CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 17 janvier 2025, n° 22/13998
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Ruq Productions (SAS), Little Bros (SARL)
Défendeur :
Tout Sur L'Ecran Productions (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Ardisson
Conseillers :
Mme de La Simone, Mme Guillemain
Avocats :
Me Bellichach, Me Del Forno, Me Merveilleux, Me Debien, Me Astolphe, Me Lallement, Me Chappuis, SELARL BDL Avocats
FAITS ET PROCEDURE
La SAS Tout sur l'Ecran Productions (la société TSE) est une société de production de programmes audiovisuels. Elle a été fondée par Mme [W] [N] et M. [Z] [B], qui continuent à l'animer.
La SAS Ruq Productions (la société Ruq) est une société de production audiovisuelle fondée par l'animateur M. [S] [H], qui a pour objet la création, la diffusion, la présentation et l'animation d'émissions télévisées.
La SARL Little Bros est une société de production artistique représentant les intérêts de M. [H]. Elle est représentée par M. [L] [A], l'agent de M. [H].
Durant les années 2001 à 2010, les parties ont conclu de nombreux contrats à durée déterminée ayant pour objet la production de programmes télévisuels destinés à être diffusés sur les chaînes du service public, notamment la chaîne de télévision France 2. La société TSE était alors le producteur des émissions, dont elle confiait l'animation à la société Ruq, en contrepartie d'une rémunération.
Tel était notamment le cas de l'émission intitulée « On n'est pas couché », animée par M. [S] [H], qui devait être diffusée sur la chaîne France 2 pour une première saison, à compter de l'année 2006/2007, jusqu'à une quatorzième saison, ayant pris fin à l'issue de l'année 2019/2020.
A compter de l'année 2009, la relation entre les parties s'est muée en partenariat. Pour chaque saison, la société TSE et la société Ruq signaient ainsi des contrats de coproduction des émissions, prévoyant une répartition des recettes. L'ensemble de ces contrats, à durée déterminée, était, par ailleurs, conclu en présence de la société Little Bros, qui percevait une commission sur les montants revenant à la société Ruq.
M. [H] n'a pas souhaité reconduire la production de l'émission « On n'est pas couché » pour la saison 2020/2011, ce qu'il a confirmé dans une interview publiée, le 18 avril 2020, dans le journal Le Parisien, en annonçant que celle-ci prendrait fin dès le mois de juin 2020.
Immédiatement après cette annonce publique, la société France Télévision a, par courriels du 21 avril 2020, informé Mme [N] et M. [H] qu'elle prenait acte de la volonté exprimée par ce dernier, et qu'elle prenait la décision de ne pas renouveler le programme pour la saison 2020/2021, compte tenu du caractère indissociable de l'émission avec la personnalité de son présentateur.
Par courriels en date des 24 et 30 avril 2020, M. [A] a indiqué à la société TSE que la fin de l'émission « On n'est pas couché », qui constituait alors le seul programme commun des coproducteurs, impliquait la fin de la relation avec la société Ruq.
La dernière émission a été diffusée sur la chaîne de télévision France 2, le 3 juillet 2020. Ce même jour, la société France Télévisions a annoncé que M. [H] animerait, à compter de la prochaine saison, une nouvelle émission intitulée « On est en direct », le samedi, en seconde partie de soirée.
Suivant exploit du 21 avril 2021, les sociétés Ruq et Little Bros ont fait assigner la société TSE devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris, en paiement de provisions correspondant au solde de plusieurs factures.
Aux termes d'une ordonnance rendue le 19 mai 2021, le président du tribunal a dit n'y avoir lieu à référé et a renvoyé l'affaire devant la formation collégiale du tribunal, afin qu'il soit statué sur le fond.
Par actes du 12 mai 2021, la société TSE a assigné, à son tour, la société Ruq et la société Little Bros devant le tribunal de commerce de Paris, à l'effet d'obtenir leur condamnation à l'indemniser du préjudice résultant de la rupture brutale d'une relation commerciale établie, ainsi que le paiement de plusieurs créances liées à l'apurement des comptes de coproduction de l'émission.
Par jugement en date du 20 juin 2022, le tribunal a :
Ordonné la jonction des procédures,
Déclaré recevables les demandes de la société TSE,
Débouté la société Ruq de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Condamné la société Ruq à verser à la société TSE la somme de 780.340 € à titre de dommages-intérêts, en compensation de la perte de marge sur coûts variables du fait de l'insuffisance du préavis de rupture,
Condamné la société Ruq à verser à la société TSE la somme de 219.375 € en indemnisation des licenciements économiques causés par la brutalité de la rupture,
Condamné la société Ruq à payer à la société TSE la somme de 617.337,27 € HT,
Condamné la société Little Bros à payer à la société TSE la somme de 24.693,50 € HT,
Condamné la société TSE à payer à la société Ruq la somme de 167.573,17 € HT,
Condamné la société TSE à payer à la société Little Bros la somme de 5.371,21 € HT,
Ordonné la compensation entre les créances réciproques des parties,
Débouté la société TSE de sa demande visant à enjoindre sous astreinte à la société Ruq et la société Little Bros de lui fournir un état de toutes les exploitations secondaires de l'émission « On n'est pas couché »,
Condamné in solidum la société Ruq et la société Little Bros à payer à la société TSE globalement la somme de 30.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
Condamné in solidum la société RUQ et la société Little Bros aux dépens.
Les sociétés Ruq et Little Bros ont formé appel du jugement, par déclaration du 21 juillet 2022.
Par conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats, le 19 janvier 2023, la société TSE a interjeté un appel incident.
Dans ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique, le 4 juillet 2024, la SAS Ruq Productions demande à la Cour, au visa des articles L. 442-1, II, du code de commerce, 1240 du code civil, et 564, 566 et 567 du code de procédure civile, de :
«
Déclarer l'appel de la société Ruq Productions recevable ;
Infirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 20 juin 2022 sauf en ses dispositions ne causant pas grief à l'appelante ;
Sur la rupture brutale des relations commerciales
Juger que la société Tout Sur l'Ecran Productions ne pouvait pas légitimement s'attendre à la poursuite de sa relation commerciale avec la société Ruq Productions, et que celle-ci n'était donc pas établie ;
Juger que, en prévenant la société Tout Sur l'Ecran Productions le 24 avril 2020 d'un arrêt des relations le 30 juin 2020, la société Ruq Productions lui a accordé un préavis suffisant, et que la rupture n'était donc pas brutale ;
Juger que les actes de la société Ruq Productions ne sont pas la cause du préjudice dont la société Tout Sur l'Ecran Productions réclame l'indemnisation, dont la consistance n'est pas établie ;
En conséquence,
Infirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 20 juin 2022 en ce qu'il a condamné la société Ruq Productions à payer à la société Tout Sur l'Ecran Productions les sommes de 780.340 euros au titre de sa perte de marge sur coûts variables et de 219.375 euros au titre des licenciements économiques qu'elle a effectués ;
Et, statuant à nouveau,
Débouter la société Tout Sur l'Ecran Productions de l'ensemble de ses demandes sur le fondement de l'article L. 442-1 II du Code de commerce ;
A titre subsidiaire,
Limiter l'indemnisation de la société Tout Sur l'Ecran Productions au titre de la perte de marge à la somme de 56.144 euros par mois de préavis ;
Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 20 juin 2022 en ce qu'il a limité l'indemnisation de la société Tout Sur l'Ecran Productions au titre du coût des licenciements économiques à la somme de 219.375 euros ;
En tout état de cause,
Débouter la société Tout Sur l'Ecran Productions de son appel incident sur l'indemnisation accordée au titre de la perte de marge et des coûts de licenciements économiques ;
Sur l'apurement des comptes de coproduction
Juger que les recettes perçues par la société Tout Sur l'Ecran Productions au titre des émissions Best Of devaient être partagées pour moitié avec la société Ruq Productions en application du contrat de coproduction ;
En conséquence,
Infirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 20 juin 2022 en ce qu'il a condamné la société Ruq Productions à payer à la société Tout Sur l'Ecran Productions la somme de 611.288,99 euros HT et en ce qu'il a débouté la société Ruq Productions de ses demandes à hauteur de 95.670,08 euros HT ;
Le confirmer pour le surplus ;
Et, statuant à nouveau,
Débouter la société Tout Sur l'Ecran Productions de ses demandes de restitution des sommes versées à la société Ruq Productions au titre des émissions Best Of ;
Condamner la société Tout Sur l'Ecran Productions à payer à la société Ruq Productions la somme de 263.243,25 euros HT au titre de ses factures impayées, avec intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2020, date de la mise en demeure ;
Déclarer recevables les demandes formées par la société Ruq Productions en cause d'appel ;
Condamner la société Tout Sur l'Ecran Productions à payer à la société Ruq Productions la somme de 212.912 euros HT au titre du solde positif de la marge de coproduction pour la saison 2019/2020 de l'Émission ;
Condamner la société Tout Sur l'Ecran Productions à payer à la société Ruq Productions la somme de 96.096 euros HT au titre de sa quote-part sur les revenus tirés des émissions Best Of pour la saison 2019/2020 de l'Émission ;
Condamner la société Tout Sur l'Ecran Productions à produire à la société Ruq Productions le détail des recettes qu'elle a retirées des exploitations secondaires des programmes coproduits au cours des exercices 2020, 2021, 2022 et 2023 ;
A titre subsidiaire,
Déclarer la société Tout Sur l'Ecran Productions irrecevable en sa demande portant sur le livre "On préfère encore en rire" ;
En tout état de cause,
Débouter la société Tout Sur l'Ecran Productions de son appel incident sur l'apurement des comptes de coproduction ;
En tout état de cause
Débouter la société Tout Sur l'Ecran Productions de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
Ordonner la compensation entre les sommes dues par la société Ruq Productions à la société Tout Sur l'Ecran Productions et les sommes dues par la société Tout Sur l'Ecran Productions à la société Ruq Productions ;
Infirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 20 juin 2022 en ce qu'il a condamné la société Ruq Productions à payer à la société Tout Sur l'Ecran Productions la somme de 30.000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamner la société Tout Sur l'Ecran Productions à payer à la société Ruq Productions la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens de première instance et d'appel. »
Dans ses dernières conclusions, transmises par voie électronique, le 19 avril 2023, la SARL Little Bros demande à la Cour, sur le fondement des articles 564,566 et 567 du code de procédure civile, de :
«- Infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a condamné LITTLE BROS à reverser les sommes dues au titre des Best Of à TOUT SUR L'ECRAN PRODUCTIONS pour les saisons 2015/2016, 2016/2017 et 2017/2018 pour un montant de 24.451,57 euros HT ;
- Infirmer le jugement en ce qu'il a limité la condamnation de TOUT SUR L'ECRAN PRODUCTIONS à payer à LITTLE BROS la somme de 5.371,21 HT au titre des factures impayées et en ce qu'il a débouté LITTLE BROS de ses demandes à hauteur de 3.826,80
euros HT ;
- Infirmer le jugement en ce qu'il a condamné in solidum LITTLE BROS et RUQ PRODUCTIONS à payer à TOUT SUR L'ECRAN PRODUCTIONS la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de la procédure ;
- Confirmer le jugement en ce qu'il a reconnu que le coût des licenciements ne devait pas être intégré dans le bilan de coproduction pour la saison 2019/2020 rendant la marge positive ;
- Confirmer le jugement en ce qu'il a reconnu que LITTLE BROS était redevable envers TOUT SUR L'ECRAN PRODUCTIONS de la somme de 241,93 euros HT au titre des vidéo-clips ;
Statuant à nouveau :
' Sur l'apurement des comptes de coproduction :
' Débouter TOUT SUR L'ECRAN PRODUCTIONS de ses demandes de restitution des sommes versées à LITTLE BROS au titre des émissions Best Of pour les saisons 2015/2016, 2016/2017 et 2017/2018 ;
' Condamner TOUT SUR L'ECRAN PRODUCTIONS à payer à LITTLE BROS la somme de 24.451,57 euros HT au titre des Best-of pour les saisons 2015/2016, 2016/2017 et 2017/2018 ;
' Condamner TOUT SUR L'ECRAN PRODUCTIONS à payer à LITTLE BROS, la somme de 9.198,01 euros HT, au titre des factures impayées, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date d'exigibilité de chaque facture ;
' Donner acte à TOUT SUR L'ECRAN PRODUCTIONS qu'elle ne conteste pas les factures de LITTLE BROS à hauteur de 5.371,21 euros, somme augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date d'exigibilité de chaque facture ;
' Ordonner la compensation entre les sommes dues par TOUT SUR L'ECRAN PRODUCTIONS à LITTLE BROS et les sommes dues par LITTLE BROS à TOUT SUR L'ECRAN PRODUCTIONS ;
' Sur les demandes liées à la marge positive et aux Best-of de la saison 2019/2020 :
' Déclarer recevables les demandes formées par LITTLE BROS en cause d'appel ;
' Condamner TOUT SUR L'ECRAN PRODUCTIONS à payer à LITTLE BROS, la somme de 8.516,50 euros HT, au titre de la marge non perçue pour la saison 2019/2020 de l'émission ;
' Condamner TOUT SUR L'ECRAN PRODUCTIONS à payer à LITTLE BROS, la somme de 3.696 euros HT, au titre de la quote-part des Best of non perçus pour la saison 2019/2020 de l'émission ;
' Condamner à TOUT SUR L'ECRAN PRODUCTIONS à produire à LITTLE BROS le détail des ventes du catalogue et des recettes qu'elle a retirées des émissions coproduites avec RUQ PRODUCTIONS au cours des exercices 2020, 2021 et 2022 ;
' Débouter TOUT SUR L'ECRAN PRODUCTIONS de sa demande de condamnation de LITTLE BROS à lui verser, au titre du solde négatif du compte de coproduction du programme ONPC saison 2019/2020 la somme de 7.492,29 euros HT ainsi que de sa demande subsidiaire de condamnation supplémentaire à hauteur de 1.598,08 euros TTC ;
En tout état de cause :
' Débouter TOUT SUR L'ECRAN PRODUCTIONS de son appel incident ;
' Débouter TOUT SUR L'ECRAN PRODUCTIONS de l'ensemble de ses demandes fins et prétentions ;
' Condamner TOUT SUR L'ECRAN PRODUCTIONS à payer à LITTLE BROS la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
' Condamner TOUT SUR L'ECRAN PRODUCTIONS aux entiers dépens de la procédure. »
Dans ses dernières conclusions, transmises par voie électronique, le 27 août 2024, la SAS Tout sur l'Ecran Productions demande à la Cour de :
« I- SUR LA RUPTURE BRUTALE DES RELATIONS COMMERCIALES ETABLIES
Vu l'article L. 442-1, II du Code de commerce,
- CONFIRMER en son principe le jugement rendu le 20 juin 2022 par le Tribunal de commerce de Paris, en ce qu'il a jugé que la société RUQ PRODUCTIONS avait brutalement rompu sa relation commerciale établie avec la société TOUT SUR L'ECRAN PRODUCTIONS et en ce qu'il a condamné RUQ PRODUCTIONS à indemniser TOUT SUR L'ECRAN PRODUCTIONS au titre de la perte de marge sur coûts variables qu'elle a subie du fait de l'insuffisance du préavis de rupture et au titre du coût des licenciements économiques causés par la brutalité de la rupture ;
Recevant TOUT SUR L'ECRAN en son appel incident de ces chefs,
- INFIRMER le jugement entrepris du chef de la durée du préavis de rupture et du chef du quantum des dommages-intérêts alloués à TOUT SUR L'ECRAN PRODUCTIONS au titre de la perte de marge sur coûts variables et du coût des licenciements économiques ;
Statuant à nouveau,
- CONDAMNER la société RUQ PRODUCTIONS à verser à la société TOUT SUR L'ECRAN PRODUCTIONS la somme de 1.693.928 euros à titre de dommages-intérêts, en compensation de la perte de marge sur coûts variables subie par la société TOUT SUR L'ECRAN PRODUCTIONS du fait de l'insuffisance du préavis de rupture ;
- CONDAMNER la société RUQ PRODUCTIONS à verser à la société TOUT SUR L'ECRAN PRODUCTIONS la somme de 460.267,24 euros à titre de dommages-intérêts complémentaires, en indemnisation du coût des licenciements économiques auxquels TOUT SUR L'ECRAN PRODUCTIONS a été contrainte de procéder du fait de la brutalité de la rupture (étant entendu que le coût des licenciements supporté par TOUT SUR L'ECRAN s'est élevé au final à 905.378,74 euros et que RUQ PRODUCTIONS, en sa qualité de coproducteur, est censée supporter ces frais des licenciements à hauteur de 445.111,50 euros dans le cadre de l'apurement des comptes de la coproduction de l'émission « On n'est pas couché ») ;
II - SUR L'APUREMENT DES COMPTES DE LA COPRODUCTION DE L'EMISSION « ON N'EST PAS COUCHE » (ONPC)
Vu notamment les articles 6 et 7.3 des contrats de coproduction entre les parties,
1/ sur les créances de TOUT SUR L'ECRAN envers RUQ et LITTLE BROS
Recevant TOUT SUR L'ECRAN en son appel incident de ce chef,
- INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société TOUT SUR L'ECRAN PRODUCTIONS de ses demandes envers les sociétés RUQ PRODUCTIONS et LITTLE BROS au titre de leur contribution à la perte de 389.599,34 euros HT résultant du bilan de coproduction de la dernière saison (2019/2020) du programme ONPC ;
Statuant à nouveau,
- CONDAMNER la société RUQ PRODUCTIONS à verser à la société TOUT SUR L'ECRAN PRODUCTIONS la somme de 224.768,85 euros TTC (187.307,37 euros HT), au titre du solde négatif du compte de coproduction du programme ONPC sur la saison 2019/2020 ;
- CONDAMNER la société LITTLE BROS, au même titre, à verser à la société TOUT SUR L'ECRAN PRODUCTIONS la somme de 8.990,75 euros TTC (7.492,29 euros HT) ;
- CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société RUQ PRODUCTIONS à verser à la société TOUT SUR L'ECRAN PRODUCTIONS la somme de 733.546,79 euros TTC (611.288,99 euros HT), au titre de la restitution des sommes que TOUT SUR L'ECRAN PRODUCTIONS lui avait indûment versées concernant les Best of de l'émission ONPC ;
- CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société LITTLE BROS à verser à la société TOUT SUR L'ECRAN PRODUCTIONS la somme de 29.341,89 euros TTC (24.451,57 euros HT), au titre de la restitution des sommes que TOUT SUR L'ECRAN PRODUCTIONS lui avait indûment versées concernant les Best of de l'émission ONPC ;
- CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société RUQ PRODUCTIONS à verser à la société TOUT SUR L'ECRAN PRODUCTIONS la somme de 7.257,93 euros TTC (6.048,28 euros HT), au titre de la refacturation des droits de diffusion des vidéoclips diffusés en 2018 dans l'émission « On n'est pas couché » ;
- CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société LITTLE BROS, au même titre, à verser à la société TOUT SUR L'ECRAN PRODUCTIONS la somme de 290,32 euros TTC (241,93 euros HT) ;
Ajoutant au jugement entrepris,
- ASSORTIR les condamnations allouées à TOUT SUR L'ECRAN PRODUCTIONS, des chefs précédents, des intérêts légaux à compter du 12 janvier 2021 ;
Recevant TOUT SUR L'ECRAN en son appel incident de ce chef,
- INFIRMER le jugement entrepris en qu'il a rejeté la demande de TOUT SUR L'ECRAN PRODUCTIONS relative à la communication des recettes perçues par RUQ PRODUCTIONS et LITTLE BROS au titre du livre « On préfère encore en rire » ;
Statuant à nouveau et à titre reconventionnel,
- CONDAMNER la société RUQ PRODUCTIONS à verser la somme forfaitaire de 100.000 euros à la société TOUT SUR L'ECRAN PRODUCTIONS, au titre de sa quote-part sur les recettes secondaires tirées du livre « On préfère encore en rire » ;
2/ sur les créances invoquées par RUQ envers TOUT SUR L'ECRAN
- DONNER ACTE à la société TOUT SUR L'ECRAN PRODUCTIONS qu'elle ne conteste pas la facture RUQ n°2005040 du 29 mai 2020 de 8.484,96 euros TTC (7.707,80 euros HT) et la facture RUQ n°2005042 du 29 mai 2020 de 3.249,26 euros TTC (2.707,72 euros HT) ;
- CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que la facture RUQ n°2005041 du 29 mai 2020 de 264.205,78 euros TTC (220.171,48 euros HT) n'était due qu'à hauteur de 149.401,68 euros TTC (124.501,40 euros HT) ;
Recevant TOUT SUR L'ECRAN en son appel incident de ce chef,
- INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société TOUT SUR L'ECRAN PRODUCTIONS à payer la facture RUQ n°2005046 du 30 juin 2020 d'un montant de 39.951,90 euros TTC (33.293,25 euros HT) ;
Statuant à nouveau,
- DEBOUTER la société RUQ PRODUCTIONS de sa demande de paiement au titre de sa facture n°2005046, qui est indue dans sa totalité ;
- DEBOUTER la société RUQ PRODUCTIONS de l'ensemble des demandes reconventionnelles qu'elle a formées en cause d'appel ;
3/ sur les créances invoquées par LITTLE BROS envers TOUT SUR L'ECRAN
- DONNER ACTE à la société TOUT SUR L'ECRAN PRODUCTIONS qu'elle ne conteste pas la facture LITTLE BROS n°20026 du 10 juin 2020 de 129,97 euros TTC (108,31 € HT) et la facture LITTLE BROS n°20027 du 10 juin 2020 de 339,41 euros TTC (282,84 € HT) ;
- CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que la facture LITTLE BROS n°20025 du 10 juin 2020 de 10.568,23 euros TTC (8.806,86 euros HT) n'était due qu'à hauteur de 5.976,07 euros TTC (4.980,06 euros HT) ;
- DEBOUTER la société LITTLE BROS de l'ensemble des demandes reconventionnelles qu'elle a formées en cause d'appel ;
III - SUR LES DEMANDES SUBSIDIAIRES DE TOUT SUR L'ECRAN
Recevant TOUT SUR L'ECRAN en ses demandes subsidiaires et y faisant droit,
Si la Cour estime que TOUT SUR L'ECRAN n'est pas fondée à réclamer la restitution des sommes versées au titre des Best of de l'émission « On n'est pas couché »,
- CONDAMNER la société RUQ PRODUCTIONS à verser à la société TOUT SUR L'ECRAN PRODUCTIONS une indemnité complémentaire de 254.709 euros (en plus de la somme précitée de 1.693.928 euros), en compensation de la perte supplémentaire de marge sur coûts variables subie par la société TOUT SUR L'ECRAN PRODUCTIONS tenant compte des recettes des Best of de l'émission « On n'est pas couché » ;
Si la Cour estime que TOUT SUR L'ECRAN n'était pas fondée à intégrer les coûts des licenciements économiques dans le bilan de coproduction de la dernière saison (2019/2020) du programme ONPC,
- CONDAMNER la société RUQ PRODUCTIONS à verser à la société TOUT SUR L'ECRAN PRODUCTIONS la somme de 905.378,74 euros (au lieu de la somme précitée de 460.267,24 euros), en indemnisation de la totalité du coût des licenciements économiques auxquels TOUT SUR L'ECRAN PRODUCTIONS a été contrainte de procéder du fait de la brutalité de la rupture des relations commerciales établies ;
Si la Cour estime que TOUT SUR L'ECRAN ne pouvait pas procéder à la compensation de la facture RUQ n°2005046 du 30 juin 2020 de 39.951,90 euros TTC dans le cadre du bilan de la dernière saison (2019/2020) du programme ONPC, auquel cas son résultat négatif passe de -389.599,34 € HT à -458.849,34 € HT, soit 550.619,21 € TTC,
- CONDAMNER la société RUQ PRODUCTIONS, au titre de sa contribution au solde du compte de coproduction de la saison 2019/2020, à verser à la société TOUT SUR L'ECRAN la somme supplémentaire de 39.951 euros TTC (en plus de la somme de 224.768,85 euros TTC) ;
- CONDAMNER la société LITTLE BROS, au titre de sa contribution au solde du compte de coproduction de la saison 2019/2020, à verser à la société TOUT SUR L'ECRAN la somme supplémentaire de 1.598,08 euros TTC (en plus de la somme de 8.990,75 euros TTC) ;
IV ' EN TOUT ETAT DE CAUSE
- ORDONNER la compensation entre les sommes dues par RUQ PRODUCTIONS à TOUT SUR L'ECRAN et les sommes dues par TOUT SUR L'ECRAN PRODUCTIONS à RUQ PRODUCTIONS ;
- ORDONNER la compensation entre les sommes dues par LITTLE BROS à TOUT SUR L'ECRAN et les sommes dues par TOUT SUR L'ECRAN PRODUCTIONS à LITTLE BROS ;
- DEBOUTER les sociétés RUQ PRODUCTIONS et LITTLE BROS de l'ensemble de leurs demandes, fins, moyens et prétentions ;
Ajoutant au jugement entrepris,
- CONDAMNER la société RUQ PRODUCTIONS à verser à TOUT SUR L'ECRAN PRODUCTIONS la somme de 6.648 euros, en remboursement des émoluments prélevés par l'huissier sur les sommes saisies sur le compte bancaire de RUQ PRODUCTIONS, conformément à l'article A 444-32 du Code de commerce ;
- CONDAMNER la société LITTLE BROS à verser à TOUT SUR L'ECRAN PRODUCTIONS la somme de 2.414,77 euros, en remboursement des émoluments prélevés par l'huissier sur les sommes saisies sur le compte bancaire de LITTLE BROS, conformément à l'article A 444-32 du Code de commerce ;
- CONDAMNER in solidum les sociétés RUQ PRODUCTIONS et LITTLE BROS à verser à la société TOUT SUR L'ECRAN PRODUCTIONS, en cause d'appel, la somme de 60.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- CONDAMNER in solidum les sociétés RUQ PRODUCTIONS et LITTLE BROS aux entiers dépens d'appel, avec distraction au profit de la Selarl BDL Avocats, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile. »
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux écritures des parties susvisées quant à l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens respectifs.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 5 septembre 2024
MOTIFS DE LA DECISION
A titre liminaire, il est rappelé qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes tendant à voir « constater » ou « dire et juger » qui ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile.
Sur la rupture brutale d'une relation commerciale établie
Enoncé des moyens
La société TSE se prévaut d'une rupture brutale de la relation commerciale nouée avec la société Ruq, au sens des dispositions de l'article L. 442-1, II, du code de commerce, qui conditionnait, selon elle, une relation tripartite avec la société France Télévisions, diffuseur des programmes coproduits, ayant donné lieu à une succession de conventions de préachat des droits. Elle explique qu'il existait, pour autant, une relation de coproduction l'unissant spécifiquement à la société TSE. Elle soutient que cette relation, qui avait débuté au cours de l'été 2001, s'est poursuivie de façon stable durant dix-neuf ans environ, sans que la société Ruq puisse utilement alléguer son caractère précaire ; elle souligne, à cet égard, que la décision de M. [H] d'arrêter la présentation de l'émission « On n'est pas couché » n'emportait pas la décision de la société Ruq de rompre sa relation de coproduction. Elle prétend qu'elle a bénéficié, dans les faits, d'un délai de préavis réduit à 2,25 mois, cependant que la société Ruq aurait dû lui accorder un préavis d'une durée de dix-huit mois, eu égard à sa situation de dépendance économique, qui l'empêchait de réorienter rapidement son activité ; elle objecte que le caractère prévisible de la rupture, au demeurant non établi, ne doit pas être pris en compte pour apprécier la durée du préavis. Elle demande à être indemnisée de la perte de marge qu'elle a subie, ainsi que du coût des licenciements induits par la brutalité de la rupture.
La société Ruq réplique que la relation entretenue avec la société TSE était objectivement précaire, ce qui s'inférait à la fois du dispositif contractuel convenu entre les parties et de la dépendance de cette relation avec les commandes de la chaîne de télévision, qui étaient elles-mêmes soumises à un aléa. Elle prétend, plus précisément, que la société TSE ne pouvait légitimement croire en sa pérennité, alors que les rapports avec la société France Télévisions laissaient augurer de la fin prochaine des commandes, et que des tensions étaient survenues avec son coproducteur, dues à la mésentente entre Mme [N] et M. [H], ayant conduit à une baisse drastique de la diversité des productions, qui rendaient impossible la poursuite de leur collaboration. Subsidiairement, elle soutient que le préavis, d'une durée de 2,25 mois, ayant commencé à courir à compter du 24 avril 2020, depuis l'envoi du courriel de M. [A], était suffisant au regard de l'absence de dépendance économique de la société TSE, du caractère prévisible de la rupture de la relation, lié à sa précarité, et de la possibilité qui lui était offerte de réorienter rapidement son activité. Elle estime que la perte de marge alléguée par la société TSE, de même que le coût des licenciements qu'elle prétend avoir dû effectuer, sont, en tout état de cause, dépourvus de lien de causalité avec sa décision de mettre fin à la relation.
Réponse de la Cour
L'article L. 442-1, II, du code de commerce, dans sa version issue de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, applicable au jour de la rupture de la relation, dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l'absence d'un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels.
Ce texte précise qu'en cas de litige entre les parties sur la durée du préavis, la responsabilité de l'auteur de la rupture ne peut être engagée du chef d'une durée insuffisante dès lors qu'il a respecté un préavis de dix-huit mois.
- Sur l'existence d'une relation commerciale établie
Une relation commerciale établie présente un caractère suivi, stable et habituel et permet raisonnablement d'anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires entre les partenaires commerciaux, ce qui implique, notamment qu'elle ne soit pas entachée par des incidents susceptibles de remettre en cause sa stabilité, voire sa régularité.
Il résulte des pièces versées aux débats et des explications des parties que les relations entre celles-ci ont débuté à compter de l'été 2001, et se sont poursuivies, sans interruption, jusqu'au 24 avril 2020, date à laquelle M. [A] a notifié, par courriel, à la société TSE la fin de leur collaboration.
Celle-ci a donné lieu à la conclusion de trente-cinq contrats en vue de la production, puis de la coproduction, à compter de l'année 2009, de diverses émissions quotidiennes ou hebdomadaires, telles que notamment « On a tout essayé », « On n'a pas tout dit », « On n'demande qu'à en rire », et « On n'est pas couché », reconduites pour la plupart durant plusieurs saisons annuelles.
Parallèlement, des conventions de préachats des droits de diffusion étaient conclues entre la société TSE et la société France Télévisions, en présence de M. [S] [H], en vue de la diffusion des émissions sur la chaîne France 2.
La société Ruq ne remet pas en cause la nature commerciale de la relation bilatérale, qui l'unissait spécifiquement à la société TSE, au sens de l'article L. 442-1, II, du code de commerce.
Celle-ci a, par ailleurs, généré au profit des deux parties d'importants revenus financiers, grâce au versement des droits de diffusion. Comme l'explique la société intimée, la société France Télévisions s'est ainsi acquittée de la somme totale de 103.218.740 € HT, soit en moyenne 7.372.767 € HT par saison, uniquement pour l'émission « On n'est pas couché ». La part du chiffre d'affaires réalisée par la société TSE, en provenance des diffuseurs, grâce à sa relation de coproduction avec la société Ruq, dont le montant n'est pas contesté, s'élevait elle-même à plusieurs millions d'euros chaque année.
La constance de la relation commerciale s'infère de la multiplicité des contrats dont l'exécution s'est étalée, sans interruption, durant près de dix-neuf ans, laquelle a donné lieu à un courant d'affaires particulièrement significatif. Il est, de ce point de vue, indifférent que les parties n'aient régularisé aucun accord-cadre et que les contrats, indépendants les uns des autres, aient été conclus à durée déterminée, sans clause de tacite reconduction, étant souligné qu'une nouvelle convention succédait dans les faits systématiquement à la précédente, sans interruption aucune ; dans ces circonstances, l'absence de clause d'exclusivité ou de garantie de chiffre d'affaires ne permet pas non plus d'écarter le caractère stable de la relation ; en tout état de cause, l'absence de dépendance économique potentiellement liée à l'existence de partenaires concurrents ne permet pas d'écarter, en tant que telle, l'existence d'une relation établie au sens du texte susvisé.
Par ailleurs, s'il est exact que les relations nouées dans le secteur d'activité de l'audiovisuel n'ont pas vocation à s'inscrire habituellement dans la stabilité, l'historique de la relation entre les parties, ainsi retracé, fait apparaître que la signature des contrats de production et de coproduction correspondait à des commandes, tout aussi régulières, de la société France Télévisions avec laquelle la relation était également pérenne, cela quand bien même celle-ci avait diminué le montant du budget alloué initialement à l'émission « On n'est pas couché », ce qui n'augurait pas nécessairement de la fin prématurée de sa diffusion, du fait d'un manque d'intérêt, mais pouvait aussi bien être lié à des contraintes financières ; comme le souligne à juste titre la société TSE, le budget alloué à la nouvelle émission de M. [S] [H] « On est en direct », diffusée à partir du mois de septembre 2020, était ainsi inférieur à celui de l'ancienne émission, ce que l'animateur avait reconnu dans une interview donnée au journal Le Parisien, publiée le 26 septembre 2020. De façon similaire, même si les conventions de préachat des droits incluaient une clause d'audience permettant de mettre un terme à la commande en cours de saison, la chaîne de télévision n'avait jamais fait usage de la faculté qui lui était ainsi offerte, et renoncé d'ailleurs expressément à l'appliquer, dans une lettre du 13 novembre 2019, en dépit d'un taux d'audience insuffisant des émissions diffusées entre le 31 août et le 26 octobre 2019 ; les termes de ce courrier, dans lequel la société France Télévisions invitait la société TSE à la rencontrer, en vue d'envisager la rentrée de septembre 2020, pouvait, de toute façon, donner à penser qu'elle n'était pas non plus défavorable à la diffusion de l'émission, lors de la prochaine saison, étant souligné que, par la suite, celle-ci n'a jamais adressé de courrier manifestant sa décision d'y mettre un terme et que l'avenant à la convention de préachat du 19 mars 2021, signé le 13 avril 2021, réduisant à trente et un le nombre d'émissions commandées, au lieu de trente-quatre initialement prévues, est postérieur à la rupture. En tout état de cause, la décision de la société France Télévisions de ne pas renouveler la diffusion de l'émission, notifiée par courriels du 21 avril 2020, a été consécutive au refus de M. [H] d'arrêter sa collaboration en tant que présentateur et producteur associé du programme, sachant que l'animation de l'émission par celui-ci avait été érigée en condition essentielle et déterminante pour la chaîne de télévision dans toutes les conventions de préachat des droits. La société Ruq ne saurait utilement tirer argument des termes de la note d'information et de consultation adressée par la société TSE au CSE, en date du 12 juin 2020, faisant état des échecs d'audience et des coupes budgétaires successives par la société France Télévisions, ayant rendu hypothétique le maintien de chaque saison, alors que son envoi est postérieur à l'annonce de la rupture et que la société TSE justifie, dans ce document, la nécessité d'envisager des licenciements économiques du fait de la brutalité de la décision unilatérale de M. [H] d'arrêter la production de l'émission additionnée à l'absence de toute commande à compter du mois de juin 2020 imposant une réorganisation de la société.
Il s'ensuit que la société Ruq n'est pas fondée à arguer de la précarité de la relation, au motif que les producteurs étaient sous la dépendance d'un seul diffuseur.
Enfin, si le renouvellement de la programmation de l'émission « On n'est pas couché » n'était pas garanti, rien n'interdisait que les sociétés TSE et Ruq coproduisent une nouvelle émission. Dès lors, les moyens invoqués par la société Ruq afférents aux critiques de la société France Télévisions élevées à l'encontre de l'émission « On n'est pas couché » et de la baisse des audiences apparaissent, en tout état de cause, inopérants, la société appelante ne faisant, par ailleurs, état d'aucun élément tendant à démontrer que la chaîne de télévision aurait manifesté, de façon générale, une perte d'intérêt pour les productions de la société TSE.
Même si après avoir développé différents concepts, l'émission « On n'est pas couché » constituait, désormais, la seule émission coproduite par les sociétés TSE et Ruq, celle-ci n'établit pas non plus que la relation des parties était entachée d'incidents susceptibles de remettre en cause sa stabilité. La société Ruq démontre ainsi tout au plus qu'il pouvait exister des désaccords, entre Mme [N] et M. [H] concernant l'évolution de la forme et du contenu de l'émission, sans que son arrêt éventuel ait pu sérieusement être anticipé. Comme l'a relevé le tribunal de commerce, bien que Mme [N] ait évoqué, dans une interview diffusée le 20 février 2016 sur la chaîne Canal +, la possibilité que M. [H] ne poursuive pas l'animation de l'émission à l'issue de la saison 2015/2016, celle-ci a été prolongée durant les saisons 2016/2017 à 2019/2020, de même que les premiers juges ont estimé, à juste titre, que l'échange de courriels des 29 janvier et 4 février 2019 entre M. [O] [R], directeur général délégué de la société TSE, et M. [L] [A], ne laissait aucunement entendre que M. [H] serait susceptible d'arrêter d'animer l'émission pour la saison 2019/2020. Le mail du 30 avril 2020 de M. [A] fait lui-même état d'une présentation de la relation uniquement a posteriori, pour témoigner que la poursuite de la collaboration avait été rendue impossible. Force est également de constater que les tensions évoquées dans certains articles de presse, durant l'année 2019, ne reposent sur aucun élément objectivement prouvé, pas plus que l'attestation de Mme [J] [V], licenciée après avoir occupé les fonctions d'associée et de directrice des programmes de la société TSE, évoquant des dissensions à partir de l'année 2017, qui n'est conforté par aucun autre témoignage, et qu'en tout état de cause, M. [H] a effectivement continué à animer l'émission ensuite durant plusieurs saisons. La teneur des propos échangés, lors du déjeuner du 25 février 2020, entre Mme [N] et M. [H] demeure, par ailleurs, incertaine, le SMS de M. [L] [A] envoyé à l'animateur, le 2 mars suivant, ne permettant pas d'établir, en raison de son manque de précision, que M. [H] aurait annoncé qu'il ne continuerait pas à animer l'émission et qu'il ne souhaitait plus travailler sur de nouveaux projets avec la société TSE.
Pour le reste, la « provision pour arrêt d'émission » inscrite dans les comptes de la société TSE ne permet pas d'induire une absence de croyance en la pérennité de la relation, mais établit uniquement la volonté de ses dirigeants d'anticiper les risques éventuels de l'arrêt de l'émission.
La société Ruq prétend ainsi en vain que la poursuite de la collaboration entre les parties était devenue impossible, et que l'arrêt de l'émission « On n'est pas couché » impliquait nécessairement la fin de la relation.
Au vu de l'ensemble de ces circonstances, il y a lieu d'estimer que la société TSE pouvait ainsi légitimement s'attendre à poursuivre sa collaboration avec la société Ruq, et anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial.
La Cour dira, en conséquence, que la relation entre la société TSE et la société Ruq présentait un caractère suivi, stable et significatif, et qu'elle était établie depuis dix-neuf ans.
- Sur la durée du préavis
Le préavis suffisant s'apprécie en tenant compte notamment de la durée de la relation commerciale, mais également des autres circonstances notamment de l'état de dépendance économique de l'entreprise évincée (Com., 20 mai 2014, n° 13-16.398, publié au Bulletin).
Les parties s'accordent à reconnaître que la société Ruq a notifié, pour la première fois, par écrit sa décision de mettre un terme à la relation, par courriel du 24 avril 2020, laquelle a pris fin le 30 juin suivant, après le dernier tournage de l'émission, de sorte que la société TSE a ainsi bénéficié d'un préavis d'une durée de 2,25 mois.
Il résulte des développements qui précèdent que la société Ruq ne peut utilement prétendre que la rupture était prévisible. Au demeurant, même à supposer que la société TSE ait été informée de la décision de M. [S] [H] d'arrêter d'animer l'émission, au plus tard au début de l'année 2020, comme le prétend la société Ruq, seule la durée du préavis écrit, notifié le 24 avril 2020, doit être prise en compte pour apprécier son caractère suffisant. De plus, comme l'a retenu le tribunal, l'argument est inopérant, dans la mesure où la décision de M. [H] d'arrêter l'émission ne portait pas sur l'arrêt des relations de coproduction entre les sociétés TSE et Ruq.
Comme il a été dit, la durée de la relation commerciale établie était, en l'espèce, de dix-neuf années, au jour où de la rupture, de telle sorte qu'il doit être tenu compte de l'ancienneté importante de cette relation.
Sur la période comprise entre les années 2010 et 2019, la société TSE réalisait en moyenne 91,5 % de son chiffre d'affaires avec la société France Télévisions ; cette part de chiffre d'affaires était, par ailleurs, générée en moyenne à hauteur de 83,6 % par les commandes d'émissions coproduites avec la société Ruq, ces chiffres n'étant pas discutés.
Sur les trois derniers exercices précédant la rupture (2017, 2018 et 2019), ces parts de chiffres d'affaires sont demeurées stables : la part de chiffre d'affaires réalisée avec la société France Télévisions s'élevait ainsi en moyenne à 90,7%, tandis que le chiffre d'affaires généré par les commandes des émissions coproduites avec la société Ruq était de 81,3%.
Néanmoins, il n'est pas contesté que les flux d'affaires entre les coproducteurs, et entre les coproducteurs et la société France Télévisions, étaient depuis plusieurs années dans une dynamique décroissante. Entre les années 2006 à 2014, le chiffre d'affaires réalisé avec la chaîne de télévision représentait ainsi en moyenne 21.514.149,20 € et le chiffre d'affaires généré par la collaboration avec la société Ruq était en moyenne de 18.199.582,20 €. Or, durant la période de 2015 à 2020, le montant respectif de ces chiffres d'affaires ne représentait plus que 8.306.005,70 € avec la société France Télévisions et 7.778.658,33 € pour les commandes des émissions coproduites avec la société Ruq.
Si ces parts de chiffres d'affaires demeuraient importantes, la société TSE ne justifie pas pour autant d'un état de dépendance économique à l'égard de la société Ruq. Comme le souligne celle-ci, la société TSE n'était tenue par aucune clause d'exclusivité que ce soit à l'égard de la société France Télévisions ou du coproducteur, de sorte qu'elle était libre de développer des relations aussi bien avec d'autres diffuseurs que d'animateurs. La société TSE reconnaît ainsi elle-même qu'elle avait produit, dans les dernières années, d'autres programmes, tels que les émissions « Vous pouvez répéter la question ' » présentée par [T] [D], diffusée en 2017, sur France 4, « Code Promo » présentée par [K] [F] et [M] [P], diffusée sur France 2 durant la saison 2017/2018 ou encore « Chez [U] » animée par [C] [U], diffusée sur Paris Première durant la saison 2018/2019. Elle ne peut donc légitimement invoquer les contraintes propres au secteur de la production audiovisuelle.
La société Ruq fait également valoir à juste titre qu'il est courant, dans le secteur d'activité de l'audiovisuel, que les décisions portant sur les programmes qui seront diffusés au cours d'une saison soit prises à brève échéance, ce que ne conteste pas la société TSE, qui reconnaît que, généralement, les chaînes de télévision concluent des contrats de préachat de programmes limités à une saison télévisuelle, de septembre à juin, et arrêtent leur grille de programme vers la fin du mois de juin, comme dans le cas d'espèce.
Le contexte de la crise sanitaire n'empêchait pas non plus totalement la société TSE de nouer éventuellement des relations avec d'autres animateurs et diffuseurs, ne serait-ce qu'à distance, en vue de trouver de nouveaux débouchés.
Pour le reste, il y a lieu de souligner que la durée du préavis minimum qui doit être accordé au partenaire évincé s'apprécie au moment de la notification de la rupture. Les arguments des parties afférents à la conception par la société TSE d'un nouveau programme hebdomadaire « Cuisine ouverte », diffusée sur la chaîne France 3, à compter du mois de février 2021, de même que la production d'une nouvelle émission « On est en direct » à compter du mois de septembre 2020, ne sauraient être pris en compte pour apprécier son état de dépendance économique, s'agissant d'événements postérieurs à la rupture.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, la durée suffisante du préavis sera estimée, comme l'a retenu le tribunal, à dix mois.
En concédant un préavis d'une durée inférieure à ce délai, la société Ruq s'est ainsi rendue responsable d'une rupture brutale de la relation commerciale établie ouvrant droit à indemnisation.
- Sur la réparation des préjudices
Lorsque le préavis accordé est insuffisant, le préjudice en résultant est évalué en fonction de la durée du préavis jugé nécessaire (Com., 9 juillet 2013 n° 12-20.468, publié au Bulletin).
Sont seuls indemnisables, sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce, les préjudices découlant de la brutalité de la rupture et non la rupture elle-même (Com., 10 février 2015, n° 13-26.414, publié au Bulletin).
Le préjudice principal résultant du caractère brutal de la rupture s'évalue en considération de la marge brute escomptée, c'est-à-dire la différence entre le chiffre d'affaires hors taxe escompté et les coûts variables hors taxe non supportés durant la période d'insuffisance de préavis, différence dont pourra encore être déduite, le cas échéant, la part des coûts fixes non supportés du fait de la baisse d'activité résultant de la rupture, durant la même période (Com., 28 juin 2023, pourvoi n° 21-16.940, publié au Bulletin).
C'est en vain que la société Ruq prétend qu'elle n'est pas à l'origine de la perte de marge subie par la société TSE. En effet, ainsi qu'il a d'ores et déjà été exposé, la décision de la société France Télévisions de ne pas renouveler la programmation de l'émission « On n'est pas couché », qui ne pouvait être anticipée, a été consécutive à l'annonce de la décision de M. [S] [H] de ne plus l'animer, la chaîne de télévision ayant précisé, dans son courriel du 21 avril 2020 que la personnalité du présentateur était indissociable de l'émission. Le préjudice subi par la société TSE présente ainsi un lien de causalité direct avec la décision de la société Ruq de rompre la relation, quand bien même la marge réalisée provenait de la vente des programmes à la chaîne de télévision, dont une partie du prix était reversée à la société Ruq, alors que celle-ci coproduisait l'émission.
Pour évaluer le gain manqué, le tribunal a justement estimé qu'il convenait de se référer à la moyenne des trois exercices comptables 2017, 2018 et 2019, qui sont les plus significatifs de l'activité, l'exercice 2020 étant atypique, du fait de la rupture de la relation, avec une période de production de l'émission limitée à six mois.
La société TSE produit une attestation de son représentant légal, en date du 21 avril 2021, relative au calcul de la marge sur coûts variables, ainsi qu'un rapport réalisé par un cabinet d'expertise comptable indépendant, certifiant ses calculs. C'est par un motif pertinent que le tribunal a retenu que ces documents, bien qu'ils ne comportent pas le détail des chiffres comptabilisés en charges variables, étaient cohérents avec les bilans de coproduction des deux saisons de l'émission « On n'est pas couché » 2017/2018 et 2018/2019 délivrés à la société Ruq, conformément aux stipulations des contrats de coproduction, que celle-ci n'avait pas contestés.
La société Ruq n'est pas fondée à prétendre qu'il conviendrait de réintégrer dans le calcul de la marge le montant des charges fixes, qui seraient devenues variables du fait de l'arrêt de l'émission, alors que celles-ci demeuraient indispensables à la poursuite de l'activité de la société TSE.
Ainsi que l'a retenu le tribunal, il résulte des justificatifs produits par la société TSE que les marges d'exercice correspondaient aux valeurs suivantes :
- marge de l'exercice 2017 : 1.028.425 €
- marge de l'exercice 2018 : 1.493.732 €
- marge de l'exercice 2019 : 1.102.659 €
Soit une marge moyenne mensuelle de 100.689 €.
La perte de marge variable sur une durée de 7,75 mois s'élève ainsi à 780.340 €.
Le jugement sera, en conséquence, confirmé en ce qu'il a condamné la société Ruq à payer cette somme à la société TSE à titre de dommages et intérêts.
A cela s'ajoute que la société TSE a procédé au licenciement économique de douze salariés, dont l'emploi était, par hypothèse, affecté à la production de l'émission « On n'est pas couché », qui était le seul programme coproduit à l'époque de la rupture. C'est également à juste titre que le tribunal a considéré que ces licenciements étaient pour partie imputables à la brutalité de la rupture de la relation, intervenue à la fin du mois d'avril 2020, en ce sens que la société TSE ne pouvait pas raisonnablement espérer conclure d'autres contrats dans un délai aussi court, d'ici la saison prochaine, étant souligné que les parties s'accordent à reconnaître, comme il a été dit plus haut, que les chaînes de télévision arrêtent généralement leurs programmes à la fin du mois de juin. Pour autant, comme l'explique elle-même la société TSE, la brutalité de la rupture lui a seulement fait perdre une chance d'obtenir le renouvellement du contrat de préachat avec la société France Télévisions, et partant d'éviter des licenciements. Or, cette perte de chance, bien qu'étant certaine, induit l'existence d'un aléa, et ne peut être confondue avec le préjudice intégralement consommé. Les premiers juges ont valablement estimé, à cet égard, que la société TSE avait également été confrontée aux conséquences de la crise du modèle économique des chaînes de télévision aggravées par la crise sanitaire de la Covid 19, ainsi qu'elle l'expliquait dans la note d'information et de consultation du CSE, datée du 12 juin 2020, ce qui avait contribué au moins « pour moitié » aux licenciements. La Cour retiendra corrélativement que la société TSE a perdu une chance d'éviter ces licenciements de l'ordre de 50 %.
Contrairement à ce qu'elle soutient, la société Ruq ne rapporte pas la preuve que ceux-ci auraient été rendus inévitables, du fait des difficultés économiques de son partenaire, dans la mesure où l'effectif des salariés était demeuré stable depuis l'année 2018, cela quand bien même son dirigeant, [O] [R], avait pu émettre des inquiétudes quant aux conséquences de l'arrêt de l'émission, dans un mail du 31 janvier 2020, et qu'une provision avait été inscrite préventivement dans les comptes de la société ; la circonstance que la société TSE n'ait pas retrouvé, depuis lors, un niveau d'activité comparable ne permet pas non plus d'affirmer a posteriori que les licenciements étaient inévitables.
Le coût total des licenciements, qui ne constituent pas des coûts de coproduction, s'est élevé, au vu des justificatifs produits, à la somme de 905.378,14 €. Le préjudice de la société TSE sera ainsi estimé à 50 % de ce montant, soit 452.689,07 €. Il n'y a pas lieu, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, de retrancher les salaires bruts et charges sociales patronales prétendument économisés, ce qui contribuerait à réduire l'indemnisation de façon inversement proportionnelle à la durée du préavis manquant.
Le jugement sera, en conséquence, infirmé du chef de la condamnation de la société Ruq à verser la somme de 219.375 € au titre du préjudice causé par le coût des licenciements, et la société Ruq sera condamnée à indemniser la société TSE à hauteur de 452.689,07 €.
Sur les créances de la société TSE
* Sur le coût du prorata des licenciements
Enoncé des moyens
La société TSE sollicite le remboursement au titre du solde du compte de coproduction sur la saison 2019/2020 d'une somme de 187.307,37 € HT par la société Ruq et d'une somme de 7.492,29 € HT par la société Little Bros correspondant à la moitié du coût des licenciements ; elle invoque le bénéfice de l'article 7.3 des accords de coproduction prévoyant un partage égalitaire des coûts relatifs à la production du programme ; subsidiairement, elle estime que ces frais doivent être partagés sur le fondement de la théorie de l'indivision.
La société Ruq prétend inversement que les frais de licenciement n'intègrent pas les coûts de coproduction, prévus par l'article 7.3 du contrat de coproduction, et que l'article 815-10 du code civil n'est peu utilement être invoqué, en l'espèce.
La société Little Bros sollicite également la confirmation du jugement en ce qu'il a reconnu que les coûts de licenciement n'avaient pas à être intégrés dans le compte de coproduction 2019/2020.
Réponse de la Cour
L'article 7.3 du contrat de coproduction pour la saison 2019/2020 stipule que la marge de production sera partagée entre les sociétés TSE et Ruq ; il prévoit, plus précisément, que la marge est constituée du solde entre le chiffre d'affaires et « les coûts de productions réels et justifiés majorés des frais généraux fixés forfaitairement à 10% de ces coûts de production ».
C'est par de justes motifs que le tribunal a estimé que le coût des licenciements opérés n'était pas lié à la production de l'émission et qu'ils ne constituaient pas des coûts de production devant être intégrés dans les comptes de coproduction, de sorte que la société TSE n'était pas fondée à se prévaloir d'une créance à ce titre.
Pour invoquer le bénéfice du régime de l'indivision, la société TSE invoque également l'article 6 du contrat de coproduction, qui prévoit que les parties sont copropriétaires indivis de tous éléments corporels et incorporels du Programme à hauteur de 50 % chacun. Pour autant, si les salariés licenciés étaient affectés de facto à la production de l'émission « On n'est pas couché », ceux-ci intégraient le personnel de la société TSE, ce que cette dernière ne conteste pas ; et, comme l'explique la société Ruq, le coût de ces emplois lui était refacturé en fonction du temps de travail que les salariés consacraient à l'émission, ce dont il résulte que les frais de licenciement doivent être considérés comme étant extérieurs à l'indivision.
Le jugement sera donc confirmé, en ce qu'il a rejeté la demande de la société TSE.
* Sur les recettes des Best Of
Enoncé des moyens
La société TSE sollicite le remboursement des recettes provenant des Best Of des émissions, qu'elle prétend avoir reversées par erreur aux sociétés Ruq et Little Bros.
Les sociétés Ruq et Little Bros s'opposent à cette demande, au motif que l'intention des parties était, au vu des stipulations contractuelles, de partager à égalité l'ensemble des produits de leur coopération.
Réponse de la Cour
L'article 7.3 des contrats de coproduction prévoit, dans un 3ème tiret, que :
« Il est rappelé et précisé à toutes fins utiles que les sommes versées à Ruq Productions visées aux présentes couvrent l'ensemble des multidiffusions en tout ou partie, remontées ou non, du Programme et/ou des Emissions par France Télévisions dont notamment les exploitations de ce(s) dernier(es) par son service de télévision de rattrapage (dit service de «Catch up TV»).
Il résulte de ces stipulations que les sommes que devait percevoir la société Ruq, dans le cadre du mécanisme de partage, couvraient l'ensemble des formes d'exploitation télévisuelles du programme, quel que soit le nombre de diffusions, qu'il s'agisse des émissions inédites ou des remontages émissions, telles que les Best Of.
Le premier tiret de l'article 7.3 stipule expressément que la marge de production pour chaque saison, « est constituée du solde entre le chiffre d'affaires total calculé sur les montants visés à l'article 7.2 relatif au « Prix payé par France Télévisions au titre de l'achat des droits de diffusion et sous réserve de l'exercice de la clause d'audience », d'une part, et les coûts de production, d'autre part.
C'est à juste titre que le tribunal a également retenu, au vu de la combinaison de ces stipulations, que la décomposition des droits prévue à l'article 3.1.2 du contrat de préachat des droits de diffusion conclu entre la société France Télévisions et la société TSE pour les saisons 2016/2017 et 2017/2018 reprenait exactement les chiffres portés à l'article 7.2 du contrat de coproduction, plus un chiffre de 55.000 € HT par émission de Best Of, pour dix-huit émissions, non mentionné à l'article 7.2, pour en déduire que le contrat ne prévoyait pas le partage des marges sur les Best Of.
Le quatrième tiret de l'article 7.3 prévoit encore que : « Seront également partagées pour moitié entre les Coproducteurs toutes recettes provenant d'exploitations du Concept et/ou du Programme [secondaires et dérivées] déduction faite de frais de tous ordres liés à l'exploitation sur présentation de justificatifs et d'une commission de 10% pour TSE en charge de la commercialisation, cette commission ne s'appliquant pas en cas de vente de programmes à France Télévisions ».
L'article 10.2.1 de la convention de préachat précise que « Par exploitation secondaire, on entend notamment toute exploitation de la Série en vidéo et sur tout service en ligne, ainsi que toute exploitation dérivée de la Série en tout ou partie de ses éléments » et que « Par exploitations dérivées, on entend notamment :
- toute édition littéraire ou phonographique de la Série et/ou de tout ou partie de ses éléments,
- toute utilisation de tout ou partie des éléments de la Série en vue de la fabrication de produits dérivés ».
Contrairement à ce que soutiennent les sociétés Ruq et Little Bros, les Best Of ne sont pas assimilables à une exploitation secondaire de l'émission, telles que précédemment définies, ce dont il résulte qu'elles ne peuvent prétendre qu'il soit fait application du 4e tiret de l'article 7.3.
C'est en vain également qu'il est prétendu que la société TSE aurait renoncé à se prévaloir de l'application du 3ème tiret de l'article 7.3 des contrats de coproduction, alors que durant les dix premières années du programme de l'émission « On n'est pas couché », celle-ci n'avait jamais reversé une quelconque quote-part des recettes des Best Of.
Au vu de ces éléments, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Ruq à payer à la société TSE la somme de 611.288,99 € HT et condamné la société Little Bros à verser à la société TSE la somme de 24.451,57 € HT, au titre du remboursement des sommes indûment réglées pour les Best Of.
Il convient, en outre, de dire que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter du 12 janvier 2021, date de l'assignation.
* Sur la refacturation de droits de diffusion de vidéo-clips
Les créances de la société TSE concernant les vidéo-clips n'étant pas contesté, il y a lieu également de confirmer le jugement des chefs de condamnations prononcées à l'encontre de la société Ruq à hauteur de 6.048,28 € HT et à l'encontre de la société Little Bros pour un montant de 241,93 € HT.
Ces sommes produiront, en outre, intérêts au taux légal à compter du 12 janvier 2021, date de l'assignation.
* Sur l'exploitation du livre « On préfère encore en rire »
Enoncé des moyens
La société TSE expose avoir découvert, postérieurement à la rupture des relations, l'existence d'un livre intitulé « On préfère encore en rire » publié par M. [S] [H], qui constitue, selon elle, une exploitation dérivée du programme « On n'est pas couché » au sens du 4e tiret de l'article 7.3 des contrats de coproduction, lui ouvrant droit à la perception de 50 % des recettes générées par la commercialisation de l'ouvrage.
La société Ruq réplique que la société TSE ne rapporte pas la preuve que le livre serait une édition littéraire de l'émission et qu'en tout état de cause, rien n'interdisait à M. [H] de publier, en les remaniant, des textes dont il était l'auteur. Subsidiairement, elle fait valoir que la demande de la société TSE se heurte à la prescription.
Réponse de la Cour
La société TSE, qui ne cite que quelques exemples de proximité entre les passages du livre intitulé « On préfère encore en rire » publié par M. [S] [H], et certaines chroniques de l'émission « On n'est pas couché », n'établit pas que cet ouvrage constituerait une exploitation dérivée du programme, au sens du 4e tiret de l'article 7.3 des contrats de coproduction. Elle sera donc déboutée de sa demande portant sur le paiement d'une quote-part des recettes.
A titre surabondant, le livre étant paru au cours de l'année 2013, ce dont la société TSE avait nécessairement eu connaissance, dès cette époque, la demande qu'elle a introduite par voie d'assignation, le 12 mai 2021, plus de cinq ans après, se heurte à la prescription.
Sur les créances de la société Ruq
Enoncé des moyens
La société Ruq sollicite le paiement de quatre factures, datées des 29 mai et 30 juin 2020, correspondant à des bons de commande, outre la condamnation de la société TSE à lui régler le solde positif de la marge de coproduction pour la saison 2019/2020, ainsi qu'une quote-part des revenus tirés des Best Of pour cette même saison. Elle demande également que la société TSE soit condamnée à produire le détail des recettes qu'elle a retirées des exploitations secondaires des programmes coproduits au cours des exercices 2020, 2021, 2022 et 2023.
La société TSE reconnaît devoir uniquement deux des factures invoquées par la société Ruq. Elle s'oppose à la demande en paiement du solde de la marge de coproduction, en faisant valoir qu'elle a intégré dans le bilan de la dernière saison le coût des licenciements économiques. Elle rappelle, par ailleurs, que la société Ruq n'a pas droit à une rémunération supplémentaire au titre des Best Of. Enfin, elle prétend avoir satisfait à la demande de production des relevés nécessaires à l'établissement de la quote-part de la société Ruq sur les recettes secondaires.
Réponse de la Cour
* Sur le paiement des factures de la société Ruq
La société TSE ne conteste pas être redevable des sommes de 7.070,80 € HT (facture n° 2005040 du 29 mai 2020) et de 2.707,72 € HT (facture n°2005042 du 29 mai 2020), de sorte qu'il convient de confirmer le jugement l'ayant condamnée à payer ces sommes à la société Ruq.
La facture n° 2005046 du 30 juin 2020 d'un montant de 33.293,25 € HT correspond au « couloir prioritaire de versement » dû à la société Ruq, au titre des émissions enregistrées les 4, 10, 18, 23 et 25 juin 2020, conformément à l'article 7.3 du contrat de coproduction conclu pour la saison 2019/2020, lequel prévoit que la société TSE accepte de réserver et de garantir à la société Ruq une marge, constituée par un couloir prioritaire de versement d'un montant de 6.658,65 € HT par émission auxquels s'ajouteront 266,35 € facturés par la société Little Bros. Pour s'opposer au paiement de cette facture, la société TSE explique que son montant a été compensé dans le cadre du bilan de coproduction, en abaissant la part de coproduction des sociétés Ruq et Little Bross, sans toutefois préciser avec quelle dette cette créance devait être compensée. Il y a donc lieu d'approuver la décision du tribunal l'ayant condamnée à payer à la société Ruq la somme de 33.293,25 € HT. La société TSE ayant été déboutée de sa demande au titre de la contribution au solde du compte de coproduction de la saison 2019/2020, sa demande subsidiaire portant sur le paiement des sommes supplémentaires de 39.951 € TTC, par la société Ruq, et de 1.598,08 € TTC, par la société Little Bros, sera également rejetée.
La société Ruq produit une facture n° 2005041 du 29 mai 2020 d'un montant de 220.171,48 € HT correspondant aux droits sur la « vente de catalogue 2019 », laquelle inclut une quote-part de 95.670,08 € HT sur les Best Of de l'émission « On n'est pas couché ». Or, comme il a été dit, la société Ruq n'avait pas vocation à percevoir une quote-part des recettes des Best Of. Le tribunal a ainsi limité à bon droit le montant de la condamnation de la société TSE à hauteur de 124.501,40 €.
Conformément à la demande de la société Ruq, il y a lieu d'ajouter que la somme de 167.573,17 € correspondant au montant total de ces factures portera intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2020, date de la mise en demeure.
* Sur la quote-part de marge de coproduction pour la saison 2019/2020
Il résulte des développements précédents que la société TSE n'était pas fondée à déduire du bilan de la saison 2019/2020 le coût des licenciements économiques, et qu'une fois ceux-ci réintégrés, la marge apparaît positive. Dès lors, il sera fait droit à la demande de la société Ruq portant sur la condamnation de la société TSE à lui régler la somme de 212.912 € HT au titre du solde positif de la marge de coproduction pour la saison 2019/2020 de l'émission « On n'est pas couché ».
* Sur la quote-part des revenus tirés des Best Of pour la saison 2019/2020
La société Ruq n'ayant aucun droit à une quote-part des recettes sur les Best Of, elle sera déboutée de la demande qu'elle forme à ce titre.
* Sur la quote-part des revenus tirés des ventes de droits à des tiers
L'article 7.3 des contrats de coproduction stipule que « Seront également partagées pour moitié entre les Coproducteurs toutes recettes provenant d'exploitations du Concept et/ou du Programme [secondaires et dérivées] déduction faite de frais de tous ordres liés à l'exploitation sur présentation de justificatifs et d'une commission de 10% pour TSE en charge de la commercialisation, cette commission ne s'appliquant pas en cas de vente de programmes à France Télévisions » et que « à la fin de chaque exercice civil, TSE (ou son cessionnaire) adressera à Ruq Productions s'il y a lieu, un relevé des sommes perçues directement par elle au titre de ces exploitations, ce au plus tard le 31 mars de chaque année. Ruq Productions facturera TSE (ou son cessionnaire) après réception desdits relevés, 50 (cinquante) % des recettes nettes encaissées. »
Ce même article prévoit encore : « A titre de commission, 1/26ème des montants revenants à Ruq Productions dans le cadre du présent article seront retenus sur la part de Ruq Productions et versés à Little Bros, sur présentation de facture. »
La société Ruq admet que la société TSE lui a communiqué les bons de commande au titre de sa quote-part et de celle de la société Little Bros sur les recettes secondaires issues de l'exploitation du catalogue en 2020 et en 2021.
Les parties s'accordent également à reconnaître que la société TSE s'est acquittée auprès de la société Ruq des sommes de 104.761,05 € HT pour l'exercice 2020 et de 63.472,13 € HT pour l'exercice 2021 au titre de sa quote-part de recettes provenant des exploitations secondaires ou dérivées prévue par l'article 7.3 des contrats de coproduction.
La société TSE justifie qu'elle a, en outre, adressé à la société Ruq, par mail du 13 mai 2024, les bons de commande relatifs à sa quote-part sur les recettes secondaires des exercices 2022 et 2023, et qu'elle s'est acquittée d'une somme de 113.450,01 € TTC, par virement bancaire du 31 mai 2024, sur présentation des factures de la société Ruq.
Pour le reste, les bons de commande ainsi communiqués présentent la même forme que ceux que la société TSE avait précédemment adressés à la société Ruq. Or, celle-ci ne les avait jamais contestés et ne fait état d'aucun élément de nature à remettre en cause leur sincérité. Elle sera donc déboutée de sa demande portant sur la condamnation de la société TSE à produire le détail des recettes retirées des exploitations secondaires des programmes coproduits au cours des exercices 2020, 2021, 2022 et 2023.
Sur les créances de la société Little Bros
Enoncé des moyens
La société Little Bros sollicite le paiement de trois factures, datées du 10 juin 2020, d'un montant total de 9.198,01 € HT. Elle invoque également une créance au titre de sa quote-part liée à la marge positive pour la saison 2019/2020, ainsi qu'une quote-part sur les Best Of de cette même saison. Elle revendique, enfin, que la société TSE soit condamnée à produire le détail des recettes retirées des exploitations secondaires des programmes coproduits au cours des exercices 2020, 2021 et 2022.
La société TSE reconnaît être redevable de deux factures, tout en contestant devoir le prorata de la troisième. Pour les mêmes raisons que celles précédemment exposées, elle s'oppose au paiement de la quote-part revendiquée par la société Little Bros qui lui reviendrait sur le solde de marge positive du bilan de coproduction et d'une quote-part sur les Best Of. Elle rappelle, pour finir, qu'elle a d'ores et déjà satisfait à la demande de production concernant les recettes liées aux exploitations secondaires.
Réponse de la Cour
* Sur le paiement des factures de la société Little Bros
La société TSE reconnaît devoir le paiement de la facture n° 20026 du 10 juin 2020 d'un montant de 108,31 € HT et de la facture n° 20027 du 10 juin 2020 d'un montant de 282,84 € HT.
La facture n° 20025 du 10 juin 2020, d'un montant de 8.806,86 € HT, inclut une somme de 3.826,80 € HT correspondant à la quote-part des émissions Best Of de la saison 2018/2019. Or, ainsi qu'il a été dit plus haut, la société Little Bros n'a pas vocation à percevoir cette quote-part, de sorte que le montant restant dû par la société TSE doit être ramené à 4.980,06 € HT.
Le jugement sera ainsi confirmé, en ce qu'il a condamné la société TSE à payer à la société Little Bros la somme de 5.371,21 € HT. Le point de départ des intérêts invoqué par la société Little Bros n'étant pas contesté, il y a lieu de dire que la société TSE sera tenue du paiement des intérêts au taux légal à compter de la date d'exigibilité de chaque facture.
* Sur la quote-part de marge de coproduction pour la saison 2019/2020
Par suite des développements qui précèdent, il sera fait droit à la demande de la société Little Bros portant sur le paiement de la quote-part de marge de coproduction pour la saison 2019/2020 qui est positive, après déduction du bilan du coût des licenciements économique. La société TSE sera ainsi condamnée à payer à la société Little Bros la somme de 8.516,50 € HT au titre de la marge de coproduction pour la saison 2019/2020.
* Sur la quote-part des revenus tirés des Best Of pour la saison 2019/2020
La société Little Bros n'ayant aucun droit à une quote-part des recettes sur les Best Of, elle sera déboutée de la demande qu'elle forme à ce titre.
* Sur la quote-part des revenus tirés des ventes de droits à des tiers
Il n'est pas contesté que la société TSE a communiqué les bons de commande au titre de la quote-part de la société Ruq et de celle de la société Little Bros sur les recettes secondaires issues de l'exploitation du catalogue en 2020 et en 2021.
La société TSE justifie également qu'elle a communiqué à la société Litlle Bros, par mail du 13 mai 2024, les bons de commande relatifs à sa quote-part des recettes secondaires des exercices 2022 et 2023, conformément au modèle utilisé jusque-là, dont la sincérité n'avait jamais été remise en cause, et qu'elle s'est acquittée de l'ensemble des factures, qui lui avaient été adressées par M. [L] [A], par virement bancaire d'un montant de 12.613,24 € en date du 18 juillet 2024.
Dans le cadre des derniers échanges avec M. [A], ce dernier n'a émis aucune réserve au sujet des relevés communiqués.
Dans ces conditions, la demande de la société Little Bros portant sur la communication du détail des recettes retirées des exploitations secondaires des programmes coproduits sera rejetée.
Sur les autres demandes
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a ordonné la compensation entre les créances réciproques des parties.
Les sociétés Ruq et Little Bros succombant essentiellement au recours, le jugement sera confirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles. La demande de restitution de la société Little Bros portant sur la somme versée au titre des frais irrépétibles qu'elle a été condamnée à payer en première instance est, par suite, vouée à l'échec.
Statuant de ces chefs en cause d'appel, la Cour condamnera les sociétés Ruq et Little Bros aux dépens, dont distraction au profit de la SELARL BDL Avocats, ainsi qu'à payer à la société TSE une indemnité de 20.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
En l'absence de condamnation solidaire des sociétés appelantes prononcée à leur encontre à titre principal, il n'apparaît pas justifié d'assortir de la solidarité leur condamnation aux dépens et aux frais irrépétibles.
Enfin, il n'y a pas lieu de condamner les sociétés Ruq et Little Bros à rembourser à la société TSE les émoluments prélevés par l'huissier sur les sommes saisies sur leur compte bancaire, qui intègrent les frais d'exécution, sur lesquels la Cour n'a pas à statuer, dans le cadre de la présente procédure.
PAR CES MOTIFS
CONFIRME le jugement en ses dispositions soumises à la Cour, sauf en ce qu'il a condamné la SAS Ruq Productions à payer à la SAS Tout sur l'Ecran Productions la somme de 219.375 € en indemnisation des licenciements économiques,
STATUANT A NOUVEAU,
CONDAMNE la SAS Ruq Productions à payer à la SAS Tout sur l'Ecran Productions la somme de 452.689,07 € en indemnisation du coût des licenciements économiques,
Y AJOUTANT,
CONDAMNE la SAS Ruq Productions à payer à la SAS Tout sur l'Ecran Productions les intérêts au taux légal sur la somme de 611.288,99 € HT à compter du 12 janvier 2021,
CONDAMNE la SARL Little Bros à payer à la SAS Tout sur l'Ecran Productions les intérêts au taux légal sur la somme de 24.451,57 € HT à compter du 12 janvier 2021,
CONDAMNE la SAS Ruq Productions à payer à la SAS Tout sur l'Ecran Productions les intérêts au taux légal sur la somme de 6.048,28 € HT à compter du 12 janvier 2021,
CONDAMNE la SARL Little Bros à payer à la SAS Tout sur l'Ecran Productions les intérêts au taux légal sur la somme de 241,93 € HT à compter du 12 janvier 2021,
CONDAMNE la SAS Tout sur l'Ecran Productions à payer à la SAS Ruq Productions les intérêts au taux légal sur la somme de 167.573,17 € à compter du 21 décembre 2020,
CONDAMNE la SAS Tout sur l'Ecran Productions à payer à la SAS Ruq Productions la somme de 212.912 € HT au titre du solde positif de la marge de coproduction pour la saison 2019/2020 de l'émission « On n'est pas couché »,
CONDAMNE la SAS Tout sur l'Ecran Productions à payer à la SARL Little Bros les intérêts au taux légal sur la somme de 5.371,21 € HT à compter de la date d'exigibilité des factures correspondantes,
CONDAMNE la SAS Tout sur l'Ecran Productions à payer à la SARL Little Bros la somme de 8.516,50 € HT au titre de la marge de coproduction pour la saison 2019/2020,
CONDAMNE la SAS Ruq Productions et la SARL Little Bros aux dépens de l'appel, dont distraction au profit de la SELARL BDL Avocats,
CONDAMNE la SAS Ruq Productions et la SARL Little Bro à payer à la SAS Tout sur l'Ecran Productions la somme de 20.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
DEBOUTE les parties de leurs autres demandes.