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Cass. com., 27 mars 2012, n° 11-12.903

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Avocats :

SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Yves et Blaise Capron

Basse-Terre, du 22 nov. 2010

22 novembre 2010

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 22 novembre 2010) et les productions, que les 18 septembre et 12 octobre 1990, la Banque française commerciale Antilles-Guyane (la banque) a consenti un prêt à la SNC Les Marines de Saint-Martin (la débitrice), dont le remboursement a été garanti, suivant acte authentique des 4 et 11 mai 1994, par un nantissement sur les parts sociales détenues par la débitrice dans la SCA Juliana et le cautionnement de MM. X... et Y... ; que la débitrice a été mise en redressement judiciaire le 4 décembre 1996 et la tierce opposition formée par la banque au jugement d'ouverture rejetée le 30 avril 1997 ; que le plan de redressement, arrêté le 10 septembre 1997, renvoie pour partie, en ce qui concerne l'apurement du passif, à l'exécution d'un protocole d'accord ; que, la banque ayant été jugée non forclose en sa déclaration de créance par arrêt du 6 juillet 1999, la débitrice s'est prévalue de ce protocole non daté conclu entre elle, la SCA Juliana, M. et Mme X..., M. Y... et la banque et stipulant, à titre transactionnel, le remboursement d'une somme de 4 000 000 francs (609 796, 07 euros) à la charge de M. X..., selon les modalités précisées au protocole ; que, le 18 mars 2009, le juge-commissaire a admis la créance pour cette somme ; que, le 23 juillet 2010, la banque a cédé sa créance au fonds commun de titrisation Hugo Créances I ;

Attendu que la débitrice et M. X... font grief à l'arrêt d'avoir admis la créance de la banque pour un montant de 1 134 769, 20 euros à titre privilégié, alors, selon le moyen : 

1°/ que le protocole transactionnel conclu entre la banque, la débitrice et M. X..., protocole dont la banque admettait formellement dans son courrier du 20 janvier 2006 produit devant la cour d'appel qu'il avait été conclu «en février 1997», stipulait clairement et précisément, page 2, à propos du prêt devant être souscrit par M. X..., «ce prêt sera remboursé sur une durée de sept ans soit en quatre vingt-quatre échéances mensuelles d'un montant constant, la première échéance étant exigible le 30 mars 1997 et la dernière le 28 février 2004 », et que c'était au motif que «le protocole d'accord conclu avec la banque l'avait été après l'ouverture du redressement judiciaire» que la banque avait justifié sa tierce-opposition au jugement de redressement judiciaire, en alléguant que du fait de cet accord la débitrice n'était pas en état de cessation des paiements ; qu'en jugeant, pour considérer que le redressement judiciaire du 4 décembre 1996 rendrait le protocole caduc, que ce protocole d'accord aurait été conclu en 1994 et non en 1997, et donc antérieurement audit redressement, la cour d'appel a dénaturé ses clauses claires et précises, le courrier de la banque du 20 janvier 2006 et le jugement du tribunal mixte de Basse-Terre du 30 avril 1997, violant ainsi l'article 1134 du code civil ;

2°/ qu'en tout état de cause, le protocole transactionnel conclu entre la banque, la débitrice et M. X..., protocole dont la banque admettait formellement dans son courrier du 20 janvier 2006 produit devant la cour d'appel qu'il avait été conclu «en février 1997», stipulait clairement et précisément, page 2, à propos du prêt devant être souscrit par M. X..., «ce prêt sera remboursé sur une durée de sept ans soit en quatre-vingt quatre échéances mensuelles d'un montant constant, la première échéance étant exigible le 30 mars 1997 et la dernière le 28 février 2004», et que c'était au motif que «le protocole d'accord conclu avec la banque l'avait été après l'ouverture du redressement judiciaire» que la banque avait justifié sa tierce-opposition au jugement de redressement judiciaire, en alléguant que du fait de cet accord la débitrice n'était pas en état de cessation des paiements ; qu'en jugeant, pour considérer que le redressement judiciaire du 4 décembre 1996 rendrait le protocole caduc, que ce protocole d'accord aurait été conclu en 1994 et non en 1997, et donc antérieurement audit redressement, sans vérifier, ainsi qu'il lui était demandé, si les termes du courrier de la banque du 20 janvier 2006 et ceux du jugement du tribunal mixte de Basse-Terre du 30 avril 1997 n'établissaient pas que le protocole avait été conclu en février 1997, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 2044 du code civil ;

3°/ que dans ses écritures d'appel, la banque n'a jamais prétendu que M. X... n'aurait pas sollicité le prêt de 2 000 000 francs prévu par le protocole, mais uniquement, sans autre précision, que «de l'aveu même de la SNC Les Marines de Saint-Martin dans ses écritures, M. X... ne s'est pas acquitté des sommes qu'il aurait dû verser au titre de ce dit «protocole» » et que la débitrice rappelait page 10 de ses écritures que c'était la banque qui devait lui consentir le prêt en question, ce qu'elle n'avait toujours pas fait depuis la signature du protocole ; qu'en relevant d'office, sans provoquer les observations des parties, que M. X... n'aurait pas sollicité auprès de la banque le prêt que celle-ci s'était engagée à lui consentir aux termes du protocole, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

4°/ qu'ainsi que l'exposait la débitrice, le jugement du tribunal de commerce de Basse-Terre du 4 décembre 1997, dans le dispositif de sa décision, a donné force exécutoire au protocole transactionnel conclu avec la banque ; qu'en jugeant que le défaut de souscription du prêt de 2 000 000 francs qui devait intervenir en février 1997 rendrait celui-ci caduc, la cour d'appel a méconnu l'autorité de la chose jugée du jugement postérieur du 4 décembre 1997, violant ainsi les articles 480 du code de procédure civile et 1351 du code civil ;

5°/ qu'à l'occasion des actions de même nature, fondées sur les mêmes conventions et opposant les mêmes parties, l'une de celles-ci ne peut se contredire au détriment d'autrui ; qu'en jugeant que la banque alléguait à bon droit que le protocole transactionnel serait caduc, sans rechercher si cette allégation n'était pas irrecevable dès lors que la banque s'était fondée le 27 février 1997 sur le protocole en question pour demander la rétractation du jugement ayant ordonné le redressement judiciaire de la débitrice, en alléguant que du fait de ce protocole la société débitrice n'était plus en état de cessation des paiements, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 122 du code de procédure civile ;


Mais attendu, en premier lieu, que le jugement du 30 avril 1997 argué de dénaturation par la première branche n'a pas été produit à l'appui du pourvoi ;

Attendu, en deuxième lieu, que l'arrêt relève que le protocole d'accord non daté fait référence à des procédures engagées au fond par la banque contre la débitrice et les cautions pour obtenir paiement des sommes dues et non à une procédure collective ouverte contre la débitrice ; qu'il relève encore qu'aux termes de la clause V du protocole, l'accord deviendrait nul et non avenu en cas de redressement judiciaire ou de liquidation de biens de la débitrice et de la SCA Juliana ainsi que de M. et Mme X... ; qu'enfin ayant relevé que, selon l'exposé des faits de l'arrêt du 6 juillet 1999, le protocole d'accord était intervenu antérieurement au jugement du 4 décembre 1996, l'arrêt retient qu'il ne peut en être autrement puisque ce protocole précise que la somme due est de 9 329 059, 83 francs (1 422 205, 89 euros), qui était celle due lors de la signature de l'acte authentique des 4 et 11 mai 1994 ; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui se trouvait dans la nécessité, exclusive de toute dénaturation, d'interpréter un accord imprécis quant à sa date et n'était pas tenue de s'expliquer sur les éléments de preuve qu'elle avait décidé d'écarter, a pu déduire que le protocole d'accord était intervenu en 1994 ;

Attendu, en troisième lieu, que, devant la cour d'appel, la débitrice et M. X... n'ont pas soutenu que la banque était irrecevable à arguer de la caducité du protocole d'accord ; que le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit ;

Attendu, enfin, qu'après avoir retenu que le protocole d'accord était intervenu en 1994, l'arrêt relève que la procédure collective de la débitrice a été ouverte par jugement du 4 décembre 1996 et que le protocole d'accord prévoyait sa caducité en cas de prononcé du redressement judiciaire de cette dernière ; que par ces motifs, la cour d'appel a pu, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la troisième branche et sans méconnaître l'autorité de chose jugée du jugement du 10 septembre 1997, qui n'a pas tranché la question de la poursuite des effets du protocole d'accord, décider que ce protocole était caduc ;

D'où il suit que le moyen, irrecevable en ses première et cinquième branches, est mal fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

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