Décisions

Cass. soc., 4 février 1988, n° 83-45.076

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Gall

Rapporteur :

M. Caillet

Avocat général :

M. Dorwling-Carter

Avocat :

SCP Nicolay

Sur le premier moyen, pris de la violation de l'article 401 du nouveau Code de procédure civile et du manque de base légale : .

Attendu que M. Y... ayant demandé paiement de diverses sommes à M. X..., propriétaire de l'entreprise Drog Bos, qui l'avait licencié pour motif économique avec l'autorisation tacite de l'inspecteur du Travail, ainsi qu'à la société Bos Equipement Hôtelier (BEH), dont il soutenait qu'elle avait été également son employeur, le conseil des prud'hommes n'a statué qu'à l'égard de la société BEH ; que celle-ci et M. X... ont relevé appel du jugement ;

Attendu que M. X..., qui s'était désisté de cet appel, fait grief à l'arrêt attaqué, qui a estimé que les deux entreprises en cause constituaient " une seule et même unité économique et sociale ", de l'avoir condamné in solidum avec la société BEH, alors que le désistement d'appel n'ayant besoin d'être accepté que s'il contient des réserves ou si la partie à l'égard de laquelle il est fait a préalablement formé un appel incident ou une demande reconventionnelle, faute d'avoir relevé que les conclusions de M. Y..., qualifiées par elle d'appel incident, avaient été déposées préalablement au désistement d'appel, la cour d'appel, en refusant d'admettre celui-ci, a privé sa décision de base légale ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article 403 du nouveau Code de procédure civile que le désistement de l'appel est non avenu si, postérieurement, une autre partie interjette elle-même régulièrement appel ; que dès lors que n'était pas contestée la régularité de l'appel incident que M. Y... avait formé tant contre M. X... que contre la société BEH, sur l'appel principal interjeté par cette dernière, c'est à bon droit que la cour d'appel a décidé que le désistement d'appel de M. X... ne pouvait être " admis " ;

Sur le troisième moyen, pris de la violation des articles L. 751-1 et suivants du Code du travail et du manque de base légale :

Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt d'avoir condamné in solidum M. X... et la société BEH à payer à M. Y... une indemnité de clientèle, alors, d'une part, qu'en relevant elle-même que M. Y..., salarié de l'entreprise personnelle de M. X... de janvier 1976 à avril 1979, n'avait prospecté la clientèle qu'entre octobre 1977 et octobre 1978, à la place de son fils, et n'avait établi de bons de commande que fin 1978 et début 1979, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'exercice effectif et habituel des tâches de prospection et de prise de commandes dans le cadre des deux entreprises et n'a donc pas donné de base légale à sa décision, alors, d'autre part, que l'indemnité de clientèle due à un représentant ne peut s'apprécier qu'en fonction de la part de clientèle qu'il a effectivement créée ou développée et qu'en s'abstenant de relever un quelconque élément précis relatif à une création ou à un développement de la clientèle de M. X... ou de la société BEH par M. Y..., la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale ;

Mais attendu que par un motif non critiqué par le pourvoi les juges d'appel ont relevé qu'il n'était pas contesté que M. Y... avait fait l'apport de sa clientèle lors de son engagement ; qu'ils ont ainsi légalement justifié leur décision de ce chef ;

Mais sur le deuxième moyen :

Vu la loi des 16-24 août 1790 ;

Attendu que pour condamner in solidum M. X... et la société BEH à payer à M. Y... des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt attaqué a retenu que peu après le licenciement par M. X... de M. Y..., employé en qualité d'inspecteur des ventes, la société BEH avait engagé pour des tâches identiques un responsable des ventes, qu'ainsi il était prouvé que l'employeur avait invoqué abusivement de prétendues nécessités économiques de compression du personnel pour licencier M. Y... et que l'autorisation tacite de licenciement, dont le bien-fondé n'était pas contesté au regard des éléments d'information dont disposait à l'époque l'inspecteur du Travail, n'avait été obtenue que par une fraude dont le juge prud'homal pouvait et devait tirer les conséquences ;

Attendu cependant que le juge prud'homal ne peut, sans méconnaître le principe de la séparation des pouvoirs, se déclarer autorisé, du fait de l'existence d'une fraude même révélée postérieurement au licenciement, à remettre en cause l'appréciation par l'inspecteur du Travail du motif économique invoqué ; qu'il lui appartient seulement, si la contestation de la décision administrative se révèle sérieuse, de surseoir à statuer sur cette question préjudicielle et de saisir le tribunal administratif en application de l'article L. 511 1 du Code du travail ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné in solidum M. X... et la société Bos Equipement Hôtelier à payer à M. Y... des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 19 mai 1983, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence.