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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 10, 20 janvier 2025, n° 22/13578

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Fonds Professionnel de Capital Investissement (Sté), Cobalt Investment (SAS), Episcope Finance (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Simon-Rosenthal

Vice-président :

M. Blanc

Conseiller :

M. Loos

Avocats :

Me Autier, Me Querleux, Me Beraud-Dufour, Me Laroche, Me de Moulins Beaufort

T. com. Paris, du 20 mai 2022, n° 202101…

20 mai 2022

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [P] [I] a été nommé président du directoire de la société holding Episcope Finance à compter du 29 juin 2015 par décision du conseil de surveillance. Cette société détient le Groupe Mertz qui exerce une activité de transport de matières dangereuses en citernes ou containers.

M. [I] a souscrit, en sa qualité de président, mandataire social un engagement de non -concurrence aux termes d'un courrier du 8 juin 2015, contresigné par lui le 16 juin 2015. Cet engagement a été matérialisé par une lettre sur papier à en-tête de Cobalt Capital du 8 juin 2015.

Cobalt Capital est une société de gestion de portefeuille pour compte de tiers et de services d'investissements. Elle détient Episcope Finance qui détient pour son compte des participations dans diverses entreprises industrielles, commerciales, financières ou autres.

En octobre 2016, Monsieur [P] [I] est devenu, à l'invitation de Cobalt, actionnaire (via une société personnelle) d'Episcope Finance à hauteur de 5,65 % de son capital par l'intermédiaire de sa société Les Monts de Blond (SMB). A l'occasion de cette opération, divers accords sont signés dont une lettre de Monsieur [P] [I] au FPCI Cobalt Investment et à Episcope Finance lesquels ont contresigné cette lettre " pour approbation des termes des présentes ".

Le 25 septembre 2018 le conseil de surveillance d'Episcope Finance a révoqué Monsieur [P] [I] de son mandat de président du directoire d'Episcope Finance. Par lettre du 8 octobre 2018, Monsieur [P] [I] a été libéré de l'engagement de non-concurrence mis en place à son entrée en fonctions en juin 2015.

Une assemblée générale mixte d'Episcope Finance s'est tenue le 31 juillet 2019 au cours de laquelle les actionnaires ont décidé de ne pas dissoudre Ia société et d'en reconstituer immédiatement les capitaux propres par voie de conversion d'obligations convertibles de Cobalt Capital et en réduisant à zéro puis augmentant le capital d'Episcope Finance. Monsieur [P] [I] s'est ainsi trouvé évincé du tour de table d'Episcope Finance.

Par lettre recommandée avec AR du 6 novembre 2020, Monsieur [P] [I] a demandé à Cobalt Capital de lui régler la contrepartie financière qu'il estimait lui être due au titre de l'engagement de non-concurrence contenu dans la lettre du 5 octobre 2016, soit la somme de 96 000 €. Cobalt Capital s'y est opposée.

Par acte du 8 mars 2021, Monsieur [P] [I] a assigné Le fonds professionnel de capital investment (FPCI) Cobalt Investment représenté par sa société de gestion Cobalt Capital et la SAS Episcope Finance.

Par jugement rendu le 20 mai 2022, le tribunal de commerce de Paris a statué comme suit :

- Condamne in solidum la FPCI Cobalt Investment, représenté par sa société de gestion Cobalt Capital et la SAS Episcope Finance à payer :

- La somme de 96 000 euros à Monsieur [P] [I] ;

- La somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à Monsieur [P] [I].

- Rejette toutes les demandes des parties, autres, plus amples ou contraires ;

- Condamne in solidum le FCPI Cobalt Investment, représenté par sa société de gestion Cobalt Capital et la SAS Episcope Finance aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 90,93 euros dont 14,94 euros de TVA.

Par déclaration du 13 juillet 2022, l'organisme Fond Professionnel de Capital Investissement a interjeté appel de cette décision.

Par dernières conclusions en date du 6 septembre 2024, le Fond Professionnel de Capital Investissement Cobalt Investment FPCI, représenté par sa société de gestion Cobalt Capital, demande à la cour de :

- Déclarer la société Cobalt Investment FPCI bien fondée dans son appel ;

- Infirmer le jugement rendu le 20 mai 2022 par le tribunal de commerce de Paris en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau :

- Déclarer irrecevables les prétentions de Monsieur [P] [I] à l'encontre de la société Cobalt Investment FPCI ;

- Constater qu'Episcope a valablement libéré Monsieur [P] [I] de l'obligation de non-concurrence souscrite le 8 juin 2015 et amendé le 5 octobre 2016 ;

- Débouter Monsieur [P] [I] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

En tout état de cause :

- Débouter Monsieur [P] [I] de ses demandes tendant à la condamnation in solidum de Cobalt Investment FPCI et Episcope à lui verser la somme de 20.000 euros ;

- Condamner Monsieur [P] [I] à verser à Cobalt la somme de 15 000 euros au titre du préjudice subi du fait de l'abus du droit d'ester en justice dont il s'est rendu coupable ;

- Débouter Monsieur [P] [I] de ses demandes tendant à la condamnation in solidum de Cobalt Investment FPCI et Episcope à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner Monsieur [P] [I] à verser à Cobalt Investment FPCI la somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamner Monsieur [P] [I] aux entiers dépens.

Par dernières conclusions en date du 12 septembre 2024, Monsieur [P] [I] demande à la Cour de :

- Juger que Monsieur [I] a respecté ses obligations de non-concurrence et de non-sollicitation résultant de l'article 2 de l'" Engagement d'exclusivité, de non-concurrence et de non-sollicitation " conclu le 5 octobre 2016 ;

- Juger que Monsieur [I] n'a pas été délié de cet engagement.

A titre principal :

- Infirmer le jugement du 20 mai 2022 (RG2021013999) du tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a fixé à 96 000 € l'indemnité forfaitaire mensuelle due à Monsieur [P] [I], en exécution de l'engagement du 5 octobre 2016, sans préciser qu'il s'agit d'un montant brut ;

- Condamner in solidum Cobalt Capital et Episcope Finance à payer la somme de 96 000 euros bruts à Monsieur [P] [I] en exécution de l'engagement du 5 octobre 2016.

A titre subsidiaire :

- Confirmer le jugement du 20 mai 2022 (RG2021013999) du Tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a condamné in solidum Cobalt Capital et Episcope Finance à payer l'indemnité forfaitaire mensuelle due à Monsieur [P] [I] en exécution de l'engagement du 5 octobre 2016,

En tout état de cause :

- Confirmer le jugement du 20 mai 2022 (RG2021013999) du tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a :

- Condamné in solidum Cobalt Capital et Episcope Finance à payer une somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à Monsieur [P] [I] ;

- Rejeté toutes les demandes de Cobalt Capital et Episcope Finance,

- Condamné in solidum Cobalt Capital et Episcope Finance aux dépens,

Et y ajoutant :

- Condamner in solidum les sociétés Cobalt Capital et Episcope Finance à payer à Monsieur [I] la somme de 20 000 € en raison de leur appel abusif et de leur résistance injustifiée à payer leur dette ;

- Condamner in solidum les sociétés Cobalt Capital et Episcope Finance à payer à Monsieur [I] la somme de 10 000 euros supplémentaires au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par dernières conclusions en date du 13 octobre 2022, la S.A.S Episcope Finance demande à la Cour de :

- Déclarer la société Episcope Finance bien fondée en son appel ;

- Infirmer le jugement rendu par le tribunal commerce de Paris le 20 mai 2022 en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau :

- Débouter Monsieur [P] [I] de toutes fins, demandes et conclusions ;

- Condamner Monsieur [P] [I] à verser à la Société la somme de 10 000 euros au titre du préjudice du fait de l'abus du droit d'ester en justice ;

- Condamner Monsieur [P] [I] à verser à la Société la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner Monsieur [P] [I] aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 septembre 2024.

SUR CE,

Sur la recevabilité de l'action à l'encontre de la société Cobalt

La société Cobalt soutient que l'action engagée à son encontre est irrecevable dès lors que l'engagement de non-concurrence invoqué par M. [I] a été souscrit par ce dernier en sa qualité de mandataire social et devait être rémunéré par la société Episope exclusivement qui qu'elle en était la bénéficiaire.

M. [I] fait valoir que le courrier de 30128 lui interdisant d'investir dans une entreprise concurrente a été voulu et imposé par Cobalt.

Sur le fond

Monsieur [I] soutient qu'il existe deux engagements de non-concurrence distincts signés à deux dates différentes, le premier étant conclu en 2015, par la signature du courrier du 8 juin 2015 et du procès-verbal du conseil de surveillance d'Episcope Finance du 29 juin 2015 nommant M. [I] en tant que président du groupe Mertz et membre du directoire, le second étant conclu en 2016, par la signature de la lettre du 5 octobre 2016 prévoyant un " Engagement d'exclusivité, de non-concurrence et de non-sollicitation ".

Il fait valoir qu'il a souscrit à un engagement de non-concurrence en sa qualité de mandataire social à l'égard de la société Episcope Finance selon courrier du 8 juin 2015 et un engagement de non-concurrence en sa qualité d'actionnaire à l'égard de Cobalt selon courrier du 5octobre 2016 dont il n'aurait pas été délié.

Il ajoute que ces deux engagements n'ont pas été conclus par les mêmes parties ou avec les mêmes qualités, le premier résultant du courrier du 8 juin 2015 avec Episcope Finance et lui-même en tant que futur salarié et dirigeant du Groupe Episcope Finance et le second ayant été conclu entre Cobalt Capital et lui-même, en tant qu'investisseur financier.

Il précise que mui-même et Cobalt Capital ont signé simultanément le 5 octobre 2016 ce second engagement et l'acte de cession par Cobalt Capital de 784 930 actions d'Episcope Finance.

Il fait valoir que Cobalt Capital a exigé de sa part, en tant que co-investisseur à ses côtés, un engagement personnel de non-concurrence et de non-sollicitation de sa part, même si elle savait parfaitement qu'il devenait actionnaire d'Episcope Finance via sa société SMB;

Un tel engagement, pour être efficace, devant être souscrit à titre personnel par la personne physique qui s'engage à limiter sa liberté d'entreprendre et d'investir d'une manière pouvant affecter les intérêts de la société co-détenue par Cobalt capital et lui et devant préciser que la personne s'interdit de travailler ou d'investir " directement ou indirectement " (" indirectement " signifiant donc notamment " via SMB "), et sous toutes qualités que ce soit (" comme associé, actionnaire, investisseur, cadre, mandataire, ' ").

Il ajoute que le périmètre de ces deux engagements, valables tous deux pendant 24 mois à compter de la cessation de ses fonctions, est différent, le premier engagement lui interdisant principalement l'exercice d'une activité de messagerie et de tri de courrier, le second ajoutant à cette interdiction, l'interdiction de " souscrire ou détenir des parts sociales, actions ou obligations d'une autre société exerçant une activité concurrente de celles de la Société [Episcope Finance] ou de ses filiales, ou souscrire des engagements financiers pour le compte d'une autre société exerçant une activité concurrente de celles de la Société [Episcope Finance] ou de ses filiales ".

Cette interdiction n'était pas stipulée dans le premier engagement de 2015. Elle est propre à sa qualité d' investisseur ".

La signature de cette lettre d'octobre 2016 n'aurait pas eu lieu en l'absence de cette modification de la relation entre les parties ; qu'en devenant actionnaire d'Episcope Finance, FPCI eu un intérêt direct à étendre le périmètre de l'engagement de non-concurrence pour englober le lien capitalistique qui s'est ajouté à celui de mandataire social. Le second engagement comporte dans sa clause de non-concurrence un engagement spécifique, lui interdisant cette fois d'investir dans une société concurrente après la cessation de ses fonctions (pendant 24 mois après celle-ci, et donc pas pendant la durée de son mandat) et ce au bénéfice de Cobalt Capital.

Le second engagement, exigé par Cobalt Capital n'avait pas pour but " d'amender " le premier engagement mais était un engagement distinct qui n'aurait pu être amendé que par décision du conseil de surveillance d'Episcope Finance.

Il soutient que le second engagement n'a pas été levé à la différence du premier expressément levé par courrier du 8 octobre 2018 d'Episcope Finance visant précisément la décision du conseil de surveillance du 29 juin 2015.

Il fait valoir qu'il a respecté toutes les actions interdites par l'article 2 du second engagement et précise que la seule limite temporelle de sa réclamation est l'acquisition de la prescription qui n'a de sens qu'une fois l'engagement de non-concurrence dument et intégralement respecté.

Il fait valoir que la solidarité entre codébiteurs est la règle en matière commerciale ; que Cobalt est partie au second engagement pour l'avoir négocié et signé et que celui-ci a été conclu en sa faveur.

Il invoque le fait qu'il a été dépossédé de toutes ses actions Episcope Finance pour ne pas avoir pu souscrire à l'augmentation de capital de la société, n'ayant pas de créance en compte courant sur Episcope Finance ni d'obligations convertibles et que, sur assignation de sa part, le tribunal de commerce de Paris a, par jugement 13 janvier 2023 dont il n'a pas été fait appel, condamné in solidum Cobalt Capital et M. [M], nouveau dirigent d'Episcope Finance à verser la somme de 392 465 euros à la société SMB qu'il détient au motif que l'opération constituait un abus de majorité qui a abouti à spolier les dirigeants ayant investi dans Episcope Finance et condamné Episcope Finance à payer à SMB la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral en raison de la brutalité de sa révocation.

Il sollicite le paiement de la somme de 4 000 euros bruts sur 24 mois, soit 96 000 euros brut.

La société Cobalt fait valoir que le courrier de 2015 contenait déjà une interdiction de souscrire des actions dans une société concurrente.

Elle soutient que le périmètre de l'obligation de non-concurrence a été étendu à la souscription ou détention des parts sociétés d'actions ou obligations d'une autre société exerçant une activité concurrente de celle d'Episcope ou de ses filiales et à la souscription d'engagements financiers pour le compte d'une autre société exerçant une activité concurrente de ces dernières, les fonctions financières n'ayant en revanche pas été modifiées et la société en sa qualité de bénéficiaire étant habilitée à libérer partiellement ou intégralement M. [I] de cette interdiction. Elle ajoute que le montant de l'indemnité est calculé au prorata temporis et que cette modification ne nécessitait pas l'approbation du conseil de surveillance.

La société Cobalt soutient que les demandes de M. [I] sont irrecevables.

Elle ajoute que si l'indemnité est due, seule Episcope est tenue de la payer selon les termes du second engagement. Elle fait valoir que la jurisprudence s'attache à vérifier que la solidarité doit correspondre à l'intention profonde des parties et ressort clairement du titre constitutif de l'obligation ; que son immixtion dans les relations entre sa filiale Episcope et M. [I] est insuffisante pour qu'elle soit tenue solidairement même si elle avait négocié le contrat.

Les sociétés Episcope et Cobalt soutiennent qu'il n'existe qu'un seul engagement pris à l'égard d'Episcope qui devait être rémunéré par Episcope exclusivement puisqu'elle en était la bénéficiaire et que c'est pour protéger cette dernière qu'il a été formellement ajouté à l'engagement souscrit par M. [I] celui de ne pas investir dans une société concurrente ; que le courrier du 5 octobre 2016 est venu amender celui du 8 juin 2015 mais n'a pas ajouté une obligation de non-concurrence, peu importe que Cobalt en ait été un des destinataires ou qu'elle ait été intéressée ou non à la cession de titres faite au management d'Episcope. Elle ajoute que l'intitulé du courrier du 5 octobre 2016 de M. [I] est très explicite " Les présentes ont pour objet de préciser les termes et engagements d'exclusivité, de non-concurrence et de non sollicitation dans le cadre de mes fonctions au sein de la Société et ses filiales ".

Elles contestent le fait que cet engagement soit un engagement conclu entre " investisseurs ", au prétexte qu'il a été signé par M. [I], et non par sa société SMB par l'intermédiaire de laquelle il détenait des participations dans Episcope Finance.

Elles font valoir que les modalités de rémunération prévues par les deux engagements seraient identiques :

- le premier engagement prévoit que " vous percevrez, après la cessation effective de votre mandat de Président de la Société et pendant toute la durée de cette interdiction, une indemnité forfaitaire mensuelle égale à 4 000 euros ",

- le second engagement prévoit au (i) de son article 2 que " le Mandataire social percevra, après la cessation effective de ses fonctions (') pendant une période de vingt-quatre (24) mois, une indemnité forfaitaire mensuelle égale à quatre mille (4 000) euros bruts " et ensuite précise au (iii) de son article 2 que " le montant dû au Mandataire Social sera calculé prorata temporis en fonction de la période de non-concurrence et de non-sollicitation effectivement respectée par le Mandataire Social ".

Réponse de la cour

L'article 1188 du code civil, alinéa 1 dispose que " Le contrat s'interprète d'après la commune intention des partes plutôt qu'en s'arrêtant au sens littéral de ses termes. ".

En l'espèce, il résulte des pièces produites par les parties que par courrier en date du 8 juin 2015, que M. [I] désigne comme étant le premier engagement, la société Cobalt Capital a informé celui-ci qu'il avait été " choisi pour prendre la direction du groupe Mertz (le "Groupe ") constitué de la société holding Episcope Finance pour prendre diriger le Groupe (') Vous serez nommé par le Conseil de Surveillance d'Episcope d'Episcope Finance, contrôlé par Cobalt Capital, dès que possible quand vous nous aurez annoncé votre date de départ de vos fonctions actuelles, et en aucun cas après le 15 juillet 2016 en qualité de président de la Société pour une durée de cinq 5 ans renouvelables (') "

Aux termes du paragraphe intitulé " Non concurrence - Non sollicitation ", il est indiqué :

" Vous vous engagerez, pendant une durée de vingt-quatre (24 mois), à compter de la cessation de vos fonctions au sein de la Société pour une cause quelconque, à ne pas, directement ou indirectement comme associé, actionnaire, investisseur, cadre, mandataire social, employé, agent ou consultant de toute personne physique ou moral ou de toute entité non dotée de la personnalité morale, de quelque nationalité qu'elle soit, en France :

. vous intéresser ou vous engager, directement ou indirectement, sous quelque forme que ce soit, et notamment en sollicitant ou prospectant un client ou un fournisseur du Groupe dans une activité de messagerie et de tris de courrier ;

. persuader, seul ou par l'intermédiaire d'un tiers et sous quelque forme que ce soit, un client, un fournisseur, un partenaire, un agent commercial, ou une franchise, un salarié ou dirigeant social pour plus généralement une relation d'affaires de la Société et/ou de ses filiales directes ou indirectes quelle qu'elles soient, de cesser ou de réduire significativement toutes relations commerciales avec la Société et/ou l'une de filiales directes ou indirectes ; et

. solliciter seul ou par l'intermédiaire d'un tiers, un salarié ou dirigeant social, de la Société et/ou de l'une de ses filiales directes ou indirectes, en vue de le convaincre de quitter des fonctions au sein de la Société et/ou de l'une ou des filiales directes ou indirectes.

En contrepartie de l'obligation de non-concurrence prévue ci-dessus, vous percevrez, après la cession effective de votre mandat de Président de la Société et pendant toute la durée de cette interdiction, une indemnité forfaitaire mensuelle égale à 4 000 euros ; (')

La Société se réserve toutefois la possibilité de vous libérer de l'interdiction de non-concurrence et par conséquent de se dégager de l'obligation de versement de la contrepartie financière, en vous notifiant de cette décision dans les 15 jours de votre départ effectif du Groupe. (')"

Cette proposition a été contresignée par M. [P] [I] le 16 juin 2015.

Par courrier à en-tête de M. [I] adressé à la société FPCI Cobalt Investment avec copie à la société Episcope France, en date du 5 octobre 2016, que M. [I] désigne comme étant le second engagement, dont l'objet mentionné est " Engagement d'exclusivité, de non concurrence et de non sollicitation " il est indiqué :

" Référence faite au courrier en date du 8 juin 2015 par lequel vous m'avez informé de ma nomination à intervenir en qualité de président de la société Episcope France (')

Dans le courrier susvisé, vous m'avez exposé les termes et conditions d'exercice de mon mandat social de président de la Société.

Les présentes ont pour objet de préciser les termes de mes engagements d'exclusivité, de non concurrence et de non-sollicitation dans le cadre de mes fonctions au sein de la Société et de ses filiales. "

Il s'ensuit un article 1 intitulé " Engagement d'exclusivité " et un article 2 intitulé " Engagements de non-concurrence et non-sollicitation " pendant 24 mois à compter du départ effectif de M. [I] de la Société.

Au titre de l'article 2, il est ajouté, par rapport au premier engagement, qu'il est fait interdiction à M. [I] " de souscrire ou détenir des parts sociales, actions ou obligations d'une autre société exerçant une activité concurrente de celles de la Société ou de ses filiales ou souscrire des engagements financiers pour le compte d'une autre société exerçant une activité concurrente de celles de la Société ou de ses filiales. "

Les dispositions relatives à l'indemnité mensuelle devant être perçue par M. [I] en contrepartie de ses obligations, à compter de son départ effectif de " la Société " est de 4 000 euros, la " Société " se réservant la possibilité de libérer partiellement ou intégralement le " Mandataire social " de ses obligations et de se dégager de la contrepartie financière.

Il est également précisé que :

" Le Mandataire Social et l'Investisseur conviennent que les obligations stipulées aux Articles 1 et 2 des présentes :

(i) complètent les engagements ayant un objet identique ou semblable stipulés dans le pacte d'associé conclu en date du 26 juillet 2011 entre les associés de la Société et auquel le Mandataire social a adhéré en date du 5 octobre 2016, ces stipulations demeurant applicables ; et

(ii) annulent et remplacent les engagements ayant un objet identique ou semblable stipulés dans toute autre convention, correspondance ou document antérieur que le Mandataire social et l'Investisseur Financier ont pu conclure ou se communiquer. "

Ce document a été signé par Monsieur [P] [I], la société FPCI Cobalt Investment et la société Episcope Finance.

Suite à la révocation de M. [I] de ses fonctions, la société Episcope Finance a, par courrier du 8 octobre 2018, relevé M. [I] de son obligation de non concurrence " tel que prévu par la décision du Conseil de surveillance en date du 29 juin 2015 qui vous avait nommé président de la Société ".

Ainsi, il résulte des pièces produites par les parties que M. [I], en sa qualité de mandataire social, dans son courrier du 5 octobre 2016, fait expressément référence au courrier du 8 juin 2015 (qu'il a contresigné le 16 juin suivant) et que ce courrier du 5 octobre 2016 a " pour objet de préciser les termes de mes engagements d'exclusivité, de non concurrence et de non-sollicitation dans le cadre de mes fonctions au sein de la Société et de ses filiales. "

Les clauses relatives à l'indemnisation des obligations de non-concurrence et de non-sollicitation n'ont pas été modifiées, la société Episcope ayant la faculté de libérer M. [I] de ces obligations et de se libérer, en conséquence, de son obligation de verser à ce dernier une contrepartie financière. Seule la condition liée au calcul de l'indemnité prorata temporis étant ajoutée.

Si ce courrier du 5 octobre 2016 étend le périmètre de l'obligation de non-concurrence à la souscription ou détention des parts sociétés d'actions ou obligations d'une autre société exerçant une activité concurrente de celle d'Episcope ou de ses filiales et à la souscription d'engagements financiers pour le compte d'une autre société exerçant une activité concurrente de ces dernières, il ne peut être considéré comme un second engagement de non-concurrence souscrit par M. [I] en sa qualité d'actionnaire de la Société puisque d'une part ce dernier y est désigné comme " Mandataire social " qui est son statut en qualité de président du conseil de surveillance d'Episcope Finance et non comme actionnaire et que d'autre part, ce courrier précise qu'il remplace les engagements ayant un objet identique ou semblable ou document antérieur que le mandataire social et l'investisseur financier ont pu conclure tel que le courrier du 8 juin 2015.

Il ressort donc des pièces produites que la commune intention des parties n'était pas, en octobre de 2016, de soumettre M. [I] à un second engagement de non-concurrence, distinct de celui qu'il avait contracté en juin 2015, mais d'amender les termes de cet engagement, en étendant son champ d'application de sorte que, comme le soutiennent la société Episcope Finance et la société de gestion du FPCI Cobalt Investement, M. [I] en a été délié par l'effet du courrier du 8 octobre 2018, et qu'il ne peut exiger le paiement de l'indemnité stipulée en contrepartie de cet engagement.

Le jugement entrepris sera donc infirmé en toutes ses dispositions et Monsieur [I] sera débouté de sa demande en paiement formée au titre de l'engagement de non-concurrence.

Sur la demande de dommages et intérêts formée par les intimés pour appel abusif.

La société Episcope Finance et le FPCI Cobalt Investment représenté par sa société de gestion Cobalt Capital, ne démontrent pas qu'en les assignant devant le tribunal de commerce de Paris, Monsieur [I], nonobstant le rejet de ses demandes, ait fait dégénérer en abus son droit d'agir en justice.

Ils seront déboutés de leurs demandes.

Sur la demande de dommages et intérêts formée par M. [I] pour appel abusif

Monsieur [I] succombant en son appel sera débouté de cette demande.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

M. [I] succombant en ses demandes et en son appel sera condamné aux dépens de première instance et d'appel et débouté de sa demande d'indemnité de procédure. Il sera condamné sur ce même fondement, à payer à chacun des intimés la somme de 3 000 euros.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Déboute Monsieur [P] [I] de sa demande en paiement ;

Déboute Monsieur [P] [I] de sa demande de dommages-intérêts ;

Déboute la société sociétés Episcope Finance de sa demande de dommages et intérêts ;

Déboute le FPCI Cobalt Investment représenté par sa société de gestion Cobalt Capital de sa demande de dommages et intérêts ;

Condamner Monsieur [P] [I] aux dépens de première instance et d'appel ;

Déboute Monsieur [P] [I] de sa demande d'indemnité de procédure ;

Condamne Monsieur [P] [I] à payer à la société Episcope Finance la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Monsieur [P] [I] à payer au FCPI Cobalt Investment représenté par sa société de gestion Cobalt Capital la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

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