Cass. com., 16 avril 1996, n° 93-20.664
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
Mme Clavéry
Avocat général :
M. Mourier
Avocats :
Me Blondel, Me Boullez
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par convention du 19 août 1985, la Société interprofessionnelle de bétail et des viandes (Sibev) a confié à la société Centre frigorifique des abattoirs de Lyon (société Cefal) la congélation et le stockage de quartiers de viande; que la société Cefal a transféré une partie de cette marchandise dans les entrepôts de la société Groupement Buffle Sylvestre (société GBS), établissement agrée par l'OFIVAL; que cet organisme a donné ordre à la société Cefal de déstocker une partie des marchandises entreposées pour qu'elles soient envoyées en Angola; que la société Cefal a confié à la société Alpha-transports (commissionnaire de transports) le transport de la marchandise de Chambéry à Saint-Nazaire; que la société Alpha-transports en a chargé la société des transports Gibaud qui a affrêté deux transporteurs, la société des transports Floch et la société Transgarden Europe; que les véhicules de ces deux sociétés ont chargé les quartiers de viande dans les entrepôts de la société GBS; que le déchargement de la remorque de la société Transgarden Europe a été interrompu à la découverte de quartiers de viande en partie décongelés et moisis; que le camion de la société Floch est arrivé par la suite, que la marchandise a, comme précédemment été reprise; que la Sibev a demandé à la société Cefal de régler le montant des pertes; que la société Cefal a assigné la Sibev pour voir dire sans objet la facture qui lui avait été adressée;
que le Tribunal a arrêté le préjudice de la Sibev et dit que la responsabilité dans le préjudice incombait pour un quart chacune aux sociétés Transgarden Europ et transports Floch, et pour un sixième chacune aux sociétés Cefal, GBS et Sibev; que le jugement a été confirmé par la cour d'appel dont l'arrêt a été frappé d'un pourvoi principal par la Sibev et d'un pourvoi incident par la société Cefal;
Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa première branche et sur le premier moyen du pourvoi incident pris en sa troisième branche, réunis :
Vu l'article 103 du Code de commerce ;
Attendu que, pour retenir à la charge de la Sibev et de la société Cefal un sixième de responsabilité l'arrêt retient que la période où la viande a été contaminée par la moisissure n'a pu être déterminée, que la moisissure a pu apparaître sur la viande à chacun des stades, transports, conservation dans les locaux de Bourges du Loc, période antérieure, que par voie de conséquence la responsabilité de la Sibev et la société Cefal ainsi que des transporteurs est susceptible d'être engagée;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle retenait que, lors du chargement, la viande était restée à quai pendant plusieurs heures, en plein mois d'août, que la responsabilité de cette décongélation due à une exposition à l'air ambiant trop longue, ressortissait de la faute des transporteurs, que ceux-ci ne s'exonéraient pas de la responsabilité de l'article 103 du Code de commerce, n'ayant effectué aucun contrôle de la température, formalité aisée, lors de la prise en charge des marchandises dans les camions, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations;
Sur le premier moyen du pourvoi incident pris en sa première branche :
Vu l'article 12, alinéa 1er du nouveau Code de procédure civile;
Attendu que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit applicables;
Attendu que l'arrêt, qui retient que les transporteurs doivent encourir la présomption de responsabilité de l'article 103 du Code de commerce, considère, par motifs propres et adoptés qu'un sixième de la responsabilité a été mis équitablement par les premiers juges à la charge de la société Cefal;
Attendu qu'en se fondant sur l'équité, la cour d'appel a violé le texte susvisé;
Sur le premier moyen du même pourvoi, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que, pour statuer ainsi qu'elle a fait à l'encontre de la société Cefal, la cour d'appel retient que la moisissure a pu apparaître sur la viande à chacun des stades, transport, conservation dans les locaux;
Attendu qu'en se prononçant par de tels motifs qui sont hypothétiques, la cour d'appel a violé le texte susvisé;
Sur le second moyen du même pourvoi :
Vu l'article 624 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que, pour débouter la société Cefal de sa demande indemnitaire de 100 000 francs dirigée à l'encontre de la Sibev, l'arrêt retient que, "faute de la preuve exclusive de la Sibev ou des transporteurs, la société Cefal ne peut prétendre à un préjudice commercial, sa propre responsabilité étant retenue";
Attendu que la cassation de la décision, mettant à la charge de la société Cefal un sixième de responsabilité, entraîne par voie de conséquence, la cassation du chef de l'arrêt ayant écarté la demande indemnitaire formée par cette société;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur tout autre grief :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a mis à la charge des sociétés Cefal et Sibev un sixième de responsabilité et en ce qu'il a débouté la société Cefal de sa demande en dommages-intérêts dirigée contre la Sibev, l'arrêt rendu le 8 septembre 1993, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble;
Rejette les demandes présentées par la Sibev et par la société Albingia sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure Civile.