Cass. 3e civ., 23 janvier 2025, n° 23-14.887
COUR DE CASSATION
Autre
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Teiller
Rapporteur :
Mme Grandjean
Avocat général :
M. Sturlèse
Avocats :
Cabinet Rousseau et Tapie, SCP Bouzidi et Bouhanna
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 9 février 2023), Mme [J] (la locataire), preneuse à bail commercial de locaux appartenant à MM. [X] et [R] [H] (les bailleurs) et situés dans un immeuble soumis au statut de la copropriété, a sollicité, par actes extrajudiciaires des 9 et 10 décembre 2015, le renouvellement de son bail venant à expiration le 30 décembre suivant.
2. Les bailleurs ont accepté le principe du renouvellement mais sollicité la fixation du loyer du bail renouvelé à un prix déplafonné et, après notification d'un mémoire, ont assigné la locataire devant le juge des loyers commerciaux.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première et troisième branches
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
4. La locataire fait grief à l'arrêt de fixer à une certaine somme le prix du bail renouvelé, alors « qu'aux termes de l'article L. 145-34, alinéa 1er, du code de commerce, le loyer peut être déplafonné en cas de modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33, dont les obligations respectives des parties ; que, suivant l'article R. 145-8 du même code, les obligations découlant de la loi et génératrices de charges pour l'une ou l'autre partie depuis la dernière fixation du prix peuvent être invoquées par celui qui est tenu de les assumer ; que, pour décider qu'il y avait lieu à déplafonnement, la cour d'appel a estimé devoir « tenir compte de l'évolution des primes de l'assurance responsabilité civile propriétaire non occupant, obligatoire depuis 2014, volontairement souscrite auparavant, et qui est passée de 644 euros en 2007 à 1 046,90 euros en 2015, soit une augmentation de 62,56 % » ; qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que cette prime d'assurance était payée par le propriétaire avant même que cette assurance ne fût obligatoire - si bien que son augmentation ne résultait pas d'une obligation prévue par la loi, mais des rapports entre le propriétaire et son assureur - la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les dispositions susvisées. »
Réponse de la Cour
5. Selon l'article L. 145-34, alinéa 1er, du code de commerce, à moins d'une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler, si sa durée n'est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation, intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 112-2 du code monétaire et financier, publiés par l'Institut national de la statistique et des études économiques.
6. Selon les articles L. 145-33, 3°, et R. 145-8 du code de commerce, les obligations respectives des parties, découlant de la loi et génératrices de charges pour l'une ou l'autre partie depuis la dernière fixation du prix, peuvent être invoquées par celui qui est tenu de les assumer.
7. Dès lors, la création, au cours du bail expiré, d'une obligation légale nouvelle à la charge du bailleur est un élément à prendre en considération pour la fixation du prix du bail commercial.
8. Tel est le cas de l'obligation du bailleur, imposée par l'article 58 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 et figurant désormais à l'article 9-1 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, de s'assurer contre les risques de responsabilité civile dont il doit répondre en sa qualité de copropriétaire non-occupant.
9. Ayant retenu, à bon droit, qu'il devait être tenu compte de la charge légale nouvelle, tenant à l'obligation de souscrire une assurance de responsabilité civile du copropriétaire non-occupant, à laquelle les bailleurs étaient tenus, depuis 2014, pour la fixation du loyer du bail renouvelé en 2015, peu important que cette assurance ait été volontairement souscrite auparavant, la cour d'appel, qui a souverainement estimé que l'augmentation des charges supportées par les bailleurs, à raison de leurs obligations légales, qui, cumulées, avaient abouti à une baisse du revenu locatif de 27,97 % au cours du bail expiré, constituait une modification notable des obligations des parties au cours du bail expiré, en a exactement déduit que le loyer du bail renouvelé devait être fixé selon les règles du déplafonnement.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [J] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [J] et la condamne à payer à MM. [X] et [R] [H] la somme globale de 3 000 euros ;