023, date de libération effective des lieux par la reprise du logement, soit la somme de 5 891,34 euros,

- condamner Mme [B] aux entiers dépens de l'instance, qui comprendront le coût du commandement de payer visant la clause résolutoire du 17 mai 2021, ainsi qu' au paiement de la somme de 2 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile .

La clôture de l'instruction a été prononcée le 19 septembre 2024.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'appel de Mme [B]

- Sur l'exception d'incompétence du juge des contentieux de la protection soulevée par Mme [B]

Mme [B] soulève, à titre liminaire, l'incompétence du juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Versailles pour connaître des demandes formées par la SCI du [Adresse 2] à [Localité 9], motif pris que l'article R 662-3 du code de commerce qui pose le principe de l'attraction de compétence du tribunal des procédures collectives, connaît de tout ce qui concerne la sauvegarde, le redressement et la liquidation judiciaires et de leurs suites éventuelles, et donc de toutes les difficultés se rattachant à la procédure collective, sauf compétence exclusive d'autres juridictions. Elle fait valoir qu'en l'espèce, aucune créance n'a jamais été déclarée par la bailleresse au passif de la procédure collective, que la demande de condamnation qu'elle formule vise en fait, à contourner la procédure collective, et à obtenir un titre qui ainsi les favoriserait, au détriment des créanciers ayant déclaré leurs créances et participant au plan. Elle souligne que l'action de la bailleresse s'apparente en fait à une tierce-opposition déguisée et que le juge saisi qui n'est pas celui de la procédure collective, n'était pas compétent pour en connaître, qu'en tout état de cause, à supposer même que le juge des contentieux de la protection eût été compétent pour prononcer l'expulsion, il ne pouvait pas prononcer la moindre condamnation à son encontre.

LA SCI du [Adresse 2] à [Localité 9] et MM. [H] poursuivent la confirmation du jugement querellé en ce qu'il s'est déclaré compétent pour connaître de leurs demandes. Ils soutiennent que l'argumentation de Mme [B] est pour le moins contradictoire en ce qu'elle mentionne dans ses écritures que les loyers dont la bailleresse sollicite le paiement n'ont pas été déclarés au passif, ni pour ceux qui sont antérieurs au jugement d'ouverture de redressement judiciaire, ni pour ceux qui sont postérieurs, tout en sollicitant que le litige soit soumis au juge chargé de la procédure collective. Les bailleurs rappellent qu'il est aujourd'hui constamment admis que les créances nées postérieurement à l'arrêté d'un plan de redressement sont soumises au droit commun, que dans la mesure où aucuns loyers dont le paiement est sollicité ne relèvent de la procédure collective, seul le juge des contentieux de la protection est compétent pour connaître du litige en application des dispositions de l'article L 213-4-4 du code de l'organisation judiciaire.

Sur ce,

Aux termes de l'article L 213-4-4 du code de l'organisation judiciaire, 'le juge des contentieux de la protection connaît des actions dont un contrat de louage d'immeuble à usage d'habitation ou un contrat portant sur l'occupation d'un immeuble est l'objet, la cause ou l'occasion, ainsi que des actions relatives à l'application de la loi du 1er septembre 1948 (......)'.

Dans la mesure où la SCI du [Adresse 2] à [Localité 9] et MM [H] ne sollicitent paiement que des loyers échus impayés postérieurs à l'arrêté du plan de redressement judiciaire dont bénéficie Mme [B], le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Versailles était, au visa des dispositions précités, seul compétent pour connaître de leur demande de condamnation ainsi que de leur demande subséquente tendant à voir constater l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail.

Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a déclaré la SCI du [Adresse 2] à [Localité 9] et MM [H] recevables en leurs demandes formées à l'encontre de Mme [B].

- Sur les conséquences du plan de redressement judiciaire et du plan de continuation sur le montant de l'arriéré locatif

* sur la créance locative née antérieurement à l'ouverture du plan de redressement judiciaire

Mme [B] a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal judiciaire de Paris du 10 octobre 2019, un plan de redressement ayant été arrêté par jugement du 17 décembre 2020.

La SCI du [Adresse 2] à [Localité 9] et MM [H] n'ont pas déclaré au passif du redressement judiciaire la dette de loyer que Mme [B] accusait à la date du 10 octobre 2019 pour un montant de 25918,27 euros, de sorte qu'ils n'ont pas demandé en première instance la condamnation de Mme [B] au paiement de cette somme, se bornant à demander à la juridiction de constater l'existence de cette créance.

Mme [B] soutient que la demande à ce titre est en tout état de cause prescrite.

Force est de constater, ainsi que le soutiennent à juste titre la SCI du [Adresse 2] à [Localité 9], ainsi que MM [H] que cette discussion est sans objet dans la mesure où Mme [B] n'a pas fait l'objet d'une condamnation à paiement à ce titre.

* sur la créance locative née postérieurement à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire

Mme [B] conclut également à l'irrecevabilité de la demande de condamnation à paiement formée à son encontre au titre des impayés locatifs nés postérieurement à l'ouverture la procédure de redressement judiciaire. Elle invoque les dispositions de l'article L 622-24 du code de commerce aux termes duquel 'les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture autres que celles mentionnées au I de l'article L 622-17 du même code, sont soumises aux dispositions du présent article. Les délais courent à compter de la date d'exigibilité de la créance. Toutefois, les créanciers dont les créances résultent d'un contrat à exécution successive déclarent l'intégralité des sommes qui leur sont dues dans les conditions prévues par décret en Conseil d'état'.

Mme [B] fait observer que ce texte prévoit deux cas de figure :

- soit les créances répondent aux conditions fixées par l'article L 622-17 du code de commerce qui les définit comme : I) les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont payées à leur échéance.

- soit elle ne répondent pas aux conditions et dès lors, en application de l'article L 622-24 du code de commerce, elles doivent faire l'objet d'une déclaration au passif de la procédure dans les deux mois de leur exigibilité.

Mme [B] souligne que dans le premier cas, le IV de l'article L 622-17 du code de commerce dispose que 'les créances impayées perdent le privilège que leur confère le II du présent article si elles n'ont pas été portée à la connaissance de l'administrateur ou à défaut, à celle du mandataire judiciaire ou, lorsque ceux-ci ont cessé leurs fonctions, du commissaire à l'exécution du plan ou du liquidateur, dans le délai d'un an à compter de la fin de la période d'observation'.

Mme [B] conclut que, dans la mesure où l'intimée n'a pas déclaré ses créances et qu'elle n'a saisi aucun des organes de la procédure pour bénéficier des dispositions de l'article L 622-17 du code de commerce, elle est irrecevable et forclose en sa demande de condamnation à paiement des impayés de loyers nés postérieurement à l'ouverture de redressement judiciaire.

La SCI du [Adresse 2] à [Localité 9] et MM [H] font observer que, contrairement à ce que prétend Mme [B], le jugement dont appel ne l'a pas condamnée au paiement des loyers antérieurs à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire et que s'agissant des loyers postérieurs à la procédure, ils ne sont pas inclus dans le passif ayant fait l'objet du plan de continuation, de sorte que ceux-ci ne pouvaient nullement être inscrits au passif, que des créances postérieures pourraient être éventuellement déclarées dans des cas exceptionnels dont aucun n'est applicable en l'espèce.

Sur ce,

En l'espèce, les impayés de loyers constituent à l'évidence une créance entrant dans les prévisions de l'article L 622-17 du code de commerce, dès lors qu'ils constituent la contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant la période d'observation, en effet, le loyer est la contrepartie de la mise à disposition de l'appartement loué à Mme [B] qui a été personnellement placée en redressement judiciaire.

Contrairement à ce qu'affirme Mme [B], les intimés ne sont pas irrecevables ou forclos à solliciter un titre exécutoire pour obtenir paiement des impayés nés postérieurement à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire. L'appelante se méprend en effet totalement sur l'interprétation qu'elle fait des dispositions du chapitre IV de l'article L 622-17 du code de commerce : le créancier, dont la créance éligible au traitement préférentiel de l'article susvisé n'a pas été payée à l'échéance, peut exercer son droit de poursuite individuelle pour en obtenir paiement, ce droit étant indissociable de celui d'être payé à l'échéance, et il peut agir même si sa créance n'a pas été inscrite sur la liste des créances postérieures utiles, dès lors qu'elle répond aux conditions pour bénéficier du paiement prioritaire. En conséquence, le créancier peut obtenir un titre exécutoire même s'il ne figure pas sur la liste des créanciers postérieurs privilégiés et le faire exécuter indépendamment de l'ordre dans lequel s'exercent les privilèges. En réalité, le privilège ne sert qu'à établir le rang des créanciers dans le cadre de la répartition des fonds par le liquidateur après la réalisation des actifs. La sanction du défaut de déclaration de créance née postérieurement à l'ouverture de la procéder de redressement judiciaire ne conduit pas à l'irrecevabilité ou à la forclusion de la demande en paiement mais à la perte du privilège dont peut bénéficier le créancier, tel que prévu au chapitre IV de l'article L 622-17 du code de commerce.

La demande d'irrecevabilité ne peut, par suite, être accueillie.

- Sur la demande de constatation de l'acquisition de la clause résolutoire et sur les demandes subséquentes et notamment sur la demande en paiement des impayés

Mme [B] qui prétend avoir quitté l'appartement en février 2021, fait valoir que les demandes de la SCI du [Adresse 2] à [Localité 9] et de MM [H] sont devenues sans objet. Elle conteste les allégations des bailleurs selon lesquelles elle n'aurait pas quitté volontairement les lieux, puisqu'il a fallu diligenter une procédure d'expulsion. Elle indique à cet égard qu'il faut se référer aux constatations du commissaire de justice qui, aux termes du procès-verbal d'expulsion qu'il a dressé le 11 août 2023, mentionne avoir constaté que les lieux semblent abandonnés depuis très longtemps et que l'appartement est inhabitable en l'état. Elle ajoute que son départ des lieux est corroboré par les modalités de signification du commandement de payer délivré le 17 mars 2021 et celles du jugement en date du 19 juillet 2023.

La SCI du [Adresse 2] à [Localité 9] et MM [H] répliquent que c'est à bon droit que le premier juge a constaté l'acquisition de la clause résolutoire au 17 mai 2021, soit dans les deux mois de la délivrance du commandement de payer resté infructueux, et qu'il a jugé que Mme [B] était redevable des loyers, charges et indemnités d'occupation impayés jusqu'à la reprise des lieux par l'expulsion à laquelle le commissaire de justice a procédé le 11 août 2023, en exécution du jugement rendu le 22 juin 2023. Ils invoquent la particulière mauvaise foi de Mme [B] qui n'a pas restitué les clés et qui a même tenté de soumettre à M. [H], l'un des associés de la SCI du [Adresse 2] à [Localité 9], alors âgé de 87 ans, une proposition de résolution amiable du litige dans des conditions extrêmement contestables dès lors qu'elle prévoyait une remise des clés le 10 mars 2021 contre un abandon de tous les loyers qu'elle lui devait depuis plus de trois ans.

Sur ce,

En l'absence de contestation sur ce point, le jugement rendu le 22 juin 2023 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Versailles doit être confirmé en ce qu'il a constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail au 17 mai 2021, autorisé en conséquence, et à défaut de départ volontaire de la locataire, le bailleur à faire procéder à l'expulsion de Mme [B], ainsi qu'à celle de tout occupant de son chef avec si besoin est, l'assistance de la force publique, dit n'y avoir lieu à ordonner le transport et la séquestration du mobilier.

Il est aujourd'hui constamment admis que la libération des lieux loués se caractérise soit par la remise des clés par le locataire entre les mains du bailleur, soit par un procès-verbal d'expulsion.

En l'espèce, Mme [B] ne justifie nullement avoir remis les clés aux bailleurs, de sorte que la libération définitive des lieux est matérialisée par le procès-verbal d'expulsion dressé le 11 août 2023 par le commissaire de justice.

Mme [B] est donc incontestablement redevable de la somme de 70 696,39 euros au titre des loyers, charges impayées et indemnités d'occupation pour la période postérieure à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, soit d'après le relevé du décompte de la locataire, jusqu'au 30 avril 2023

Le jugement rendu le 22 juin 2023 par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Versailles est donc confirmé en ce qu'il a condamné Mme [B] à payer à la SCI du [Adresse 2] à [Localité 9] et MM [H], la somme de 70 696,39 euros au titre de loyers et charges impayés, échéance du mois d'avril 2023 inclus, avec intérêts au taux légal à compter du 17 mars 2021 à hauteur de 55 548,99 euros, et à compter du 13 octobre 2022 pour le surplus.

Y ajoutant et compte tenu de l'actualisation de la demande formée par la SCI du [Adresse 2] à [Localité 9] et MM. [H] en cause d'appel, Mme [B] doit être condamnée à leur verser la somme de 1 633,24 euros à titre d'indemnité d'occupation, outre celle de 50 euros de charges, telles que fixées par le premier juge et ce, à compter du 1er mai 2023 jusqu'à la date de libération effective des lieux par reprise de l'appartement, le 11 août 2023, soit la somme totale de 5 891,34 euros.

Sur les mesures accessoires

Mme [B] doit être condamnée aux dépens de la procédure d'appel, les dispositions du jugement contesté relatives aux dépens de première instance étant, par ailleurs, confirmées.

Il y a lieu de faire droit à la demande de la SCI du [Adresse 2] à [Localité 9] et de MM [H] au titre des frais de procédure par eux exposés en cause d'appel en condamnant Mme [B] à leur verser la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement rendu le 22 juin 2023 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Versailles en toutes ses dispositions,

Compte tenu de l'actualisation de sa demande au titre de la créance locative formée par la SCI du [Adresse 2] à [Localité 9] et MM [H] en cause d'appel, condamne Mme [B] à leur verser la somme de 1 633,24 euros à titre d'indemnité d'occupation, outre celle de 50 euros de charges, telles que fixées par le premier juge et ce, à compter du 1er mai 2023 jusqu'à la date de libération effective des lieux par reprise de l'appartement, le 11 août 2023, soit la somme totale de 5 891,34 euros,

Déboute Mme [B] de l'intégralité de ses demandes,

Condamne Mme [B] à verser à la SCI du [Adresse 2] à [Localité 9], ainsi qu'à MM [H] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [B] aux dépens d'appel.

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Philippe JAVELAS, président et par Madame Gaëlle RULLIER, greffière placée, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La greffière placée, Le président,

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