Cass. 1re civ., 22 janvier 2025, n° 23-12.537
COUR DE CASSATION
Autre
Cassation
PARTIES
Défendeur :
BNP Paribas Personal Finance (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Champalaune
Rapporteur :
Mme Robin-Raschel
Avocats :
SCP Boullez, SARL Delvolvé et Trichet
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 janvier 2023), par contrat conclu hors établissement le 12 septembre 2018, Mme [I] (l'acquéreure) a commandé auprès de la société LTE (le vendeur) la fourniture et l'installation d'une centrale photovoltaïque, dont le prix a été financé par un crédit souscrit le même jour auprès de la société Cetelem, aux droits de laquelle se trouve la société BNP Paribas Personal Finance (la banque).
2. Invoquant des irrégularités du bon de commande, l'acquéreure a assigné le vendeur et la banque en annulation du contrat principal et du crédit affecté.
3. Un jugement du 21 décembre 2021 a prononcé la liquidation du vendeur et désigné Mme [V] en qualité de liquidateur. Celle-ci est intervenue à l'instance.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. L'acquéreure fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes en annulation des contrats de vente et de crédit affecté, de la condamner à payer à la banque une somme au titre des mensualités échues du contrat de crédit affecté exigibles à la date de l'arrêt, et de dire qu'elle devrait poursuivre l'exécution du contrat de prêt conformément aux stipulations contractuelles et reprendre le crédit à compter de l'échéance de février 2023, alors « que selon l'article L. 221-5 du Code de la consommation, préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de service, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 du même Code ; que l'article L. 221-9 du Code de la consommation impose au professionnel de fournir au consommateur, un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement qui comprend toutes les informations prévues à l'article L. 221-5 du Code de la consommation ; qu'enfin, il ressort de l'article L. 242-1 du Code de la consommation que les dispositions de l'article L. 221-9 du Code de la consommation sont sanctionnées par la nullité du contrat ; qu'il s'ensuit que la méconnaissance du formalisme informatif requis par les articles L. 111-1 et L. 111-2 du Code de la consommation et précisé par les articles R. 111-1 et R. 111-2 du Code de la consommation est sanctionné par la nullité du bon de commande ; qu'en énonçant que la méconnaissance des dispositions de l'article L. 221-5 du Code de la consommation est sanctionnée par une amende, en application de l'article L. 242-10 du Code de la consommation et que le manquement aux obligations d'information mentionnées aux articles L. 111-1 et L. 111-2 et précisées par les articles R. 111-1 et R. 111-2 n'est pas sanctionnée par la nullité du contrat mais par une amende administrative, en application de l'article L. 131-1 du même Code", la cour d'appel a violé les dispositions précitées. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 242-1, L. 221-9 et L. 221-5 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1734 du 22 décembre 2021, l'article L. 111-1 du même code, dans sa version antérieure à celle issue de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 et l'article L. 111-2 de ce code :
5. Aux termes du premier de ces textes, les dispositions de l'article L. 221-9 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.
6. En application du deuxième, ce contrat comprend toutes les informations prévues à l'article L. 221-5.
7. Selon le troisième, préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, notamment, les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2.
8. Pour rejeter la demande d'annulation des contrats, l'arrêt énonce que la méconnaissance des articles L. 221-5, L. 111-1, L. 111-2, R. 111-1 et R. 111-2 du code de la consommation est sanctionnée par des amendes administratives et n'est pas sanctionnée par la nullité du contrat.
9. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le contrat avait été conclu hors établissement, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
10. L'acquéreure fait le même grief à l'arrêt, alors « que la méconnaissance du formalisme informatif requis par les articles L. 111-1 et L. 111-2 du Code de la consommation et précisé par les articles R. 111-1 et R. 111-2 du Code de la consommation est sanctionné par la nullité du bon de commande, même s'il n'en est résulté aucun préjudice pour le consommateur ; qu'en opposant à l'acquéreure qu'elle ne rapportait pas la preuve que la méconnaissance des articles L. 111-1, L. 111-2, R. 111-1 et R. 111-2 du Code de la consommation lui ait causé un préjudice, la cour d'appel a violé les dispositions précitées. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 242-1, L. 221-9 et L. 221-5 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1734 du 22 décembre 2021, l'article L. 111-1 du même code, dans sa version antérieure à celle issue de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 et l'article L. 111-2 de ce code :
11. Il résulte de ces textes qu'un contrat de vente ou de fourniture d'un bien ou de services conclu hors établissement doit, à peine de nullité, indiquer, de manière lisible et compréhensible, les informations prévues aux articles L. 221-5, L. 111-1 et L. 111-2 susvisés.
12. Pour rejeter la demande d'annulation des contrats fondée sur une méconnaissance, par le vendeur, de ces obligations légales d'information, l'arrêt énonce que l'acquéreure, qui a réceptionné sans réserve l'installation, ne justifie pas du préjudice résultant des irrégularités invoquées.
13. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a ajouté à l'article L. 242-1 du code de la consommation une condition qu'il ne comporte pas, a violé les textes susvisés.
Sur le moyen, pris en sa quatrième branche
Enoncé du moyen
14. L'acquéreure fait le même grief à l'arrêt, alors « que l'article L. 111-1, 3° du Code de la consommation impose au vendeur de communiquer à l'acheteur, en l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à délivrer le bien ou à exécuter le service ; qu'il s'ensuit qu'en l'état de l'obligation du vendeur de fournir des panneaux photovoltaïques et de procéder à leur mise en service, ce dernier doit mentionner distinctement le délai de pose des installations et celui de réalisation des prestations de mise en service ; qu'en se satisfaisant de la seule mention d'un délai de livraison sans distinguer entre la livraison des biens et la prestation de mise en service que le vendeur s'était engagé à réaliser, la cour d'appel a violé la disposition précitée. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 242-1, L. 221-9, et L. 221-5, 1°, du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1734 du 22 décembre 2021 et l'article L. 111-1, 3°, du même code, dans sa version antérieure à celle issue de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 :
15. Il résulte de ces textes qu'en l'absence d'exécution immédiate d'un contrat conclu hors établissement, celui-ci doit notamment comporter, à peine de nullité, la mention de la date ou du délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service.
16. Pour rejeter la demande d'annulation des contrats, l'arrêt retient que le délai de livraison est précisé conformément aux prescriptions légales.
17. En statuant ainsi, alors que cette indication était insuffisante pour répondre aux exigences de l'article L. 111-1, 3° du code de la consommation, dès lors qu'il n'était pas distingué entre le délai des opérations matérielles de livraison et d'installation des biens et celui d'exécution des autres prestations auxquelles le vendeur s'était s'engagé et qu'un délai global ne permettait pas à l'acquéreur de déterminer de manière suffisamment précise quand le vendeur aurait exécuté ses différentes obligations, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le moyen, pris en sa cinquième branche
Enoncé du moyen
18. L'acquéreure fait le même grief à l'arrêt, alors « que tenu de communiquer au consommateur, de manière lisible et compréhensible, la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre 1er du livre VI, le professionnel doit mentionner les coordonnées du ou des médiateurs de consommation dont il relève, en application de l'article 616-1 du Code de la consommation ; qu'en décidant que l'acquéreure ne pouvait se faire un grief de l'omission de cette mention dès lors qu'elle n'avait pas saisi un médiateur préalablement à toute action, comme l'article XIV des conditions générales du bon de commande lui en faisait l'obligation, la Cour d'appel a violé les articles L. 111-1, 6°, et R. 111-1, 6°, du Code de la consommation. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 242-1, L. 221-9, et L. 221-5, 1°, du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1734 du 22 décembre 2021, l'article L. 111-1, 6°, du même code, dans sa version antérieure à celle issue de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 et l'article R. 111-1, 6°, de ce code, dans sa version antérieure à celle issue du décret n° 2022-946 du 29 juin 2022 :
19. Il résulte de ces textes qu'un contrat de vente conclu hors établissement doit comporter, à peine de nullité, une mention relative à la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI du code de la consommation, ainsi que les coordonnées du ou des médiateurs de la consommation compétents dont le professionnel relève en application de l'article L. 616-1.
20. Pour rejeter la demande d'annulation des contrats, l'arrêt retient que l'article XIV des conditions générales du bon de commande stipule : « Conciliation préalable : toute contestation portant sur l'exécution du présent contrat ou sur l'interprétation des obligations qui en découlent, devra, obligatoirement et préalablement à toute action judiciaire contentieuse, donner lieu à une tentative de conciliation préalable par devant tout conciliateur ou médiateur accepté par les parties ou, le cas échéant, désigné par le tribunal », que cette stipulation présente le recours au médiateur comme une obligation et non comme une possibilité et que l'acquéreure n'a pas souhaité faire usage de cette possibilité en décidant d'assigner le vendeur avant le raccordement de l'installation.
21. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations desquelles il résultait que le bon de commande ne mentionnait pas la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI du code de la consommation, a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
22. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif qui rejette la demande de nullité des contrats entraîne la cassation du chef de dispositif qui condamne l'acquéreure à payer à la banque la somme de 7 198 euros au titre des mensualités échues du contrat de crédit affecté exigibles à la date de l'arrêt, du chef de dispositif qui dit que l'acquéreure devra poursuivre l'exécution du contrat de prêt conformément aux stipulations contractuelles et reprendre le remboursement du crédit à compter de l'échéance de février 2023 et du chef de dispositif qui rappelle qu'elle est redevable de plein droit du remboursement des sommes perçues en exécution du jugement qui est infirmé, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable et bien fondée l'intervention forcée de Mme [V] en qualité de liquidateur de la société LTE, déboute la société LTE de sa demande de nullité de l'assignation, déclare Mme [I] recevable en sa demande de nullité des contrats et déboute la société BNP Paribas Personal Finance de ses demandes en résiliation du contrat de crédit affecté et en paiement du solde du contrat de crédit en ce que celles-ci sont fondées sur l'inexécution du contrat de crédit depuis le jugement dont appel, l'arrêt rendu le 19 janvier 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la société BNP Paribas Personal Finance aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société BNP Paribas Personal Finance et la condamne à payer à Mme [I] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;