Livv
Décisions

CA Lyon, ch. soc. b, 17 janvier 2025, n° 22/01361

LYON

Arrêt

Autre

CA Lyon n° 22/01361

16 janvier 2025

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 22/01361 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OEFC

S.A.S.U. ATHENA SERVICES A DOMICILE

C/

[Z]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 14 Janvier 2022

RG : 19/01210

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 17 JANVIER 2025

APPELANTE :

Société ATHENA SERVICES A DOMICILE

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Céline GARCIA, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Isabelle ROSADO, avocat au barreau de CHAMBERY

INTIMÉE :

[H] [Z]

née le 25 Mars 1976 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Valérie MALLARD de la SELARL MALLARD AVOCATS, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 15 Novembre 2024

Présidée par Catherine CHANEZ, Conseillère magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Mihaela BOGHIU, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Béatrice REGNIER, Présidente

- Catherine CHANEZ, Conseillère

- Régis DEVAUX, Conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 17 Janvier 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Béatrice REGNIER, Présidente et par Mihaela BOGHIU, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

EXPOSE DU LITIGE

Mme [H] [Z] a été embauchée par la société Athena Services à domicile (ci-après, la société) à compter du 8 août 2017 en qualité d'aide à domicile, suivant contrat à durée indéterminée à temps partiel à raison de 70 heures mensuelles.

La convention collective nationale applicable est celle des entreprises de service à la personne.

Par avenants successifs des 1er septembre 2017, 1er octobre 2017 et 1er janvier 2018, la durée du travail mensuelle a été respectivement fixée à 67 heures, 92,50 heures puis 75 heures.

Le 9 janvier 2019, Mme [Z] a fait l'objet d'un avertissement pour non-respect de la procédure de télépointage.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 15 février 2019, la société a convoqué Mme [Z] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 5 mars 2019 et lui a notifié sa mise à pied conservatoire.

Par lettre recommandée du 5 mars 2019, Mme [Z] a été licenciée pour faute lourde, dans les termes suivants :

« (') Nous sommes donc contraints de vous notifier votre licenciement pour faute lourde, compte tenu des éléments suivants :

En date du 21 janvier 2019, nous sommes informés par voie d'huissier d'une convocation au Tribunal de commerce dans le cadre d'une mesure collective de redressement judiciaire ou liquidation dans lequel apparaît le courrier du 12 décembre 2018 datée par ailleurs de 2019 où vous dénoncez une absence de règlement de salaire de la part de l'entreprise au 5 décembre 2018. Or vous n'étiez pas sans savoir que la procédure d'entreprise prévoit deux périodes de versement au 05 de chaque mois pour les salariés respectant le procédure interne et à défaut au 15 de chaque mois. Nous avons également un courrier de votre part et de la part de Madame [V] adressé directement au procureur de la République « Merci de bien vouloir demander au Tribunal de commerce de saisir d'office afin de prononcer la liquidation judiciaire de la société et de faire appel aux AGS pour nos salaires dus ». Dans ce courrier vous transmettez des informations totalement erronées en faisant état de salaires qui n'étaient pas versées depuis le mois d'octobre. Sauf que vous avez bien été payé sur les dates prévues à la procédure de l'entreprise et que vous n'étiez pas sans le savoir.

Vous n'avez pas respecté la procédure qui est rappelée à chaque réunion d'équipe.

Malgré notre livret d'accueil remis á l'ensemble de nos équipes où la procédure est bien stipulée en page 11 de ce livret d'accueil ainsi que sur la note de service adressée également à l'ensemble des salariés de l'entreprise ATHENA Services à Domicile en date du 05 novembre 2018 où il était stipulé :

« La situation au sujet de la télégestion devient intenable. Malgré nos divers rappels à l'ordre, les créations, modifications et divers saisie au sujet de la télégestion ne cesse de croître du fait du manquement de certains salariés quant à la gestion quotidienne du télépointage.

Nous avons dos obligations et des comptes à rendre auprès de nos différents financeurs de l'APA et de la PCH à savoir le département et la métropole.

Nous avons une marge de tolérance de 5% de modification que nous dépassons trop largement ce qui impacte le financement.

Cette absence de financement génère une perte pour l'entreprise. Ces pertes ne nous permettent pas notamment des avancées sociales en termes d'amélioration de vos conditions de travail. A savoir, mise en place de formation, amélioration des frais professionnels, instaurations de prime'

L'avancée sociale est donc freinée du fait de ces manquements.

Nous allons donc devoir durcir nos exigences quant à cette télégestion.

A savoir que pour tous salariés dépassant les 5% d'absence de télégestion, les virements des paies se feront au 15 du mois au lieu du 5. En effet, la création de l'ensemble de ces prestations génère une perte de temps importante pouvant de ce fait générer des retards dans la gestion des paies. Cette situation étant du fait du manquement de certains des salariés. Sachez que derrière un ordinateur ne se cache pas un robot mais bien un salarié qui se démène au quotidien afin que vous puissiez avoir vos paies dans les temps.

Cette mesure qui s'inscrit comme une obligation engendrera, tout comme le rendu des relevés d'heures en retard ou non signé un règlement des paies au 15 du mois au lieu du 5. Il n'y aura donc pas de cas par cas. Nous vous demandons donc à chacun de bien vouloir respecter cette obligation.

Si cette situation venait à perdurer chez certain, nous serons amenés à envisager des sanctions plus importantes.

Nous vous remercions pour la prise en compte de cette note de service et de la bonne mise en 'uvre de cette dernière. »

Vous étiez donc informée en toute connaissance de cause de la procédure instaurée par l'entreprise et de n'était par ailleurs pas la première fois que vous étiez soumise à la deuxième période de versement des paies.

De plus, en date du 14 décembre 2018 à 12h00, vous envoyez un sms sur le téléphone d'astreinte adressé à un groupe de collègues dont vous êtes à l'initiative : « Bonjour les filles, c'est [H] de chez Athéna service je vous communique par texto de ne plus communiquer avec [B] pour nos problèmes après si c'est pour le travail pas de problème c'est moi qui prends toutes les infos par téléphone je vous remercie de transférer mon numéro à [N] et à [C] [U] »

Par le biais de votre SMS vous demandez et influencez clairement vos collègues de couper tout contact avec votre hiérarchie alors que vous êtes salarié de l'entreprise et que le seul contact que vous devez avoir dans le cadre de votre travail est votre responsable Madame [X] [B].

A l'issue de votre sms, Madame [Y] qui avait le téléphone d'astreinte à ce moment précis vous répond à 12h01 : « Bonjour Madame [Z]'vous n'êtes pas référente administrative. Il y a une adresse mail comptabilité où vous pouvez envoyer vos questions pour cela ». A 12h10 Madame [Y] vous renvoi un sms « Votre message peut être considéré comme une collusion dans l'intention de nuire. »

Vous avez alors répondu à 12h19 « Bonjour Madame, le fait de communiquer entre collègues de travail n'est pas une collusion. Entre autre vu les problèmes que nous avons actuellement est du fait que la société n'applique pas les statuts de nos contrats de travail et cela est du fait de l'employeur. Vous êtes donc informé pour réagir dans ce sens. Bonne journée ».

A 12h24, Madame [Y] vous répond : « Le problème vient du non respect des procédures dans l'entreprise. Qui a concerné ce mois-ci quelques salariés. La procédure prévoit en cas de non respect un règlement au 15 comme ça a toujours été le cas. Et au 5 habituellement qui concerne 28 salariés ce mois-ci.... Donc merci de ne pas faire de quelques cas une généralité pour non respect des procédures internes qui impactent gravement la société.

Vos manquements vont générer 2 mois de retard de paiement de la part de la métropole et du département. Ce qui est très grave. Ce n'est donc pas une sanction mais la procédure du fait que les personnes ne la respectant pas soient payées au 5. Par contre, effectivement nous aurions pu entreprendre des sanctions plus graves du fait de l'impact que cela a engendré' »

Vous répondez à 12h29 : « Que voulez-vous dire par procédures ' Les interventions sont faites en temps et en heure ainsi que le pointage. Il a donc un souci au niveau logiciel donc au niveau de la Mètropole en tous cas pour mon cas. »

Madame [Y] vous répond à 12h31 : « Vous concernant nous avons été confronté à des absences de pointage pour les fins d`interventions. Une note de service a été envoyée à tous les salariés le mois dernier. »

Pour information cette situation a généré 3 mois de retard de paiement.

En date du 25 Février 2019 à 20h54 nous recevons un mail de la part de Monsieur [Z] [T], tuteur de Madame [Z], cliente de nos services intitulé Procédure de licenciement Mme [Z]. Monsieur ne fait nullement partie des effectifs de l'entreprise. Et stipule :

« Bonsoir Madame [Y],

Je me permets de vous envoyer de mail suite à la lettre recommandée reçue ce jour par mon épouse Mme [Z] [H] concernant une procédure de licenciement. En effet, je tiens à vous rappeler que l'embauche de mon épouse par votre société faisait suite à une signature et de votre engagement à employer mon épouse suite à la demande de mon père (décédé) afin que ma maman soit prise en charge par une personne de son entourage. Cette signature s'est faite en présence de Mme [B] [X] et de Mme [W].

A ce jour, vous comptez licencier mon épouse pour quel motif ''' On se pose la question car elle s'occupe très bien de ma maman.

Suite à des soucis de télégestion, vous avez retardé les paiements de salaire, ce qui a entraîné une procédure des salariées concernées. Faut aussi savoir qu'il n'y avait pas que les personnes concernées lors d'une réunion qui s'est déroulée entre elles' Je vous laisse deviner..

Actuellement, ma maman est en gire 1 et le fait de voir d'autres personnes s'occuper d'elle va la perturber ce qui va entraîner une dégradation de sa maladie. Et cela sera de votre fait'Vos bénéficiaires doivent rester votre priorité.

Merci de prendre en considération ce mail,

[T] [Z]. »

Madame [Y] apportera la réponse suivante par mail en date du 21 février à 9h30 :

« Bonjour Monsieur [Z],

Je fais suite à votre mail. Pour toute demande relative à votre relation contractuelle concernant votre mère Madame [Z], je vous informe qu'il faut que vous contactiez Madame [X] la responsable d'agence de [Localité 4]. Pour ma part, vous n'avez donc pas à me contacter car je ne suis pas en charge de cette gestion.

Concernant l'objet de votre mail, sachez que vous n'êtes pas salarié de l'entreprise et que vous n'avez de ce fait aucun lien avec l'organisation interne de l'entreprise. Et nous sommes garant de la discrétion professionnelle. De ce fait, nous n'avons aucune information à transmettre au même titre que vous n'en avez aucune à divulguer en qualité de client et non salarié. Nous sommes donc surpris de vos propos « Suite à des soucis de télégestion, vous avez retardé les paiements de salaire ce qui a entraîné une procédure des salariées concernées. Faut aussi savoir qu'il n'y avait pas que les personnes concernées lors d'une réunion qui s'est déroulée entre elles' Je vous laisse deviner' »

Je vous remercie donc de bien vouloir cesser de faire usage de cette adresse mail et de vous rapprocher de Madame [X] en ce qui concerne uniquement la relation contractuelle de prestations de services auprès de votre mère.

Cordialement.

[R] [Y]

Présidente Directrice Générale »

Vous avez donc fait part d'indiscrétion professionnelle.

Ces faits constatés viennent en manquement de vos obligations de votre contrat de travail comme le prévoit l'article 7 ' SECRET PROFESSIONNEL ' LOYAUTE - COMPORTEMENT A L'EGARD DES CLIENTS : « Le salarié s'engage à se consacrer de façon loyale à son activité pour le compte de la société

L'article 8 ' AUTRES OBLIGATIONS PROFESSIONNELLES : Le salarié est tenu d'observer les dispositions réglementant les conditions de travail applicables à l'entreprise. Il reconnaît avoir reçu et pris connaissance, au jour de son embauche, des informations relatives au fonctionnement de l'entreprise (fiche de poste, livret d'accueil, charte qualité intervenant) et s'engage à les respecter.

Dans la charte qualité que vous avez reçue dans le cadre de la signature de votre contrat de travail il est stipulé :

Lors de la prestation une attitude et une relation strictement professionnelle sont demandées avec le bénéficiaire impliquant respect des consignes, discrétion, courtoisie, savoir être et diplomatie.

L'intervenant se doit d'avoir le même type de relation avec les coordinateurs d'agence.

Cette charte tient compte du règlement intérieur et devra être appliquée et respectée dans son intégralité. Elle ne saurait en rien se substituer aux échanges nécessaires au fil des interventions en cas de problème ou de doute.

Conformément à la convention collective, Section 3 « Clauses particulières du contrat de travail » Article 1 Principe de loyauté : « indépendamment de la formalisation par une clause spécifique du contrat, le salarié est en tout état de cause soumis à un principe de loyauté ».

Article 2 Clause de confidentialité : « Compte tenu de l'exécution de la prestation de travail le plus souvent au domicile du bénéficiaire et de la proximité de la relation entre le bénéficiaire et le salarié résultant de la nature particulières des services à la personne, le salarié s'engage à observer, de la façon la plus stricte, la discrétion la plus absolue sur l'ensemble des faits et informations dont il pourrait avoir connaissance à l'occasion de ses fonctions ou du fait, notamment, de sa présence au domicile du bénéficiaire, vis-à-vis des tiers et des salariés de l'entreprise. Cette obligation de discrétion perdure après la fin de son contrat ».

Section 2 : « Obligations du salarié à l'égard de l'entreprise de services à la personne », Article 2: Obligation de confidentialité et de loyauté: « Le salarié ne communique aucune indication à des tiers portant sur les missions et tâches exécutées. Il ne divulgue en aucune façon les indications qu'il peut recueillir du fait de ses fonctions sur tout ce qui touche à l'organisation de l'entreprise et à ses relations commerciales (') Tout manquement par le salarié aux obligations susmentionnées constitue de se part une faute pouvant entrainer la rupture de son contrat de travail. »

Votre indiscrétion a conduIt par ailleurs Monsieur [Z] [T] à contacter la MDR. (Nous précisons à Monsieur [I] que la MDR est la Maison du Rhône, notre partenaire financeur) afin de se plaindre de votre retard de paiement, qui n'en était pas un, mais qui s'inscrivait bel et bien comme une procédure que vous n'avez pas respecté.

Cette situation dont vous aviez connaissance n'est donc pas du fait de l'entreprise mais de la procédure de l'entreprise que vous ne respectiez pas. Vous avez clairement exposé votre volonté de nuire à l'entreprise dans votre procédé.

A la suite de l'exposition des faits, nous passons à l'échange.

Vous évoquez dans un premier temps nier la connaissance de votre profil de poste, du livret d'accueil et de la charte qualité. Nous vous montrons votre contrat de travail avec la mention à l'article 8 :

ARTICLE 8 - AUTRES OBLIGATIONS PROFESSIONNELLES

Le salarié est tenu d'observer les dispositions réglementant les conditions de travail applicables à l'entreprise. Il reconnaît avoir reçu et pris connaissance, au jour de son embauche, des informations relatives au fonctionnement de l'entreprise (fiche de poste, livret d'accueil, charte qualité intervenant) et s'engage à les respecter.

Nous vous montrons votre signature du contrat de travail ainsi que le paraphage des documents.

Monsieur [I] prend la parole en nous expliquant que vous lui aviez confié ne pas être à l'aise avec la télégestion et cette méconnaissance vous a porté préjudice.

Nous avons donc transmis les mails suivants :

En date du 14 Mai 2018, vous recevez un mai intitulé « Point administratif » où il est notifié

« Bonjour Madame [Z],

Nous en profitions pour faire un point administratif sur le mois écoulé.

Vous avez fait preuve d'une parfaite gestion du télépointage !

Votre solde d'heures au 30 Avril 2018 est de +4,50h.

@ tous les salariés : Pour information, car beaucoup l'ont demandé, la réunion a déjà été comptabilisé dans vos heures de travail pour le mois de février 2018. Nous ne pouvons la comptabiliser tous les mois ;-).

Cordialement.

Le service comptabilité »

En date du 11 Juin 2018, vous recevez un mail intitulé « Point administratif Mai » où il fait notion :

« Bonjour Madame [Z],

Nous Constatons votre aisance dans I'utilisation de la télégestion.

Je vous invite donc à poursuivre en ce sens. II n'est donc pas utile de faire signer vos heures systématiquement.

Garder néanmoins des relevés d'heures vierge en cas où vous ne pouvez pas télépointer ou si vous rencontrez des difficultés quelconque. Vous n'êtes donc pas obligé de faire signer systématiquement.

Pour information votre solde d`heures est de +9,38.

Passez une agréable journée

Cordialement

Le service comptabilité. »

Force est de constater qu'il n'y avait aucun soucis dans la télégestion alors même qu'il s'agissait des premiers mois d'utilisation.

Monsieur [I] explique que vous n'aviez pas la possibilité de faire part de vos difficultés.

Néanmoins, dans notre mail du 06 Novembre 2018, il fait état:

« Madame [Z],

Comme pour l'ensemble des intervenants, nous tenions à faire un point individuel.

Nous avons du créer les interventions au domicile de :

- Madame [Z]

Soit 18 interventions de créées pour 23 de réalisées. D'autant que nous n'avons eu aucun relevé d'heures vous concernant.

Merci de bien vouloir nous en donner la raison.

Si vous rencontrez des difficultés, je vous invite à vous rapprocher de votre responsable.

Pour information, vous avez un compteur positif de 49.64 heures.

Dans l'attente de votre retour. »

Vous n'avez pour autant fait aucun retour auprès de votre responsable Madame [X] alors que nous vous y avons invité.

Vous nous dites également ne pas être à l'aise avec |'outil informatique pour nous Informer. Nous avons eu néanmoins plusieurs mails de votre part et vous n'avez eu aucun souci pour prendre contact avec vos collègues par sms ou par téléphone. Vous n'avez pas mis en place ses procédés auprès de votre responsable d'agence avec qui vous devez rester en lien.

Concernant le courrier envoyé au procureur de la république, vous dites avoir été manipulée, Or, ce courrier stipule deux mois bien distincts de salaires que vous dites impayés, ne qui n'a d'ailleurs pas été le cas, et cette situation sur les deux mois ne concernait que vous en qualité de salarié, malgré la signature de six autres de vos collègues.

Nous vous précisons par ailleurs avoir reçu des courriers de trois des salariés ayant signé ce courrier nous expliquant la pression subit de votre part, l'obligation par ailleurs de bloquer votre numéro de téléphone du fait de votre insistance et que les rencontres dans le cadre de ce procédé se déroulaient à votre domicile. Vous n'avez pas nié les lieux de rendez-vous.

Nous vous expliquons le déroulé de notre audience au Tribunal de Commerce où nous avons été reçu à deux reprises par le procureur de la République qui a regretté votre absence. En effet, vous n'aviez transmis aucune adresse de correspondance afin qu'il puisse vous convoquer.

Nous vous demandons si vous avez des éléments complémentaires à nous apporter. Et vous nous confirmez la clôture de notre échange.

A aucun moment vous n'avez présenté vos excuses auprès de votre employeur bien que vous ayez reconnu que vous n'auriez pas du agir sous I 'impulsivité et que vous n'auriez pas du envoyer ce courrier.

Vous avez clairement démontré votre volonté de nuire à l'entreprise en faisant de fausses déclarations directement auprès du procureur de la République tout en employant des procédés de pression auprès de vos collègues qui n'ont pas manqué de nous en informer par courrier.

Ces fausses déclarations non seulement ont porté préjudice à l'entreprise mais nous nous réservons le droit de vous poursuivre pénalement comme nous vous l'avons exposé lors de l'entretien. En effet, toute fausse déclaration est passible d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende selon les dispositions de l'article 441-7 du code pénal réprimant l'établissement d'attestations faisant état de faits matériellement inexacts.

La gravité exceptionnelle des faits qui vous sont reprochés rend impossible votre maintien dans l`entreprise, y compris pendant la durée de votre préavis (') »

Par requête reçue le 2 mai 2019, Mme [Z] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon aux fins de contester le bien-fondé de son licenciement et voir condamner son employeur au paiement de diverses sommes à caractère indemnitaire et salarial.

Par jugement du 14 janvier 2022, le conseil de prud'hommes a notamment :

Condamné la société à verser à Mme [Z] les sommes suivantes :

725,25 euros de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire, outre 72,52 euros de congés payés afférents ;

725,25 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 72,52 euros de congés payés afférents ;

645,55 euros de congés payés non pris ;

382,77 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

725,25 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

1 500 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail (préjudice moral, préjudice matériel et licenciement vexatoire) ;

Ordonné la délivrance et la remise à Mme [Z] par la société des documents de fin de contrat et les bulletins de paie modifiés, sous astreinte de 30 euros par jour de retard, à compter du 30ème jour suivant la notification du jugement ;

Condamné la société à verser à Mme [Z] la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Débouté les parties de toutes leurs demandes plus amples ou contraires ;

Condamné la société aux dépens.

Par déclaration du 15 février 2022, la société a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées, déposées au greffe le 19 octobre 2022, elle demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, à titre principal, de débouter Mme [Z] de ses demandes et, à titre subsidiaire, de requalifier le licenciement en faute grave, à titre infiniment subsidiaire, de requalifier le licenciement pour cause réelle et sérieuse et, en tout état de cause, de condamner Mme [Z] à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile concernant la première instance outre 1 500 euros concernant la présente procédure, et à prendre en charge les dépens d'instance.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées, déposées au greffe le 20 juillet 2022, Mme [Z] demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a limité le quantum des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 725,25 euros, alloué une somme globale de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail (préjudice moral, préjudice matériel et licenciement vexatoire), et en ce qu''il l'a déboutée de ses demandes tendant à la condamnation de la société à lui verser la somme de 3 500 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice né de l'exécution fautive du contrat de travail, la somme de 1 500 euros de dommages et intérêts pour préjudice matériel distinct, la somme de 1 500 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct et la somme de 1 500 euros de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire, et, statuant à nouveau, de :

Condamner la société à lui payer les sommes suivantes :

3 500 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice né de l'exécution fautive du contrat de travail ;

1 504,50 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

1 500 euros de dommages et intérêts pour préjudice matériel distinct ;

1 500 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct ;

1 500 euros de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire ;

3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'appel ;

Condamner la société aux dépens d'instance et d'appel ;

Débouter la société de toutes ses demandes plus amples ou contraires.

La clôture de la mise en état a été ordonnée le 8 octobre 2024.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de « constatations » ou de « dire » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions dans la mesure où elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques ou qu'elles constituent en réalité des moyens.

1-Sur le licenciement

Aux termes de l'article L.1235-1 du code du travail, le juge doit apprécier la régularité de la procédure de licenciement et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur.

En application de l'article L.1232-6 du même code, la lettre de licenciement, éventuellement complétée en application de l'article R.1232-13, fixe les limites du litige. La cause du licenciement doit être objective et reposer sur des faits matériellement vérifiables. Les faits doivent être établis et constituer la véritable cause de licenciement. Ils doivent être suffisamment pertinents pour justifier le licenciement. Il appartient au juge du fond, qui n'est pas lié par la qualification donnée au licenciement, de vérifier la réalité des faits reprochés au salarié et de les qualifier, puis de dire s'ils constituent une cause réelle et sérieuse au sens de l'article L.1232-1 du code du travail, l'employeur devant fournir au juge les éléments lui permettant de constater le caractère réel et sérieux du licenciement.

La faute lourde est caractérisée par l'intention de nuire à l'employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d'un acte préjudiciable à l'entreprise.

Il incombe à l'employeur de rapporter la preuve de la faute lourde et de l'intention de nuire qui la caractérise.

En l'espèce, la lettre de licenciement se fonde sur les griefs suivants :

Le courrier adressé le 14 décembre 2018 au procureur de la République pour lui demander de saisir le tribunal de commerce aux fins de liquidation judiciaire de la société sur la base de renseignements tronqués ;

Le SMS envoyé le 14 décembre 2018 à ses collègues afin de leur demander de couper tout contact avec la hiérarchie ;

Le courriel adressé par son conjoint M. [Z], à la société le 25 février 2019 évoquant les problèmes de télégestion dont elle lui aurait fait part et le courrier adressé, également par M. [Z], à la MDR sur les retards apportés au paiement des salaires ;

Les pressions exercées sur 3 des salariées ayant signé un courrier de revendication le 12 décembre 2018, avec copie à l'inspection du travail.

Mme [Z] ne conteste pas la matérialité de ses faits, à l'exception des pressions exercées sur ses collègues.

Il ressort des divers éléments communiqués par l'employeur qu'alors que Mme [Z] savait parfaitement utiliser le système de télépointage, puisqu'elle avait reçu à deux reprises un courrier de satisfaction du service de la comptabilité (14 mai et 11 juin 2018), elle a cessé d'en faire un usage régulier au cours des mois suivants, de même que certaines de ses collègues. Ces mauvaises pratiques générant une perte de temps pour le service chargé de la paye, la société a décidé de continuer à verser le salaire des employés respectueux de la procédure le 5 du mois et d'en différer le paiement au 15 du mois pour les autres. Ce changement a été explicité et annoncé par courriel de Mme [X], du service comptabilité, en date du 5 novembre 2018 et en tout état de cause, Mme [Z] ne conteste pas en avoir eu connaissance.

Dans le courrier signé par Mme [Z] et Mme [V], également salariée de la société Athena Services à domicile, à destination du procureur de la République et daté du 14 décembre 2018, celles-ci se sont contentées d'indiquer : « Merci de bien vouloir demander au tribunal de commerce de se saisir d'office afin de prononcer la liquidation judiciaire de la société et de faire appel aux AGS pour nos salaries dus » et de joindre la lettre signée de 7 salariées et envoyée en courrier recommandé avec avis de réception à l'employeur, le 12 décembre précédent, dans lequel il était indiqué que le salaire d'octobre avait été viré avec retard et que le salaire de novembre ne l'avait pas encore été.

Ce faisant, Mme [Z] et Mme [V] se sont abstenues d'exposer au procureur de la République l'intégralité de la situation, si bien qu'il a pu penser que la société se trouvait en état de cessation des paiements. Mme [Z] ne peut faire valoir qu'elle n'a fait qu'user du droit que lui donnait l'article L.640-5 du code de commerce dans la mesure où précisément elle a abusé de ce droit en rapportant une situation parcellaire, de nature à fausser l'appréciation du procureur de la République, et qu'en tout état de cause, elle n'était pas créancière de la société, son salaire de novembre devant être réglé le 15 décembre 2018 et les précédents ayant tous été intégralement payés.

En agissant ainsi, dans le but annoncé de déclencher l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre de la société, alors qu'elle savait que le décalage apporté au paiement des salaires n'était aucunement causé par un manque de trésorerie, Mme [Z] a failli à son obligation de loyauté et a fait montre d'une réelle intention de nuire à son employeur. Le licenciement pour faute lourde était justifié et l'examen des autres griefs soulevés par l'employeur serait superfétatoire.

Le jugement sera infirmé de ce chef et Mme [Z] sera déboutée de ses demandes relatives à la rupture.

2-Sur l'indemnité de congés payés

L'article L.3141-28 du code du travail dispose en ses deux premiers alinéas :

« Lorsque le contrat de travail est rompu avant que le salarié ait pu bénéficier de la totalité du congé auquel il avait droit, il reçoit, pour la fraction de congé dont il n'a pas bénéficié, une indemnité compensatrice de congé déterminée d'après les articles L.3141-24 à L.3141-27.

L'indemnité est due que cette rupture résulte du fait du salarié ou du fait de l'employeur.»

Cet article est d'ordre public, si bien que l'employeur est redevable de l'indemnité de congés payés nonobstant les dispositions contraires de la convention collective.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

3-Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

En application de l'article L 1222-1 du code du travail, le contrat de travail s'exécute de bonne foi. Cette obligation est réciproque.

Mme [Z] soutient que l'employeur a failli à plusieurs reprises à son obligation de loyauté, en virant pendant plusieurs mois son salaire avec retard, en ne remboursant pas ses frais professionnels, en lui imposant 8 jours de congé à compter du 14 décembre 2018, en la licenciant de façon abusive et en supprimant 22 jours de congés acquis de son dernier bulletin de salaire pour ne pas avoir à les lui rémunérer, tout en les déclarant au Pôle emploi.

Sur le premier point, le contrat de travail ne prévoyait pas une date de versement du salaire et, si l'employeur a l'obligation de respecter la périodicité mensuelle de paiement des salaires, il n'est pas tenu de respecter une date précise. En l'occurrence, le décalage apporté au virement du salaire de Mme [Z] sur les derniers mois de la relation s'explique par son non-respect des consignes données quant à l'utilisation du télépointage. Les frais professionnels étaient payés en même temps que le salaire et Mme [Z] n'allègue ni ne démontre qu'ils n'étaient pas intégralement pris en charge.

Concernant les congés pris à compter du 14 décembre 2018, l'employeur soutient avoir recueilli l'accord de la salariée. Il n'en justifie pas, mais la cour relève avec lui que contrairement à ce qu'elle soutient, il ressort des tableaux « Domatel » qu'elle communique que Mme [Z] était exclusivement chargée d'intervenir auprès de sa belle-mère. Dans son courrier, M. [Z] affirme en outre que son épouse a été recrutée dans cet objectif. Sa belle-mère ayant été hospitalisée le 14 décembre 2018, la cour considère que l'employeur n'a commis aucun manquement au contrat de travail en fixant le solde des congés de la salariée sur cette période alors que cette solution, qui n'a suscité aucune remarque particulière de sa part avant la saisine du conseil de prud'hommes, était de nature à contenter les deux parties.

Enfin, la cour considère que le licenciement était justifié et sur l'indemnité de congés payés, l'employeur a simplement fait application des dispositions de la convention collective qui prévoyaient de ne pas verser d'indemnité de congés payés aux salariés licenciés pour faute grave ou lourde. Il ne peut donc être jugé qu'il a commis une faute contractuelle, même s'il a reporté les congés restant à prendre sur l'attestation destinée au Pôle emploi.

Le jugement sera en conséquence infirmé de ce chef et Mme [Z] déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

4-Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Les dépens de première instance et d'appel seront laissés à la charge de Mme [Z].

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile, tant pour la procédure de première instance que pour la procédure devant la cour.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Infirme le jugement entrepris, sauf sur l'indemnité pour congés payés non pris ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute Mme [H] [Z] de l'ensemble de ses demandes relatives à la rupture et de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

Laisse les dépens de première instance et d'appel à la charge de Mme [H] [Z] ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure pour la procédure de première instance et pour la procédure d'appel .

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site