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Décisions

CA Versailles, ch. civ. 1-2, 21 janvier 2025, n° 23/06432

VERSAILLES

Arrêt

Autre

CA Versailles n° 23/06432

21 janvier 2025

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 53B

Chambre civile 1-2

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 21 JANVIER 2025

N° RG 23/06432 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WCP7

AFFAIRE :

[Y] [I]

C/

S.A. FRANFINANCE

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 août 2023 par le Juge des contentieux de la protection de RAMBOUILLET

N° RG : 23-000160

Expéditions exécutoires

Copies certifiées conformes délivrées

le : 21.01.25

à :

Me Stéphanie ARENA

Me Stéphanie CARTIER

Me Banna NDAO

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT ET UN JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

APPELANT

Monsieur [Y] [I]

né le [Date naissance 2] 1951 à [Localité 8]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentant : Me Stéphanie ARENA de la SELEURL ARENA AVOCAT, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 637

Plaidant : Me Aqdas MOHAMMAD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : T06

****************

INTIMÉS

S.A. FRANFINANCE

N° SIRET : 719 807 406

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentant : Me Stéphanie CARTIER, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 350

SASALLIANCE FRANCAISE DE L'ENERGIE - AFE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

N° SIRET : 529 90 4 3 77

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentant : Me Banna NDAO, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 667

Plaidant : Me Paul ZEITOUN de la SELEURL PZA PAUL ZEITOUN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1878

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 21 novembre 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne THIVELLIER, Conseillère chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe JAVELAS, Président,

Madame Anne THIVELLIER, Conseillère,

Madame Agnès PACCIONI, Vice-présidente placée,

Greffière placée lors des débats : Madame Gaëlle RULLIER,

Adjointe administrative faisant fonction de greffier lors du prononcé de la décision : Madame Anne-Sophie COURSEAUX

EXPOSÉ DU LITIGE

Dans le cadre d'un démarchage à domicile et suivant contrat signé le 24 mai 2019, M. [Y] [I] a commandé auprès de la société Alliance Française de l'Energie une pompe à chaleur air/eau et un chauffe-eau thermodynamique pour un montant total de 19 000 euros financé par un prêt conclu auprès de la société Franfinance le même jour remboursable en 144 mensualités de 177,85 euros après un différé de 6 mois, moyennant un taux débiteur annuel de 4,85%.

Après mise en demeure de régulariser des échéances impayées du 3 février 2021, la société Franfinance a prononcé la déchéance du terme du prêt le 30 mars 2021.

Par acte d'huissier de justice du 6 août 2021, la société Franfinance a fait assigner M. [I] devant le juge des contentieux de la protection de Rambouillet aux fins d'obtenir sa condamnation au paiement des sommes restant dues au titre du prêt.

Par acte d'huissier de justice du 5 janvier 2022, M. [I] a fait assigner en intervention forcée la société Alliance Française de l'Energie aux fins de voir :

- prononcer la résolution judiciaire du contrat de fourniture de pompe à chaleur,

- condamner la société Alliance Française de l'Energie à lui verser la somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts et la somme de 1 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire du 8 août 2023, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Rambouillet a :

- dit n'y avoir lieu à annulation du contrat de vente et du contrat de crédit,

- condamné M. [I] à payer à la société Franfinance la somme de 18 803,08 euros au titre du contrat de crédit souscrit le 24 mai 2019,

- débouté les parties de leurs autres demandes,

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,

- condamné M. [I] aux dépens de l'instance.

Par déclaration reçue au greffe le 11 septembre 2023, M. [I] a relevé appel de ce jugement en intimant la société Franfinance.

Par déclaration reçue au greffe le 6 octobre 2023, M. [I] a relevé appel de ce jugement en intimant la société Franfinance et la société Alliance Française de l'Energie.

Par ordonnance du 11 octobre 2023, le conseiller de la mise en état a joint les deux procédures dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 6 novembre 2024, M. [I], appelant, demande à la cour de :

- infirmer le jugement du tribunal de proximité de Rambouillet du 8 août 2023 dans toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

A titre principal,

- prononcer l'annulation du contrat de prêt à la consommation consécutivement à l'annulation du contrat de vente lié,

A titre subsidiaire,

- dire que la société Franfinance sera déchue du droit de percevoir l'intérêt conventionnel,

- prononcer la résolution judiciaire du contrat de fourniture de pompe à chaleur qu'il a conclu avec la société Alliance Française de l'Energie,

En tout état de cause,

- condamner la société Alliance Française de l'Energie à lui verser la somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamner in solidum les sociétés Franfinance et Alliance Française de l'Energie aux entiers dépens,

- condamner la société Alliance Française de l'Energie à lui verser la somme de 4 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 15 octobre 2024, la société Alliance Française de l'Energie, intimée et appelante à titre incident, demande à la cour de :

- la déclarer recevable et bien fondée en toutes ses demandes,

- rejeter les demandes, fins et conclusions de M. [I] prises à son encontre,

- rejeter toutes les prétentions et demandes formées à son encontre par la société Franfinance,

Y faisant droit,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [I] de ses demandes de nullité et de résolution du bon de commande conclu avec elle,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [I] de sa demande de dommages et intérêts formée à son encontre,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande indemnitaire à l'égard de M. [I] du fait de son action abusive,

Ce faisant,

A titre principal, sur la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté M. [I] de sa demande de nullité du bon de commande,

- déclarer que M. [I] succombe totalement dans l'administration de la preuve d'une inexécution contractuelle d'une gravité suffisante lui étant imputable,

- déclarer qu'elle a parfaitement exécuté les obligations auxquelles elle s'était engagée aux termes du contrat conclu avec M. [I] le 24 mai 2019,

- déclarer qu'elle a parfaitement exécuté ses obligations contractuelles,

En conséquence,

- débouter M. [I] de ses demandes d'annulation et résolution du contrat conclu avec elle,

A titre subsidiaire, sur la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté M. [I] de sa demande indemnitaire formulée à son encontre,

- juger qu'elle a parfaitement accompli toutes ses obligations contractuelles,

- juger que M. [I] est défaillant dans l'administration de la preuve d'une faute commise par elle et d'un préjudice dont il serait victime,

En conséquence,

- débouter M. [I] de l'intégralité de ses demandes indemnitaires et notamment du versement de la somme de 2 500 euros,

En tout état de cause, sur l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande indemnitaire à l'égard de M. [I] du fait de son action abusive,

- condamner M. [I] à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du caractère parfaitement abusif de l'action initiée par ce dernier,

- condamner M. [I] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [I] aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions signifiées le 8 mars 2024, la société Franfinance, intimée et appelante à titre incident, demande à la cour de :

- la dire et juger tant recevable en son appel incident que bien fondée en l'ensemble de ses moyens, fins et conclusions,

Y faisant droit et à titre principal,

- dire et juger M. [I] mal fondé en son appel,

- confirmer en l'ensemble de ses dispositions le jugement sauf en ce qu'il prononcé la déchéance du droit aux intérêts contractuels et condamné M. [I] à lui payer la somme de 18 803,08 euros,

Statuant à nouveau,

- condamner M. [I] au paiement de la somme totale de 22 026,38 euros avec intérêts au taux contractuel annuel de 4,85 % à valoir sur la somme totale de 20 490,34 euros (Total A + B + C) et au taux légal pour le surplus (D) et ce, à compter de la mise en demeure du 6 avril 2021 et jusqu'à parfait paiement, conformément à l'article L. 312-39 du code de la consommation,

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où les conventions seraient annulées ou résolues,

- ordonner la remise de l'ensemble des parties en l'état où elles se trouvaient antérieurement à la conclusion des conventions annulées ou résolues, y compris la restitution du prix,

- condamner M. [I] à restituer le capital prêté,

En tout état de cause,

- condamner M. [I] au paiement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel au profit de Maître Stéphanie Cartier qui pourra les recouvrer dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 21 novembre 2022.

Le 20 décembre 2024, la cour a adressé aux parties, via le RPVA, le message suivant:

' La cour relève qu'il ressort du dispositif du jugement déféré que le premier juge a condamné M. [I] à payer à la société Franfinance la somme de 18 803,08 euros au titre du contrat de crédit souscrit le 24 mai 2019.

Dans sa motivation, il a indiqué que cette somme portera intérêts au taux légal sans majoration à compter de la présente décision, ce qu'il n'a pas repris dans le dispositif du jugement.

La cour entend rectifier d'office cette omission en application de l'article 463 du code de procédure civile.

Les parties sont donc invitées à faire valoir leurs observations sur ce point avant le 9 janvier 2025.'

Par message RPVA du 7 janvier 2025, la société Alliance Française de l'Energie a indiqué s'en remettre à la sagesse de la cour sur ce point.

Par message RPVA du 8 janvier 2025, la société Franfinance a indiqué ne pas être opposée à cette rectification.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes d'annulation et de résolution du contrat de contrat de vente

Le premier juge a débouté M. [I] de ses demandes en annulation et en résolution du contrat de vente aux motifs que s'il justifiait d'une légère augmentation du montant de ses factures d'électricité, il ne démontrait aucune promesse d'un rendement spécifique de la pompe à chaleur dont il est connu qu'elle ne peut permettre à elle seule de produire toute l'énergie d'un foyer, le bon de commande étant muet sur ce point, et qu'il ne démontrait pas que la pompe à chaleur était totalement inopérante.

M. [I] demande à titre principal l'annulation du contrat de prêt consécutivement à l'annulation du contrat de vente lié.

Il fait grief au premier juge d'avoir retenu qu'il ne rapportait pas la preuve d'un rendement spécifique de la pompe à chaleur et d'avoir commis une erreur d'appréciation des éléments factuels lui ayant été soumis puisqu'il a acquis le matériel pour réaliser des économies d'énergie que ne lui permettait pas son ancienne chaudière et qu'il a porté à la connaissance de la société Alliance Française de l'Energie, par l'intermédiaire de M. [T] [E], son commercial et son unique contact, les dysfonctionnements rencontrés et l'absence d'économies d'énergie.

Il fait valoir que la société Alliance Française de l'Energie ne lui a pas fourni une installation fonctionnelle lui permettant de réaliser les économies d'énergie prévues, ses factures d'électricité ayant même augmenté. Il soutient que cette société ne justifie pas avoir réalisé une note de dimensionnement nécessaire pour adapter l'installation à ses besoins spécifiques et que sa pompe à chaleur est surdimensionnée et présente de nombreuses anomalies compromettant son efficacité et sa sécurité ainsi qu'il en résulte du rapport d'expertise de la société Turan.

Il ajoute avoir opté pour une pompe à chaleur onéreuse afin de faire des économies sur ses factures d'énergie mais également pour bénéficier d'aides et de primes d'Etat d'un montant total de 12 000 euros qu'il n'a pas obtenues. Il soutient que M. [E] lui a indiqué, dès la souscription du contrat, les aides auxquelles il était éligible, de sorte que ce motif est devenu déterminant de son consentement.

Il affirme qu'en application de l'article 1361 du code civil, il est possible de suppléer à l'écrit par un commencement de preuve par écrit corroboré par un autre moyen de preuve prévu, ce qui est le cas du rapport non contradictoire. Il ajoute que la jurisprudence admet de manière constante que les rapports non contradictoires peuvent être pris en compte par le juge dès lors qu'ils sont régulièrement communiqués et soumis à la libre discussion des parties, de sorte qu'il y a lieu de tenir compte du rapport de la société Turan dont les conclusions ne sont pas contestées par les parties.

Il soutient qu'en présence d'une inexécution contractuelle manifeste de la part de la société Alliance Française de l'Energie, il est fondé à obtenir l'annulation du contrat de vente.

Il affirme que l'annulation du contrat de vente entraîne celle du contrat de prêt et qu'en raison de la faute de la société Franfinance qui a débloqué les fonds au vu de la seule attestation de livraison de la pompe à chaleur alors même qu'elle savait que ce matériel nécessite une installation technique complète et une mise en service, la banque doit être privée de la restitution des fonds prêtés.

La société Alliance Française de l'Energie conclut à la confirmation du jugement déféré ayant débouté M. [I] de ses demandes.

Elle fait valoir que M. [I] ne rapporte pas la preuve de désordres affectant l'installation et donc d'une inexécution contractuelle qui serait d'une gravité suffisante pour justifier la résolution du contrat. Elle relève qu'il produit de simples échanges par sms et une expertise non contradictoire sur laquelle le juge ne peut se fonder exclusivement quand bien même elle a été soumise à la libre discussion des parties selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation. Elle soutient que le dispositif vendu a été parfaitement livré et correspondait à ce qui avait été décrit dans le bon de commande.

Elle ajoute que M. [I] ne démontre pas qu'elle se serait engagée sur un montant d'économie d'énergie réalisée avec la pose de la pompe à chaleur, ce qui ne ressort ni du bon de commande ni des autres pièces produites, de sorte que ce point n'est pas entré dans le champ contractuel et que M. [I] ne peut donc se prévaloir d'une inexécution contractuelle à ce titre.

Enfin, elle soutient qu'il ne rapporte pas la preuve ni du caractère impossible de la réparation ou du remplacement du bien livré, ni de l'absence de caractère disproportionné de la résolution pour elle.

La société Franfinance conclut également à la confirmation du jugement déféré. Elle indique faire siennes les conclusions de la société Alliance Française de l'Energie quant au rejet de la demande d'annulation du contrat de vente et par conséquent du contrat de prêt et quant à la demande de résolution du contrat de vente.

Elle relève que ni le bon de commande ni le prêt ne prévoient une promesse d'un rendement garanti par le vendeur et encore moins celle d'économies d'énergie ; que les factures d'électricité produites ne sont pas probantes et que M. [I] ne produit aucune preuve sérieuse d'un quelconque dysfonctionnement telle une expertise contradictoire.

Elle soutient qu'en tout état de cause, elle n'a commis aucune faute dans le déblocage des fonds et qu'elle serait fondée, en cas d'annulation ou de résolution du contrat de vente, à demander la restitution du capital emprunté.

Sur ce,

* Sur la demande d'annulation

L'article 1178 du code civil dispose qu'un contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité est nul. La nullité doit être prononcée par le juge, à moins que les parties ne la constatent d'un commun accord.

En l'espèce, M. [I] soutient que le motif déterminant de son consentement était la réalisation d'économies d'énergie et l'obtention d'aides et de primes, ce qui n'a pas été réalisé.

Cependant, force est de constater que le bon de commande ne comporte aucune mention relative à des aides ou primes diverses qui viendraient en déduction du prix de vente contractuellement fixé à la somme de 19 000 euros, ce qui ne résulte pas davantage des autres éléments versés aux débats.

En effet, M. [I] produit le courriel du 1er mai 2019 de M. [T] [U] de la société [E], l'informant, au vu des modifications intervenues, avoir remis à jour son dossier depuis la première simulation obtenue avec les aides alors en place au 11 février 2019. Pour autant, il ne justifie pas des suites données à ce mail ni du montant des aides qui aurait pu lui être indiqué, étant ajouté qu'il ne justifie pas davantage qu'il n'en aurait pas bénéficié, la pièce 13 étant le formulaire de demande de prime d'énergie auprès de la société EDF sans justificatif de son rejet qui ne saurait résulter de la seule mention manuscrite apposée sur ce document. En outre, la plainte du 22 janvier 2020, dont les suites n'ont pas été communiquées et dans laquelle M. [I] indique que la société Alliance Française de l'Energie lui aurait promis des aides et remboursements à hauteur de 12 000 euros qu'il n'a jamais reçus, est dénuée de valeur probante, n'étant que la reprise des déclarations du plaignant.

M. [I] n'établit donc pas que l'octroi d'aides et primes d'Etat était entré dans le champ contractuel et qu'il constituait un élément déterminant de son consentement, ni même qu'il ne les aurait pas obtenues.

De même, le bon de commande ne porte mention d'aucun engagement de la part de la société Alliance Française de l'Energie quant à un rendement spécifique de l'installation et à des économies d'énergie, ce qui ne ressort d'aucun des autres éléments produits.

Il n'est donc pas établi que le rendement de la pompe à chaleur et la réalisation d'économies d'énergie étaient entrés dans le champ contractuel ni que ces éléments auraient été déterminants du consentement de M. [I].

Il convient en conséquence de débouter M. [I] de sa demande en annulation du contrat de vente et par voie de conséquence, de sa demande d'annulation du contrat de prêt, étant ajouté que l'annulation du contrat de vente ne saurait résulter d'un défaut d'exécution de celui-ci.

* Sur la résolution du contrat

L'article 1104 du code civil dispose que les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

En application de l'article 1224 du code civil, la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.

M. [I] verse aux débats un document intitulé 'rapport d'expertise Pompe à chaleur' émanant de la Sarl Turan Entreprise du 28 avril 2024 qui est, selon les dires de l'appelant, une entreprise spécialisée dans l'installation de pompe à chaleur.

Si en application de l'article 16 du code de procédure civile, le juge ne peut refuser d'examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire, il ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties (2ème civ., 21 septembre 2023, n° 22-10.698). Le seul fait qu'elle ait pu être débattue contradictoirement est donc indifférent.

Aucun devis ni facture de réparation n'est versé aux débats. Les captures d'écran de deux sms non datés, sans identification de leur auteur ni de leur destinataire (pièces 3 et 12) dans lesquels il est fait état de difficultés avec le ballon, l'échange de courriels avec M. [T] [U] du 16 août 2019 dans lequel M. [I] se plaint du fait que le disjoncteur de son ballon d'eau chaude saute tous les deux jours, et la plainte de ce dernier du 13 juillet 2020 dans laquelle il déclare que la pompe à chaleur n'a jamais fonctionné, ne sauraient constituer des éléments probants permettant de corroborer le rapport de la société Turan Entreprise.

M. [I] ne démontre donc pas que son installation serait surdimensionnée ni qu'elle serait atteinte de désordres affectant son fonctionnement et par voie de conséquence, une mauvaise exécution par la société Alliance Française de l'Energie de ses obligations contractuelles.

Etant rappelé que les économies d'énergie n'étaient pas entrées dans le champ contractuel et que leur absence ne saurait donc fonder un manquement contractuel de la société Alliance Française de l'Energie, la cour relève qu'en tout état de cause, les éléments produits par M. [I] pour justifier de l'absence d'économies d'énergie, à savoir un plan de paiement Engie au 24 octobre 2019 mentionnant des prélèvements mensuels de 139,7 euros, basé sur sa consommation d'électricité, un échéancier au 23 octobre 2020 mentionnant des prélèvements mensuels de 142,14 euros, basé sur sa consommation de gaz et d'électricité, et une régularisation annuelle de 263,06 euros pour la période du 20 octobre 2019 au 19 octobre 2020, sont insuffisants à l'établir.

Il convient en conséquence de débouter la société Franfinance de sa demande en résolution du contrat de vente.

Le jugement déféré est en conséquence confirmé de ce chef.

Il n'y a donc pas lieu d'examiner les moyens développés par M. [I] quant à la faute que la banque aurait commise dans le déblocage des fonds de nature à la priver de la restitution des fonds prêtés en cas d'annulation du contrat de vente, étant ajouté qu'il ne forme aucune demande à ce titre dans le dispositif de ses conclusions.

Sur la demande de dommages et intérêts de M. [I]

M. [I] demande la condamnation de la société Alliance Française de l'Energie à lui verser la somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel (augmentation des factures) et de son préjudice moral lié à l'anxiété et à la déception subies.

La société Alliance Française de l'Energie s'y oppose en faisant valoir qu'elle a accompli toutes ses obligations contractuelles et que M. [I] succombe dans l'administration de la preuve de la faute qu'il lui impute mais également de son préjudice.

Sur ce,

En application de l'article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

En l'espèce, outre le fait qu'il n'est pas établi de manquements contractuels de la part de la société Alliance Française de l'Energie, la réalisation d'économies d'énergie et un rendement spécifique de l'installation n'étant pas entrés dans le champs contractuel, M. [I] ne rapporte pas la preuve d'un préjudice financier. Il ne justifie également pas du préjudice moral qu'il invoque.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [I] de cette demande.

Sur la déchéance du droit aux intérêts

Le premier juge a déchu la société Franfinance de son droit aux intérêts conventionnels aux motifs qu'elle n'avait pas respecté les obligations précontractuelles mises à sa charge en ce qu'elle ne justifiait pas avoir consulté le FICP (fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers) avant la conclusion du prêt et que l'offre de prêt portant sur un montant supérieur à 3 000 euros, la fiche de dialogue devait être corroborée par des justificatifs de revenus et de charges, ce qui n'était pas le cas.

M. [I] demande la confirmation de ce chef du jugement en faisant valoir que la banque ne justifie pas de la consultation du FICP préalablement à l'octroi du prêt et que la fiche de dialogue n'est que partiellement remplie puisqu'elle ne fait pas état des charges. Il ajoute que ses revenus mensuels renseignés, à hauteur de 1 740 euros, n'ont pas donné lieu à vérification par la production de pièces justificatives, son salaire mensuel étant de 466 euros.

La société Franfinance s'oppose à la déchéance du droit aux intérêts conventionnels.

Elle fait valoir qu'elle a valablement consulté le FICP le 10 juillet 2019, soit avant la remise des fonds valant agrément de M. [I], conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation. Quant à la solvabilité, elle relève avoir obtenu les justificatifs même si les copies conservées sont peu lisibles, ajoutant que M. [I] a accepté, sans la moindre réserve, la fiche détaillant ses revenus et charges, de sorte qu'il ne peut s'en dédire, étant rappelé que nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude. Elle note que l'appelant annonce un revenu mensuel de 466 euros alors qu'il indique rembourser un prêt immobilier de 1 547,61 euros qu'il ne lui avait pas déclaré, ce qui démontre sa parfaite mauvaise foi.

Elle en conclut avoir vérifié la solvabilité de M. [I] et que le jugement doit donc être infirmé sur ce point.

Sur ce,

A titre liminaire, il est précisé que l'offre préalable ayant été régularisée postérieurement à l'ordonnance du 14 mars 2016, entrée en vigueur le 1er juillet 2016, les articles du code de la consommation visés dans le présent arrêt s'entendent dans leur version issue de cette ordonnance.

Il résulte de l'article L. 341-2 du code de la consommation que le prêteur qui n'a pas respecté les obligations fixées aux articles L. 312-14 et L. 312-16 est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.

L'article L. 312-16 du code de la consommation dispose qu'avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l'emprunteur à partir d'un nombre suffisant d'informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur. Le prêteur consulte le fichier prévu à l'article L. 751-1, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné à l'article L. 751-6, sauf dans le cas d'une opération mentionnée au 1 de l'article L. 511-6 ou au 1 du I de l'article L. 511-7 du code monétaire et financier.

Il résulte de ces dispositions qu'avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur consulte le fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) dans les conditions prévues par l'arrêté relatif à ce fichier.

L'article 2 de cet arrêté du 26 octobre 2010 dispose que les établissements et organismes assujettis à l'obligation de consultation du FICP doivent consulter ce fichier avant toute décision effective d'octroyer un crédit.

Selon l'article 13 de l'arrêté du 26 octobre 2010, pris en application des articles L. 751-1 et L. 751-6 du code de la consommation, les prêteurs doivent conserver des preuves de la consultation du FICP sur un support durable et doivent être en mesure de démontrer que les modalités de consultation du fichier et de conservation des éléments de preuve de cette consultation garantissent l'intégrité des informations ainsi collectées. Le justificatif de cette consultation doit être antérieur à l'octroi du prêt et y faire référence précise (Civ. 1ère, 9 mars 2022, n° 20-19.548).

En l'espèce, la société Franfinance produit un document mentionnant qu'elle a effectué une consultation du FICP le 10 juillet 2019, date du déblocage des fonds valant agrément de l'emprunteur par le prêteur (Civ. 1ère, 23 novembre 2022, n°21-15.435).

Ce document indique que l'établissement bancaire a effectué une 'consultation obligatoire au FICP pour la clé BDF 310121ELOUE le 10 janvier 2019 pour M. [I] née le [Date naissance 2] 1951 à [Localité 8] dans le cadre d'un octroi de crédit pour un crédit de type consommation à laquelle il a été répondu le (non renseigné: ajouté par la cour) ainsi que la mention 'numéro de consultation obligatoire : (non renseigné: ajouté par la cour)'.

Ce document ne comporte aucune référence, tel un numéro de dossier, qui permette de rattacher les consultations en cause à l'instruction du dossier de crédit de l'intimé et ne mentionne pas le résultat de la consultation. Il ne saurait, dès lors, constituer la preuve de l'interrogation du fichier exigée à l'article L. 312-16 du code de la consommation précité.

Il convient en conséquence de déchoir la société Franfinance de son droit aux intérêts conventionnels pour ce motif.

Il résulte de l'article L. 312-17 du même code que lorsque les opérations de crédit sont conclues sur le lieu de vente ou au moyen d'une technique de communication à distance, une fiche d'informations distincte de la fiche mentionnée à l'article L. 312-12 est fournie par le prêteur ou par l'intermédiaire de crédit à l'emprunteur.

Cette fiche comporte notamment les éléments relatifs aux ressources et charges de l'emprunteur ainsi que, le cas échéant, aux prêts en cours contractés par ce dernier.

Si le montant du crédit accordé est supérieur à un seuil défini par décret, la fiche est corroborée par des pièces justificatives dont la liste est définie par décret.

L'article D. 312-7 mentionne que ce seuil est fixé à 3 000 euros et l'article D. 312-8 que ces pièces justificatives sont les suivantes :

1° Tout justificatif du domicile de l'emprunteur ; et

2° Tout justificatif du revenu de l'emprunteur ; et

3° Tout justificatif de l'identité de l'emprunteur.

En l'espèce, la société Franfinance produit une fiche de dialogue dans laquelle M. [I] a mentionné des revenus de 1 740 euros et aucune charge ainsi que la copie de sa carte nationale d'identité et de son RIB. Elle ne justifie donc pas avoir recueilli des justificatifs de la solvabilité de l'emprunteur qui ne sont pas versés aux débats.

S'il appartenait effectivement à M. [I] de déclarer ses charges réelles et notamment le prêt immobilier qu'il indique rembourser à hauteur de 1 547 euros par mois, la banque ne produit aucun justificatif des revenus de l'emprunteur (fiches de paye ou avis d'imposition), qui lui aurait permis d'avoir connaissance de ses revenus réels qui restent en l'état inconnus puisque seules deux fiches de paye des mois de juillet et août 2021 sont produites.

La société Franfinance ne justifie donc pas avoir respecté son obligation de vérifier la solvabilité de l'emprunteur, étant relevé que le premier impayé non régularisé est survenu dès la 2ème mensualité.

Dans ces conditions, la déchéance du droit aux intérêts doit être totale.

Sur le montant de la créance

En application de l'article L. 311-48 du code de la consommation, lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts, l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n'a pas été déchu.

La créance de la société Franfinance s'établit dès lors comme suit :

- capital prêté : 19 000 euros

- à déduire les versements intervenus : 196,92 euros,

soit 18 803,08 euros comme justement retenu par le premier juge, ce que les parties ne contestent pas.

Dans sa motivation, le premier juge a condamné M. [I] au paiement de cette somme avec intérêts au taux légal sans majoration à compter de la date de sa décision, ce qu'il a omis de préciser dans le dispositif du jugement et ce qui procède d'une omission de statuer qu'il convient de rectifier d'office en application de l'article 463 du code de procédure civile selon les modalités fixées au présent dispositif.

Les parties ne font valoir aucun moyen quant au maintien de l'intérêt légal et quant à la suppression de la majoration prévue par l'article L. 313-3 du code monétaire et financier en cas de confirmation du chef du jugement ayant ordonné la déchéance du droit aux intérêts, de sorte que la cour ne peut que confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [I] au paiement de la somme de 18 803,08 euros avec intérêts au taux légal sans majoration et ce à compter du 8 août 2023, date du jugement déféré.

Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive

Le premier juge a débouté la société Alliance Française de l'Energie de cette demande au motif que la procédure engagée à son encontre ne l'avait été que sur intervention forcée dès lors que le contrat de prêt avait été souscrit par son intermédiaire et avec les carences évoquées plus haut, de sorte que cette procédure ne pouvait être qualifiée d'abusive.

Poursuivant l'infirmation de ce chef du jugement, la société Alliance Française de l'Energie demande l'octroi d'une somme de 5 000 euros en raison du caractère abusif de la procédure en faisant valoir qu'elle a été assignée par M. [I] dans le but de ne pas se voir condamner au remboursement du prêt qu'il refuse d'honorer alors qu'il dispose d'une installation fonctionnelle depuis plus de 5 ans dont il entend bénéficier gratuitement, qualifiant cette attitude de malhonnête et d'opportuniste. Elle soutient que le détournement d'une procédure judiciaire afin de se libérer d'un investissement que l'on regrette constitue une procédure dilatoire et abusive.

M. [I] ne répond pas sur ce point.

Sur ce,

L'exercice d'une action en justice constitue un droit et seule la preuve d'une faute le faisant dégénérer en abus justifie d'allouer des dommages et intérêts en réparation du préjudice consécutif subi par le demandeur ou le défendeur à l'action.

En l'espèce, le fait de rechercher l'annulation du contrat de vente ou sa résolution ne suffit pas à caractériser la mauvaise foi alléguée de M. [I], qui agit en raison de la rentabilité économique de son acquisition qu'il estime insuffisante, alors qu'il doit, par ailleurs, rembourser les échéances d'un prêt, et ce d'autant moins que la société Alliance Française de l'Energie étant in bonis, rien ne faisait obstacle à ce qu'elle puisse récupérer les matériels livrés et installés en cas d'annulation ou de résolution du contrat.

Etant ajouté que le seul fait que M. [I] se soit mépris sur l'étendue de ses droits et la valeur probante des éléments de preuve qu'il verse aux débats ne saurait caractériser une faute ayant fait dégénérer en abus son droit d'agir en justice.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré de ce chef.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

M. [I] qui succombe à titre principal, est condamné aux dépens, les dispositions du jugement relative aux dépens de première instance étant confirmées.

En équité, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe,

Ordonne la rectification de l'omission de statuer affectant le jugement rendu le 8 août 2023 par le tribunal de proximité de Rambouillet (RG 11- 23- 000160) en ajoutant, en page 4, dans le dispositif, à la suite du paragraphe 'Condamne M. [I] à payer à la société Franfinance la somme de 18 803,08 euros au titre du contrat de crédit souscrit le 24 mai 2019", le paragraphe suivant:

'Dit que la somme précitée portera intérêts au taux légal, sans majoration, à compter de la présente décision' ;

Dit que le dispositif du présent arrêt sera porté en suite ou en marge du jugement rectifié et qu'il ne pourra être délivré copie ou expédition de ce jugement qu'avec mention du présent arrêt ;

Confirme le jugement rectifié en toutes ses dispositions dévolues à la cour ;

Y ajoutant,

Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne M. [Y] [I] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés par Me Cartier, avocat, pour ceux la concernant, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Anne-Sophie COURSEAUX, adjointe administrative faisant fonction de greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

L'adjointe administrative Le président,

faisant fonction de greffier,

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