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Décisions

CA Versailles, ch. com. 3-2, 21 janvier 2025, n° 24/02807

VERSAILLES

Arrêt

Autre

CA Versailles n° 24/02807

21 janvier 2025

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 4IF

Chambre commerciale 3-2

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 21 JANVIER 2025

N° RG 24/02807 - N° Portalis DBV3-V-B7I-WQHL

AFFAIRE :

A.S.L. ASL DU LOTISSEMENT LES HAUTS DE [Localité 11] 1

C/

[M] [Y]

...

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 4 Septembre 2023 par le Juge Commissaire de [Localité 10]

N° RG : 2022M04991

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Aliénor DE BROISSIA

Me Pascale REGRETTIER-

GERMAIN

Me Oriane DONTOT

PG

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT ET UN JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

APPELANT

A.S.L. DU LOTISSEMENT LES HAUTS DE [Localité 11] 1

représentée par la SARL IMMORBIHAN

Ayant son siège

[Adresse 8]

[Localité 11]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social

Représentant : Me Aliénor DE BROISSIA de la SELARL CONCORDE AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 135

Plaidant : Me François PARIS de la SCP DPG Avocats, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0051 -

****************

INTIMES

Monsieur [M] [Y]

[Adresse 5]

[Localité 11]

Représentant : Me Pascale REGRETTIER-GERMAIN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98 - N° du dossier 2401091

Plaidant : Me Eric LECARPENTIER de la SCP SCP LOMBARD - LECARPENTIER, avocat au barreau de LORIENT -

Madame [O] [Y]

[Adresse 5]

[Localité 11]

Représentant : Me Pascale REGRETTIER-GERMAIN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98 - N° du dossier 2401091

Plaidant : Me Eric LECARPENTIER de la SCP SCP LOMBARD - LECARPENTIER, avocat au barreau de LORIENT -

LE PROCUREUR GENERAL

POLE ECOFI - COUR D'APPEL DE VERSAILLES

[Adresse 4]

[Localité 7]

S.E.L.A.R.L. SELARL C. BASSE

Ayant son siège

[Adresse 2]

[Localité 9]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social

Représentant : Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF & TEYTAUD SALEH, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617

Plaidant : Me Olivier PECHENARD substitué par Me Alice HERBRETEAU de la SELARL PBM AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0899

Monsieur [D] [V]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Défaillant

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 25 Novembre 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Gwenael COUGARD, Conseillère chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Ronan GUERLOT, Président de chambre,

Monsieur Cyril ROTH, Président de chambre,

Madame Gwenael COUGARD, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,

EXPOSE DU LITIGE

En 2007, la société France Terre et Aménagement Foncier (FTAMF, ou le lotisseur) est devenue propriétaire d'un terrain à lotir sise à [Localité 11] (56).

Par déclaration à la préfecture du Morbihan du 30 novembre 2015, a été déclarée une association syndicale libre des acquéreurs de lots, l'association syndicale libre Les Hauts de [Localité 11] 1 (l'ASL).

Le 20 janvier 2016, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert la liquidation judiciaire de la société FTAMF et désigné la nommé la société C. Basse en qualité de liquidateur.

M. [Y] et son épouse, Mme [N], ont saisi le liquidateur d'une proposition de reprise d'une parcelle de terrain présentée comme dépendant de la procédure collective.

Le 14 septembre 2022, sur requête du liquidateur, le juge-commissaire a notamment :

- autorisé le requérant à valider le procès-verbal de délimitation de la parcelle cadastrée BI [Cadastre 3] indispensable à la cession d'une partie de celle-ci à savoir d'une partie en herbes de 62,90 m2 et d'une partie goudronnée de 41,60 m2 ;

- autorisé, conformément aux dispositions de l'article L. 642-18 du code de commerce, la cession amiable au profit M. et Mme [Y], d'une partie de la parcelle BI [Cadastre 3] à savoir une partie en herbes de 62,90 m² et d'une partie goudronnée de 41,60 m² soit 104,5 m² dépendant de la liquidation judiciaire de la société FTAMF après modification du parcellaire cadastral, moyennant la somme de 2 000 euros (hors droits frais et taxe).

Le 15 septembre 2023, l'ASL a interjeté appel de cette ordonnance en toutes ses dispositions.

Le 24 avril 2024, sur incident, le conseiller de la mise en état a :

- prononcé la nullité de la déclaration d'appel ;

- condamné l'ASL à payer à la société C. Basse et M. et Mme [Y] la somme de 1 500 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné l'ASL aux dépens de l'instance.

Par requête du 13 mai 2024, l'ASL a déféré cette ordonnance à la cour.

Le 8 octobre 2024, par arrêt contradictoire, sur déféré, la cour a notamment :

- rejeté la demande d'annulation de la déclaration d'appel ;

- dit recevable l'appel de l'association syndicale libre du lotissement Les Hauts de [Localité 11] 1 ;

- réservé la fin de non-recevoir prise du défaut de qualité pour agir de l'intimée.

Par dernières conclusions du 12 novembre 2024, l'ASL demande à la cour de :

- juger irrecevables et, en tout état de cause, infondés, les époux [Y] en leur exception de nullité tirée du défaut d'habilitation de sa présidente par l'assemblée pour régulariser appel ;

- la juger propriétaire de la parcelle BI [Cadastre 3] ;

- juger son droit de propriété opposable aux époux [Y] ;

Par conséquent,

- la juger recevable et bien fondée en son appel ;

Y faire droit et ;

- infirmer l'ordonnance du 14 septembre 2022, en toutes ses dispositions ;

- juger nulle et de nul effet la cession amiable au profit de M. et Mme [Y] d'une partie de la parcelle BI [Cadastre 3] à savoir une partie en herbes de 62,90 m2 et d'une partie goudronnée de 41,60 m2 soit 104,5 m2 dépendant de la liquidation judiciaire de la société FTAMF après modification du parcellaire cadastral, moyennant la somme de 2 000 euros ;

- condamner in solidum la société C. Basse, M. et Mme [Y] et M. [V] au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- les condamner in solidum aux entiers dépens de l'instance dont distraction sera faite au profit de Maître De Broissia, avocate constituée, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

- juger opposable à M. le procureur général près la cour d'appel de Versailles l'arrêt à intervenir ;

- débouter les parties à l'instance de leurs demandes contraires et, plus globalement de toutes leurs demandes à l'encontre de l'association syndicale libre du lotissement les hauts de [Localité 11] 1.

Par dernières conclusions du 6 novembre 2024, la société C. Basse, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société FTAMF, demande à la cour de :

A titre principal,

- déclarer irrecevables les demandes formulées par l'ASL en ce qu'elle n'a pas la qualité à agir tirée de l'absence de qualité de propriétaire de l'association syndicale libre du lotissement les hauts de [Localité 11] 1 ;

A titre subsidiaire,

- déclarer irrecevables les demandes formulées par l'association syndicale libre du lotissement les hauts de [Localité 11] 1 en ce qu'elle n'a pas la qualité et intérêt à agir tirée de l'absence de droit opposable de l'association syndicale libre du lotissement les hauts de [Localité 11] 1 ;

- déclarer l'ASL redevable, en lieu et place de la liquidation judiciaire de la société FTAMF, du montant de toutes les taxes, charges et dépenses d'entretien afférentes à la propriété de la parcelle BL [Cadastre 3] depuis l'ouverture de la procédure en 2016 ;

En tout état de cause,

- confirmer l'ordonnance de cession ;

- débouter l'ASL 1 de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner l'ASL 1 au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner l'ASL aux dépens de l'instance, dont le recouvrement sera effectué par la SELARL JRF & Associés, représentée par Maître Dontot, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions du 14 novembre 2024, M. et Mme [Y] demandent à la cour de :

- juger nuls les actes d'appel et de procédure subséquents pour défaut de capacité et de pouvoir et par voie de conséquence l'irrecevabilité des demandes formulées par l'ASL

Subsidiairement,

- juger irrecevables les demandes formulées par l'ASL pour défaut de qualité à agir et d'intérêt à agir en l'absence de droit opposable ;

- confirmer l'ordonnance de cession du 14 septembre 2022 ;

- débouter l'ASL de toutes ses demandes fins et conclusions ;

- condamner 'l'ASL à leur payer une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner l'ASL aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 21 novembre 2024.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux conclusions susvisées.

MOTIFS

Sur la propriété de la parcelle litigieuse

L'ASL soutient qu'elle est propriétaire de la parcelle litigieuse, dont la propriété lui a été transférée par le lotisseur, comme celle de tous les espaces communs du lotissement.

Le liquidateur et les époux [Y] font valoir, d'une part, que l'ASL n'a pas accompli les formalités prévues par ses statuts pour devenir propriétaire des parties communes de l'immeuble et se trouve dès lors dépourvue de qualité pour agir, n'étant pas propriétaire de la parcelle BL [Cadastre 3] objet de la cession litigieuse ; d'autre part, que le transfert de la propriété des parties communes d'un lotissement à une ASL n'est opposable aux tiers que s'il a fait l'objet d'un acte publié au service de la publicité foncière ; qu'en l'occurrence, faute d'acte publié, le transfert n'est pas opposable aux époux [Y], cessionnaires, de sorte que l'ASL n'a pas qualité pour agir.

Réponse de la cour

Il résulte de l'article 2 de l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires que ces associations sont des personnes morales ; de son article 7, qu'elles se forment par consentement unanime des propriétaires intéressés, constaté par écrit et que les statuts de l'association définissent son nom, son objet, son siège et ses règles de fonctionnement, comportent la liste des immeubles compris dans son périmètre et précisent ses modalités de financement et le mode de recouvrement des cotisations.

Selon l'article 28, 1°, du décret du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière, sont obligatoirement publiés au service de la publicité foncière tous actes et toutes décisions judiciaires portant mutation de droits réels immobiliers.

Selon l'article 30 de ce décret, ces actes et décisions sont, s'ils n'ont pas été publiés, inopposables aux tiers qui, sur le même immeuble, ont acquis, du même auteur, des droits concurrents en vertu d'actes ou de décisions soumis à la même obligation de publicité et publiés, ou ont fait inscrire des privilèges ou des hypothèques ; ils sont également inopposables, s'ils ont été publiés, lorsque les actes, décisions, privilèges ou hypothèques, invoqués par ces tiers, ont été antérieurement publiés.

De là suit que, si le transfert de la propriété des choses communes d'un lotissement au profit de l'ASL constituée sur son périmètre peut résulter des seules stipulations du cahier des charges de ce lotissement et des statuts de l'ASL, ce transfert n'est opposable aux tiers à ces actes que s'il a fait l'objet d'un acte publié au service chargé de la publicité foncière (3e civ., 8 févr. 2023, n° 21-18.749 ; 3e Civ., 10 février 2010, n°08-21.656, publié ; 3e Civ., 12 janvier 2011, n°10-10.667, publié).

L'ASL en cause a été déclarée à la préfecture compétente, qui en a donné récépissé le 30 novembre 2015 ; elle est donc dotée de la personnalité morale ; est parue au Journal officiel du 19 décembre 2015 l'annonce de cette déclaration ; le texte de cette annonce comporte notamment la dénomination de l'association, son objet et son siège social, ainsi que la date du récépissé de la déclaration.

L'article 3 des statuts de 2015 définissent l'objet social de l'ASL comme, notamment, l'entretien et l'aménagement des biens communs à tous les copropriétaires, dont les voiries et espaces verts, ainsi que l'appropriation de ces biens.

Les intimés se réfèrent au projet de statuts établi par le lotisseur en 2005 ; or il n'est pas établi que l'ASL soit soumise à d'autres statuts que ceux déposés en préfecture en 2015.

L'ASL est ainsi devenue propriétaire de l'ensemble des parties communes du lotissement à la date du 30 novembre 2015, quand bien même cette mutation n'aurait pas été publiée au fichier immobilier.

Il convient, partant, de retenir, que, comme l'ASL le soutient, elle est propriétaire des parties communes constituant la partie de la parcelle BL [Cadastre 3] dont la cession a été autorisée par le juge-commissaire, cette parcelle consistant entièrement en une voie interne au lotissement.

Contrairement à ce que soutient le liquidateur, dont l'argumentation tend à démontrer, contre l'évidence, que la propriété de certaines des parties du terrain objet de l'opération de lotissement aurait été conservée par le lotisseur, il est indifférent à cet égard que l'administration fiscale ait en 2024 taxé la société FTAMF au titre de l'impôt foncier.

Les époux [Y] prétendent avoir acquis du lotisseur des droits sur la parcelle BI [Cadastre 3] à la suite de la décision du juge-commissaire dont appel ; l'acte notarié de cession autorisé par cette ordonnance n'est pas produit.

Mais ni le liquidateur ni les époux [Y] ne justifient de la publication de cette décision de justice portant mutation au service de la publicité foncière.

De là résulte que :

- La déclaration d'appel émanant de l'ASL n'est pas nulle, ni les actes de procédure subséquents ; la cour a déjà statué sur ce point par son arrêt du 8 octobre 2024 ;

- Les prétentions de l'ASL sont recevables ;

- Les prétentions des époux [Y] sont également recevables ;

- L'ordonnance entreprise doit être infirmée, le juge-commissaire ne pouvant autoriser la vente d'un immeuble appartenant à une autre personne qu'au débiteur en procédure collective ;

- La requête du liquidateur tendant à la vente de la parcelle litigieuse est irrecevable ;

- La vente amiable ainsi autorisée doit être annulée en tant que de besoin, pour le cas où elle aurait été conclue en exécution de l'ordonnance entreprise, qui est assortie de l'exécution provisoire ;

- Comme tout propriétaire, l'ASL est redevable des taxes, charges et dépenses d'entretien afférentes à la parcelle ; la cour n'est cependant saisie d'aucune demande chiffrée de ce chef.

Sur les demandes accessoires

L'équité commande de mettre les dépens de première instance et d'appel à la charge de la société en liquidation.

Elle sera en outre condamnée à verser à l'ASL la somme précisée au dispositif au titre des frais non compris dans les dépens.

Il convient de rejeter le surplus des demandes.

PAR CES MOTIFS,

la cour, statuant contradictoirement,

Dit recevables les prétentions de l'association syndicale libre du lotissement Les Hauts de [Localité 11] ;

Dit recevables les prétentions des époux [Y] ;

Infirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Constate que l'ASL est propriétaire de la parcelle BI [Cadastre 3] ;

Dit irrecevable la requête du liquidateur de la société France Terre et Aménagement Foncier tendant à la vente d'une partie de cette parcelle ;

En tant que de besoin, annule la vente passée au profit des époux [Y] ;

Condamne le liquidateur, ès qualités, aux dépens de première instance et d'appel ;

Condamne le liquidateur, ès qualités, à verser à l'ASL une somme de 2 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens ;

Rejette le surplus des demandes.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Ronan GUERLOT, Président, et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

FAITS ET PROCEDURE,

MOTIFS,

PAR CES MOTIFS,

Statuant par arrêt CONTRADICTOIRE et en dernier ressort,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Ronan GUERLOT, Président, et par Mme DUCAMIN, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le/La Greffière Le/La Président,

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