CA Nîmes, 4e ch. com., 17 janvier 2025, n° 24/02309
NÎMES
Arrêt
Autre
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Codol
Conseillers :
Mme Ougier, Mme Vareilles
Avocats :
Me Vajou, Me Pitchouguina, Me Coletta, Me Deguillaume, Me Chabaud
EXPOSÉ
Vu l'appel interjeté le 5 juillet 2024 par Madame [M] [P] à l'encontre du jugement rendu le 25 juin 2024 par le tribunal de commerce de Nîmes dans l'instance n° RG 2022F1132 ;
Vu l'avis du 29 août 2024de fixation de l'affaire à bref délai à l'audience du 19 décembre 2024 ;
Vu l'ordonnance de référé rendue le 27 septembre 2024 (n° RG 24/00090) par le premier président de la cour d'appel de Nîmes ;
Vu l'ordonnance du 29 août 2024 de clôture différée de l'affaire au 12 décembre 2024 ;
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 5 décembre 2024 par Madame [M] [P], appelante, intimée incidente, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 9 décembre 2024 par Monsieur [C] [J], intimé, appelant incident, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 12 décembre 2024 par la SELARL [12], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [25] suivant mandat confié par le tribunal de commerce de Nîmes par jugement du 5 avril 2022, par la SELARL [12], ès qualités de liquidateur judiciaire de Madame [M] [P] suivant mandat confié par le tribunal de commerce de Nîmes par jugement du 25 juin 2024, et par la SELARL [12], ès qualités de liquidateur judiciaire de Monsieur [C] [J] suivant mandat confié par le tribunal de commerce de Nîmes par jugement du 25 juin 2024, intimées, ainsi que par la SELARL [14], ès qualités de liquidateur judiciaire de Madame [M] [P] désignée à ces fonctions suivant ordonnance du président du tribunal de commerce de Nîmes du 18 septembre 2024 en remplacement de la SELARL [12], par la SELARL [14] ès qualités de liquidateur judiciaire de Monsieur [C] [J] désignée à ces fonctions suivant ordonnance du président du tribunal de commerce de Nîmes du 18 septembre 2024 en remplacement de la SELARL [12], enfin par la SELARL [14] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [25] désignée à ces fonctions suivant ordonnance du président du tribunal de commerce de Nîmes du 18 septembre 2024 en remplacement de la SELARL [12], intervenantes volontaires, et le bordereau de pièces qui y est annexé et le bordereau de pièces qui y est annexé ;
Vu les conclusions du ministère public déposées et notifiées le 10 décembre 2024 ;
Vu l'ordonnance du 29 août 2024 de clôture de la procédure à effet différé au 12 décembre 2024.
***
La société [25] a fait l'objet d'un redressement judiciaire depuis le 9 février 2022 converti en liquidation judiciaire le 5 avril 2022.
Monsieur [C] [J], associé, est le gérant depuis 2016, succédant ainsi à Madame [U] [P], associée.
Madame [M] [P], fille de Madame [U] [P], a divorcé de Monsieur [J] en 2014.
Le 24 décembre 2021, la société [25] s'est vu notifier le résultat d'une vérification fiscale pour l'année 2018. Monsieur [C] [J] a alors précisé que s'il était le dirigeant de droit, son ex-épouse était gérante de fait : à lui incombait les chantiers, à elle la gestion administrative. Le 9 décembre 2022, c'est Madame [P] et Monsieur [J] qui se sont vus notifier une proposition de rectification fiscale pour la période du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2020.
Par exploit du 26 octobre 2022, la société [12], es qualités de liquidateur judiciaire de la société [25], a fait assigner Madame [M] [P] et Monsieur [C] [J], en extension de la procédure collective à leur égard, subsidiairement en responsabilité pour insuffisance d'actif et en prononcé d'une mesure de faillite personnelle, devant le tribunal de commerce de Nîmes.
Par jugement du 25 juin 2024, le tribunal de commerce de Nîmes, au visa des articles L. 621-1 et L. 621-2 alinéa 2 du code de commerce, et des articles L.640-l à L641-l du code de commerce :
« Constate l'existence de relations financières anormales entre la SARL [25] et Madame [P] [M] et Monsieur [J] [C], caractéristiques de la confusion des patrimoines,
Ouvre la procédure de liquidation judiciaire sans période d'observation, par extension de celle déjà ouverte à l'encontre la SARL [25], conformément aux articles L.621-1 et L.621-2 alinéa 2 et L.63l-l à L 631-22 du code de commerce,
A l'égard de :
Madame [P] [M]
Domiciliée [Adresse 9]
[Localité 6]
Et à l'égard de
Monsieur [J] [C]
Domicilié [Adresse 8]
[Localité 6]
Fixe au 9 août 2020 la date de cessation des paiements.
Désigne Madame [S] en qualité de juge commissaire et Madame [K] en qualité de juge commissaire suppléant.
Désigne la SELARL [12] prise en la personne de Maître [Z] demeurant [Adresse 11] pris en sa qualité de liquidateur judiciaire.
Désigne la SELARL [27] demeurant [Adresse 7], commissaire de justice, aux fins de dresser un inventaire et réaliser une prisée du patrimoine du débiteur ainsi que des garanties qui le grèvent conformément aux dispositions de l'article L641-4 du code de commerce, avec faculté de délégation en cas d'incompétence territoriale.
Fixe le délai de déclaration des créances imparti aux créanciers à deux mois à compter de la publication au bodacc du présent jugement, conformément à l'article R641-7 du code de commerce.
Dit que le liquidateur devra déposer la liste des créances dans le délai de 12 mois à compter de la publication du présent jugement au bodacc.
Juge et dit en application de l'article L 643-9 du code de commerce que la clôture de la liquidation judiciaire devra être examinée au plus tard le 25 juin 2026.
Rappelle que conformément à l'article L.641-9 du code de commerce lorsque le débiteur est une personne morale, les dirigeants sociaux en fonction lors du prononcé du jugement de liquidation judiciaire le demeurent, sauf disposition contraire des statuts ou décision de l'assemblée générale.
Qu'en cas de nécessité, un mandataire peut être désigné en leur lieu et place par ordonnance du président du tribunal sur requête de tout intéressé, du liquidateur ou du ministère public.
Que le siège social est réputé fixé au domicile du représentant légal de l'entreprise ou du mandataire
désigné.
Ordonne à Madame [P] [M] et Monsieur [J] [C] de communiquer sans délai au greffe de la juridiction ainsi qu'au mandataire liquidateur tout changement d'adresse de son domicile personnel afin qu'il puisse être joint à tout moment et sans délai pour les besoins de la procédure.
Conformément à l'article R 641-6 du code de commerce,
Dit au greffier de notifier le présent jugement au débiteur ou lorsque le débiteur n'est pas demandeur de lui signifier ledit jugement par acte extra-judiciaire.
Vu le rapport du juge commissaire,
Vu les articles L.651-2, et suivants du code de commerce ;
Constatant que Madame [P] [M] et Monsieur [J] [C] ont commis des fautes de gestion ayant contribué à l'insuf'sance d'actifs de la SARL [25] ;
Condamne Madame [P] [M] domiciliée [Adresse 9], et Monsieur [J] [C] domicilié [Adresse 8] solidairement au comblement intégral du passif de la SARL [25],
A ce titre, les condamne au paiement de la somme provisionnelle de 500.000€ (cinq cent mille euros) ainsi qu'aux entiers dépens.
En outre,
Vu l'article L. 653-4 et 655-5ème du code de commerce,
Prononce à l'encontre de Madame [P] [M] et de Monsieur [J] [C], une mesure de faillite personnelle pendant une durée de 15 ans chacun.
Dit qu'en application des articles L. 128-1et suivants et R. 128-1 et suivants du code du commerce, cette sanction fera l'objet d'une inscription au fichier national des interdits de gérer, dont la tenue est assurée par le conseil national des greffiers des tribunaux de commerce
Pour le surplus,
Déboute les parties de leurs demandes, fins et conclusions.
Condamne Madame [P] [M] et Monsieur [J] [C] à payer et à porter à la SELARL [12] es qualité de liquidateur judiciaire de la société [25] la somme de 10,000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision,
Ordonne les mesures de publicités prescrites par la loi,
Condamne Madame [P] [M] et Monsieur [J] [C] aux dépens de la présente instance. ».
Madame [M] [P] a relevé appel le 5 juillet 2024 du jugement du 25 juin 2024 pour le voir annulé ou à tout le moins réformé en toutes ses dispositions.
Par ordonnance du 18 septembre 2024, le président du tribunal de commerce de Nîmes a désigné la société [14], ès qualités de liquidateur judiciaire de Madame [M] [P], de Monsieur [C] [J] et de la société [25], et ce en remplacement de la société [12].
Par ordonnance de référé rendue le 27 septembre 2024, la déléguée du premier président a suspendu partiellement l'exécution provisoire attachée au jugement rendu le 25 juin 2024 par le tribunal de commerce de Nîmes sur les dispositions suivantes :
- « Constatant que Madame [P] [M] et Monsieur [J] [C] ont commis des fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actifs de la SARL [25] ;
- Condamné Madame [P] [M] domiciliée [Adresse 9] et Monsieur [J] [C] domicilié [Adresse 8] solidairement au comblement intégral du passif de la SARL [25],
- A ce titre, les a condamnés au paiement de la somme provisionnelle de 500.000 euros (cinq cent mille euros) ainsi qu'aux entiers dépens. »
Déboutons les consorts [J] /[P] de leur demande visant à voir suspendre l'exécution provisoire pour le reste des dispositions qui constituent la décision rendue par le tribunal de commerce de Nîmes en date du 25 juin 2024 rectifiée par le jugement du 27 juin 2024,
Disons que les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective. ».
***
Dans ses dernières conclusions, Madame [M] [P], appelante, intimée incidente, demande à la cour, au visa des articles 917 et suivants du code de procédure civile, et des articles L 621-2, L 651-2 et L 653-1 et suivants du code de commerce de :
« Juger recevable et bien fondé l'appel interjeté par Madame [M] [P].
Y faisant droit
A titre principal
Annuler le jugement du 25 juin 2024 en ses dispositions ayant, d'une part, étendu la procédure collective à Madame [P], sur le fondement de la confusion des patrimoines, et ayant, d'autre part, condamné Madame [P] au titre de la responsabilité pour insuffisance d'actif.
Infirmer le jugement dont appel rendu par le tribunal de commerce de Nîmes du 25 juin 2024 des chefs suivants :
Vu les dispositions des articles L. 621-1 et L. 621-2 alinéa 2 du code de commerce,
Et conformément aux articles L.640-1 à L .641-1 du code de commerce ;
Constate l'existence de relations financières anormales entre la SARL [25] et Madame [P] [M] et Monsieur [J] [C], caractéristiques de la confusion des patrimoines,
Ouvre la procédure de liquidation judiciaire sans période d'observation, par extension de celle déjà ouverte à l'encontre la SARL [25], conformément aux articles L. 621-1 et L. 621-2 alinéa 2 et L.631-1 à L .631-22 du code de commerce,
A l'égard de Madame [P] [M]
Domiciliée [Adresse 9]
[Localité 6]
Et à l'égard de Monsieur [J] [C]
Domicilié [Adresse 8]
[Localité 6]
Fixe au 09 août 2020 la date de cessation des paiements.
Désigne Madame [S] en qualité de juge commissaire et Madame [K] en qualité de juge commissaire suppléant.
Désigne la SELARL [12] prise en la personne de Maître [Z] demeurant [Adresse 11] pris en sa qualité de liquidateur judiciaire.
Désigne la SELARL [27] demeurant [Adresse 7], commissaire de justice, aux fins de dresser un inventaire et réaliser une prisée du patrimoine du débiteur ainsi que des garanties qui le grèvent conformément aux dispositions de l'article L 641-4 du code de commerce, avec faculté de délégation en cas d'incompétence territoriale.
Fixe le délai de déclaration des créances imparti aux créanciers à deux mois à compter de la publication au bodacc du présent jugement, conformément à l'article R 641-7 du code de commerce.
Dit que le liquidateur devra déposer la liste des créances dans le délai de 12 mois à compter de la publication du présent jugement au bodacc.
Juge et dit en application de l'article L 643-9 du code de commerce que la clôture de la liquidation judiciaire devra être examinée au plus tard le 25 juin 2026.
Rappelle que conformément à l'article L.641-9 du code de commerce lorsque le débiteur est une personne morale, les dirigeants sociaux en fonction lors du prononcé du jugement de liquidation judiciaire le demeurent, sauf disposition contraire des statuts ou décision de l'assemblée générale.
Qu'en cas de nécessité, un mandataire peut être désigné en leur lieu et place par ordonnance du président du tribunal sur requête de tout intéressé, du liquidateur ou du ministère public.
Que le siège social est réputé fixé au domicile du représentant légal de l'entreprise ou du mandataire désigné.
Ordonne à Madame [P] [M] et Monsieur [J] [C] de communiquer sans délai au greffe de la juridiction ainsi qu'au mandataire liquidateur tout changement d'adresse de son domicile personnel afin qu'il puisse être joint à tout moment et sans délai pour les besoins de la procédure.
Conformément à l'article R 641-6 du code de commerce,
Dit au greffier de notifier le présent jugement au débiteur ou lorsque le débiteur n'est pas demandeur de lui signifier ledit jugement par acte extra-judiciaire.
Vu le rapport du juge commissaire,
Vu les articles L.651-2, et suivants du code de commerce ;
Constatant que Madame [P] [M] et Monsieur [J] [C] ont commis des fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actifs de la SARL [25] ;
Condamne Madame [P] [M] domiciliée [Adresse 9] et Monsieur [J] [C] domicilié [Adresse 8] solidairement au comblement intégral du passif de la SARL [25]
A ce titre, les condamne au paiement de la somme provisionnelle de 500.000 euros (cinq cent mille euros) ainsi qu'aux entiers dépens.
En outre,
Vu l'article L. 653-4 et 655- 5ème du code de commerce,
Prononce à l'encontre de Madame [P] [M] et de Monsieur [J] [C], une mesure de faillite personnelle pendant une durée de 15 ans chacun.
Dit qu'en application des articles L. 128-1 et suivants et R. 128-1 et suivants du code du commerce, cette sanction fera l'objet d'une inscription au fichier national des interdits de gérer, dont la tenue est assurée par le conseil national des greffiers des tribunaux de commerce.
Pour le surplus,
Déboute les parties de leurs demandes, fins et conclusions.
Condamne Madame [P] [M] et Monsieur [J] [C] à payer et à porter à la SELARL [12] es qualité de liquidateur judiciaire de la société [25] la somme de 10.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision.
Ordonne les mesures de publicités prescrites par la loi.
Condamne Madame [P] [M] et Monsieur [J] [C] aux dépens de la présente instance.
Ce faisant,
Infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé une mesure de faillite personnelle à l'encontre de Madame [M] [P].
A titre subsidiaire
Infirmer le jugement d'extension et de sanction personnelle rendu par tribunal de commerce de Nîmes du 25 juin 2024 en ce qu'il a :
- Statué ultra petita sur la demande de la SELARL [12] ;
- Prononcé une mesure d'extension de liquidation judiciaire de la société [25] à l'encontre d'une personne physique, disposition non prévue par le code de commerce pour les personnes physiques ne relevant pas de la combinaison des articles L620-2 et L640-2 du code de commerce ;
- Sanctionné Madame [M] à supporter une partie de passif de la société [25] ;
- Condamné à une mesure de faillite personnelle (L 651-2 et 653-1 et suivants du code de commerce) ;
Et statuant à nouveau
Juger que Madame [M] [P] n'est pas éligible à une condamnation au titre de L621-2 du code de commerce.
Juger en tout état de cause qu'il n'est pas rapporté la preuve de flux anormaux entre Madame [M] [P] et la société [25] et que par conséquent aucune extension de la liquidation judiciaire de la société [25] ne peut être ordonnée à son encontre sur le fondement de l'article L621-2 du code de commerce ;
Juger que la preuve d'une gestion de fait de Madame [M] [P] n'est pas rapportée et que par conséquent Madame [M] [P] ne peut être sanctionnée au visa des articles L 651-2 et 653-1 et suivants du code de commerce ;
Juger en tant de que de besoin que si condamnation il devait y avoir sur la base de la gestion de fait, celle-ci devra être proportionnée aux ressources et à la situation personnelle de Madame [M] [P] ;
Débouter la SELARL [12], le procureur général, Monsieur [C] [J] et la SELARL [14] de toutes leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre de Mme [M] [P].
Condamner la SELARL [12] et la SELARL [14] aux entiers dépens de l'instance. ».
Au soutien de ses prétentions, Madame [P], appelante, intimée incidente, expose à titre liminaire que le tribunal a commis une erreur de droit en accueillant tant les demandes principales que subsidiaires du liquidateur judiciaire. Les pouvoirs de la cour ne se limitant pas à un éventuel retranchement, une confirmation ou une infirmation, le jugement déféré devra être annulé.
Elle fait grief aux premiers juges d'avoir déduit de prétendus faits constitutifs d'une faute de gestion l'existence d'une confusion des patrimoines et ne pas avoir individualisé, entre Monsieur [J] et elle-même, ce qui donnait matière à extension. Madame [P] fait valoir que la procédure d'extension est une procédure exceptionnelle, portant atteinte au principe d'autonomie des personnes juridiques et que, pourtant ni le jugement, ni le liquidateur judiciaire dans ses écritures, ne procèdent à une distinction des faits imputables à l'une ou l'autre personne. Madame [P] ajoute que les flux financiers anormaux existants entre co-gérants sont susceptibles de caractériser une faute de gestion mais non une confusion de patrimoine. L'appelante prétend de toute façon ne pas avoir bénéficié des flux anormaux relevés par le liquidateur, une telle assertion reposant sur les allégations dépourvues de fondement de son ex-époux, mais cependant reprises par l'administration fiscale et le liquidateur judiciaire. Elle indique avoir été victime de violences conjugales, ce qui a amené la saisine de la juridiction pénale et à une condamnation de Monsieur [J] pour abandon de famille. Ensuite, Madame [P] analyse l'ensemble des griefs émis à son encontre pour aboutir à la conclusion qu'ils sont erronés et/ou contradictoires.
En ce qui concerne la demande subsidiaire du liquidateur judiciaire, Madame [P] soutient que le tribunal a insuffisamment caractérisé la gestion de fait qu'elle aurait assurée au sein de la société [25] et qu'il n'est pas démontré que son attitude ne relève pas de la simple négligence. Elle relève que le dispositif du jugement ne mentionne pas sa qualité de gérante de fait et estime que la motivation est sans rapport avec les exigences de la cour de cassation sur l'établissement ou non d'une gérance de fait. Madame [P] allègue avoir effectué des tâches subalternes, ne jamais eu avoir le moindre moyen de paiement à sa disposition et ne pas avoir été destinataire des flux de [25]. Elle reprend l'argumentation du liquidateur point par point, pour conclure qu'elle ne résiste pas à l'analyse et qu'il n'y a aucune individualisation des fautes énoncées, ni la caractérisation du lien de causalité ou de leur gravité excédant la simple négligence.
Enfin, Madame [P] conteste devoir être condamnée pour faillite personnelle alors que la gérance de fait n'est pas démontrée et que le défaut de déclaration de la cessation des paiements n'est pas un cas de faillite personnelle. Elle conteste également avoir fait obstruction aux opérations des organes de la procédure collective. Pour le cas où une condamnation interviendrait, Madame [P] fait valoir sa situation personnelle, à savoir qu'elle n'a jamais été condamnée au titre d'un mandat social, qu'elle est mère célibataire de 2 enfants, qu'elle n'a plus de mandat de dirigeant et n'a jamais eu d'autre mandat de dirigeant, et qu'elle est sans emploi.
Dans ses dernières conclusions Monsieur [C] [J], intimé, appelant incident, demande à la cour de :
« In limine litis
Constatant que le tribunal de commerce a statué ultra petita,
Vu l'excès de pouvoir entachant d'irrégularité le jugement déféré,
Annuler le jugement rendu le 25 juin 2024 par le tribunal de commerce de Nîmes, et ce sans effet dévolutif.
Renvoyer les parties à mieux se pourvoir devant le premier juge.
Subsidiairement, en cas de rejet de la demande d'annulation du jugement
Vu les articles 122 et s. du code de procédure civile,
Déclarer la SELARL [12] et la SELARL [14] désignée en remplacement de la SELARL [12], agissant toutes deux ès qualité de liquidateur judiciaire de la société [25], irrecevables en toutes leurs demandes à l'encontre de Monsieur [C] [J] pour défaut de qualité.
Très subsidiairement, sur le fond
Infirmer le jugement rendu le 25 juin 2024 par le tribunal de commerce de Nîmes en ce qu'il a :
' statué ultra petita et fait droit à la fois aux demandes principales et subsidiaires du liquidateur
' prononcé l'extension de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'encontre de la SARL [25] à l'égard de Monsieur [C] [J] pour cause de confusion des patrimoines
' condamné Monsieur [C] [J] solidairement avec Madame [M] [P] au comblement intégral du passif de la SARL [25] et à ce titre au paiement de la somme provisionnelle de 500.000 euros ainsi qu'aux entiers dépens
' prononcé à l'encontre de Monsieur [C] [J] une mesure de faillite personnelle pendant une durée de 15 ans
' dit que cette sanction ferait l'objet d'une inscription au Fichier national des interdits de gérer
' condamné Monsieur [C] [J] avec Madame [M] [P] à payer au liquidateur la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
' condamné Monsieur [C] [J] avec Madame [M] [P] aux dépens de l'instance
Faisant droit à l'appel incident et statuant à nouveau droit à l'appel incident et statuant à nouveau
Rejeter la demande de confusion des patrimoines.
Rejeter la demande d'extension de la procédure collective de la société [25] à l'encontre de Monsieur [C] [J].
Juger que Monsieur [C] [J] dirigeant de droit évincé n'a pas commis directement et volontairement de faute de gestion.
En conséquence,
Débouter la SELARL [14] es qualité de liquidateur judiciaire de la société [25] de son action en responsabilité pour insuffisance d'actif à l'encontre de Monsieur [C] [J].
Débouter la SELARL [14] es qualité de liquidateur judiciaire de la société [25] de sa demande de condamnation au paiement de l'intégralité de l'insuffisance d'actif ainsi que de sa demande de condamnation provisionnelle à ce titre à hauteur de 500.000 euros à l'encontre de Monsieur [C] [J].
Si la cour venait à accueillir pareilles demandes,
Faisant application du principe de proportionnalité eu égard aux capacités financières de Monsieur [J],
Limiter la responsabilité et les condamnations susceptibles d'être prononcées à l'encontre de Monsieur [C] [J].
Rejeter la demande de faillite personnelle.
Si la cour venait à accueillir pareille demande,
Limiter la durée de la mesure de faillite personnelle et d'interdiction de gérer eu égard à la situation de Monsieur [C] [J].
Débouter la SELARL [14] es qualité de liquidateur judiciaire de la société [25] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile formulée à titre subsidiaire.
Statuer ce que de droit sur les dépens. ».
Au soutien de ses prétentions, Monsieur [C], intimé, appelant incident, expose tout d'abord que le premier juge a statué ultra petita en faisant droit à la demande principale et subsidiaire du liquidateur, qu'il a ainsi méconnu l'objet du litige et commis un excès de pouvoir entachant d'irrégularité le jugement entrepris qui doit être annulé.
Il fait valoir ensuite que les actions du liquidateur sont irrecevables pour défaut de qualité parce qu'il agit es qualités et non pas en son nom personnel.
Sur le fond, il indique être le gérant de droit de la société [25] tout en contestant la décision d'assemblée générale du 27 octobre 2016 qui serait un faux.
Selon lui, les premiers éléments du passif et des créances déclarées portent sur des contrôles des années 2015 et 2016, date à laquelle il n'était pas le dirigeant de la société [25]. Il fait valoir qu'il était assisté d'un cabinet d'expertise comptable, ce qui ne lui permettait pas de mesurer l'ampleur du passif, et qu'aucune observation n'avait été directement portée à sa connaissance sur des dysfonctionnements. Alors qu'aucun élément extérieur ne lui permettait de vérifier l'existence d'un déséquilibre significatif, Monsieur [J] soutient que son ex-épouse était dirigeant de fait de la société, que c'est elle qui était en rapport avec le cabinet d'expertise comptable, qu'elle disposait de tous les moyens de paiement. Il déduit de l'action en référé intentée par la société [25] et des éléments recueillis lors de sa plainte, que la preuve est rapportée de l'absence de faute personnelle de sa part. Il indique ne disposer d'aucun patrimoine immobilier, sinon l'usufruit d'une maison de village, ne pas avoir bénéficié des dépenses mises en évidence par le redressement fiscal et que c'est Mme [P] qui a détourné à son seul profit le PGE souscrit par l'entreprise.
Monsieur [J] demande l'application du principe de proportionnalité, au regard de ses faibles capacités financières et considère qu'il n'y a de toute façon pas de lien de causalité entre les griefs énoncés à son encontre et l'insuffisance d'actif car l'entreprise réalisait un chiffre d'affaires suffisant pour assurer les contreparties auxquelles elle était tenue socialement, fiscalement et à l'égard des fournisseurs.
Monsieur [J] qui prétend avoir été évincé de la gestion et donc ne pas avoir commis volontairement et directement une faute de gestion, conteste le caractère abusif de la poursuite d'activité volontaire.
Il rappelle enfin que le liquidateur a obtenu l'extension du passif de la société à l'égard de 3 sociétés immobilières détenues par Madame [P].
Dans leurs dernières conclusions, la société [12], ès qualités, intimée, et la société [14], ès qualités et intervenante volontaire, demandent à la cour, de :
« Recevoir l'intervention volontaire de la SELARL [14] es qualités de liquidateur judiciaire de la société [25], de Madame [P] et de Monsieur [J]
I- Au plan patrimonial
I.1 A titre principal
Vu les dispositions de l'article L. 621-2 du code de commerce,
Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Nîmes dont appel, en ce qu'il a jugé l'existence de relations financières anormales entre la société [25] et Madame [M] [P] et Monsieur [C] [J], et en conséquence, prononcé l'extension de la procédure collective de la société [25] aux personnes de :
Madame [M] [P], française, née le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 5], domiciliée [Adresse 9] (France)
Monsieur [C] [J], français, né le [Date naissance 3] 1973 à [Localité 24] (Algérie), domicilié
[Adresse 8] (France)
Ordonner toutes les publicités, mentions et significations prévues par loi.
Dire et juger que les dépens de la présente instance seront employés en frais privilégiés de justice de cette procédure collective.
I.2 A titre subsidiaire
Si la cour d'appel venait à réformer le jugement sur le principal au titre de l'extension, elle le confirmerait sur le subsidiaire, pour, au visa de l'article L.651-2 du code de commerce
Condamner in solidum :
Madame [M] [P], française, née le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 5], domiciliée [Adresse 9] (France)
Monsieur [C] [J], français, né le [Date naissance 3] 1973 à [Localité 24] (Algérie), domicilié [Adresse 8] (France)
Au paiement :
- de l'intégralité de l'insuffisance d'actif,
- d'une provision à valoir sur ladite insuffisance à hauteur de 500 000 euros,
- d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de 10 000 euros.
II/ Au plan professionnel
Vu les articles L.653-1, L.653-4, et L.653-5 du code de commerce
Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Nîmes dont appel en ce qu'il a prononcé à l'encontre de :
Madame [M] [P], française, née le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 5], domiciliée [Adresse 9] (France)
Monsieur [C] [J], français, né le [Date naissance 3] 1973 à [Localité 24] (Algérie), domicilié [Adresse 8] (France)
Une mesure de faillite personnelle pour une durée de 15 ans. ».
Tout d'abord, les sociétés [12] et [14] indiquent que la société [12] a mis fin à son activité professionnelle et a été remplacée par la société [14], selon ordonnances rendues par le président du tribunal de commerce de Nîmes le 18 septembre 2024, d'où l'intervention volontaire à la procédure de la société [14] es qualités.
Les organes de la procédure collective rappellent que le dernier dirigeant de la société le reste après ouverture d'une liquidation judiciaire et que l'article L.651-3 du code de commerce donne compétence au liquidateur judiciaire pour saisir le tribunal, de sorte que la fin de non-recevoir de Monsieur [J] ne peut prospérer.
Les intimées et intervenantes volontaires conviennent que le tribunal a statué sur leur demande principale et subsidaire mais invitent la cour à procéder au retranchement nécessaire, à la confirmation ou à l'infirmation du jugement et non pas à son annulation.
Au soutien de leurs prétentions, les sociétés [12] et [14], intimée et intervenante volontaire, exposent qu'il s'agit en l'espèce de procéder à l'extension d'une procédure collective d'une personne morale à une personne physique et non pas d'agir en contribution aux dettes sociales, action abrogée depuis l'ordonnance du 18 décembre 2008.
Elles font état d'une comptabilité qui n'est pas tenue dans les formes requises, d'importantes dépenses engagées en-dehors de l'intérêt social, en faveur de Madame [P], de son époux ou de leurs projets immobiliers communs. Les organes de la procédure collective font valoir que les virements bancaires au nom de certains fournisseurs sont des manipulations car ils sont destinés à d'autres personnes
Le liquidateur judiciaire indique avoir déposé une plainte pénale dans laquelle il détaille les prélèvements bancaires non identifiés et les achats par carte paraissant sans lien avec l'objet et l'intérêt social. Il relève que le service vérificateur a constaté plus de 333 448,60 euros de virements bancaires à destinataires de bénéficiaires inconnus en 2018 et de nombreux retraits d'espèces sans explication de la part de Monsieur [J]. Il mentionne la poursuite des dépenses hors objet social en 2019, une absence d'identification des bénéficiaires des débits des cartes bleues tant en 2019 qu'en 2020.
Le liquidateur judiciaire insiste sur les opérations Beach Front à [Localité 23] car le contrôle fiscal avait mis en évidence qu'en 2018 -période sur laquelle portait le contrôle - que la société effectuait divers virements pour un montant total de 189 000 euros pour l'acquisition d'un bien en indivision entre les époux à [Localité 23]. Le liquidateur judiciaire constate des opérations similaires en 2017 et 2019.
Le liquidateur judiciaire indique que le passif déclaré est d'un montant de 3 055 058,43 euros dont 1 722 810 euros de créances provisionnelles selon l'état de déclaration des créances du 3 août 2022. Il précise que l'actif est nul à part deux véhicules non roulants.
Il s'étonne de la rémunération de Madame [P] qui, en tant que conducteur de travaux, perçoit une rémunération supérieure à celle du dirigeant. Il fait remarquer que l'absence de procuration bancaire n'empêche pas Madame [P] d'utiliser les codes des cartes bancaires de la société et qu'elle dispose d'informations sur la société [25] et les sociétés civiles immobilières qui ne devraient pas être connues d'un simple salarié.
Le liquidateur judiciaire fait état, au titre des relations financières faites au détriment de la société [25], d'un prêt [17] de 314 332 euros accordé aux consorts [P] [J] qui est nanti par la société [25], des flux financiers avec une nouvelle société du couple, la société [29] qui a pour gérant-associé Monsieur [J] et pour associée Madame [P] mère.
Il s'appuie sur la proposition de rectification du 8 décembre 2022 couvrant la période 2019 et 2020 ainsi que la lettre d'information portant sur la période du 1er janvier 2018 au 31 mai 2021:
- retenant un défaut de présentation des comptes,
- reconstituant les comptes par droit de communication auprès des tiers,
- relevant des virements au bénéfice des sociétés des époux [J] [P] ou des époux [J] [P] pour 1 193 339,81 euros dont 826 171,81 euros avec des libellés frauduleux entre 2018 et 2021,
- constatant l'acquisition par Madame [P] de 3 véhicules à titre personnel (Range Rover, Mini One et BMW X6), de bijoux et de meubles, des versements sans justificatifs sur les comptes de Monsieur [J] ou le compte joint.
Le liquidateur judiciaire en déduit que les ex-époux [P]/[J] ont usé et abusé du patrimoine de la société [25] comme s'il s'agissait du leur, que ce mélange des patrimoines révèle des relations financières anormales constitutives d'une confusion des patrimoines car faites au détriment de la société [25] qui s'est appauvrie en en bénéficiant d'aucune contrepartie.
Subsidiairement, le liquidateur judiciaire soutient que le dirigeant de droit (Monsieur [J]) et le dirigeant de fait (Madame [P]) ont commis des fautes de gestion consistant en :
- ne pas déclarer la cessation des paiements de la société [25] dans le délai légal, ce qui dépasse la simple négligence,
- en poursuivant une activité déficitaire sans tirer les conséquences financières et/ou juridiques des pertes, ce qui excède également la simple négligence,
- en ne payant pas les charges sociales et fiscales, les dettes résultant de comportements frauduleux provoquant redressements et pénalités,
- en commettant des irrégularités comptables,
- en s'accordant des paiements préférentiels,
- en faisant preuve d'incurie,
- en s'accordant une rémunération excessive,
- en disposant des biens sociaux dans un intérêt contraire à celui de la société,
Ce qui doit les amener à combler intégralement le passif en application du principe de l'équivalence des conditions.
Enfin, le liquidateur judiciaire conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qui concerne la condamnation à une mesure de faillite personnelle de 15 ans.
Dans ses écritures du 10 décembre 2024, le ministère public conclut à la confirmation de la décision aux motifs que :
« Que l'appelante ne pouvait ignorer d'une part que des transferts financiers ont eu lieu entre la société SARL [25] et des SCI dont elle était associée et co-gérante (SCI [21], SCI [22] et SCI [20]) et d'autre part que des achats ont été acquittés par la société [25] sans aucun lien avec son objet social, et pour certains, livrés à son domicile ; qu'en outre des fonds de la société [25] ont servi au financement d'un appartement en Floride, appartement qu'elle détenait en indivision avec Monsieur [J] ;
Qu'ainsi à titre principal, au vu de ces flux financiers anormaux, il a existé une confusion entre les patrimoines de la SARL [25] et celui de l'appelante, confusion qui justifie une extension de la procédure collective de liquidation judiciaire sur le fondement des dispositions de l'article L.621-2 du code de commerce ;
Qu'il ressort tant des déclarations de Monsieur [J] que des représentants d'organismes publics que l'appelante exerçait en qualité de gérante de fait de la SARL [25] ;
Que notamment l'administration fiscale a fourni des éléments permettant de caractériser la gérance de fait de Madame [P], notamment le fait qu'elle exerçait la gestion administrative, comptable et financière du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2020 ; qu'à cet égard, elle disposait de la signature bancaire, des moyens de paiement attachés aux comptes de l'entreprise, qu'elle avait par ailleurs la capacité d'engager la société au plan commercial ;
Qu'il est par ailleurs établi qu'elle percevait une rémunération supérieure à celle de son ex-époux ;
Qu'à ce titre, les fautes de gestion qui ont été identifiées par le mandataire judiciaire lui sont également imputables en sa qualité de dirigeante de fait de l'entité ;
Qu'au terme de l'article L.653-5 du code de commerce, le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée à l'article L.653-1 contre laquelle il a été relevé l'un des faits ci-après :' »Que tel est bien le cas en l'espèce. »
Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.
DISCUSSION
Sur l'intervention volontaire de la société [14] :
La société [12] a mis fin à son activité professionnelle et a été remplacée par la société [14], selon ordonnances rendues par le président du tribunal de commerce de Nîmes le 18 septembre 2024. L'intervention volontaire de la société [14] es qualités est par conséquent recevable.
Sur l'annulation du jugement :
En accueillant tant la demande principale que subsidiaire du liquidateur, les premiers juges ont commis un excès de pouvoir et il convient de faire droit à la demande d'annulation du jugement déféré.
La cour devra néanmoins statuer en raison de son pouvoir d'évocation.
Sur le défaut de qualité du liquidateur judiciaire :
Aux termes de l'article L.621-2 alinéa 2 du code de commerce « à la demande de l'administrateur, du mandataire judiciaire, du débiteur ou du ministère public, la procédure ouverte peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la personne morale. «
En vertu de ce texte, c'est bien le liquidateur judiciaire es qualités qui a le droit d'agir en extension d'une procédure collective et non le liquidateur judiciaire à titre personnel.
Sur le fond :
Aux termes de l'article L. 621-2 alinéa 2 du code de commerce relatif à la procédure de sauvegarde, applicable à la liquidation judiciaire en vertu de l'article L.641-1 I, « à la demande (') du mandataire judiciaire ('), la procédure ouverte peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes, en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ».
Selon la cour de cassation, les juges du fond, pour caractériser des relations anormales constitutives d'une confusion des patrimoines, n'ont pas à rechercher si ces relations anormales ont augmenté le passif à la procédure collective dont l'extension est demandée.
Com. 16 juin 2015 n°14-10.187
Il n'est pas non plus nécessaire de démontrer que les relations financières anormales aient appauvri la société débitrice soumise à la procédure collective dont l'extension est demandée.
Com. 2 décembre 2016 n°15-13.006
La confusion des patrimoines de plusieurs sociétés peut se caractériser par la seule existence de relations financières anormales entre elles, sans qu'il soit nécessaire de constater que les actifs et passifs des différentes sociétés en cause sont imbriqués de manière inextricable et permanente.
Com. 28/02/2018 n°1624507
Il importe peu que certaines des opérations reprochées soient inscrites en comptabilité dès lors que sont établies des relations financières anormales.
Com. 28/02/2018 n°1626735
Monsieur [J] est divorcé de Madame [P] selon jugement de divorce du 24 septembre 2014. Ils ont néanmoins conservé un compte joint. Madame [P] a son domicile personnel au [Adresse 9], tandis que Monsieur [J] demeure à [Localité 5].
Les documents fiscaux de l'exercice 2017 déposés le 2 juillet 2018 sont signés par le cabinet d'expertise comptable [18]. Il n'est pas produit de comptabilité les années suivantes.
La vérification de la comptabilité de la société [25] arrêtée au 8 décembre 2022 établit, grâce à l'exercice du droit de communication, que la société [15] a facturé de nombreuses ventes d'ameublement à Madame [M] [J] à son adresse personnelle en 2018, 2019 et 2020. Cette société a également transmis des extraits des grand-livres clients au nom de [J], ce qui a permis à l'administration fiscale de retrouver des paiements par chèques ou virements effectués par la société [25].
Le fisc n'a pas retrouvé le mobilier concerné dans les locaux de la société contrôlée. De même, la société [26] a établi des factures pour l'achat de matériel personnel, à savoir un spa jacuzzi à intégrer dans une maison d'habitation, qui a été livré au [Adresse 9], domicile de Madame [P].
Il ressort de la proposition de rectification fiscale de Madame [P] dont il n'est pas argué qu'elle ait fait l'objet d'un recours que l'intéressée a reçu des virements émis par la société [25] pour les montants suivants :
- 97 934 euros en 2018,
- 21 241 euros en 2019,
- 1875 euros en 2020,
Le tout crédité sur des comptes joints.
Si Madame [P] est employée en qualité de conducteur de travaux au sein de la société [25], l'administration fiscale a calculé, sur la base des fiches de paie transmises le 10 mai 2022, que son salaire s'est élevé à :
- 21 820 euros en 2018,
- 11 905 euros en 2019,
- 4 857 euros en 2020, de sorte qu'ils ne couvrent pas le montant des virements ci-dessus spécifiés.
Le conseil de Madame [P] a indiqué à l'administration fiscale que la différence proviendrait de la quote-part de remboursement d'un prêt dont il n'a pas fourni le moindre justificatif et de remboursements de frais dont il n'est pas davantage justifié.
Il est encore indiqué dans ce document que Madame [P] exerçait la gestion administrative, financière et fiscale de la société [25] du 1er Janvier 2018 au 31 décembre 2020, qu'elle disposait sur cette période de la signature bancaire et des cartes bleues attachées aux comptes financiers de l'entreprise et qu'elle pouvait engager la société au plan commercial.
Il est précisé que Madame [P] a bénéficié de dépenses payées par la société [25] qui ont fait l'objet d'une rectification car elles étaient engagées dans son intérêt pour les montants suivants :
- 2018 : 115 393 euros,
- 2019 : 35 218 euros,
- 2020 : 25 087 euros.
Enfin, il est indiqué que Madame [P] a bénéficié d'achats de meubles (bureaux, fauteuils, chaises, bibliothèque) fournis par la société [15] et payés par la société [25], alors qu'ils étaient destinés à sa résidence principale pour un montant de 91 528 euros en 2018, 22 218 euros en 2019 et 1687 euros en 2020; de l'achat d'un jacuzzi livré par [26] d'un montant de 23 865 euros en 2018, de l'achat de bijoux (Diane Bijoux) pour un montant de 3 000 euros en 2019, d'une somme de 4 000 euros en 2020 destiné à l'achat d'un véhicule BMW, d'une somme de 19 400 euros la même année pour l'achat d'un véhicule Mini, d'une somme de 10 000 euros en 2019 pour l'achat d'un véhicule Range Rover.
Dans le cadre du contrôle de la société [25], le service vérificateur a constaté qu'aucune facture n'a été présentée par la société [25] pour le véhicule Range Rover, que celle-ci, d'un montant de 107 800 euros a été émise le 30 septembre 2019 au nom de Madame [J] [M] à son adresse personnelle, que le véhicule a été livré à cette adresse et que c'est Madame [P] [M] qui avait signé le bon de commande le 23 septembre 2019.
La facture précise qu'il s'agit de l'achat d'un véhicule à titre personnel et la carte grise a été établie au nom de Madame [P].
De même, le fournisseur du véhicule Mini a établi la facture de 19 400 euros pour l'achat d'un véhicule à titre personnel au nom de Madame [J] [M] avec mention de son adresse personnelle, après que l'intéressée ait signé elle-même le bon de commande le 2 juin 2020.
Le véhicule a été livré le 23 juin 2020 et la carte grise est au nom de Madame [J]. Aucune facture n'a été présentée à la société [25].
Le paiement par la société [25] de la somme de 4 000 euros correspond à une participation sur l'achat à titre personnel par Madame [J] d'un véhicule BMW le 15 décembre 2020 pour un montant de 94 000 euros. La facture est établie au nom de Madame [J], précise qu'il s'agit de l'acquisition d'un véhicule à titre personnel et mentionne l'adresse du [Adresse 9].
Enfin, s'agissant des bijoux, le service vérificateur a constaté qu'aucune vente n'était facturée à la société [25], que les factures avaient été établies au nom de Madame [J] et qu'elles indiquent l'achat d'objets personnels mais qu'elles ont été payées par chèques de la société [25].
Ainsi, et contrairement à ce que soutient Madame [P], elle a bel et bien bénéficié de fonds provenant de la société [25] pour régler des achats personnels. La preuve en est apportée, non par les seules dénonciations de Monsieur [J], mais essentiellement par l'exercice de son droit de communication par l'administration fiscale, qui n'avait reçu aucune information de la part de Madame [P].
L'administration fiscale applique en effet une majoration de 40% sur les sommes versées notamment par la société [25] au motif que :
'eu égard à l'importance des sommes encaissées sur vos comptes bancaires (') à votre qualité de comptable, de salariée en qualité de chargé d'affaires au sein des sociétés [25] et [29], et fille et ex-épouse dans chacune des entités concernées, vous ne pouviez évidemment pas ignorer les revenus versés sur vos comptes bancaires par les sociétés précitées étaient imposables.
Vous n'avez apporté aucun élément probant s'agissant de l'origine des fonds en cause et n'avez, ni établi, ni justifié, au cours du contrôle, de l'objet et de la nature des sommes litigieuses constituées de revenus de capitaux mobiliers imposables à votre nom au titre des années 2018, 2019 et 2020, ces sommes excédant largement les traitements et salaires perçus comme indiqués au § 6.1 de la présente proposition de rectification.
De plus, au cours de votre ESFP, il est rappelé que vous n'avez à aucun moment pris contact avec le service vérificateur permettant ainsi d'apporter dans le délai legal de deux mois, a minima, des éléments d'informations sur l'origine des fonds transitant sur vos comptes bancaires.
Les éléments invoqués par votre conseil (sommes provenant de la quote-part de remboursement d'un prêt conclu pour l'achat d'un cottage au [16] de votre ex-époux, Monsieur [C] [J] et de remboursement de frais que vous auriez engages pour le compte des sociétés [25] et [29]) n'ont pu être pris en compte en l'absence de tout justificatif'.
Madame [P] conteste désormais l'imputabilité de certaines dépenses:
Elle indique que la société [15] était un fournisseur de [25] et produit 3 factures de mobilier d'un montant modique qui ne concernent absolument pas le mobilier personnel décrit par l'administration fiscale;
Elle soutient que les factures [26] concernent du matériel destiné à des chantiers, quoique livré à son domicile; mais elle ne justifie pas de l'impossibilité de livrer du matériel de ce genre au dépôt de la société [25];
Elle soutient que la preuve n'est pas apportée de ce qu'elle ait bénéficié des bijoux alors que son ex-époux effectuait aussi des achats dans le magasin de bijoux en utilisant son nom et qu'il dispose d'une belle collection de montres de luxe; mais les factures reçues par l'administration fiscale, émises au nom de Madame [J] portent notamment sur des alliances et des colliers;
Elle prétend que Monsieur [J] a procédé à l'acquisition des véhicules et les utilisait; mais il a été vu que les bons de commande, les factures, les cartes grises sont au nom de Madame [J] et il est indifférent que Monsieur [J] ait utilisé lesdits véhicules;
Elle ne disposait pas du pouvoir de signature des comptes bancaires; outre le fait que l'administration fiscale assure l'inverse, le cabinet [18], expert-comptable, atteste que Madame [P] était la gestionnaire de la société [25], qu'elle passait les écritures comptables quotidiennement et qu'elle avait communiqué tous les identifiants et mot de passe pour la mission de vérification de l'expert-comptable; elle était donc parfaitement à même d'effectuer les dépenses de la société [25] à son profit;
Elle produit un tableau des dépenses 'hors objet social' qui comporte des commentaires destinées à l'exonérer des allégations du liquidateur judiciaire; mais elle ne s'explique pas sur les éléments recueillis dans le cadre de sa vérification fiscale;
Elle conteste avoir gagné davantage que le dirigeant de droit; sans rentrer dans le detail de cette argumentation, il sera relevé que le service vérificateur s'est finalement basé sur les fiches de paie et que l'écart entre les sommes mentionnées et les sommes effectivement perçues n'est pas justifié; au contraire l'Urssaf a relevé que les indemnités kilométriques n'ont pu être justifies de manière probante et le tribunal du contentieux de la protection sociale a rejeté le recours de la société [25] le 28 octobre 2021.
Il est donc établi par un faisceau d'indices concordants, qu'il y a eu un mélange patrimonial avec transfert d'actif de la société [25] vers Madame [P], sans qu'il ne soit besoin de caractériser une gestion de fait, que le déséquilibre patrimonial a été significatif, avec absence de contrepartie pour la société [25] et que le caractère anormal et systématique de ces relations financières s'étant poursuivies sur plusieurs années était totalement dépourvu d'intérêt pour la société [25], appauvrie.
Ces relations anormales caractérisent une confusion des patrimoines, quand bien même elles pourraient constituer également des fautes de gestion en cas de gérance de fait de Madame [P].
Le transfert d'actifs pour des sommes conséquentes, pour le bénéfice personnel de Madame [P] rend necessaire et proportionné l'extension de la procédure collective de la société [25] à son égard.
La proposition de rectification fiscale adressée à Monsieur [J] le 8 décembre 2022, dont il n'est pas argué qu'elle ait fait l'objet d'un recours, relate les déclarations de ce dernier au service vérificateur. Monsieur [J] indique que le jugement de divorce intervenu en 2014 a été effectué pour des raisons purement fiscales car il avait déjà fait l'objet d'un contrôle fiscal et il a souhaité préserver son patrimoine personnel en l'affectant à son ex-épouse. Il dit avoir vécu avec Madame [P] jusqu'en juillet 2021, date à laquelle la séparation effective a eu lieu.
Il précise avoir acheté avec Madame [P] (50% chacun) un studio à [Localité 23] dans les années 2010/2012.
Le service vérificateur a constaté que Monsieur [J] a perçu sur ses comptes des revenus d'origine indéterminée pour un montant de 917 080,43 euros en 2018, 258 266,88 euros en 2019 et 479 508,77 euros en 2020.
Il reporte les conséquences du contrôle effectué sur la société [25], à savoir la perception de revenus d'un montant de 29 045 euros en 2019 et 7 879 euros en 2020 qui n'ont pas été retenus comme des dépenses faites dans l'intérêt de la société [25].
Bien que Monsieur [J] conteste la validité du procès-verbal d'assemblée générale l'ayant nommé dirigeant de la société [25], il s'est bien présenté comme le dirigeant de droit auprès de l'administration fiscale, tout en invoquant une gérance de fait de la part de Madame [P].
Il est encore précisé par le service vérificateur que Monsieur [J] disposait de la signature bancaire de la société et des cartes bleues.
Il ressort également du contrôle Urssaf effectué courant 2018 que des incohérences étaient relevées sur le nombre d'indemnités kilométriques allouées à Monsieur [J] et à Madame [P].
A cette occasion, Monsieur [J] avait été entendu par l'Urssaf, sans pour autant verser les justificatifs demandés par cet organisme. Il ne peut donc arguer d'une méconnaissance des dyfonctionnements de la société et quand bien même il n'en aurait pas saisi toute l'ampleur en 2018, il lui incombait en sa qualité de dirigeant de prendre l'attache de son expert-comptable et de se préoccuper de l'état d'une société dont il assurait la direction.
Sa prétendue ignorance des détournements commis au prejudice de la société [25] n'est donc qu'un moyen de se dédouaner en impliquant son ex-épouse en qui il avait cependant suffisamment confiance pour se dépouiller de son patrimoine personnel en raison d'un précédent contrôle fiscal. Monsieur [J] avait toute latitude, en sa qualité de gérant de droit, de dépositaire de la signature bancaire de la société, de se renseigner à ce propos. Alors qu'il avait d'ailleurs l'obligation d'effectuer cette tâche qui lui était dévolue en qualité de dirigeant de droit, l'incurie dont il se prévaut témoigne en réalité de sa mauvaise foi.
En définitive, Il est établi qu'il y a eu un mélange patrimonial avec transfert d'actif de la société [25] vers Monsieur [J] d'un montant de 29 045 euros en 2019 et 7 879 euros en 2020, que le déséquilibre patrimonial a été significatif au vu des sommes perçues par l'intéressé, avec absence de contrepartie pour la société [25] et que le caractère anormal et systématique de ces relations financières s'étant poursuivies sur deux années était totalement dépourvu d'intérêt pour la société [25], appauvrie. Ces relations anormales caractérisent une confusion des patrimoines.
Le transfert d'actifs pour des sommes conséquentes, pour le bénéfice personnel de Monsieur [J] rend nécessaire et proportionné l'extension de la procédure collective de la société [25] à son égard.
Sur la faillite personnelle :
Aux termes de l'article L.653-4 du code de commerce, « Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant, de droit ou de fait, d'une personne morale, contre lequel a été relevé l'un des faits ci-après :
1° Avoir disposé des biens de la personne morale comme des siens propres ;
2° Sous le couvert de la personne morale masquant ses agissements, avoir fait des actes de commerce dans un intérêt personnel ;
3° Avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement ;
4° Avoir poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale ;
5° Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale. »
Selon l'article L.653-5 6° du même code, le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne pour « 6° Avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables ; »
Monsieur [J] est le dirigeant de droit de la société [25].
Madame [P] est accusée par le dirigeant de droit d'avoir été la gérante de fait de la société [25]. Qu'elle ait eu ou non la signature bancaire, Madame [P] avait accès aux fonds de l'entreprise et ne s'est pas privée de les utiliser. Elle était également le lien avec l'expert-comptable et celui-ci atteste qu'elle assurait la gestion de la société. Une procédure pénale relative au recours de travailleurs détachés roumains démontre que ces derniers considéraient tant Monsieur [J] que Madame [P] comme dirigeants de la société [25]. Il en est de même pour l'Urssaf qui se réfère lors de ses opérations de contrôle en 2018 à l'un comme à l'autre pour avoir des explications sur des indemnités kilométriques surévaluées.
Il doit donc être retenu que la société [25] a été co-dirigée par Monsieur [J] et Madame [P].
L'administration fiscale a établi un procès-verbal pour défaut de présentation des comptabilités pour les exercices 2018, 2019 et 2020. Le liquidateur judiciaire n'a reçu aucune comptabilité. Il sera par conséquent fait application de l'article L.653-5 6° du code de commerce.
Le dirigeant de droit et la dirigeante de fait ont utilisé sans vergogne les fonds de la société [25] en s'octroyant des revenus étrangers à l'intérêt social de la société [25]. Il ressort des propres déclarations faites à l'administration fiscale que Monsieur [J] vivait au domicile personnel de Madame [P], de sorte qu'il a bénéficié de l'ameublement et du spa payés par la société [25]. En outre, Madame [P] a acheté des véhicules personnels avec les fonds de la société. Les dirigeants ont donc fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles.
Les dirigeants se sont ainsi illustrés par un comportement de prédateurs vis-à-vis de la société [25] et ce, de manière systématique et assumée pendant plusieurs années, sans que l'écheveau des virements frauduleux et retraits d'espèce n'ait pu être totalement démêlé.
Ils doivent être sanctionnés proportionnellement à la gravité des fautes commises par une mesure de faillite personnelle de 15 ans.
Sur les frais de l'instance :
Monsieur [J] et Madame [P], qui succombent, devront supporter les dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Reçoit l'intervention volontaire de la SELARL [14] es qualités de liquidateur judiciaire de la société [25], de Madame [P] et de Monsieur [J],
Annule le jugement déféré pour excès de pouvoir,
Dit que la SELARL [14] es qualités de liquidateur judiciaire de la société [25] a qualité pour agir en extension de procédure collective à l'encontre de Madame [P] et de Monsieur [J],
Constate l'existence de relations financières anormales entre la SARL [25] et Madame [P] [M] et Monsieur [J] [C], caractéristiques de la confusion des patrimoines,
Ouvre la procédure de liquidation judiciaire sans période d'observation, par extension de celle déjà ouverte à l'encontre la SARL [25], conformément aux articles L.621-1 et L.621-2 alinéa 2 et L.63l-l à L 631-22 du code de commerce,
A l'égard de :
Madame [P] [M]
Domiciliée [Adresse 9]
[Localité 6]
Et à l'égard de
Monsieur [J] [C]
Domicilié [Adresse 8]
[Localité 6]
Fixe au 9 août 2020 la date de cessation des paiements.
Renvoie l'affaire au tribunal de commerce pour désignation du juge-commissaire et du juge commissaire suppléant.
Désigne la SELARL [14], représentée par Me [E] [F], mandataire judiciaire domicilié [Adresse 11] en qualité de liquidateur judiciaire de Monsieur [C] [J] et de Madame [M] [P],
Désigne la SELARL [27] demeurant [Adresse 7], commissaire de justice, aux fins de dresser un inventaire et réaliser une prisée du patrimoine du débiteur ainsi que des garanties qui le grèvent conformément aux dispositions de l'article L641-4 du code de commerce, avec faculté de délégation en cas d'incompétence territoriale.
Fixe le délai de déclaration des créances imparti aux créanciers à deux mois à compter de la publication au bodacc du présent arrêt,
Dit que le liquidateur devra déposer la liste des créances dans le délai de 12 mois à compter de la publication du présent arrêt au bodacc.
Dit en application de l'article L 643-9 du code de commerce que la clôture de la liquidation judiciaire devra être examinée au plus tard le 25 juin 2026 par le tribunal de commerce de Nîmes.
Ordonne à Madame [P] [M] et Monsieur [J] [C] de communiquer sans délai au greffe du tribunal de commerce de Nîmes ainsi qu'au mandataire liquidateur tout changement d'adresse de son domicile personnel afin qu'il/elle puisse être joint(e) à tout moment et sans délai pour les besoins de la procédure.
Vu les articles L. 653-4 3°et 653-5-6° du code de commerce,
Prononce à l'encontre de Madame [M] [P] et de Monsieur [C] [J] une mesure de faillite personnelle pendant une durée de 15 ans chacun.
Dit que la procédure pour obtenir le relèvement de la sanction de la faillite personnelle est régie par les articles L.653-11 et R.653-4 du code de commerce,
Condamne Madame [M] [P] et Monsieur [C] [J] aux dépens de première instance et d'appel.
Dit qu'en application de l'article R.653-3 alinéa 2 du code du commerce, la présente décision sera signifiée à Madame [M] [P] et à Monsieur [C] [J] dans les 15 jours de sa date à la diligence du greffe de la cour d'appel.
Dit qu'une copie de la présente décision sera adressée à la société [14] es qualités de liquidateur judiciaire de la société [25], de Madame [P] et de Monsieur [J], au ministère public, au directeur départemental des Finances Publiques du [Localité 19], conformément aux dispositions de l'article R.621-7 du code de commerce,
Dit qu'une copie de la présente décision sera transmise dans les huit jours de son prononcé au greffier du tribunal de commerce de Nîmes pour l'accomplissement des mesures de publicité prévues aux articles R.621-8 et R.123-124 du code du commerce.