Cass. 1re civ., 30 octobre 1963, n° 61-13.561
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Blin
Rapporteur :
M. Goubier
Avocat général :
M. Ithier
Avocats :
Me Mayer, Me Fortunet
"Violation des articles 544, 637 et suivants du Code Civil, ainsi que de l'article 1134 du même Code par dénaturation des documents de la cause et des conclusions des parties, ensemble violation de l'article 7 de la loi du 20 Avril 1810, par défaut de motifs, défaut de réponse aux conclusions, et manque de base légale, en ce que l'arrêt attaqué a ordonné la démolition d'un important immeuble divisé en appartements et en voie d'achevement, au motif que cet immeuble collectif serait construit en infraction aux dispositions d'un cahier des charges en date du 8 mars 1899 imposant soi-disant au propriétaire du terrain l'abligation de ne construire q'un immeuble de dimensions restreintes et a caractère individuel; - alors, d'une part, que l'arrêt attaqué a fait résulter cette prétendue obligation de l'emploi du mot "villa" dans une seule clause du cahier des charges, ou il figure dans un sens purement indicatif et sans prescrire aucune norme de construction obligatoire pour les acquéreurs des lots de terrain; - alors, d'autre part, que l'arrêt attaqué laisse sans aucune réponse directe ou indirecte les conclusions de la société constructrice de l'immeuble litigieux faisant valoir, avec justifications à l'appui, que, le toutes façons, dans le langage de la région et de l'époque, le vocable "villa" s'applique tout aussi bien à un immeuble collectif présentant un caractère d'élégance dans un quartier résidentiel; et qu'en outre l'arrêt attaqué n'a tenu compte des éléments intrinsèques et extrinseques d'interpretation formellement invoqués par ladite société à l'effet de déterminer quelle avait été, à cet égard, l'intention du rédacteur du cahier des charges, sur laquelle la Cour d'Appel a completement omis de se prononcer; - et alors enfin que les documents produits aux débats établissent de façon incon testable que l'immeuble litigieux répond pleinement au caractère élégant et décoratif essentiellement imposé par le cahier des charges, compte tenu des formes architecturales modernes".
Sur quoi, LA COUR, en l'audience publique de ce jour.
Sur le moyen unique pris en ses diverses branches:
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir ordonné, à la requête de Seguin, propriétaire d'un lot voisin la démolition d'un immeuble collectif édifié par la société "Entreprise Chapperon" et en voie d'achevement, au motif qu'il avait été construit en infraction aux dispositions d'un cahier des charges, en date du 8 mars 1899, imposant aux acquéreurs de terrains l'obligation de n'y construire que des "vilias", à caractère individuel, à l'exclusion d'immeubles de rapport;
Attendu que, selon le moyen, la Cour d'appel, pour en décider aindi, aurait, d'une part, dénaturé le cahier des charges où le terme de villa ne figure qu'incidemment et avec un sens purement indicatif, dans une seule clause, sans que soit prescrite aucune norme de construction; que, d'autre part, les juges du second degré auraient laissé sans réponse les conclusions de la société faisant valoir, avec justifications à l'appui, que dans le langage de la région et de l'époque, le vacable "villa" s'appliquait également à un immeuble collectif, dès lors que celui-ci était situé dans un quartier résidentiel et présentait un caractère élégance; qu'à cet égard, l'arrêt attaqué n'aurait tenu aucun compte des éléments intrinséques et extrinséques d'interprétation invoqués par la société pour déterminer l'intention du rédacteur du cahier des charges, sur laquelle les juges d'appel auraient omis de se prononcer; qu'enfin les documents photographiques produits aux débats établiraient que l'immeuble répond pleinement au caractère élégant et décoratif exigé par la convention, compte tenu des formes architecturales modernes;
Mais attendu qu'aux termes de l'article 2 du cahier des Charges "les terrains à vendre étant destinés à l'édification de villas, les acquéreurs devront commencer leurs constructions dans l'année de leur acquisition et que l'article 3 précise, notamment, que ces constructions "devront être élégantes et décoratives sur toutes leurs façades";
Attendu que les juges du fond, après avoir rappelé ces exigences de la convention, quant à la nature, et aux caractéristiques des bâtiments, ont relevé que la société Chapperon avait édifié non une villa à caractère individuel, mais un grand immeuble de rapport divisé en multiples appartements et comportant un mur aveugle; qu'ils n'ont fait qu'user de leur pouvoir souverain d'interprêter le cahier des charges qui leur était soumis, en constatant, sans en dénaturer le sens ou la portée que les prescriptions qui s'imposaient au constructeur n'avaient pas été respectées;
Attendu, en outre, qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'Appel, loin de délaisser les conclusions de la société Chapperon, y a nécessairement répondu, pour les écarter, qu'il s'agisse soit de la hauteur des immeubles, soit de l'interdiction d'y exploiter un commerce ou une industrie;
Attendu enfin que c'est par une appréciation souveraine des documents produits que les juges du fait ont estimé que, contrairement à la prétention de la société, l'immeuble litigieux ne présentait pas la caractère élégance exigé par le cahier des charges;
D'où il suit qu'aucun des critiques articulées dans le moyen ne saurait être accueillie.
PAR CES MOTIFS:
REJETTE le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 23 mai 1961 par la Cour d'Appel d’Aix-en-Provence.