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Décisions

CA Toulouse, 2e ch., 21 janvier 2025, n° 24/01114

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Martin (SARL)

Défendeur :

Urssaf Midi-Pyrénées, BDR Et Associés (SELARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Salmeron

Conseillers :

Mme Moulayes, Mme de La Moutte

Avocats :

Me Croels, Me Sorel, Me Gladin, Cabinet BGL Avocat

T. com. Toulouse, du 18 mars 2024, n° 20…

18 mars 2024

Exposé des faits et procédure :

La Sarl Ec 31270, au capital de 7 000 euros, ayant son siège social au [Adresse 7] a été immatriculée au registre de commerce et des sociétés en 2013. Elle a pour activité la commercialisation et la distribution de produits de soins de beauté sous le nom commercial de Happy Esthetic.

L'Urssaf Midi-Pyrénées a souhaité obtenir le paiement d'une somme principale de 49 076 euros, dont 28 375 euros de parts salariales correspondant aux cotisations impayées courant sur une période allant de mars 2019 à mars 2023.

A ce titre, le 31 janvier 2020, l'Urssaf a pratiqué une saisie attribution sur un compte bancaire de la société ouvert auprès de la Caisse d'épargne Midi Pyrénées (Cemp). Cela a révélé l'absence d'actif disponible avec un solde débiteur de 22 554,58 euros.

De même, l'Urssaf a pratiqué une saisie-attribution le 27 février 2023 sur le même compte bancaire de la Cemp qui a fait l'objet de la mention « tous les comptes de ce débiteur dans notre établissement sont clos ».

Le 19 avril 2023, une autre saisie attribution a été effectuée sur le compte bancaire Olinda de la société Ec 31270 faisant ressortir un solde créditeur de 324,76 euros.

Par mention du 5 juin 2023, le greffe du tribunal de commerce de Toulouse a porté la mention de cessation d'activité au RCS en application de l'article R123-125 du code de commerce. Par mention du 11 septembre 2023, le greffe du tribunal de commerce de Toulouse a radié d'office la Sarl Ec 31270 du RCS en application de l'article R123-136 du code de commerce.

Le 5 octobre 2023, une saisie-attribution a été réalisée sur le compte de la banque Treezor de la Sarl Ec 31270, qui s'est révélée infructueuse en raison d'un solde nul.

Le 24 octobre 2023, un dernier avis de recouvrement forcé a été adressé à la Sarl Ec 31270 qui détaillait l'ensemble des relances, mises en demeure et contraintes délivrées, précisant qu'à défaut de régularisation, une assignation en redressement judiciaire serait engagée.

Par exploit de commissaire de justice en date du 14 janvier 2024, l'Urssaf Midi-Pyrénées a demandé au tribunal de commerce de Toulouse d'ouvrir une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire à l'égard de la Sarl Ec 31270.

Lors de l'audience en date du 7 mars 2024, la Sarl Ec 31270 n'a pas comparu.

Par jugement du 18 mars 2024, le tribunal de commerce de Toulouse a :

- constaté l'état de cessation des paiements de la Sarl Ec 31270 [Adresse 7],

- ordonné l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire,

- fixé au 27/02/2023 la date de cessation des paiements ;

- désigné :

- juge-commissaire : Monsieur [P] [O]

- juge-commissaire suppléant : Monsieur [H] [K]

- liquidateur : Selarl Bdr & Associes prise en la personne de Me [V] [U] [Adresse 3]

- invité le comité d'entreprise, les délégués du personnel, ou à défaut, les salariés à désigner un représentant parmi les salariés de l'entreprise conformément à l' article L. 641-1 du code de commerce et à en communiquer sans délai les nom et adresse au greffe de ce tribunal ;

- désigné Maître [G] [T] [Adresse 8], conformément aux articles L. 641-4 et R. 641-14 du code de commerce, aux fins de procéder contradictoirement à un inventaire et de réaliser une prisée des actifs du débiteur ainsi que des garanties qui les grèvent ;

- dit qu'il déposera au greffe, dans un délai de quinze jours, l'inventaire et communiquera copie de celui-ci au débiteur et au liquidateur ;

- dit que les frais d'inventaire bénéficieront du privilège des frais de justice ;

- dit que, s'il y a lieu, le liquidateur déposera au greffe la liste des créances déclarées avec ses propositions d'admission, de rejet ou de renvoi devant la juridiction compétente, dans le délai de douze mois qui suit l'insertion au Bodacc du présent jugement ;

- dit que, conformément à l'article L. 643-9 du code de commerce, la clôture de la procédure de liquidation judiciaire devra être examinée par ce tribunal au terme du délai de deux ans ;

- dit que la publicité du présent jugement sera effectuée sans délai nonobstant toute voie de recours ;

- dit que les dépens seront passés par frais privilégiés.

Par déclaration en date du 29 mars 2024, la Sarl Ec 31270 a relevé appel du jugement. La portée de l'appel est la réformation des chefs du jugement qui ont :

- prononcé la liquidation judiciaire de la société EC 31270,

- désigné la Selarl Bdr et associée pris en la personne de Me [U] es qualité de mandataire judiciaire,

- ordonné l'ouverture de la procédure,

- désigné un liquidateur,

- désigné un commissaire-priseur aux fins d'inventaire et de vente,

- invité le comité d'entreprise, les délégués du personnel, ou à défaut, les salariés à désigner un représentant parmi les salariés de l'entreprise conformément à l'article L 641-1 du code de commerce et à en communiquer sans délai les nom et adresse au greffe de ce tribunal.

La clôture a été rendue en date du 25 novembre 2024.

L'affaire a été examinée à l'audience du 3 décembre 2024.

Prétentions et moyens des parties

Vu les conclusions de l'appelante notifiées le 21 juin 2024 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la Sarl Ec 31270 demandant, au visa des articles L640-1 du code de commerce, 651, 659 du code de procédure civile, 503 du code de procédure civile et 478 du code de procédure civile, de :

in limine litis,

- juger l'appel de la société Ec 31270 recevable,

- prononcer la nullité de la signification de l'acte introductif d'instance,

- prononcer la nullité du jugement d'ouverture,

- réformer le jugement,

- renvoyer les parties ressaisir le juge de première instance,

à défaut sur le fond,

- réformer le jugement,

- juger que les conditions de l'article L640-1 du code de commerce n'étaient pas exposées dans la décision et n'étaient pas par ailleurs remplies,

en toute hypothèse,

- débouter les parties de leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du cpc,

- laisser à chacune la charge de ses dépens.

Vu les conclusions d'intimée notifiées le 22 juillet 2024 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de l'Urssaf de Midi-Pyrénées demandant, au visa des articles L631-1 et suivants du code de commerce, L640-1 et suivants du code de commerce, 659 du code de procédure civile, de :

- déclarer l'assignation du 15 janvier 2024 régulièrement délivrée,

- prendre acte que l'Urssaf de Midi-Pyrénées s'en remet à sa décision sur la possibilité pour la Sarl Ec 31270, au jour de sa comparution en cause d'appel, de bénéficier d'une procédure de redressement judiciaire.

Dans son avis mis à disposition des parties via le RPVA le 15 novembre 2024, le Ministère public sollicite la confirmation de la décision entreprise en toutes ses dispositions en ce compris la date fixée pour la cessation des paiements et a joint le rapport du mandataire judiciaire en date du 26 juillet 2024 dans lequel il précise que l'état de cessation des paiements est incontestable en ce compris un passif fiscal très important résultant manifestement d'un redressement, avec pénalités et amendes.

La Selarl Bdr & Associés prise en la personne de Me [V] [U] en qualité de mandataire judiciaire de la Sarl Ec 31270, assigné par acte du 24 mai 2024 remis à personne habilitée, n'a pas constitué avocat.

Motifs de la décision :

Sur la demande d'annulation de l'acte introductif d'instance et du jugement de première instance :

La Sarl Ec 31270 sollicite, in limine litis, la nullité de l'acte introductif d'instance ainsi que la nullité du jugement de première instance en raison du vice affectant l'assignation initiale de l'Urssaf délivrée en PV de vaines recherches sur le fondement de l'article 659 du code de procédure civile (cpc).

Aux termes de l'article 14 du cpc, nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée.

Aux termes des articles 654 et 655 et 659 du cpc, la signification doit être faite à personne. Si la signification à personne s'avère impossible, l'acte peut être délivré soit à domicile, soit, à défaut de domicile connu, à résidence. L'huissier de justice doit relater dans l'acte les diligences qu'il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l'impossibilité d'une telle signification.

Lorsque la personne à laquelle l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l'huissier de justice dresse un procès-verbal dans lequel il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte [..] Le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, à peine de nullité, l'huissier de justice envoie au destinataire, à la dernière adresse connue, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, une copie du procès-verbal, à laquelle est jointe une copie de l'acte objet de la signification.

La Sarl Ec 31270 soutient que le commissaire de justice n'a pas effectué les diligences nécessaires pour informer le défendeur de l'affaire et que ce manque de diligences l'a privée du double degré de juridiction et de la faculté d'être représentée lors de l'audience.

Elle affirme qu'il était possible, au moment de la signification de l'acte introductif d'instance, le 15 janvier 2024, de trouver en moins de 5 minutes l'établissement et son adresse sur les pages jaunes au [Adresse 1], cet établissement étant situé à seulement 300 mètres de l'ancienne adresse du siège social sis [Adresse 7]. Elle précise que le site internet « les pages jaunes » ne mentionnait pas de fermeture de l'établissement mais mentionnait l'existence d'un site internet et d'une page google indiquant l'adresse d'un point de vente HAPPY ESTHETIC sis [Adresse 2]. De plus, elle ajoute que la nouvelle adresse était visible en un clic via google, facebook, instagram, le site de l'entreprise et sur le site accès libre du service public dès le 17 janvier 2024.

En réplique, l'Urssaf fait valoir que l'assignation est régulière pour avoir été délivrée au [Adresse 7], adresse figurant sur le Kbis de la société Ec 31270 à la date du 10 janvier 2024. L'Urssaf indique que l'appelante n'a pas rempli les formalités légales afin d'informer les tiers de son déménagement. En effet, elle a commis une double négligence pour ne pas avoir effectué les formalités obligatoires au RCS tenu au greffe du tribunal de commerce du lieu de son siège social et pour ne pas avoir demandé aux services de la poste de faire suivre son courrier à sa nouvelle adresse.

Elle ajoute que cette négligence persiste puisque sur le Kbis de la société Ec 31270 à jour au 21 juillet 2024 il est toujours mentionné l'adresse du [Adresse 7] et que la demande de mainlevée de la mention de radiation d'office et de cessation totale de l'activité n'a pas été effectuée auprès du RCS tenu au greffe du tribunal de commerce de Toulouse.

Aucune autre adresse de la société débitrice n'étant connue de la créancière, l'Urssaf souligne que l'huissier a diligenté toutes les recherches requises préalables à la délivrance d'un procès-verbal de vaines recherches. Dès lors, elle soutient que tant l'assignation que le jugement initial sont parfaitement valables.

Le Ministère public sollicite le débouté de la Sarl Ec 31270 de sa demande tendant à faire constater la nullité de l'assignation et subséquemment la nullité du jugement du tribunal de commerce de Toulouse du 18 mars 2024. Il souligne le fait que l'assignation a été signifiée de façon régulière de sorte qu'il n'y a pas lieu d'annuler le jugement.

Il ressort de l'examen de l'assignation initiale du 15 janvier 2024 que le commissaire de justice s'est déplacé à la dernière adresse connue de la société débitrice, qu'il a pu constater qu'aucune enseigne ne correspondait à la Sarl Ec 31270 « Happy Esthetic » et que le nom de la société ne figurait pas sur les boites aux lettres. Il a interrogé le voisinage qui lui a déclaré que ladite société était désormais domiciliée au [Adresse 1]. Le commissaire de justice s'est rendu sur lesdits lieux et a constaté la présence d'une affiche « fermeture définitive » apposée sur le local. De nouveau, il a interrogé le voisinage qui lui a indiqué que la société n'était plus domiciliée à cette adresse depuis quelques temps. Le commissaire de justice a tenté en vain de joindre le gérant de la société. Il a effectué des recherches complémentaires qui ont révélé à la lecture du Kbis la radiation au RCS de la société et l'absence de transfert de siège social ou d'ouverture de procédure collective.

Le commissaire de justice a donc délivré un procès-verbal de vaines recherches puis adressé comme requis la lettre recommandée et la lettre simple prévues à l'article 659 du code de procédure civile, ce qui permet de s'assurer que le gérant de la société a été informé de l'acte au siège social de la société.

L'extrait Kbis en date du 21 juillet 2024 produit par l'Urssaf démontre que l'adresse de la Sarl Ec 31270 était toujours, à cette date, le [Adresse 7] alors même qu'elle indique ne plus exercer à cette adresse.

Les diligences réalisées par le commissaire de justice en l'espèce sont précises, effectives et suffisantes. Les mentions du procès-verbal du commissaire de justice ne sont pas arguées de faux.

L'assignation délivrée par l'Urssaf Midi-Pyrénées dans les conditions indiquées est donc valable. La demande de la Sarl Ec 31270 en annulation de ladite assignation et du jugement de première instance est rejetée.

- Sur l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la Sarl Ec 31270 :

Selon l'article L. 640-1 du code de commerce, il est institué une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné à l'article L. 640-2 en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible.

Aux termes de l'article L. 631-1 du même code, il est institué une procédure de redressement judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné aux articles L. 631-2 ou L. 631-3 qui, dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements. Le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n'est pas en cessation des paiements.

La Sarl Ec 31270 soutient que contrairement à la motivation des premiers juges, elle n'a pas cessé son activité et produit ses comptes annuels 2022-2023 à ce titre. Elle ajoute que la seule absence de signification à personne ne permet pas de déduire qu'elle n'a plus d'activité. Enfin, elle estime que sa dette auprès de l'Urssaf s'évalue à 26 077 euros et non à 52 000 euros comme l'argue la créancière et que cette dette n'est pas insurmontable.

L'Urssaf Midi-Pyrénées précise quant à elle qu'au jour où la cour statue, la dette de la Sarl Ec 31270 s'élève à la somme en principal de 49 076,01 euros. Ce montant est à rapprocher des autres créances dénoncées entre les mains du mandataire judiciaire et évaluées au total à la somme de 551.685,41 euros.

Le Ministère public sollicite la confirmation de la décision entreprise. Il conclut à l'existence d'un état de cessation de paiements avéré, à l'absence de tout redressement envisageable et sollicite la confirmation du placement de la société en liquidation judiciaire avec fixation de la date de cessation des paiements au 27 février 2023.

Il ressort du rapport déposé devant le tribunal de commerce par la Selarl Bdr et Associés, es qualités, le 26 juillet 2024, que le passif échu et non contesté s'élève à la somme de 511.526,41 euros lequel est notamment constitué de créances fiscales et de créances de l'Urssaf. Ce même rapport mentionne l'expression « néant » face aux actifs ainsi que l'absence de salariés. Le mandataire judiciaire dans son rapport soumis au débat contradictoire par le Ministère public conclut que l'état de cessation des paiements est incontestable.

La société Ec 31270 se bornant à contester le montant de sa dette auprès de l'Urssaf sans davantage de précision et à affirmer que celle-ci n'est pas insurmontable ne justifie pas être en capacité de faire face à son passif exigible.

Dès lors, l'état de cessation des paiements est dans ces conditions avéré et sera fixé à la date du 27 février 2023 correspondant au premier procès-verbal de saisie-attribution faisant ressortir que la société ne pouvait plus faire face à la créance exigible avec son actif disponible.

Si les comptes annuels de l'exercice du 01/07/2022 au 30/06/2023 font ressortir un montant net du chiffre d'affaires de 109 132, 89 euros ainsi qu'un résultat de l'exercice égal à 527,13 euros, cela ne permet pas à la cour de constater que l'activité de la société Ec 31270 s'est effectivement poursuivie sur l'exercice suivant en 2023-2024 et au jour où la cour statue.

De plus, l'extrait Kbis de la Sarl Ec 31270 daté du 21 juillet 2024 (pièce 10 de l'Urssaf) porte une première mention de cessation d'activité à compter du 5 juin 2023 ainsi qu'une mention de radiation d'office du 11 septembre 2023. La société appelante n'a d'ailleurs pas sollicité le retrait de ces mentions auprès du greffe du tribunal de commerce.

Ainsi, à défaut d'établir la poursuite de son activité et face au défaut de transmission d'éléments comptables actualisés permettant d'examiner les pistes de redressement de l'activité et de l'apurement du passif de la sarl Ec 31270, l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de l'appelante est impossible. L'ouverture d'une liquidation judiciaire s'impose.

Le jugement de première instance sera confirmé en intégralité.

Les dépens seront passés en frais privilégiés de la procédure collective.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant en dernier ressort, réputé contradictoire et par mise à disposition au greffe,

- Déclare l'appel de la société Ec 31270 recevable,

- Déboute la Sarl Ec 31270 de sa demande d'annulation de l'acte d'assignation initiale et subséquemment du jugement de première instance,

Au fond,

- Confirme le jugement du 18 mars 2024 en toutes ses dispositions,

- Dit que les dépens seront passés en frais privilégiés de la procédure collective,

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