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Décisions

CA Toulouse, 3e ch., 21 janvier 2025, n° 23/01132

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Core (SCI)

Défendeur :

Gsjd (SARL), Maison B (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Salmeron

Conseillers :

Mme Martin de la Moutte, M. Norguet

Avocats :

Me Durand-Raucher, SCP Cabinet Mercie, Me Benoit-Palaysi, SCP Acteis, Me Astie, Me Regnier

TJ Toulouse, hors JAF, JEX, JLD, J. Expr…

14 mars 2023

Exposé du litige

La SCI Core est propriétaire d'un local commercial situé à [Adresse 1] à [Localité 8] (31), dans une copropriété cadastrée section AO, n°[Cadastre 7] et [Cadastre 6], formant partie du lot n°5.

Par contrat ayant pris effet le 21 juin 2013, la SCI Core a donné ce local à bail commercial à la société à responsabilité limitée MTK.

Par jugement du 17 mars 2016, le tribunal de commerce de Toulouse a ouvert le redressement judiciaire de la Sarl MTK et désigné la Selas Egide en qualité de mandataire judiciaire. Cette procédure a été convertie en liquidation judiciaire.

Par contrat ayant pris effet le 21 juillet 2017, la Selas Egide, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société MTK, a cédé à la société GSJD le fonds de commerce de cette dernière, incluant le bail de ce local à usage commercial, sur le fondement des articles L. 642-19 et suivants du code de commerce.

Par acte du 11 décembre 2018, auquel la SCI Core est intervenue, la société GSJD a cédé à la société Maison B, son fonds de commerce, incluant le droit au bail commercial pour les locaux commerciaux dans lequel le fonds est exploité.

Par jugement en date du 30 avril 2019, le tribunal de commerce de Toulouse a prononcé la liquidation judiciaire de la Sarl GSJD et a désigné la Selarl Benoit & Associés prise en la personne de Maître [C] [K] comme liquidateur judiciaire de cette société.

Par jugement du 29 juillet 2021, le tribunal de commerce de Toulouse a :

- Prononcé aux torts exclusifs de la société Maison B la nullité de la cession du fonds de commerce conclue entre la Sarl GSJD et la Sarl Maison B, suivant acte en date du 11 décembre 2018, et ce, à compter du 11décembre 2018

- Ordonné à la Sarl Maison B de restituer l'ensemble des éléments corporels et incorporels de ce fonds de commerce, sans délai, à compter de la signification du présent jugement,

- Ordonné l'exécution provisoire.

La SARL Maison B a relevé appel mais s'est désisté de cet appel à la suite d'une transaction, homologuée par le juge commissaire, par laquelle les parties ont renoncé à se prévaloir de la nullité de la cession.

Par jugement du 2 novembre 2021, le tribunal de commerce de Toulouse a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la Sarl Maison B et a désigné la Selas Egide prise en la personne de Maître [L] en qualité de mandataire judiciaire de la Sarl Maison B.

Par jugement du 6 octobre 2022, le tribunal de commerce de Toulouse a arrêté un plan de redressement concernant la SARL MAISON B.

Par Ordonnance du 3 juin 2022, le juge-commissaire à la procédure collective de la SARL GSJD, saisi à la requête de la SCI Core, a constaté la résiliation du contrat de bail établi le 21 juin 2013 entre la SCI Core et la société MTK à laquelle la société GSJD a succédé en qualité de preneuse, en raison du non paiement des loyers.

Par actes en date des 10 et 14 novembre 2022, la SCI Core a fait assigner la SARL GSJD, prise en la personne de Me [C] [K] de la SELARL Benoit & Associés, es qualité de liquidateur judiciaire, et la SARL Maison B devant le président du tribunal judiciaire de Toulouse, statuant en référé aux fins d'obtenir l'expulsion des défendeurs ainsi que :

- de fixer à titre de provision une indemnité d'occupation mensuelle conforme au montant du loyer augmenté des charges, soit 4.087,33 €, révisable selon les dispositions contractuelles, jusqu'à la libération effective des lieux,

- condamner solidairement la Sarl GSJD et la SARL Maison B au paiement à titre de provision, de ladite indemnité d'occupation et ce, à partir de la date du 3 juin 2022, soit la somme de 16 979.34 euros arrêtée au 1er octobre 2022, à parfaire au jour du départ effectif des lieux,

- condamner solidairement la Sarl GSJD et la Sarl Maison B à verser à la SCI Core la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement la Sarl GSJD et la SARL Maison B aux entiers dépens de la présente instance.

Par ordonnance contradictoire en date du 14 mars 2023, le juge des référés a :

- dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de la SCI CORE,

- débouté la SCI Core, la Selarl Benoit & Associes, Me [C] [K], es qualité de mandataire judiciaire de la Sarl GSJD et la SARL Maison B de leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé les dépens à la charge de la SCI Core.

Par déclaration en date du 27 mars 2023, la SCI Core a relevé appel de cette ordonnance dont elle critique l'ensemble des dispositions.

Prétentions et moyens des parties

Vu les conclusions notifiées le 9 septembre 2024 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la SCI Core demandant à la cour, au visa des articles 834 et 835 du code de procédure civile, de :

- infirmer l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Toulouse du 14 mars 2022 (N° 22/02026) en ce qu'elle a :

* dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de la SCI Core,

* débouté la SCI Core, la SELARL Benoit & Associes, Me [C] [K], es qualité de mandataire judiciaire de la SARL GSJD et la SARL Maison B de leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

* laissé les dépens à la charge de la SCI Core,

Statuant à nouveau,

- ordonner l'expulsion de la Sarl GSJD et de la Sarl Maison B des lieux loués sis, [Adresse 1], à [Localité 8] (France), ainsi que celle de tout occupant de son chef et ce, sans délai, avec si besoin le concours de la force publique,

- fixer à titre de provision une indemnité d'occupation mensuelle conforme au montant du loyer augmentée des charges, soit 4.208, 36 €, révisable selon les dispositions contractuelles, jusqu'à la libération effective des lieux,

- condamner solidairement la SARL GSJD et la SARL Maison B au paiement à titre de provision, de ladite indemnité d'occupation et ce, à partir de la date du 3 juin 2022, soit la somme de 50.933, 47 €, arrêtée au 1er septembre 2024, à parfaire au jour du départ effectif des lieux,

- condamner solidairement la SARL GSJD et à la SARL Maison B à verser à la SCI Core la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la 1ère instance,

En tout état de cause,

- condamner solidairement la SARL GSJD et à la SARL Maison B à verser à la SCI Core la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,

- condamner solidairement la SARL GSJD et à la SARL Maison B aux entiers dépens.

Vu les conclusions notifiées le 3 mai 2023 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation de la SELARL Benoit & Associes, Me [C] [K], en qualité de mandataire judiciaire de la SARL GSJD, demandant à la cour de:

- débouter la SCI Code et la SARL Maison B de toutes leurs demandes, fins et prétentions,

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé du 14 mars 2023,

- débouter la SCI Core toutes ses demandes, fins, et prétentions,

- condamner la SCI Core à payer à la SELARL Benoit & Associes, Me [C] [K], es qualité de mandataire judiciaire de la SARL GSJD :

* la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

* la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile devant le premier juge,

* les entiers dépens d'appel et les entiers dépens de première instance.

Vu les conclusions notifiées le 2 septembre 2024 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation de la SARL Maison B demandant à la cour, au visa des articles 834 et 835 du code de procédure civile, de :

- débouter la SCI Core de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer la décision dont appel dans toutes ses dispositions,

- condamner la SCI Core à verser à la SARL Maison B la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

L'ordonnance de clôture, initialement prévue le 5 février 2024, a été reportée au 27 mai 2024 puis au 9 septembre 2024.

L'affaire, initialement prévue à l'audience du 12 février a été renvoyée à l'audience du 3 juin 2024 puis du 7 octobre 2024.

Motifs

Selon l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

Aux termes de l'article 835 du même code, il peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

La SCI Core poursuit l'expulsion de la société GSJD et de la société Maison B des lieux loués, en invoquant au soutien de ses prétentions, en premier lieu le jugement du 29 juillet 2021 ayant prononcé aux torts exclusifs de la société Maison B la nullité de la cession du fonds de commerce entre la société GSJD et la société Maison B par acte du 11 décembre 2018, et en second lieu, l'ordonnance du juge commissaire à la procédure collective de la société GSJD en date du 3 juin 2022 qui a constaté la résiliation du bail consenti sur les locaux litigieux par la SCI Core à la société MTK à laquelle la société GSJD qui a acquis le fonds a succédé en qualité de preneuse.

Elle estime que le jugement du 29 juillet 2021 est définitif par l'effet du désistement d'appel de la société Maison B et que dès lors, la société GSJD est redevenue titulaire du bail commercial, lequel a été résilié en raison du non-paiement des loyers.

Reconnaissant que la société GSJD n'occupe plus les lieux loués, occupés par la société Maison B, elle soutient que cette dernière est sans droit ni titre.

La Selarl Benoit & associés, liquidateur de la société GSJD, fait valoir que contrairement à ce que soutient la société bailleresse, la société Maison B est seule locataire. Elle estime que la SCI le Core qui a procédé par voie de requête, sans l'informer de sa demande, a trompé le juge-commissaire en sollicitant la résiliation du bail sans préciser que le jugement du 29 juillet 2021 ayant annulé la cession du fonds au profit de la société Maison B était frappé d'appel.

La société Maison B qui revendique sa qualité de locataire fait valoir qu'elle est à jour des loyers échus depuis l'ouverture de son redressement judiciaire, que la résiliation du bail dont elle bénéficie n'a jamais été sollicitée et qu'elle ne peut donc pas être expulsée.

La cour constate que contrairement à ce que soutient la SCI Core, le jugement du 29 juillet 2021 par lequel le tribunal a annulé la cession du fonds et celle du bail litigieux par la société GSJD au profit de la Société Maison B n'est pas définitif puisque les parties se sont accordées dans le cadre d'un protocole d'accord, homologué par le juge commissaire à la procédure collective de la société GSJD, par lequel cette dernière renonce à la nullité de la cession.

En vertu de ce protocole, les parties ont renoncé au bénéfice du jugement ayant annulé la cession, la cession produit à nouveau tous ses effets et la société Maison B est donc seule locataire.

Le mandataire judiciaire de la société maison B a d'ailleurs rappelé à la bailleresse par courrier du 3 décembre 2021 les dispositions de l'article L 622-14 du code de commerce, lui précisant que le contrat de bail se poursuivait après l'ouverture de la procédure collective.

Il est donc vain pour la SCI Core d'invoquer la résiliation du bail constatée par le juge commissaire à la procédure collective de la société GSJD par ordonnance du 3 juin 2022, puisque à la date à laquelle cette résiliation a été sollicitée, la société GSJD n'était plus locataire. En revanche, alors que le mandataire judiciaire à la procédure collective de la société Maison B avait revendiqué auprès de la SCI Core la poursuite du contrat de bail, aucune action n'a été engagée à l'encontre de la société Maison B en raison du non-paiement des loyers postérieurs à l'ouverture de la procédure collective.

Il appartient par conséquent à la SCI Core qui se prétend créancière au titre de loyers impayés, de poursuivre, préalablement à son action en expulsion, la résiliation du bail à l'encontre de la société Maison B, qui se prévaut de sa qualité de preneuse à bail et occupe les lieux en cette qualité.

C'est donc à juste titre que le juge des référés a constaté l'existence d'une contestation sérieuse portant tant sur la demande d'expulsion que sur la demande de condamnation in solidum des sociétés GSJD et Maison B au paiement des indemnités d'occupation.

L'ordonnance déférée sera intégralement confirmée.

Partie perdante, la SCI Core supportera les dépens d'appel.

Elle devra indemniser la société GSJD et la société Maison B des frais irrépétibles que ces dernières ont été contraintes d'exposer pour les besoins de leur défense en cause d'appel.

Par ces motifs

Confirme l'ordonnance déférée,

Y ajoutant,

Condamne la SCI Core aux dépens d'appel,

Condamne la SCI Core à payer à la société GSJD la somme de 1500 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SCI Core à payer à la société Maison B la somme de 1500 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

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