CA Rennes, 2e ch., 14 janvier 2025, n° 23/06806
RENNES
Arrêt
Autre
2ème Chambre
ARRÊT N°15
N° RG 23/06806
N° Portalis DBVL-V-B7H-UJXH
(Réf 1ère instance : 23/00952)
(3)
S.A.S. BJ INVEST
C/
S.A.S. ARKEA FONCIERE
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
- Me GRENARD
- Me BONTE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 14 JANVIER 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,
Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,
Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,
GREFFIER :
Mme Ludivine BABIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 10 Septembre 2024
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 14 Janvier 2025, après prorogations, par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
S.A.S. BJ INVEST
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Aurélie GRENARD de la SELARL ARES, postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Hervé LEHMAN, plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
S.A.S. ARKEA FONCIERE
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Mikaël BONTE, postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Nicolas BOYTCHEV, plaidant, avocat au barreau de PARIS
EXPOSE DU LITIGE :
Par acte en date du 24 février 2014, la société Foncière Investissement, dénommée par suite d'une délibération d'assemblée générale mixte du 10 avril 2024, Arkéa Foncière, a donné à bail des locaux, situés dans l'immeuble 'Le Phenix' à [Localité 5], à la société BJ Invest moyennant le paiement d'un loyer annuel de 230 832,40 euros hors taxes et hors charges.
Se plaignant de manquements contractuels de la bailleresse, la société BJ Invest l'a faite assigner devant le tribunal de grande instance de Toulouse, par acte d'huissier en date du 14 mars 2016, en résiliation judiciaire du bail aux torts exclusifs de celle-ci à effet du 31 mars 2016 et en indemnisation de ses préjudices.
Par acte d'huissier en date du 26 octobre 2016, la société BJ Invest a fait assigner en intervention forcée la société BNP Paribas aux fins de voir notamment l'acte de garantie en date du 5 mars 2014 consentie par celle-ci qualifié de contrat de caution. Jonction des procédures a été ordonnée par ordonnance du 24 novembre 2016.
Au cours du 2ème trimestre 2016, la société BJ Invest n'a plus honoré le paiement des loyers et par courrier recommandé avec accusé de réception du 22 novembre 2016, elle a délivré congé pour l'échéance triennale du 31 mars 2017.
Par courrier recommandé du 30 novembre 2016, la bailleresse s'est opposée à ce congé le considérant nul faute de respecter le délai de préavis de six mois.
Après avoir fait sommation, par acte du 27 avril 2017, à la société Arkéa Foncière, d'assister à un état des lieux de sortie le 9 mai 2017, que celle-ci a refusé, par courrier du 5 mai 2017, au motif de la nullité du congé délivré, la société BJ Invest a quitté les lieux à la date du 9 mai 2017 sans restituer les clés des locaux.
Par jugement en date du 4 avril 2019, le tribunal de grande instance de Toulouse a :
- débouté la société BJ Invest de sa demande de résiliation du bail aux torts exclusifs de la société Arkéa Foncière,
- débouté la société BJ Invest de l'ensemble de ses demandes en remboursement de frais,
- débouté la société BJ Invest de sa demande de remboursement de loyers trop perçus,
- condamné la société BJ Invest à payer à la société Arkéa Foncière la somme de 913 703,76 euros au titre des loyers et charges dus jusqu'au 31 décembre 2018,
- débouté la société Arkéa Foncière de sa demande de remise d'une nouvelle garantie à première demande,
- débouté la société BJ Invest de sa demande de requalification de la garantie en contrat de cautionnement,
- dit que l'exécution de cette garantie est pleinement opposable à la société BJ Invest,
- condamné la société BJ Invest aux dépens de l'instance,
- condamné la société BJ Invest à payer à la société Arkéa et à la société BNP Paribas chacune 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement.
Par déclaration en date du 22 mai 2019, la société BJ Invest a relevé appel cette décision.
Par acte d'huissier en date du 17 juin 2019, la société Arkéa Foncière a fait pratiquer une saisie-attribution sur les droits d'associé et valeurs mobilières appartenant à la société BJ Invest pour la somme de 920 475,98 euros en exécution du jugement du 4 avril 2019.
Par arrêt en date du 26 mai 2021, la cour d'appel de Toulouse a confirmé partiellement le jugement de première instance sauf en ce qui concerne le montant des sommes restant dues à la société Arkéa Foncière et a, notamment, enjoint d'une part, la société Arkéa Foncière de produire un décompte détaillé individualisant pour chaque échéance le montant des loyers, des charges et de la taxe foncière et un décompte des frais prélevés et des sommes versées émanant de l'étude d'huissier mandatée pour recouvrer les condamnations prononcées en première instance et d'autre part, la société BJ Invest de justifier du versement de la somme de 927 036, 08 euros.
Par arrêt en date du 7 février 2023, la cour d'appel de Toulouse a :
- infirmé le jugement du tribunal de grande instance de Toulouse du 4 avril 2019 en ce qu'il a condamné la société BJ Invest à payer à la société Arkéa Foncière la somme de 913 703,76 euros TTC au titre des loyers et charges dus jusqu'au 31 décembre 2018,
statuant de ce seul chef et y ajoutant :
- déclaré recevable la demande en paiement formée par la société Arkéa Foncière au titre de l'arriéré locatif postérieur au 31 décembre 2018,
- débouté la société Arkéa Foncière de sa demande d'irrecevabilité sur le fondement de l'article 910-4 du code de procédure civile et déclaré recevable la contestation des charges par l'appelante,
- condamné la société BJ Invest à payer à la société Arkéa Foncière la somme de 340 634,12 euros au titre de l'arriéré locatif échu au 31 mars 2020,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel,
- dit que les dépens de première instance et d'appel à la charge de la société BJ invest incluent les frais afférents aux voies d'exécution pratiquées (6999,75 euros),
- condamné la société BJ Invest aux dépens d'appel.
Par arrêt en date du 20 septembre 2023, la Cour d'appel de Toulouse a débouté la société Arkéa Foncière de sa demande de rectification en erreur matérielle.
Entretemps, par actes d'huissier en date du 7 avril 2023, la société BJ Invest a fait diligenter seize saisie-attributions entre les mains des sociétés Macif, Bugbusters Group, GIP Observatoires des Urgences, Pano [Localité 5] Sud, BCA Expertise, Helios Web, Profil Evénement, Sas Itrust, Epsiline, [Localité 5] Football Club, Coemploi, Beezness, Agence Profil Organisation, Safti, Komenvoir et Dubble [Localité 5] afin de se voir restituer les sommes versées suivant jugement du 4 avril 2019, à savoir un montant de 913 703,76 euros, déduction faite des sommes saisies au 1er mars 2023 à hauteur de 159 825,88 euros, soit un solde restant dû de 754 653,24 euros en principal et 754 935,59 euros. Dénonce de ces saisies a été faite à la société Arkéa Foncière le 14 avril 2023.
Par acte d'huissier en date du 12 mai 2023, la société Arkea Foncière a contesté les saisie-attributions pratiquées devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Brest.
Par jugement en date du 28 novembre 2023, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Brest a ordonné la mainlevée des seize attributions pratiquées par la société BJ Invest en date du 7 avril 2023 et condamné la société BJ Invest à payer à la société Arkéa Foncière la somme de 120 000 euros à titre de dommages-intérêts pour abus de saisie. Les parties ont été déboutées de leurs demandes plus amples ou contraires et la société BJ Invest a également été condamnée à payer à la société Arkéa Foncière la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Par déclaration en date du 1er décembre 2023, la société BJ Invest a relevé appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 2 juillet 2024, elle demande à la cour de :
Vu l'article R.121-1 du code des procédures civiles d'exécution,
Vu l'article 480 du code de procédure civile,
Vu les articles 1240 et 1355 du code civil,
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 28 novembre 2023 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Brest,
Statuant à nouveau,
A titre principal,
- rejeter l'ensemble des demandes formées par la société Arkéa Foncière,
- donner plein effet aux 16 saisies-attributions de loyers pratiquées en date du 7 avril 2023 entre les mains des sociétés Macif, Bugbusters Group, GIP Observatoires des Urgences, Pano [Localité 5] Sud, BCA Expertise, Helios Web, Profil Evénement, Sas Itrust, Epsiline, [Localité 5] Football Club, Coemploi, Beezness, Agence Profil Organisation, Safti, Komenvoir et Dubble [Localité 5] par la société BJ Invest,
A titre subsidiaire,
- supprimer la condamnation au versement des dommages-intérêts alloués au titre de l'abus de saisie,
En tout état de cause,
- condamner la société Arkéa Foncière à payer à la société BJ Invest la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 3 juillet 2024, la société Arkéa Foncière demande à la cour de :
Vu les articles R. 211-10, L. 211-1 et L. 121-2 du code des procédures civiles d'exécution,
Vu l'article 462 du code de procédure civile,
- débouter la société BJ Invest de l'ensemble de ses demandes,
- confirmer le jugement rendu le 28 novembre 2023 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Brest en toutes ses dispositions,
- déclarer la société Arkéa Foncière recevable et bien fondée en ses demandes,
- juger que les seize saisies-attributions pratiquées par la société BJ Invest en date du 7 avril 2023 entre les mains des sociétés Macif, Bugbusters Group, GIP Observatoires des Urgences, Pano [Localité 5] Sud, BCA Expertise, Helios Web, Profil Evénement, Sas Itrust, Epsiline, [Localité 5] Football Club, Coemploi, Beezness, Agence Profil Organisation, Safti, Komenvoir et Dubble [Localité 5] sont abusives et infondées,
- ordonner la mainlevée totale des saisies-attributions contestées,
- condamner la société BJ Invest à verser à la société Akéa Foncière la somme de 120 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis,
- condamner la société BJ Invest au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision ainsi qu'aux dernières conclusions précitées, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 4 juillet 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la mainlevée des saisies-attribution du 7 avril 2023 :
Aux termes de l'article L. 211-1 du code des procédures civiles d'exécution, 'tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers, les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent, sous réserve des dispositions particulières relatives à la saisie des rémunérations prévues par le code du travail'.
La société BJ Invest soutient que l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse en date du 7 février 2023, en infirmant le jugement du 4 avril 2019 en ce qu'il a condamné la société BJ Invest à payer à la société Arkéa Foncière la somme de 913 703,76 euros TTC au titre des loyers et charges dus jusqu'au 31 décembre 2018, lui a octroyé une créance de restitution dont la société Arkéa Foncière est redevable. Elle en conclut que l'arrêt du 7 février 2023 constitue un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible à son profit dont elle peut obtenir le paiement par les saisies-attribution qu'elle a fait pratiquer le 7 avril 2023.
Elle estime qu'en ordonnant la main-levée de ces mesures, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Brest a outrepassé ses pouvoirs et modifié le dispositif de l'arrêt du 7 février 2023 alors qu'il ne peut remettre en cause le titre exécutoire servant de fondement aux poursuites.
Soulignant que la cour d'appel de Toulouse, saisie par une requête en rectification d'erreur matérielle par la société Arkéa, a, dans un arrêt du 20 septembre 2023, dit que l'arrêt du 7 février 2023 n'était entaché d'aucune erreur matérielle, la société BJ Invest considère que les saisies- attribution contestées sont parfaitement fondées et qu'elles doivent produire leur plein effet, indiquant par ailleurs, qu'elle conteste devoir la somme de 340 634,12 euros au titre de l'arriéré locatif échu au 31 mars 2020 même si elle ne forme pas cette contestation devant le juge de l'exécution.
La société Arkéa Foncière soutient, de son côté, que les saisies-attribution auxquelles la société BJ Invest a fait procéder le 7 avril 2023 sont dénuées de tout fondement et elle sollicite la confirmation de la main-levée ordonnée par le juge de l'exécution. Elle prétend en effet que la société BJ Invest ne détient, à la lecture de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Toulouse, aucune créance de restitution à son égard.
Elle fait valoir que la cour d'appel de Toulouse a infirmé le jugement uniquement pour actualiser sa créance compte tenu des paiements effectués en exécution du jugement de première instance de sorte que la société BJ Invest a été condamnée à payer le solde restant dû au bailleur à l'expiration du bail. Elle conclut donc que les sommes saisies en exécution de la décision rendue en première instance, correspondant aux arriérés échus au 31 décembre 2018, lui sont définitivement acquises.
Il est de principe que si le juge de l'exécution ne peut, sous prétexte d'interpréter une décision dont l'exécution est poursuivie, en modifier les dispositions précises, il lui appartient d'en fixer le sens.
En l'espèce, le juge de l'exécution a considéré que par son arrêt du 7 février 2023, la cour d'appel de Toulouse a pris en compte les paiements effectués par la société BJ Invest, notamment par le biais des saisies dont elle a été condamnée à payer les frais afférents à hauteur de 6 999,75 euros, et qu'elle a condamné cette société à payer un solde. Estimant que l'infirmation du jugement du 4 avril 2019 par la cour ne tient qu'à l'actualisation de la créance après imputation des paiements effectués, il a ordonné la main-levée des seize saisies-attribution pratiquées par la société BJ Invest par acte d'huissier du 7 avril 2023.
Il sera rappelé que par acte d'huissier en date du 14 mars 2016, la société BJ Invest a fait assigner la société Arkéa Foncière en résiliation du bail commercial, reprochant à celle-ci plusieurs manquements à ses obligations de bailleresse.
Le tribunal de grande instance de Toulouse, a toutefois considéré qu'aucun manquement privant la société BJ Invest de la jouissance paisible des locaux et rendant intolérable son maintien dans les lieux n'était établi. Par jugement du 4 avril 2019, il a débouté la société BJ Invest de sa demande en résiliation du bail aux torts exclusifs de la société Arkéa Invest ainsi que de ses demandes de remboursement de frais et de trop-perçu de loyers. Puis statuant sur les demandes reconventionnelles de la société Arkéa Foncière, et estimant que la locataire n'avait pas valablement donné congé et que le bail s'était poursuivi entre les parties, il a condamné BJ Invest au paiement de la somme de 913 703,76 euros TTC au titre des loyers et charges dus jusqu'au 31 décembre 2018 et ce, avec exécution provisoire.
Sur la base de ce titre exécutoire portant condamnation de la société BJ Invest, la société Arkéa Foncière a fait diligenter des saisies-attributions sur les comptes bancaires de sa débitrice qui lui ont permis d'obtenir paiement de la somme de 911 146,62 euros.
Sur appel de la société BJ Invest du jugement du 4 avril 2019, la cour d'appel de Toulouse a rendu un premier arrêt le 26 mai 2021 par lequel, elle a confirmé la décision des premiers juges en ce qu'ils ont débouté la locataire de sa demande de résiliation du bail aux torts exclusifs de la société Arkéa Foncière et de sa demande de remboursement des frais.
Sur les demandes reconventionnelles de l'intimée, elle a considéré, comme le tribunal, que l'assignation délivrée le 14 mars 2016 ne valait pas congé, mais a tenu compte du congé délivré par la société BJ Invest par courrier du 27 septembre 2019 pour le 31 mars 2020, en retenant le décompte de la société Arkéa Foncière pour un arriéré de loyers et charges depuis le 2ème trimestre 2016 jusqu'au 31 mars 2020 pour la somme de 1 411 915,47 euros. Néanmoins alors qu'elle souhaitait déduire de cette créance, les sommes récupérées par la bailleresse au moyen des mesures de saisies -attributions, elle a estimé que les pièces versées ne lui permettaient pas de retrouver les frais d'huissier afférant à ces mesures ni les versements allégués par la société BJ Invest à hauteur de 927 036,08 euros et a donc enjoint les parties à produire les éléments nécessaires à ces vérifications.
Par arrêt en date du 7 février 2023, considérant que le décompte de l'huissier produit faisait apparaître que la société Arkéa Foncière avait perçu la somme de 911 146,62 euros et que l'huissier avait prélevé la somme de 10 248,02 euros au titre des frais à la charge du créancier et la somme de 6 999,75 euros au titre des frais à la charge du débiteur, la cour d'appel de Toulouse a, après déduction des versements résultant des saisies-attributions pratiquées par la bailleresse, des frais d'huissier et des charges, honoraires, taxes et primes pour un montant de 142 866,96 euros qu'elle a considéré non justifié, évalué le solde en principal de la créance de la société Arkéa Foncière, au titre de l'arriéré locatif échu au 31 mars 2020, à la somme de 340 634,12 euros et condamné la société BJ Invest à ce paiement.
Ce faisant, actualisant la créance de la société Arkéa Foncière, elle ne pouvait qu'infirmer la condamnation prononcée par les premiers juges à l'encontre de la sociét BJ Invest à hauteur de la somme de 913 703,76 euros TTC puisque le montant de la condamnation qu'elle prononçait tenait compte de la somme obtenue par la société Arkéa Foncière en exécution de ce jugement.
C'est ainsi que par arrêt du 20 septembre 2023, elle a débouté la société Arkéa Foncière de sa requête en erreur matérielle, en précisant dans les motifs de son arrêt, que 'compte tenu des versements effectués au bailleur, notamment par le biais de saisies, la cour a infirmé la décision de première instance et a condamné le preneur BJ Invest, à payer le solde restant dû au bailleur à l'expiration du bail.'
Il s'ensuit que le titre exécutoire servant de fondement aux saisies-attribution pratiquées le 7 avril 2023, à la demande de la société BJ Invest, ne portait pas condamnation de la société Arkéa Foncière ni ne consacrait une créance de restitution au profit de la société BJ Invest mais comme l'a souligné le premier juge, rendait la société BJ Invest débitrice de la somme de 340 634,12 euros au titre de l'arriéré locatif au 31 mars 2020.
C'est donc sans excéder ses pouvoirs ni modifier le dispositif de l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse du 7 février 2023, au demeurant devenu définitif et irrévocable depuis le rejet du pourvoi en cassation formée par la société Arkéa Foncière, par arrêt du 14 novembre 2024, transmis dans le cadre du délibéré par l'appelante, que le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Brest a ordonné la mainlevée des seize saisies-attribution. Sa décision ne peut qu'être approuvée.
Sur l'abus de saisie :
C'est également à juste titre que le premier juge a considéré que le comportement de la société BJ Invest qui a fait procéder à seize saisies-attributions entre les mains des locataires de la société Arkéa Foncière en dénaturant les termes de l'arrêt du 7 février 2023 et en refusant de lever la mesure d'exécution après la première saisie du 1er mars 2023 opérationnelle pour un montant de 918 717,19 euros et après l'arrêt de la cour sur rectification d'erreur matérielle du 20 septembre 2023, caractérise une intention de nuire à la société Arkéa Foncière.
La société BJ Invest savait en effet pertinemment qu'elle ne s'acquittait plus du paiement du loyer depuis le deuxième trimestre 2016. Elle ne pouvait donc ignorer qu'ayant été déboutée de sa demande de résiliation du bail aux torts de la société Arkéa Foncière et de ses demandes de remboursement de frais et de trop-perçus de loyers et alors qu'elle avait délivré le 27 septembre 2019, un nouveau congé pour le 31 mars 2020, elle était redevable d'un arriéré locatif. Elle avait en outre, par une première saisie en date du 1er mars 2023, été remplie des droits prétendus, rendant tout à fait inutile de procéder à seize mesures d'exécution supplémentaires.
Enfin, par ailleurs, bien que prétendant que l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse du 7 février 2023 en infirmant la condamnation prononcée à son encontre en première instance faisait naître une créance de restitution à son profit, elle n'a pas déduit de cette créance la somme de
340 634,12 euros au titre de l'arriéré locatif échu au 31 mars 2020 mise à sa charge par ce même arrêt, interprétant ainsi l'arrêt de manière très favorable à son seul profit.
Le montant des dommages-intérêts alloués sera cependant ramené à 10 000 euros, cette somme suffisant à réparer l'abus de saisie subi par la société Arkéa Foncière. Le jugement sera donc réformé en ce sens.
Sur les demandes accessoires :
Le présent arrêt confirmant le jugement dans ses dispositions principales, les dépens et frais irrépétibles seront également confirmés.
La société BJ Invest qui succombe en son appel supportera la charge des dépens d'appel.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Arkéa Foncière l'intégralité des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés à l'occasion de l'instance d'appel. Aussi la société BJ invest sera condamnée à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 28 novembre 2023 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Brest sauf en ce qu'il a condamné la société BJ Invest à payer à la société Arkéa Foncière la somme de 120 000 euros à titre de dommages-intérêts pour abus de saisie,
Statuant à nouveau de ce chef infirmé,
Condamne la société BJ Invest à payer à la société Arkéa Foncière la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour abus de saisie,
Condamne la société BJ Invest à payer à la société Arkéa Foncière la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société BJ Invest aux dépens d'appel,
Rejette toute demande plus ample ou contraire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
ARRÊT N°15
N° RG 23/06806
N° Portalis DBVL-V-B7H-UJXH
(Réf 1ère instance : 23/00952)
(3)
S.A.S. BJ INVEST
C/
S.A.S. ARKEA FONCIERE
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
- Me GRENARD
- Me BONTE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 14 JANVIER 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,
Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,
Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,
GREFFIER :
Mme Ludivine BABIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 10 Septembre 2024
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 14 Janvier 2025, après prorogations, par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
S.A.S. BJ INVEST
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Aurélie GRENARD de la SELARL ARES, postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Hervé LEHMAN, plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
S.A.S. ARKEA FONCIERE
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Mikaël BONTE, postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Nicolas BOYTCHEV, plaidant, avocat au barreau de PARIS
EXPOSE DU LITIGE :
Par acte en date du 24 février 2014, la société Foncière Investissement, dénommée par suite d'une délibération d'assemblée générale mixte du 10 avril 2024, Arkéa Foncière, a donné à bail des locaux, situés dans l'immeuble 'Le Phenix' à [Localité 5], à la société BJ Invest moyennant le paiement d'un loyer annuel de 230 832,40 euros hors taxes et hors charges.
Se plaignant de manquements contractuels de la bailleresse, la société BJ Invest l'a faite assigner devant le tribunal de grande instance de Toulouse, par acte d'huissier en date du 14 mars 2016, en résiliation judiciaire du bail aux torts exclusifs de celle-ci à effet du 31 mars 2016 et en indemnisation de ses préjudices.
Par acte d'huissier en date du 26 octobre 2016, la société BJ Invest a fait assigner en intervention forcée la société BNP Paribas aux fins de voir notamment l'acte de garantie en date du 5 mars 2014 consentie par celle-ci qualifié de contrat de caution. Jonction des procédures a été ordonnée par ordonnance du 24 novembre 2016.
Au cours du 2ème trimestre 2016, la société BJ Invest n'a plus honoré le paiement des loyers et par courrier recommandé avec accusé de réception du 22 novembre 2016, elle a délivré congé pour l'échéance triennale du 31 mars 2017.
Par courrier recommandé du 30 novembre 2016, la bailleresse s'est opposée à ce congé le considérant nul faute de respecter le délai de préavis de six mois.
Après avoir fait sommation, par acte du 27 avril 2017, à la société Arkéa Foncière, d'assister à un état des lieux de sortie le 9 mai 2017, que celle-ci a refusé, par courrier du 5 mai 2017, au motif de la nullité du congé délivré, la société BJ Invest a quitté les lieux à la date du 9 mai 2017 sans restituer les clés des locaux.
Par jugement en date du 4 avril 2019, le tribunal de grande instance de Toulouse a :
- débouté la société BJ Invest de sa demande de résiliation du bail aux torts exclusifs de la société Arkéa Foncière,
- débouté la société BJ Invest de l'ensemble de ses demandes en remboursement de frais,
- débouté la société BJ Invest de sa demande de remboursement de loyers trop perçus,
- condamné la société BJ Invest à payer à la société Arkéa Foncière la somme de 913 703,76 euros au titre des loyers et charges dus jusqu'au 31 décembre 2018,
- débouté la société Arkéa Foncière de sa demande de remise d'une nouvelle garantie à première demande,
- débouté la société BJ Invest de sa demande de requalification de la garantie en contrat de cautionnement,
- dit que l'exécution de cette garantie est pleinement opposable à la société BJ Invest,
- condamné la société BJ Invest aux dépens de l'instance,
- condamné la société BJ Invest à payer à la société Arkéa et à la société BNP Paribas chacune 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement.
Par déclaration en date du 22 mai 2019, la société BJ Invest a relevé appel cette décision.
Par acte d'huissier en date du 17 juin 2019, la société Arkéa Foncière a fait pratiquer une saisie-attribution sur les droits d'associé et valeurs mobilières appartenant à la société BJ Invest pour la somme de 920 475,98 euros en exécution du jugement du 4 avril 2019.
Par arrêt en date du 26 mai 2021, la cour d'appel de Toulouse a confirmé partiellement le jugement de première instance sauf en ce qui concerne le montant des sommes restant dues à la société Arkéa Foncière et a, notamment, enjoint d'une part, la société Arkéa Foncière de produire un décompte détaillé individualisant pour chaque échéance le montant des loyers, des charges et de la taxe foncière et un décompte des frais prélevés et des sommes versées émanant de l'étude d'huissier mandatée pour recouvrer les condamnations prononcées en première instance et d'autre part, la société BJ Invest de justifier du versement de la somme de 927 036, 08 euros.
Par arrêt en date du 7 février 2023, la cour d'appel de Toulouse a :
- infirmé le jugement du tribunal de grande instance de Toulouse du 4 avril 2019 en ce qu'il a condamné la société BJ Invest à payer à la société Arkéa Foncière la somme de 913 703,76 euros TTC au titre des loyers et charges dus jusqu'au 31 décembre 2018,
statuant de ce seul chef et y ajoutant :
- déclaré recevable la demande en paiement formée par la société Arkéa Foncière au titre de l'arriéré locatif postérieur au 31 décembre 2018,
- débouté la société Arkéa Foncière de sa demande d'irrecevabilité sur le fondement de l'article 910-4 du code de procédure civile et déclaré recevable la contestation des charges par l'appelante,
- condamné la société BJ Invest à payer à la société Arkéa Foncière la somme de 340 634,12 euros au titre de l'arriéré locatif échu au 31 mars 2020,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel,
- dit que les dépens de première instance et d'appel à la charge de la société BJ invest incluent les frais afférents aux voies d'exécution pratiquées (6999,75 euros),
- condamné la société BJ Invest aux dépens d'appel.
Par arrêt en date du 20 septembre 2023, la Cour d'appel de Toulouse a débouté la société Arkéa Foncière de sa demande de rectification en erreur matérielle.
Entretemps, par actes d'huissier en date du 7 avril 2023, la société BJ Invest a fait diligenter seize saisie-attributions entre les mains des sociétés Macif, Bugbusters Group, GIP Observatoires des Urgences, Pano [Localité 5] Sud, BCA Expertise, Helios Web, Profil Evénement, Sas Itrust, Epsiline, [Localité 5] Football Club, Coemploi, Beezness, Agence Profil Organisation, Safti, Komenvoir et Dubble [Localité 5] afin de se voir restituer les sommes versées suivant jugement du 4 avril 2019, à savoir un montant de 913 703,76 euros, déduction faite des sommes saisies au 1er mars 2023 à hauteur de 159 825,88 euros, soit un solde restant dû de 754 653,24 euros en principal et 754 935,59 euros. Dénonce de ces saisies a été faite à la société Arkéa Foncière le 14 avril 2023.
Par acte d'huissier en date du 12 mai 2023, la société Arkea Foncière a contesté les saisie-attributions pratiquées devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Brest.
Par jugement en date du 28 novembre 2023, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Brest a ordonné la mainlevée des seize attributions pratiquées par la société BJ Invest en date du 7 avril 2023 et condamné la société BJ Invest à payer à la société Arkéa Foncière la somme de 120 000 euros à titre de dommages-intérêts pour abus de saisie. Les parties ont été déboutées de leurs demandes plus amples ou contraires et la société BJ Invest a également été condamnée à payer à la société Arkéa Foncière la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Par déclaration en date du 1er décembre 2023, la société BJ Invest a relevé appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 2 juillet 2024, elle demande à la cour de :
Vu l'article R.121-1 du code des procédures civiles d'exécution,
Vu l'article 480 du code de procédure civile,
Vu les articles 1240 et 1355 du code civil,
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 28 novembre 2023 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Brest,
Statuant à nouveau,
A titre principal,
- rejeter l'ensemble des demandes formées par la société Arkéa Foncière,
- donner plein effet aux 16 saisies-attributions de loyers pratiquées en date du 7 avril 2023 entre les mains des sociétés Macif, Bugbusters Group, GIP Observatoires des Urgences, Pano [Localité 5] Sud, BCA Expertise, Helios Web, Profil Evénement, Sas Itrust, Epsiline, [Localité 5] Football Club, Coemploi, Beezness, Agence Profil Organisation, Safti, Komenvoir et Dubble [Localité 5] par la société BJ Invest,
A titre subsidiaire,
- supprimer la condamnation au versement des dommages-intérêts alloués au titre de l'abus de saisie,
En tout état de cause,
- condamner la société Arkéa Foncière à payer à la société BJ Invest la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 3 juillet 2024, la société Arkéa Foncière demande à la cour de :
Vu les articles R. 211-10, L. 211-1 et L. 121-2 du code des procédures civiles d'exécution,
Vu l'article 462 du code de procédure civile,
- débouter la société BJ Invest de l'ensemble de ses demandes,
- confirmer le jugement rendu le 28 novembre 2023 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Brest en toutes ses dispositions,
- déclarer la société Arkéa Foncière recevable et bien fondée en ses demandes,
- juger que les seize saisies-attributions pratiquées par la société BJ Invest en date du 7 avril 2023 entre les mains des sociétés Macif, Bugbusters Group, GIP Observatoires des Urgences, Pano [Localité 5] Sud, BCA Expertise, Helios Web, Profil Evénement, Sas Itrust, Epsiline, [Localité 5] Football Club, Coemploi, Beezness, Agence Profil Organisation, Safti, Komenvoir et Dubble [Localité 5] sont abusives et infondées,
- ordonner la mainlevée totale des saisies-attributions contestées,
- condamner la société BJ Invest à verser à la société Akéa Foncière la somme de 120 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis,
- condamner la société BJ Invest au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision ainsi qu'aux dernières conclusions précitées, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 4 juillet 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la mainlevée des saisies-attribution du 7 avril 2023 :
Aux termes de l'article L. 211-1 du code des procédures civiles d'exécution, 'tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers, les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent, sous réserve des dispositions particulières relatives à la saisie des rémunérations prévues par le code du travail'.
La société BJ Invest soutient que l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse en date du 7 février 2023, en infirmant le jugement du 4 avril 2019 en ce qu'il a condamné la société BJ Invest à payer à la société Arkéa Foncière la somme de 913 703,76 euros TTC au titre des loyers et charges dus jusqu'au 31 décembre 2018, lui a octroyé une créance de restitution dont la société Arkéa Foncière est redevable. Elle en conclut que l'arrêt du 7 février 2023 constitue un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible à son profit dont elle peut obtenir le paiement par les saisies-attribution qu'elle a fait pratiquer le 7 avril 2023.
Elle estime qu'en ordonnant la main-levée de ces mesures, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Brest a outrepassé ses pouvoirs et modifié le dispositif de l'arrêt du 7 février 2023 alors qu'il ne peut remettre en cause le titre exécutoire servant de fondement aux poursuites.
Soulignant que la cour d'appel de Toulouse, saisie par une requête en rectification d'erreur matérielle par la société Arkéa, a, dans un arrêt du 20 septembre 2023, dit que l'arrêt du 7 février 2023 n'était entaché d'aucune erreur matérielle, la société BJ Invest considère que les saisies- attribution contestées sont parfaitement fondées et qu'elles doivent produire leur plein effet, indiquant par ailleurs, qu'elle conteste devoir la somme de 340 634,12 euros au titre de l'arriéré locatif échu au 31 mars 2020 même si elle ne forme pas cette contestation devant le juge de l'exécution.
La société Arkéa Foncière soutient, de son côté, que les saisies-attribution auxquelles la société BJ Invest a fait procéder le 7 avril 2023 sont dénuées de tout fondement et elle sollicite la confirmation de la main-levée ordonnée par le juge de l'exécution. Elle prétend en effet que la société BJ Invest ne détient, à la lecture de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Toulouse, aucune créance de restitution à son égard.
Elle fait valoir que la cour d'appel de Toulouse a infirmé le jugement uniquement pour actualiser sa créance compte tenu des paiements effectués en exécution du jugement de première instance de sorte que la société BJ Invest a été condamnée à payer le solde restant dû au bailleur à l'expiration du bail. Elle conclut donc que les sommes saisies en exécution de la décision rendue en première instance, correspondant aux arriérés échus au 31 décembre 2018, lui sont définitivement acquises.
Il est de principe que si le juge de l'exécution ne peut, sous prétexte d'interpréter une décision dont l'exécution est poursuivie, en modifier les dispositions précises, il lui appartient d'en fixer le sens.
En l'espèce, le juge de l'exécution a considéré que par son arrêt du 7 février 2023, la cour d'appel de Toulouse a pris en compte les paiements effectués par la société BJ Invest, notamment par le biais des saisies dont elle a été condamnée à payer les frais afférents à hauteur de 6 999,75 euros, et qu'elle a condamné cette société à payer un solde. Estimant que l'infirmation du jugement du 4 avril 2019 par la cour ne tient qu'à l'actualisation de la créance après imputation des paiements effectués, il a ordonné la main-levée des seize saisies-attribution pratiquées par la société BJ Invest par acte d'huissier du 7 avril 2023.
Il sera rappelé que par acte d'huissier en date du 14 mars 2016, la société BJ Invest a fait assigner la société Arkéa Foncière en résiliation du bail commercial, reprochant à celle-ci plusieurs manquements à ses obligations de bailleresse.
Le tribunal de grande instance de Toulouse, a toutefois considéré qu'aucun manquement privant la société BJ Invest de la jouissance paisible des locaux et rendant intolérable son maintien dans les lieux n'était établi. Par jugement du 4 avril 2019, il a débouté la société BJ Invest de sa demande en résiliation du bail aux torts exclusifs de la société Arkéa Invest ainsi que de ses demandes de remboursement de frais et de trop-perçu de loyers. Puis statuant sur les demandes reconventionnelles de la société Arkéa Foncière, et estimant que la locataire n'avait pas valablement donné congé et que le bail s'était poursuivi entre les parties, il a condamné BJ Invest au paiement de la somme de 913 703,76 euros TTC au titre des loyers et charges dus jusqu'au 31 décembre 2018 et ce, avec exécution provisoire.
Sur la base de ce titre exécutoire portant condamnation de la société BJ Invest, la société Arkéa Foncière a fait diligenter des saisies-attributions sur les comptes bancaires de sa débitrice qui lui ont permis d'obtenir paiement de la somme de 911 146,62 euros.
Sur appel de la société BJ Invest du jugement du 4 avril 2019, la cour d'appel de Toulouse a rendu un premier arrêt le 26 mai 2021 par lequel, elle a confirmé la décision des premiers juges en ce qu'ils ont débouté la locataire de sa demande de résiliation du bail aux torts exclusifs de la société Arkéa Foncière et de sa demande de remboursement des frais.
Sur les demandes reconventionnelles de l'intimée, elle a considéré, comme le tribunal, que l'assignation délivrée le 14 mars 2016 ne valait pas congé, mais a tenu compte du congé délivré par la société BJ Invest par courrier du 27 septembre 2019 pour le 31 mars 2020, en retenant le décompte de la société Arkéa Foncière pour un arriéré de loyers et charges depuis le 2ème trimestre 2016 jusqu'au 31 mars 2020 pour la somme de 1 411 915,47 euros. Néanmoins alors qu'elle souhaitait déduire de cette créance, les sommes récupérées par la bailleresse au moyen des mesures de saisies -attributions, elle a estimé que les pièces versées ne lui permettaient pas de retrouver les frais d'huissier afférant à ces mesures ni les versements allégués par la société BJ Invest à hauteur de 927 036,08 euros et a donc enjoint les parties à produire les éléments nécessaires à ces vérifications.
Par arrêt en date du 7 février 2023, considérant que le décompte de l'huissier produit faisait apparaître que la société Arkéa Foncière avait perçu la somme de 911 146,62 euros et que l'huissier avait prélevé la somme de 10 248,02 euros au titre des frais à la charge du créancier et la somme de 6 999,75 euros au titre des frais à la charge du débiteur, la cour d'appel de Toulouse a, après déduction des versements résultant des saisies-attributions pratiquées par la bailleresse, des frais d'huissier et des charges, honoraires, taxes et primes pour un montant de 142 866,96 euros qu'elle a considéré non justifié, évalué le solde en principal de la créance de la société Arkéa Foncière, au titre de l'arriéré locatif échu au 31 mars 2020, à la somme de 340 634,12 euros et condamné la société BJ Invest à ce paiement.
Ce faisant, actualisant la créance de la société Arkéa Foncière, elle ne pouvait qu'infirmer la condamnation prononcée par les premiers juges à l'encontre de la sociét BJ Invest à hauteur de la somme de 913 703,76 euros TTC puisque le montant de la condamnation qu'elle prononçait tenait compte de la somme obtenue par la société Arkéa Foncière en exécution de ce jugement.
C'est ainsi que par arrêt du 20 septembre 2023, elle a débouté la société Arkéa Foncière de sa requête en erreur matérielle, en précisant dans les motifs de son arrêt, que 'compte tenu des versements effectués au bailleur, notamment par le biais de saisies, la cour a infirmé la décision de première instance et a condamné le preneur BJ Invest, à payer le solde restant dû au bailleur à l'expiration du bail.'
Il s'ensuit que le titre exécutoire servant de fondement aux saisies-attribution pratiquées le 7 avril 2023, à la demande de la société BJ Invest, ne portait pas condamnation de la société Arkéa Foncière ni ne consacrait une créance de restitution au profit de la société BJ Invest mais comme l'a souligné le premier juge, rendait la société BJ Invest débitrice de la somme de 340 634,12 euros au titre de l'arriéré locatif au 31 mars 2020.
C'est donc sans excéder ses pouvoirs ni modifier le dispositif de l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse du 7 février 2023, au demeurant devenu définitif et irrévocable depuis le rejet du pourvoi en cassation formée par la société Arkéa Foncière, par arrêt du 14 novembre 2024, transmis dans le cadre du délibéré par l'appelante, que le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Brest a ordonné la mainlevée des seize saisies-attribution. Sa décision ne peut qu'être approuvée.
Sur l'abus de saisie :
C'est également à juste titre que le premier juge a considéré que le comportement de la société BJ Invest qui a fait procéder à seize saisies-attributions entre les mains des locataires de la société Arkéa Foncière en dénaturant les termes de l'arrêt du 7 février 2023 et en refusant de lever la mesure d'exécution après la première saisie du 1er mars 2023 opérationnelle pour un montant de 918 717,19 euros et après l'arrêt de la cour sur rectification d'erreur matérielle du 20 septembre 2023, caractérise une intention de nuire à la société Arkéa Foncière.
La société BJ Invest savait en effet pertinemment qu'elle ne s'acquittait plus du paiement du loyer depuis le deuxième trimestre 2016. Elle ne pouvait donc ignorer qu'ayant été déboutée de sa demande de résiliation du bail aux torts de la société Arkéa Foncière et de ses demandes de remboursement de frais et de trop-perçus de loyers et alors qu'elle avait délivré le 27 septembre 2019, un nouveau congé pour le 31 mars 2020, elle était redevable d'un arriéré locatif. Elle avait en outre, par une première saisie en date du 1er mars 2023, été remplie des droits prétendus, rendant tout à fait inutile de procéder à seize mesures d'exécution supplémentaires.
Enfin, par ailleurs, bien que prétendant que l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse du 7 février 2023 en infirmant la condamnation prononcée à son encontre en première instance faisait naître une créance de restitution à son profit, elle n'a pas déduit de cette créance la somme de
340 634,12 euros au titre de l'arriéré locatif échu au 31 mars 2020 mise à sa charge par ce même arrêt, interprétant ainsi l'arrêt de manière très favorable à son seul profit.
Le montant des dommages-intérêts alloués sera cependant ramené à 10 000 euros, cette somme suffisant à réparer l'abus de saisie subi par la société Arkéa Foncière. Le jugement sera donc réformé en ce sens.
Sur les demandes accessoires :
Le présent arrêt confirmant le jugement dans ses dispositions principales, les dépens et frais irrépétibles seront également confirmés.
La société BJ Invest qui succombe en son appel supportera la charge des dépens d'appel.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Arkéa Foncière l'intégralité des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés à l'occasion de l'instance d'appel. Aussi la société BJ invest sera condamnée à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 28 novembre 2023 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Brest sauf en ce qu'il a condamné la société BJ Invest à payer à la société Arkéa Foncière la somme de 120 000 euros à titre de dommages-intérêts pour abus de saisie,
Statuant à nouveau de ce chef infirmé,
Condamne la société BJ Invest à payer à la société Arkéa Foncière la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour abus de saisie,
Condamne la société BJ Invest à payer à la société Arkéa Foncière la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société BJ Invest aux dépens d'appel,
Rejette toute demande plus ample ou contraire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT