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Décisions

CA Versailles, ch. com. 3-2, 21 janvier 2025, n° 23/07695

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Banque CIC Est (SA)

Défendeur :

Serel (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Roth

Vice-président :

M. Guerlot

Conseiller :

Mme Cougard

Juge comm., du 31 oct. 2023, n° 2023M043…

31 octobre 2023

EXPOSE DU LITIGE

Le 22 mars 2021, le CIC Est (la banque) a consenti un prêt garanti par l'Etat de 350 000 euros à la société Serel ; le 4 novembre 2021, elle lui a consenti un prêt de 250 000 euros.

Le 24 avril 2023, le tribunal de commerce de Pontoise a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la société Serel, désigné la société V&V Associés en qualité d'administrateur judiciaire et la société Fides en qualité de mandataire judiciaire.

Le 27 mai 2024, la société Asteren a été désigné mandataire judiciaire en lieu et place de la société Fides.

Le 16 juin 2023, la banque a déclaré deux créances d'un montant de 289 640,57 euros à titre chirographaire et de 191 850,22 euros à titre privilégié.

Le 31 octobre 2023, le juge-commissaire a :

- constaté l'admission de la partie non contestée de la première créance pour la somme de 270 654,82 euros à titre chirographaire intérêts aux taux contractuels ;

- sur la partie contestée de cette créance : rejeté pour une somme de 18 985,75 euros à titre chirographaire.

Par une seconde ordonnance du même jour, le juge-commissaire a :

- constaté l'admission de la partie non contestée de la créance pour la somme de 179 166,61 euros à titre privilégié ;

- sur la partie contestée de cette créance : rejeté pour une somme de 12 683,61 euros à titre chirographaire.

Le 14 novembre 2023, la banque a interjeté appel de ces ordonnances en toutes leurs dispositions ayant rejeté partiellement ses créances.

Ces affaires ont été enregistrées sous les numéros RG 23/07695 et 23/07696.

Le 29 mars 2024, le tribunal de commerce a arrêté un plan de sauvegarde au bénéfice de la société Serel et désigné la société V & V Associés commissaire à son exécution.

Par dernières conclusions du 28 février 2024, dans la première affaire, la banque demande à la cour de :

- infirmer en toutes ses dispositions la décision du 31 octobre 2023 ;

- et, statuant à nouveau, admettre en totalité sa déclaration de créances selon LRAR du 16 juin 2023 adressée à M. [U] ;

- condamner la débitrice au paiement d'une indemnité de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner aux entiers frais et dépens ;

- juger que les indemnités précitées et les dépens seront payés au titre des frais privilégiés de la procédure collective.

Par dernières conclusions du 16 octobre 2024, dans la première affaire, les sociétés Serel, V&V Associés et Asteren demandent à la cour de :

- mettre hors de cause la société V&V en qualité d'administrateur judiciaire de la société Serel ;

- prendre acte de la poursuite de l'action introduite par la société Banque CIC Est à l'égard de la société V&V en qualité d'administrateur judiciaire de la société Serel, par la société V&V, en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Serel ;

- confirmer l'ordonnance du 31 octobre 2023 en toutes ses dispositions ;

- rejeter l'ensemble des demandes de la société Banque CIC Est ;

- condamner la société Banque CIC Est à payer à la société Serel la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Banque CIC Est aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Lafon, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans la seconde affaire, par dernières conclusions du 28 février 2024, la banque demande à la cour de :

- infirmer en toutes ses dispositions la décision du 31 octobre 2023 ;

- et, statuant à nouveau, admettre en totalité sa déclaration de créances selon LRAR du 16 juin 2023 adressée à M. [U] ;

- condamner la débitrice au paiement d'une indemnité de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner aux entiers frais et dépens ;

- juger que les indemnités précitées et les dépens seront payés au titre des frais privilégiés de la procédure collective.

Par dernières conclusions du 16 octobre 2024, les sociétés Serel, V&V Associés et Asteren demandent à la cour de :

- mettre hors de cause la société V&V en qualité d'administrateur judiciaire de la société Serel ;

- prendre acte de la poursuite de l'action introduite par la société Banque CIC Est à l'égard de la société V&V en qualité d'administrateur judiciaire de la société Serel, par la société V&V, en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Serel ;

- confirmer l'ordonnance du 31 octobre 2023 en toutes ses dispositions ;

- rejeter l'ensemble des demandes de la société Banque CIC Est ;

- condamner la société Banque CIC Est à payer à la société Serel la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Banque CIC Est aux entiers dépens dont distraction au profit de M. Lafon, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans les deux dossiers, la clôture de l'instruction a été prononcée le 24 octobre 2024.

A l'audience du 26 novembre 2024, les deux affaires ont été jointes.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux conclusions susvisées.

MOTIFS

Sur la mise hors de cause de l'administrateur judiciaire

Compte tenu des missions imparties par la loi au commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde nommé en application de l'article L. 626-25 du code de commerce, la société V & V Associés doit être mise hors de cause, ce que la banque ne conteste pas.

1- Sur les créances contestées

a- Sur la créance au titre des indemnités de résiliation

La banque fait valoir, s'agissant des indemnités conventionnelles, qu'elle est tenue de déclarer à la procédure collective ses créances même éventuelles, à titre conservatoire ; que les intérêts, cotisations d'assurance et commissions courus jusqu'au jugement d'ouverture sont payables à terme échu ; que le cas général prévu à l'article R. 622-23 du code de commerce est applicable à sa créance au titre des intérêts, cotisations d'assurance et commissions BPI à courir à compter du jugement d'ouverture.

La société Serel et le mandataire judiciaire soutiennent que la créance au titre des indemnités de résiliation n'est pas une créance antérieure.

Réponse de la cour

Les deux créances de la banque correspondent à des prêts consentis à la société Serel, toujours en cours d'exécution.

Leur partie contestée correspond, d'une part, aux indemnités de résiliation prévues aux contrats de prêt en cas d'exigibilité anticipée, d'autre part à des intérêts, cotisations d'assurance et commissions BPI.

Pour écarter toute créance au titre des clauses pénales, le juge-commissaire a retenu qu'il n'y avait pas de déchéance du terme, de sorte que l'indemnité conventionnelle n'était pas due ; il a, d'autre part, écarté la créance déclarée au titre des commissions et assurances à échoir.

Selon l'article L. 622-24 du code de commerce, doit être déclarée à la procédure collective toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture ; selon l'article L. 622-25,la déclaration porte le montant de la créance due au jour du jugement d'ouverture avec indication des sommes à échoir et de la date de leurs échéances.

D'une manière générale, même les créances conditionnelles ou éventuelles doivent être déclarées à la procédure collective.

La créance relative à l'indemnité de remboursement anticipé d'un prêt contracté avant le jugement d'ouverture du redressement judiciaire est née le jour où le prêt a été contracté, de sorte qu'elle doit être déclarée à la procédure collective (Com., 27 juin 2006, n° 05-12.306 ; voir aussi Com., 15 oct. 2002, n° 00-10.898, publié).

C'est donc à juste titre que la banque a déclaré à la procédure collective ses créances au titre des indemnités de résiliation prévues aux contrats de prêt.

L'ordonnance entreprise sera en conséquence infirmée de ce chef et ces créances admises.

b- Sur la créance au titre des intérêts, commissions et assurances

L'article R. 622-23 du code de commerce dispose :

Outre les indications prévues à l'article L. 622-25, la déclaration de créance contient :

1° Les éléments de nature à prouver l'existence et le montant de la créance si elle ne résulte pas d'un titre ; à défaut, une évaluation de la créance si son montant n'a pas encore été fixé ;

2° Les modalités de calcul des intérêts dont le cours n'est pas arrêté, cette indication valant déclaration pour le montant ultérieurement arrêté.

Contrairement à ce que soutient la banque, le juge-commissaire n'a pas exclu le principe de ses créances au titre des intérêts à échoir.

Il a, en revanche, implicitement mais nécessairement, par le chef critiqué par les déclarations d'appel, écarté les créances au titre des commissions et assurances à échoir, notées pour mémoire aux déclarations de créances.

Ces créances sont cependant des accessoires nécessaires des créances principales, les contrats de prêt n'étant pas résiliés.

L'ordonnance entreprise sera infirmée de ces chefs et ces créances admises.

2- Sur les demandes accessoires

L'équité commande d'allouer à la banque l'indemnité de procédure prévue au dispositif.

PAR CES MOTIFS,

la cour, statuant contradictoirement, dans les limites de l'appel,

Met hors de cause la société V & V Associés ;

Infirme les ordonnances du 31 octobre 2023 en ce qu'elles ont rejeté les créances du CIC Est au titre des sommes de 18 985,75 euros et de 12 683,61 euros à titre chirographaire et en ce qu'elles ont rejeté les créances au titre des cotisations d'assurance et commissions BPI à échoir ;

Admet ces créances à la procédure collective ;

Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective ;

Condamne la société Seral à verser au CIC Est la somme de 1 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens.

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