CA Toulouse, 1re ch. sect. 1, 15 janvier 2025, n° 22/02467
TOULOUSE
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
C&C Concept (SAS)
Défendeur :
C&C Concept (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Defix
Conseillers :
Mme Rouger, Mme Leclercq
Avocats :
Me Alengrin, Me Depuy, Me Thalamas
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Dans le cadre de son activité de marchand de biens, la société par action simplifiée (Sas) C&C ConCept, dont M. [B] [X] est associé, a acquis le 14 avril 2016, par adjudication, un terrain situé au [Adresse 7], sur lequel était édifié un ancien réservoir d'eau municipal, utilisé comme zone de stockage par les services municipaux.
Cette société a fait établir un projet de réhabilitation de cet entrepôt, de surélévation et de transformation en maison individuelle, et a obtenu à cet effet un permis de construire du 22 juillet 2016.
M. [B] [X], en qualité d'architecte DPLG, a constitué les plans et déposé la demande de permis de construire.
Par compromis de vente du 15 novembre 2018, la société C&C ConCept a vendu à M. [D] [V] et Mme [L] [W] épouse [V] un entrepôt à réhabiliter situé [Adresse 7], cadastré préfixe [Cadastre 6] section AC n°[Cadastre 1] d'une surface de 1 a 74 ca, le bien étant inhabitable en l'état, les parties déclarant en avoir eu connaissance, et le vendeur déclarant que le bien est à usage d'entrepôt, et l'acquéreur déclarant qu'il entend l'utiliser à usage d'habitation, au prix de 245.000 euros, sous diverses conditions suspensives. Ce compromis prévoyait le transfert du permis de construire aux acquéreurs.
Par arrêté municipal du 21 décembre 2018, le permis de construire a été transféré à Mme [V].
Par acte authentique reçu le 20 mars 2019 par Maître [S] [J], notaire à [Localité 8], la société C&C ConCept a vendu à Mme [L] [W] épouse [V], un entrepôt à réhabiliter situé [Adresse 7], cadastré préfixe [Cadastre 6] section AC n°[Cadastre 1] d'une surface de 1 a 74 ca, le vendeur déclarant que le bien est à usage d'entrepôt, et l'acquéreur déclarant qu'il entend l'utiliser à usage d'habitation, au prix de 245.000 euros.
Mme [L] [V] s'est plainte qu'aux termes de son rapport du 4 juin 2019, le bureau d'étude [G] Pyrénées consulté pour une étude géotechnique de Conception, phase avant-projet, avait conclu à la nécessité technique de procéder à un confortement en sous-oeuvre de l'ouvrage, indépendamment du mode de surélévation choisi.
Le permis de construire initial et son transfert ont été retirés le 16 octobre 2019 et un nouveau permis de construire a été accordé par arrêté du 4 novembre 2019.
Mme [V] s'est plainte que ceci impliquait ainsi un surcoût de 69.148 euros selon devis du 9 décembre 2019.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 février 2020, réitérée par courriel du 24 mars 2020, Mme [L] [V] a mis en demeure, en vain, la Sas C&C ConCept de lui communiquer l'étude de sols visée dans l' attestation de M. [X] du 17 mai 2016 annexée à l'acte de vente, et de proposer une offre d'indemnisation.
Estimant que les documents techniques étaient erronés, Mme [L] [W] épouse [V] a fait assigner la Sas C&C ConCept ainsi que M. [B] [X], par acte du 20 mai 2020, devant le tribunal judiciaire de Toulouse, aux fins, notamment, d'indemnisation de son préjudice.
Par jugement du 5 mai 2022, le tribunal judiciaire de Toulouse a :
débouté Mme [L] [W] épouse [V] de l'intégralité de ses demandes à l'égard de la Sas C&C ConCept,
débouté Mme [L] [W] épouse [V] de ses demandes à l'égard de M. [B] [X] au titre des travaux en sous-oeuvre et du préjudice moral,
condamné M. [B] [X] à verser à Mme [L] [W] épouse [V] la somme de 5.160 euros en remboursement des frais d'étude de sol,
débouté M. [B] [X] de sa demande au titre de la procédure abusive,
condamné M. [B] [X] à verser à Mme [L] [W] épouse [V] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
rejeté toute autre demande sur ce fondement,
débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
condamné M. [B] [X] aux dépens.
Pour statuer ainsi, le premier juge a estimé que la garantie des vices cachés n'était pas due par la société C&C ConCept, car le préjudice de Mme [W], qui avait opté pour un projet différent avec piscine au R+1, n'était pas établi, et car au demeurant, l'absence seule de réalisation d'une étude technique n'était pas constitutive d'un vice.
Il a jugé que M. [X] avait commis une faute sur le fondement de l'article 1240 du code civil en attestant de la réalisation d'une étude géotechnique qui n'avait pas été menée ; que cependant, Mme [W] ne rapportait pas la preuve que le projet de réhabilitation de 2016 ait nécessité des micropieux ; qu'ainsi, elle ne rapportait pas la preuve de la réalité du préjudice par elle allégué pour ce qui concernait les travaux en sous-oeuvre ; qu'en revanche, elle subissait un préjudice tenant à la nécessité de faire réaliser une expertise géotechnique à ses frais, et que M. [X] devait être condamné à lui rembourser les frais d'étude de sol par elle engagés.
Il a estimé que le préjudice moral de Mme [V], qui a mené à bien un projet distinct et plus ambitieux que celui établi en 2016, n'était pas démontré.
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Par acte électronique du 29 juin 2022, Mme [L] [W] épouse [V] a relevé appel de ce jugement en ce qu'il l'a :
déboutée de l'intégralité de ses demandes à l'égard de la Sas C&C ConCept,
déboutée de ses demandes à l'égard de M. [B] [X] au titre des travaux en sous-oeuvre et du préjudice moral.
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Le 27 octobre 2022, Mme [L] [W] épouse [V] a saisi le magistrat de la mise en état de la cour d'appel de Toulouse d'un incident aux fins de voir ordonner une consultation sur pièces, confiée à un expert, aux fins de dire si le projet de réhabilitation de l'entrepôt, de surélévation et de transformation en maison individuelle à usage d'habitation, tel que ressortant des pièces 1 à 11 produite par elle à l'instance était réalisable sans reprise en sous-oeuvre des fondations.
Par ordonnance du 9 mars 2023, le conseiller de la mise en état près la cour d'appel de Toulouse a notamment :
ordonné une mesure de consultation confiée à M. [U] [O], avec pour mission de :
examiner le rapport [G] du 4 juin 2019 et le rapport BET Structure Robert Ingéniérie du 4 août 2020, le dossier de demande de permis de construire et tout document qu'il estimerait utile de se faire produire par les parties,
se rendre sur les lieux si nécessaire, entendre au besoin les parties et leurs conseil et le cas échéant tout sachant, les parties devant transmettre leurs observations au consultant dans les trois semaines qui suivent la visite ou la réunion,
dire si le projet de réhabilitation de l'entrepôt, de surélévation et de transformation en maison individuelle était réalisable sans reprise en sous-oeuvre des fondations.
réservé les dépens et frais de l'incident dont le sort sera tranché avec ceux de l'instance au fond.
M. [O] a déposé le rapport de consultation le 29 juillet 2023.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 22 novembre 2023, Mme [L] [W] épouse [V], appelante, demande à la cour de :
débouter la Sas C&c ConCept et M. [X] de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions,
réformer le jugement dont appel en ce qu'il a :
débouté Mme [V] de l'intégralité de ses demandes à l'égard de la Sas C&c ConCept,
débouté Mme [V] de ses demandes à l'égard de M. [X] au titre des travaux en sous-'uvre et du préjudice moral,
condamné M. [X] à verser à Mme [V] la somme de 5.160 euros en remboursement des frais d'étude de sol,
débouté M. [X] de sa demande au titre de la procédure abusive,
Et statuant à nouveau,
constater l'existence d'un vice caché atteignant le bien immobilier sis [Adresse 7], vendu par la Sas C&c ConCept, marchand de bien et vendeur professionnel,
constater l'établissement par M. [B] [X], architecte, d'une attestation mensongère quant à l'obtention et la prise en compte d'une étude de sols au titre de ce projet,
condamner en conséquence in solidum la Sas C&c ConCept et M. [B] [X] à verser à Mme [L] [V] la somme de 66.778,40 euros correspondant au surcoût impliqué par la mise en 'uvre de micropieux,
A titre subsidiaire,
«dire et juger» que la Sas C&c ConCept a emporté le consentement de Mme [V] par dol,
la condamner à verser à Mme [V] la somme de 66.778,40 euros en réparation du préjudice subi,
condamner en toute hypothèse in solidum la Sas C&c ConCept et M. [B] [X] à verser à Mme [L] [V] la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi,
confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné M. [B] [X] à rembourser à Mme [V] le coût de l'étude de sol,
condamner in solidum la Sas C&c ConCept avec M. [B] [X] à verser à Mme [L] [V] la somme de 5.160 euros en remboursement de l'étude de sol,
les condamner in solidum aux entiers dépens de l'instance, outre la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 27 octobre 2022, la Sas C&C ConCept, intimée, demande à la cour, de :
rejeter toute conclusion contraire comme injuste et mal fondée,
débouter Mme [W] de l'intégralité de ses demandes,
condamner Mme [W] au paiement d'une somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 27 octobre 2022, M. [B] [X], intimé et appelant incident, demande à la cour de :
confirmer qu'il n'a commis aucune faute dans le cadre de sa mission, qui soit directement à l'origine d'un quelconque préjudice,
réformer le jugement du 5 mai 2022 en ce qu'il l'a condamné à régler à Mme [V] la somme de 5.160 euros en remboursement des frais d'étude de sol,
condamner Mme [V] à lui payer la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 2 octobre 2024.
L'affaire a été examinée à l'audience du 14 octobre 2024 à 14h.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les données du rapport de consultation :
M. [X] a reconnu devant le consultant qu'aucune étude de sols n'avait été réalisée au stade du permis de construire, contrairement à ce qui était mentionné dans l'attestation du 17 mai 2016, annexée à l'acte authentique de vente.
Une construction a été réalisée par Mme [V] suivant facture du 30 juin 2020, sur la base d'un nouveau permis de construire.
Le consultant a examiné le rapport [G] du 4 juin 2019 et le rapport BET Structure Robert Ingéniérie du 4 août 2020.
Il indique que la construction édifiée ne reflète pas le projet initialement établi par M. [X] et ayant fait l'objet du permis de construire accordé le 22 juillet 2016. Le permis de construire et son transfert ont été retirés par arrêté du 14 octobre 2019 La maison d'habitation édifiée a fait l'objet d'un nouveau permis de construire le 4 novembre 2019. Le consultant indique que les descentes de charges sont plus importantes dans le cadre du projet réalisé que dans celui initialement envisagé.
Il estime qu'il n'en demeure pas moins qu'au regard des résultats de l'étude géotechnique menée, il était nécessaire de réaliser des reprises en sous-oeuvre des fondations de la construction existante, du fait des caractéristiques intrinsèques des sols en place mais aussi de la nécessité de fondations hors gel. S'il est exact que les fondations en place pouvaient au niveau portance reprendre les charges du projet établi par M. [X], en revanche, au regard des caractéristiques intrinsèques des sols en place et de la nécessité de fondations hors gels, des reprises en sous-oeuvre étaient nécessaires pour respecter les règles de l'art et éviter des fissurations lors de cycles de dessiccation et réhydratation des sols.
Il estime que quel que soit le projet de restructuration / extension envisagé, dans la mesure où celui-ci conservait ladite construction, il était nécessaire de procéder à des reprises en sous-oeuvre des fondations.
S'agissant de la mission de l'architecte, M. [O] précise qu'elle allait jusqu'au dépôt du permis de construire. Le maître d'ouvrage s'engageait notamment à faire réaliser une étude de sol et à la fournir à l'architecte dans les délais lui permettant d'exécuter sa mission.
Il rappelle que le permis de construire rentre dans la phase avant-projet détaillé d'une opération, tout comme la mission G2 AVP, mission d'étude géotechnique de Conception en phase d'avant-projet.
Vient ensuite la phase 'projet', dans laquelle sont réalisés des plans à l'échelle 1/50ème par l'architecte, une mission d'étude géotechnique G2 PRO conformément à la norme NF P 94.500, mission de conception et de justifications du projet permettant de confirmer le type de fondation et de définir leur prédimensionnement.
Sur le surcoût évoqué de 70.000 euros, le consultant estime que les éléments versés au débat ne permettent pas d'indiquer quel aurait été le surcoût du projet établi par M. [X] vis-à-vis de la problématique de reprise en sous-oeuvre des fondations. Il estime que la plus-value de 70.000 euros alléguée par la requérante n'est pas étayée par des éléments probants et n'est donc pas justifiée en l'état.
Il conclut que le projet de réhabilitation de l'entrepôt, projet consistant en une surélévation et une restructuration des constructions en place en vue de leur transformation en maison individuelle, n'était pas réalisable sans reprise en sous-oeuvre des fondations, pour répondre aux règles de l'art, au regard des résultats de l'étude de sol menée, des reconnaissances des fondations effectuées et des caractéristiques intrinsèques des sols en place mises en exergue par les essais et analyses effectuées en laboratoire.
A cet effet, il a précisé que l'étude géotechnique menée avait mis en exergue :
- des fondations ne respectant pas par endroit la garde hors gel nécessaire ;
- des argiles sensibles aux cycles de dessiccation / réhydratation sur une profondeur de 180 m à 3,20 m.
Sur la garantie des vices cachés :
L'article 1641 du code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.
En l'espèce, la chose vendue est un entrepôt à réhabiliter. Le vendeur a déclaré que le bien était actuellement à usage d'entrepôt. L'acheteur a déclaré qu'il entendait l'utiliser à usage d'habitation.
L'acte authentique de vente précise qu'un permis de construire a été délivré au vendeur le 22 juillet 2016 dont une copie est annexée, et que ce permis de construire a été transféré à l'acquéreur aux termes d'un arrêté du 21 décembre 2018 dont une copie est annexée.
Parmi les pièces du dossier de demande de permis de construire figurait une attestation de l'architecte concernant l'étude de sols, du 17 mai 2016, indiquant 'qu'une étude géotechnique a été réalisée et que le projet de réhabilitation, surélévation et transformation de l'entrepôt en maison individuelle en tient compte au stade de sa conception.'
Cette étude géotechnique n'a pas été communiquée.
M. [X] a reconnu devant le consultant qu'aucune étude de sol n'avait été réalisée au stade du permis de construire, contrairement à ce qui était mentionné dans l'attestation du 17 mai 2016.
Il ressort du rapport de consultation qu'une reprise en sous-oeuvre était nécessaire. Le consultant a étudié l'étude du BET structure effectuée le 4 août 2020 et a conclu qu'il n'était pas possible de fonder la réhabilitation et la surélévation sur les fondations existantes du réservoir, et ce indépendamment du fait que le projet ait changé. Ceci sera entériné.
Cependant, le fait qu'il n'y a ait pas eu d'étude de sols n'est pas un vice de la chose vendue, car ce seul fait ne rend pas la chose impropre à l'usage auquel on la destine ni ne diminue son usage. Mme [V] fait valoir qu'une telle étude était rendue obligatoire par le plan de prévention des risques (PPR) applicable sur la commune. Ceci est contesté par la société C&C ConCept. En tout état de cause, ceci pouvait rendre nécessaire une telle étude, mais n'obérait pas l'usage du bien.
De même, le fait qu'il faille réaliser une reprise en sous-oeuvre par micropieux ne rend pas la chose impropre à l'usage auquel on la destine ni ne diminue son usage. Ceci génère simplement un surcoût des travaux.
Le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [V] de sa demande fondée sur la garantie des vices cachés.
Sur le dol de la société C&C ConCept :
Selon l'article 1137 du code civil, le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges.
Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.
Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.
Mme [V] soutient que la société C&C ConCept a trompé son consentement en produisant une attestation qu'elle savait mensongère, visant à faire croire qu'il était possible de rénover le bien sans reprise en sous-oeuvre. Elle fait valoir que la vente s'est faite sur la base du devis de travaux remis par la société C&C ConCept à Mme [V] et que ce devis a été annexé à l'acte de vente ; que c'est sur la base de cette estimation qu'elle a acheté le bien ; qu'elle n'aurait pas acquis ou en tout cas pas dans ces conditions, si elle avait été informée de la nécessité de financer des micropieux.
En tant que maître d'ouvrage, la société C&C ConCept s'était engagée à communiquer une étude de sol à l'architecte, or aucune étude de sol n'a été communiquée. Cette société savait donc que l'attestation de M. [X] était mensongère.
Selon cette attestation, une étude géotechnique avait été réalisée et le projet de réhabilitation, surélévation et transformation de l'entrepôt en maison individuelle en tenait compte au stade de sa conception. Par ailleurs, il ressort d'un courriel du 9 octobre 2018 que le devis réalisé à la demande de la société C&C ConCept a été envoyé à M. et Mme [V], leur étant précisé que ce n'était pas une obligation que cette entreprise réalise l'opération, qu'ils pouvaient choisir l'entrepreneur de leur choix. Ayant eu communication de ce devis, il s'agit d'un élément qu'ils ont donc pris en compte au moment de donner leur consentement. Ce devis ne prévoyait des travaux de fondation que pour un coût de 1.100 euros HT.
En produisant l'attestation mensongère de M. [X], qui a trompé le consentement de Mme [V] en l'induisant en erreur sur la nature des travaux de fondation à réaliser, la société C&C ConCept a commis un dol envers Mme [V].
Sur la responsabilité délictuelle de M. [X] :
L'article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
M. [X] a reconnu devant le consultant qu'aucune étude de sol n'avait été réalisée au stade du permis de construire, contrairement à ce qui était mentionné dans l'attestation du 17 mai 2016, annexée à l'acte authentique de vente.
Il a ainsi délivré une fausse attestation, dans l'intérêt de la société dont il était associé.
Ceci constitue une faute envers Mme [V], acquéreuse du bien, puisque cette attestation a été utilisée dans le cadre de la vente par la société C&C ConCept à Mme [V], pour la déterminer à consentir.
M. [X] engage sa responsabilité délictuelle envers Mme [V].
Sur le préjudice en lien de causalité avec ces fautes :
Du fait du dol du vendeur, et de la faute de M. [X], Mme [V] a contracté sans savoir qu'aucune étude de sols n'avait été réalisée, et sans savoir qu'elle aurait à supporter un surcoût pour la reprise en sous-oeuvre.
Les fautes conjuguées de la société C&C ConCept et de M. [X] ayant concouru à l'entier dommage, ceci justifie qu'ils soient condamnés in solidum à réparer le préjudice de Mme [V] en lien de causalité avec ces fautes, qui s'établit comme suit :
- coût de l'étude géotechnique qu'elle a dû réaliser postérieurement à la vente :
Il s'élève suivant facture à 5.160 euros TTC.
Le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a condamné M. [X] à payer à Mme [V] la somme de 5.160 euros au titre de l'étude de sols.
Y ajoutant, la société C&C ConCept sera condamnée in solidum avec M. [X] à payer à Mme [V] la somme de 5.160 euros au titre de l'étude de sols.
- Perte de chance :
Mme [V] réclame le remboursement du surcoût imprévu qu'elle a été tenue d'assumer pour faire réaliser des micropieux. Cependant, son préjudice ne consiste pas en le coût des micropieux. En effet, des micropieux étaient nécessaires pour surélever le bien et réaliser le projet de le rendre habitable, donc Mme [V] doit supporter cette dépense en tant que maître de l'ouvrage.
Mme [V] fait aussi valoir que si elle avait été informée de la nécessité de reprise en sous-oeuvre, elle n'aurait pas acheté, ou en tout cas pas au prix proposé. Elle invoque ainsi une perte de chance de ne pas contracter, ou une perte de chance de négocier le prix à la baisse, si elle avait connu le coût à exposer pour des travaux en sous-oeuvre.
Elle n'a pas demandé la résolution de la vente. Elle souhaite donc conserver le bien malgré le surcoût exposé. Il y a lieu de considérer qu'elle a simplement subi une perte de chance de négocier le prix à la baisse.
Lors de la vente, le bien était proposé au prix de 260.000 euros (courriel du 9 octobre 2018). M. et Mme [V] ont proposé un prix de 230.000 euros (courriel du 15 octobre 2018). Le vendeur a fait une contre-proposition à 245.000 euros (courriel du 15 octobre 2018). Les parties se sont entendues sur ce prix médian. La perte de chance de négocier le prix à la baisse peut dès lors être évaluée à 50% du coût supplémentaire lié aux micropieux.
Le coût des fondations par micropieux s'est élevé à 60.708,55 euros HT. Or, dans le devis produit par la société C&C ConCept à l'occasion de la vente, les travaux de fondations n'étaient chiffrés qu'à 1.100 euros HT. Le surcoût pour les fondations par micropieux représente donc 59.708,55 euros HT, soit 65.679,41 euros TTC.
La perte de chance de négocier le prix à la baisse peut donc être évaluée à 65.679,41/2 = 32.839,70 euros.
- préjudice moral :
Du fait du dol du vendeur et du mensonge de M. [X], Mme [V] a été trompée dans la confiance qu'elle leur a accordé et a ainsi subi un préjudice moral qu'il y a lieu d'évaluer à 1.000 euros.
Infirmant le jugement dont appel, la société C&C ConCept et M. [X] seront condamnés in solidum à payer à Mme [V] la somme de 32.839,70 euros au titre de la perte de chance de négocier le prix à la baisse, ainsi que la somme de 1.000 euros en réparation de son préjudice moral.
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :
Le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a condamné M. [X] aux dépens et à payer à Mme [V] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Y ajoutant, la société C&C ConCept sera condamnée in solidum avec M. [X] aux dépens de première instance et à payer à Mme [V] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et non compris dans les dépens.
La société C&C ConCept et M. [X] seront condamnés in solidum aux dépens d'appel.
Ils seront condamnés in solidum à payer à Mme [V] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel et non compris dans les dépens.
Ils seront déboutés de leurs demandes sur le même fondement.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant dans les limites de sa saisine,
Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse du 5 mai 2022, sauf en ce qu'il a :
- condamné M. [B] [X] à payer à Mme [L] [W] épouse [V] la somme de 5.160 euros au titre de l'étude de sols
- condamné M. [X] aux dépens et à payer à Mme [V] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés, et y ajoutant,
Condamne la société C&C ConCept, tenue in solidum avec M. [X], à payer à Mme [V] la somme de 5.160 euros au titre de l'étude de sols ;
Condamne in solidum la société C&C ConCept et M. [X] à payer à Mme [V] la somme de 32.839,70 euros au titre de la perte de chance de négocier le prix à la baisse, ainsi que la somme de 1.000 euros en réparation de son préjudice moral ;
Condamne la société C&C ConCept, tenue in solidum avec M. [X], aux dépens de première instance, et à payer à Mme [V] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et non compris dans les dépens ;
Condamne in solidum la société C&C ConCept et M. [X] aux dépens d'appel ;
Les condamne in solidum à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel et non compris dans les dépens.
Les déboute de leurs demandes sur le même fondement.