CA Versailles, ch. civ. 1-1, 28 janvier 2025, n° 24/04304
VERSAILLES
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 97H
Chambre civile 1-1
ARRET N°
PAR DÉFAUT
DU 28 JANVIER 2025
N° RG 24/04304 - N° Portalis DBV3-V-B7I-WUAM
AFFAIRE :
LA CENTRALE DE REGLEMENT DES TITRES TRAITEMENT
C/
M. LE MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE LA SOUVERAINETE INDUSTRIELLE ET NUMERIQUE
...
Décision déférée à la cour : Arrêt rendu le 16 Novembre 2023 par la Cour d'Appel de PARIS
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 20/03434
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
- la SELARL LX PARIS- VERSAILLES- REIMS,
- Me Christophe DEBRAY
- le PG
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT HUIT JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
DEMANDERESSE devant la cour d'appel de Versailles désignée par ordonnance du Premier président de la Cour de cassation du 10 juin 2024, prise en application de l'article 1031 du code de procédure civile, autorisant les parties à se pourvoir devant la cour d'appel de Versailles pour statuer sur le faux.
LA CENTRALE DE REGLEMENT DES TITRES TRAITEMENT, représentée par son liquidateur amiable, M. [P] [C], suite au placement en dissolution amiable par décision de l'assemblée générale en date du 29 juin 2023
[Adresse 7]
[Localité 20]
représentée par Me Martine DUPUIS de la SELARL LX PARIS- VERSAILLES- REIMS, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 2474038
Me Djazia TIOURTITE de l'AARPI BIRD & BIRD AARPI, avocat - barreau de PARIS, vestiaire : R255
****************
DÉFENDEURS DEVANT LA COUR DE RENVOI
S.A. NATIXIS
prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège social
N° SIRET : 542 044 524
[Adresse 13]
[Localité 19]
et
S.A.S. SWILE
venant aux droits de SASU Bimpli, elle-même venant aux droits de la SA Natixis Intertitres
prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège social
N° SIRET : 824 012 173
[Adresse 27]
[Adresse 27]
[Localité 11]
représentées par Me Martine DUPUIS de la SELARL LX PARIS- VERSAILLES- REIMS, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625
Me Pierre GALMICHE de la SELARL ARAMIS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
Me Alice CABOURDIN substuituant Me Jérôme PHILIPPE du LLP FRESHFIELDS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J007
Me Pierre GALMICHE de la SELARL ARAMIS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
S.A. SODEXO
agissant en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social
N° SIRET : 301 940 219
[Adresse 8]
[Localité 24]
et
S.A. PLUXEE FRANCE (anciennement Sodexo Pass France)
agissant en la personne de son directeur général, domicilié en cette qualité au siège social
N° SIRET : 340 393 065
[Adresse 9]
[Localité 18]
représentées par Me Martine DUPUIS de la SELARL LX PARIS- VERSAILLES- REIMS, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625
Me Yéléna TRIFOUNOVITCH de la SAS BREDIN PRAT, avocat - barreau de PARIS,
Me Sébastien SEGARD, avocat - barreau de PARIS, vestiaire : C2173
Me Corinne KHAYAT de la SCP UGGC AVOCATS, avocat - barreau de PARIS, vestiaire : P0261
S.A.S. EDENRED FRANCE
agissant en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège social
N° SIRET : 393 365 135
[Adresse 5]
[Localité 26]
et
S.A. EDENRED agissant en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège social
N° SIRET : 493 322 978
[Adresse 3]
[Localité 24]
représentées par Me Martine DUPUIS de la SELARL LX PARIS- VERSAILLES- REIMS, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625
Me Bertrand HOMASSEL substituant Me Igor SIMIC de la SAS BREDIN PRAT, avocat - barreau de PARIS, vestiaire : R170
Me Arthur HELFER, avocat - barreau de PARIS
l'AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
[Adresse 1]
[Localité 14]
représentée par Mme [R] [T], munie d'un pouvoir
S.A.S. OCTOPLUS
prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social
N° SIRET : 531 601 136
[Adresse 10]
[Localité 15]
représentée par Me Christophe DEBRAY, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 24349
Me Matthieu DE VALLOIS de l'AARPI 186 Avocats, avocat - barreau de PARIS, vestiaire : D0010
SYNDICAT NATIONAL DE LA RESTAURATION PUBLIQUE ORGANISEE (SNRPO)
pris en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège social
N° SIRET : 422 477 356
[Adresse 6]
[Localité 17]
et
SYNDICAT NATIONAL DE LA RESTAURATION THEMATIQUE ET COMMERCIALE (SNRTC)
pris en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège social
N° SIRET : 829 176 080
[Adresse 4]
[Localité 16]
représentés par Me Christophe DEBRAY, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 24349,
Me Nicoals GIACOBI substituant Me Emilie DUMUR, avocat - barreau de PARIS, vestiaire : K0024
Me Pascal WILHELM de la SAS WILHELM & ASSOCIES, avocat - barreau de PARIS, vestiaire : K0024
LE PROCUREUR GENERAL
POLE ECOFI - COUR D'APPEL DE VERSAILLES
Avis du 7 octobre 2024
Monsieur LE MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE LA SOUVERAINETÉ INDUSTRIELLE ET NUMÉRIQUE
Ministère de l'Economie et des Finances
[Adresse 2]
[Localité 21]
Défaillant
Madame la DIRECTRICE GÉNÉRALE DE LA CONCURRENCE, DE LA CONSOMMATION ET DE LA RÉPRESSION DES FRAUDES, commissaire du gouvernement auprès de l'Autorité de la Concurrence
[Adresse 12]
[Adresse 12]
[Localité 22]
Défaillante
Société UP COOP
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège
N° SIRET : 642 044 366
[Adresse 23]
[Localité 25]
Défaillante
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue en audience publique le 26 Novembre 2024, Madame Anna MANES, présidente de chambre ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Nathalie BOURGEOIS-DE RYCK, Première présidente de chambre,
Madame Anna MANES, Présidente de chambre,
Monsieur Thomas VASSEUR, Président de chambre,
Madame Pascale CARIOU, Conseillère,
Madame Pauline de ROCQUIGNYDU FAYEL, Conseillère,
Madame Marine IGELMAN, Conseillère,
Madame Charlotte GIRAULT, Conseillère
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL
**********************
FAITS ET PROCÉDURE
La centrale de règlement des titres (CRT) devenue, depuis le 1er janvier 2016, la CRT Traitement, a été créée en 1972 par les émetteurs de titres-restaurant afin de mutualiser les coûts de traitement de ces titres.
Concomitamment à la création de la CRT, sous la forme d'une association loi 1901, les émetteurs historiques ont créé la société de Services Immobiliers et Mobiliers (SSIM), société par actions simplifiée remplissant un rôle de fonction support pour la CRT [la SSIM est devenue CRT Services (CRT S) le 1er janvier 2016].
Par une décision du 17 décembre 2019 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur des titres-restaurant, l'Autorité de la concurrence a sanctionné les sociétés Edenred France, Edenred SA (ci-après, 'Edenred'), SA Natixis et Natixis Intertitres, Sodexo Pass France (devenue Pluxee France) et Sodexo SA, Up Coop et l'association la Centrale de règlement des titres traitement (ci-après, l' 'association CRTT'), pour avoir enfreint les dispositions des articles L 420-1 du code de commerce et 101, §1, du Traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne (ci-après, le 'TFUE'), en mettant en oeuvre des pratiques d'échanges d'informations relatives à l'activité nationale des membres sociétaires de la CRT. Au titre de cette première pratique, elle a infligé à la société Sodexo Pass France, solidairement avec la société Sodexo SA, une sanction pécuniaire de 15 339 000 euros.
L'Autorité de la concurrence a ensuite dit qu'il était établi que les sociétés Edenred France et Edenred SA, Natixis et Natixis Intertitres, Sodexo Pass France et Sodexo SA et la CRT ont enfreint les dispositions des articles L 420-1 du code de commerce et 101, §1, du TFUE en participant à une entente ayant pour objet de verrouiller le marché des titres-restaurant et a infligé à ce titre à la société Sodexo Pass France et Sodexo SA, une sanction pécuniaire de 110 983 000 euros.
Enfin, elle a enjoint aux entités sanctionnées de procéder à la publication de la décision et de mettre en conformité les statuts et le règlement intérieur de la CRT avec le droit de la concurrence ; cette injonction ayant fait l'objet d'un sursis à exécution.
La SA Edenred, la SAS Edenred France, la SA Natixis et Natixis Intertitres, Sodexo Pass France (devenue Pluxee) France et Sodexo SA, Up Coop et l'association CRTT ont formé un recours à l'encontre de la décision devant la cour d'appel de Paris par différentes déclarations déposées au greffe de cette juridiction en mars, juillet et août 2020.
Les sociétés Octoplus, le syndicat national de la restauration thématique et commerciale ainsi que le syndicat national de la restauration publique organisée sont intervenus volontairement à l'instance.
Par un arrêt du 16 novembre 2023 (RG 20/03434), la cour d'appel de Paris a :
- Rejeté les moyens d'annulation dirigés contre la décision de l'Autorité de la concurrence du 17 décembre 2019 et dit n'y avoir lieu d'écarter des débats aucune pièce ;
- Infirmé cette décision, mais seulement sur le montant des sanctions infligées à la société Up et en ce qu'elle avait ordonné une injonction de mise en conformité des statuts et du règlement intérieur de la CRT avec le droit de la concurrence ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés, elle a :
- Infligé à la société Up, au titre des pratiques visées par le grief n° 1, une sanction réduite à 6 320 000 euros et, au titre des pratiques visées par le grief n° 2, une sanction réduite à 21 280 000 euros et a déclaré l'injonction faite à la CRT sans objet ;
- Condamné in solidum les requérantes à payer à la société Octoplus la somme globale de 50 000 euros et à chaque syndicat la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'association La Centrale de règlement des titres traitements (CRTT) et son liquidateur amiable, M. [C], les sociétés SA Sodexo, SA Pluxee France (anciennement Sodexo Pass France), SAS Swile venant aux droits de Sasu Bimpli, elle-même venant aux droits de Natixis Intertitres, la société Natixis, Edenred France et Edenred SA (ci-après, Edenred) ont formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.
Incidemment au pourvoi, les sociétés ont présenté quatre requêtes en inscription de faux.
Par ordonnance du 13 mai 2024, le Premier président de la Cour de cassation a :
- Autorisé l'association La Centrale de règlement des titres traitements (CRTT) et les sociétés SA Sodexo, SA Pluxee France (anciennement Sodexo Pass France), Natixis, SAS Swile venant aux droits de Sasu Bimpli, elle-même venant aux droits de Natixis Intertitres, Edenred France, Edenred SA (ci-après, Edenred), à s'inscrire en faux contre les mentions de l'arrêt n° 20/3434 du 16 novembre 2023 de la cour d'appel de Paris relatives à la composition de la formation qui a délibéré.
Par ordonnance du 10 juin 2024, prise en application de l'article 1031 du code de procédure civile, le Premier président de la Cour de cassation a dit y avoir lieu de statuer sur le faux et renvoyé les parties à se pourvoir devant la cour d'appel de Versailles pour statuer sur le faux.
Le 8 juillet 2024, la cour d'appel de Versailles a été régulièrement saisie à cette fin par l'association CRTT (RG 24/04304), la société Sodexo et la société Pluxee France (anciennement Sodexo Pass France) (RG 24/04307), la société Swile, venant aux droits de la société Bimpli, elle-même venant aux droits de Naxitis Intertitres, et la société Natixis (RG 24/04308) et enfin les sociétés Edenred France et Edenred (RG 24/04310).
Par dernières conclusions notifiées le 6 novembre 2024 (19 pages), auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, l'association CRTT, représentée par son liquidateur amiable, M. [C], demande à la cour, au fondement des articles 430, 432 al.2, 444 al. 2, 446 et 447 du code de procédure civile, L. 121-2 du code de l'organisation judiciaire, 6-1 de Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, de l'ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958, de :
- Déclarer faux l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 16 novembre 2023 en ce qu'il indique que Mme [L] [N], présidente, a délibéré de l'affaire,
- Ordonner que l'arrêt à intervenir de la cour d'appel de Versailles déclarant faux l'arrêt contesté devra être mentionné en marge de l'acte reconnu faux, conformément à l'article 310 du code de procédure civile,
- Condamner M. Le Président de l'Autorité de la concurrence, ès qualités, à lui payer, représentée par son liquidateur amiable, M. [C], la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner M. Le Président de l'Autorité de la concurrence, ès qualités, aux entiers dépens de l'instance en faux.
Par leurs dernières conclusions du 25 novembre 2024 (20 pages), auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, les sociétés Edenred France et Edenred invitent cette cour, au visa des articles 31, 303 et suivants, 351, 447, 454, 458 et 1031 du code de procédure civile, à :
- Juger qu'Edenred a un intérêt à agir dans le cadre de la présente instance ;
- Juger que les mentions suivantes de l'arrêt du 16 novembre 2023, en ce qu'elles indiquent la présence au délibéré de Mme [L] [N], ne sont pas conformes à la réalité des faits :
'L'affaire a été débattue le 18 novembre 2021, en audience publique, et en application
des dispositions des articles 22 du code de procédure civile et L. 153-1-3° du code de
commerce, en chambre du conseil, devant la Cour composée de :
Mme [L] [N], présidente de chambre, présidente
Mme [B] [K], présidente de chambre
Mme [Y] [A], conseillère
qui en ont délibéré' (Pièce 1; page 4)
En conséquence,
- Juger que l'arrêt du 16 novembre 2023 constitue un faux ;
- Ordonner que l'arrêt à intervenir de la cour d'appel de Versailles déclarant faux l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 16 novembre 2023 devra être mentionné en marge de l'acte reconnu faux, conformément à l'article 310 du code de procédure civile ;
- Condamner M. le Président de l'Autorité de la concurrence, ès qualités, à payer aux sociétés Edenred et Edenred France la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner M. le Président de l'Autorité de la concurrence, ès qualités, aux entiers dépens de l'instance en faux.
Par leurs dernières conclusions notifiées le 25 novembre 2024 (40 pages), auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, les sociétés Pluxee France (ex Sodexo Pass France) et Sodexo invitent cette cour, au fondement des articles 132 et suivants, 31, 1031, 303 et suivants, 314 et suivants, 306 et du code de procédure civile, à :
A titre préalable :
- Ecarter des débats les références au rapport du conseiller rapporteur de la Cour de cassation invoqué par l'Autorité de la concurrence suivant ses observations ainsi que tous développements de l'Autorité se référant audit rapport ;
Sur le fond :
- Juger que Pluxee France et Sodexo S.A ont un intérêt à agir en inscription de faux contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 16 novembre 2023 ;
Y faisant droit,
- Se prononcer sur le vice de faux affectant l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 16 novembre 2023, conformément à l'ordonnance de M. le Premier Président de la Cour de cassation du 10 juin 2024 invitant les parties à saisir la cour d'appel de Versailles ;
- Juger que l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 16 novembre 2023 mentionnant que 'l'affaire a été débattue le 18 novembre 2021, en audience publique, et en application des dispositions des articles 22 du code de procédure civile et L. 153-1-3° du code de commerce, en chambre du conseil, devant la Cour composée de :
- Mme [L] [N], présidente de chambre, présidente,
- Mme [B] [K], présidente de chambre,
- Mme [Y] [A], conseillère qui en ont délibéré' constitue un faux,
- Déclarer faux l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 16 novembre 2023, avec toutes les conséquences de droit qui en découlent ;
- Dire que l'arrêt à intervenir de la cour d'appel de Versailles déclarant faux l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 16 novembre 2023 devra être mentionné en marge de l'acte reconnu faux, conformément à l'article 310 du code de procédure civile ;
- Renvoyer à la Cour de cassation, saisie du pourvoi formé par les requérantes, l'examen de la validité de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 16 novembre 2023 en considération de l'arrêt à intervenir statuant sur la demande d'inscription de faux ;
- Juger mal fondée l'Autorité de la concurrence en l'ensemble de ses observations et l'en débouter ;
- Débouter les défendeurs à l'inscription de faux de l'intégralité de leurs demandes, prétentions, moyens, fins et conclusions ;
- Condamner l'Autorité de la concurrence, Octoplus, le SNRTC et le SNRPO à verser à chacune d'entre elles la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par leurs dernières conclusions notifiées le 5 novembre 2024 (22 pages), auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, les sociétés Swile et Natixis demandent à la cour de :
' Déclarer faux l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 16 novembre 2023 (RG n° 20/03434, N° Portalis 35L7-V-B7E-CBQV) en ce qu'il indique que Mme [L] [N], présidente de chambre, présidente, a délibéré de l'affaire,
' Ordonner que l'arrêt à intervenir de la cour d'appel de Versailles déclarant faux l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 16 novembre 2023 devra être mentionné en marge de l'acte reconnu faux, conformément à l'article 310 du code de procédure civile,
' Condamner M. le Président de l'Autorité de la concurrence, ès qualités, à payer aux sociétés Swile et Natixis la somme de 10 000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
' Condamner M. le Président de l'Autorité de la concurrence, ès qualités, aux entiers dépens de l'instance en faux.
Par d'uniques conclusions notifiées le 21 novembre 2024, le Syndicat National de la Restauration Thématique et Commerciale (ci-après, autrement nommé, le 'SNRTC') et le Syndicat National de la Restauration Publique Organisée (ci-après, autrement nommé, le 'SNRPO') (27 pages), auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, demandent à la cour, au visa des articles 306 et suivants, 1028 et suivants, 432, 442, 447, 448, 452, 456, 457, 459 du code de procédure civile, 1317 du code civil, de :
A titre principal,
- Rejeter l'intégralité des demandes des demanderesses à l'inscription de faux ;
- Juger que la mention de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 16 novembre 2023 (RG n°20/03434) selon laquelle Mme [L] [N] a délibéré de l'affaire n'est pas fausse ;
- Juger que l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 16 novembre 2023 (RG n°20/03434) n'est pas un faux ;
A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour jugeait que les demanderesses rapportent la preuve que Mme [L] [N] n'aurait pas participé à l'intégralité du délibéré, - Juger que les demanderesses n'établissant pas en quoi le constat du défaut d'objet de la réinstauration de l'injonction prononcée à l'encontre de la CRT pourrait affecter défavorablement leur situation juridique, leur action en inscription en faux est infondée et procède d'une instrumentalisation, et donc les en DEBOUTER.
A à titre infiniment subsidiaire,
- Juger que l'inscription de faux sera circonscrite à la participation de Mme [L] [N] au délibéré de l'affaire portant uniquement sur la situation juridique de la CRT à la suite de la demande du greffe ;
- Rejeter, pour le surplus, les demandes des demanderesses à l'inscription de faux ;
En tout état de cause,
- Condamner les demanderesses à l'inscription de faux au paiement, chacune, de la somme de 5 000 euros au SNRTC et au SNRPO.
- Condamner les demanderesses à l'inscription de faux au entiers dépens.
Par d'uniques conclusions notifiées le 21 novembre 2024 (28 pages), auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Octoplus demande à la cour, au fondement des articles 306 et suivants,1028 et suivants, 432, 442, 447, 448, 452, 456, 457, 459 du code de procédure civile, 1317 du code civil, de :
A titre principal,
- Rejeter l'intégralité des demandes des demanderesses à l'inscription de faux ;
- Juger que la mention de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 16 novembre 2023 (RG n°20/03434) selon laquelle Mme [L] [N] a délibéré de l'affaire n'est pas fausse ;
- Juger que l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 16 novembre 2023 (RG n°20/03434) n'est pas un faux ;
A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour jugeait que les demanderesses rapportent la preuve que Mme [L] [N] n'aurait pas participé à l'intégralité du délibéré,
- Juger que les demanderesses n'établissant pas en quoi le constat du défaut d'objet de la réinstauration de l'injonction prononcée à l'encontre de la CRT pourrait affecter défavorablement leur situation juridique, leur action en inscription en faux est infondée et procède d'une instrumentalisation, et donc les en DEBOUTER.
A à titre infiniment subsidiaire,
- Juger que l'inscription de faux sera circonscrite à la participation de Mme [L] [N] au délibéré de l'affaire portant uniquement sur la situation juridique de la CRT à la suite de la demande du greffe ;
- Rejeter, pour le surplus, les demandes des demanderesses à l'inscription de faux ;
En tout état de cause,
- Condamner les demanderesses à l'inscription de faux au paiement, chacune, de la somme de 5 000 euros à Octoplus.
- Condamner les demanderesses à l'inscription de faux au entiers dépens.
Aux termes de son avis notifié par la voie du réseau privé virtuel des avocats le 7 octobre 2024, auquel il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. le Procureur général invite cette cour à :
- Déclarer faux l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 16 novembre 2023 (RG 20/03434) en ce qu'il indique que Mme [L] [N], présidente, a délibéré de l'affaire ;
- Ordonner que l'arrêt à intervenir de la cour d'appel de Versailles déclarant faux l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 16 novembre 2023 devra être mentionné en marge de l'acte reconnu faux, conformément à l'article 310 du code de procédure civile.
Aux termes de ses observations du 27 septembre 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, l'Autorité de la concurrence invite cette cour à :
- Déclarer irrecevables les demanderesses à la procédure d'inscription de faux faute pour elles de justifier d'un intérêt à demander à être autorisées à s'inscrire en faux, l'invitation de la cour d'appel de Paris par courriel du 24 octobre 2023 concernant la CRTT n'ayant rien changé à la situation des demanderesses ;
- Rejeter la demande d'inscription de faux ;
- Subsidiairement, annuler partiellement et seulement ses dispositions visées par les demandes de la cour d'appel de Paris après le 18 septembre 2023 date à laquelle Mme [N] a été nommée à la Cour de cassation par décret du 26 juin 2023 et installée le 18 septembre 2023.
SUR CE, LA COUR,
Sur la jonction
A l'ouverture des débats, les parties ont été avisées que, conformément aux dispositions des articles 367 et 368 du code de procédure civile, l'intérêt d'une bonne justice justifie que les procédures enregistrées sous les numéros de répertoire général 24/4304, 24/04307, 24/4308 et 24/4310 soient jointes pour être jugées ensemble sous le numéro de répertoire général 24/04304, en raison de leur connexité (mêmes parties, même décision attaquée, mêmes demandes et défenses dans l'ensemble des quatre procédures).
Sur la recevabilité des demandes
Conformément aux dispositions de l'article 31 du code de procédure civile et contrairement à ce que soutient l'Autorité de la concurrence, tant l'association CRTT, la société Sodexo, la société Pluxee France (anciennement Sodexo Pass France), la société Swile, venant aux droits de la société Bimpli, elle-même venant aux droits de Natixis Intertitres, la société Natixis, que les sociétés Edenred France et Edenred justifient d'un intérêt à s'inscrire en faux contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris susmentionné dès lors qu'elles-mêmes ou les sociétés aux droits desquelles elles viennent étaient parties à la procédure ayant donné lieu à cet arrêt.
Il s'ensuit que les demanderesses sont recevables en leur action et en leurs demandes.
Sur la demande tendant à écarter des débats les références au rapport du conseiller rapporteur de la Cour de cassation invoqué par l'Autorité de la concurrence suivant ses observations ainsi que tous développements de l'Autorité se référant audit rapport
C'est à tort que les sociétés Pluxee France (ex Sodexo Pass France) et Sodexo soutiennent que les dispositions des articles 132 et 133 du code de procédure civile justifieraient leur demande qui tendent en réalité, non à écarter une pièce des débats, mais à la cancellation des passages figurant sous les paragraphes 20 à 23 des observations de l'Autorité de la concurrence relatives à un rapport du conseiller rapporteur sous l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 13 juin 2024 rejetant un pourvoi par une décision non spécialement motivée (3e Civ., 13 juin 2024, pourvoi n° 23-14.746).
Les dispositions des articles 132 et 133 du code de procédure civile imposent, en effet, à une partie qui fait état d'une pièce de la communiquer spontanément à toute autre partie à l'instance faute de quoi elle peut y être obligée par le juge. L'article 135 du même code ajoute que le juge peut écarter des débats les pièces qui n'ont pas été communiquées en temps utile.
En l'espèce, l'Autorité de la concurrence n'ayant pas produit cette pièce, les dispositions invoquées sont inopérantes puisqu'il ne peut pas sérieusement être sollicité du juge d'écarter des débats une pièce qui n'a pas été produite. Les dispositions invoquées à l'appui de cette demande ne sont donc pas pertinentes.
La cancellation de passages contenus dans des écritures notifiées par les parties à un litige, produites devant les juges, relève des dispositions de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
Faute d'invoquer une quelconque méconnaissance des dispositions de cette loi, ou un quelconque fondement juridique de nature à justifier la demande de cancellation, celle-ci ne pourra qu'être rejetée.
Au surplus, en application de l'article 15 du code de procédure civile, il incombe aux parties de se faire mutuellement connaître en temps utile les éléments de preuve qu'elles produisent. Le défaut, par l'Autorité de la concurrence, de production d'une pièce, qui ne revêt effectivement pas un caractère public, est susceptible d'être pris en considération dans l'appréciation du bien-fondé du moyen qu'elle invoque mais ne justifie en tout état de cause pas la cancellation des conclusions, telle que demandée, qui plus est de manière imprécise, par les sociétés Pluxee France et Sodexo.
Sur la demande de déclarer faux l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 16 novembre 2023
Aux termes de l'article 454 du code de procédure civile (souligné par la cour), 'Le jugement est rendu au nom du peuple français.
Il contient l'indication :
- de la juridiction dont il émane ;
- du nom des juges qui en ont délibéré ;
- de sa date ;
- du nom du représentant du ministère public s'il a assisté aux débats ;
- du nom du secrétaire ;
- des nom, prénoms ou dénomination des parties ainsi que de leur domicile ou siège social ;
- le cas échéant, du nom des avocats ou de toute personne ayant représenté ou assisté les parties ;
- en matière gracieuse, du nom des personnes auxquelles il doit être notifié.'
L'article 456 du même code précise que 'Le jugement est signé par le président et par le secrétaire. En cas d'empêchement du président, mention en est faite sur la minute qui est signée par l'un des juges qui en ont délibéré.'
Selon l'article 457 du même code, 'Le jugement a la force probante d'un acte authentique, sous réserve des dispositions de l'article 459.'
L'article 458 du même code dispose que 'Ce qui est prescrit par les articles 447, 451, 454, en ce qui concerne la mention du nom des juges, 455 (alinéa 1) et 456 doit être observé à peine de nullité.
Toutefois, aucune nullité ne pourra être ultérieurement soulevée ou relevée d'office pour inobservation des formes prescrites aux articles 451 et 452 si elle n'a pas été invoquée au moment du prononcé du jugement par simples observations, dont il est fait mention au registre d'audience.'
Conformément aux dispositions de l'article 459 du code de procédure civile, 'L'omission ou l'inexactitude d'une mention destinée à établir la régularité du jugement ne peut entraîner la nullité de celui-ci s'il est établi par les pièces de la procédure, par le registre d'audience ou par tout autre moyen que les prescriptions légales ont été, en fait, observées.'
L'article 460 du code de procédure civile précise que 'La nullité d'un jugement ne peut être demandée que par les voies de recours prévues par la loi.'
Aux termes de l'article 462, alinéa 1er, du code de procédure civile, 'Les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l'a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande.'
S'agissant de la composition de la juridiction, le principe d'imparité impose le respect des règles définies aux articles 430 du code de procédure civile, L.121-2, L. 312-1 et L. 312-2, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire.
Ainsi, l'article 430 du code de procédure civile dispose que 'La juridiction est composée, à peine de nullité, conformément aux règles relatives à l'organisation judiciaire.
Les contestations afférentes à sa régularité doivent être présentées, à peine d'irrecevabilité, dès l'ouverture des débats ou dès la révélation de l'irrégularité si celle-ci survient postérieurement, faute de quoi aucune nullité ne pourra être ultérieurement prononcée de ce chef, même d'office.
Les dispositions de l'alinéa qui précède ne sont pas applicables dans les cas où il aurait été fait appel à une personne dont la profession ou les fonctions ne sont pas de celles qui l'habilitent à faire partie de la juridiction.'.
L'article L. 121-2 du code de l'organisation judiciaire précise 'Sauf disposition particulière, les juges statuent en nombre impair'.
Selon l'article L. 312-1 du code de l'organisation judiciaire, 'La cour d'appel statue en formation collégiale.'
Aux termes de l'article L. 312-2, alinéa 1er, du même code, 'La formation de jugement de la cour d'appel se compose d'un président et de plusieurs conseillers.'
Il résulte clairement des dispositions des articles 454 et 458 du code de procédure civile, que seule la mention relative au 'nom des juges qui en ont délibéré' est exigée à peine de nullité de la décision de justice. Le champ d'application de la nullité édictée à cet article 458 est donc circonscrit à cette seule indication.
La raison d'être de la règle selon laquelle le nom des juges qui ont délibéré doit figurer dans la décision de justice à peine de nullité réside dans le fait qu'elle est le gage d'une décision de justice rendue dans le secret d'un délibéré respectueux des principes directeurs du procès équitable dans un Etat de droit.
En effet, la qualification de 'décision de justice' est réservée à la décision rendue au terme d'un délibéré par des juges régulièrement nommés et affectés aux fonctions qu'ils exercent.
L'indication du nom des juges qui ont délibéré poursuit en outre différents objectifs. Elle permet, en particulier, de s'assurer :
* de l'impartialité objective des juges qui s'accommoderait mal de décisions de justice anonymes ;
* que le délibéré s'est déroulé régulièrement tant au regard du nombre des juges y ayant participé qu'à celui du respect du principe de l'imparité.
La décision de justice tire en effet sa force de l'autorité qui l'a rendue et a, selon l'article 457 du code de procédure civile, la force probante d'un acte authentique sous réserve de l'application de l'article 459 du même code, qui dispose, rappelons-le, que 'l'omission ou l'inexactitude d'une mention destinée à établir la régularité du jugement ne peut entraîner la nullité de celui-ci s'il est établi par les pièces de la procédure, par le registre d'audience ou par tout autre moyen que les prescriptions légales ont été, en fait, observées'.
Aux termes de l'article 460 du code de procédure civile, cette action en nullité ne peut être demandée que par les voies de recours prévues par la loi.
Il appartiendra alors au demandeur d'invoquer et prouver l'existence d'une 'omission ou [...]inexactitude d'une mention destinée à établir la régularité du jugement', c'est-à-dire portant sur le défaut d'indication exacte du nom des juges en ayant délibéré.
A cet égard, il convient de rappeler que la jurisprudence édicte la présomption selon laquelle les magistrats dont les noms figurent dans la décision de justice sont présumés en avoir délibéré. Cette présomption recouvre différentes réalités : celle selon laquelle, à défaut d'indication contraire, les magistrats mentionnés comme composant la juridiction lors du prononcé sont ceux-là même qui en ont délibéré et, d'autre part, la présomption selon laquelle, à défaut d'indication contraire, les magistrats mentionnés dans la décision comme ayant siégé lors des débats sont présumés en avoir délibéré.
Cependant, cette présomption et ses deux variantes ne sont que des présomptions simples. Il est ainsi possible de rapporter la preuve contraire, par tous moyens. L'article 459 du code de procédure civile en cite deux, à savoir les pièces de la procédure et le registre d'audience. Les mentions contradictoires de la décision suffiraient également à écarter cette présomption simple.
Dans un arrêt du 11 décembre 2009, publié au rapport de la Cour de cassation (Ch. mixte., 11 décembre 2009, pourvoi n° 08-13.643, Ch. mixte, Bull. 2009, n° 3), la chambre mixte de cette haute juridiction a jugé 'qu'aux termes de l'article 459 du code de procédure civile, l'inexactitude d'une mention destinée à établir la régularité du jugement ne peut entraîner la nullité de celui-ci s'il est établi par les pièces de la procédure, par le registre d'audience ou par tout autre moyen que les prescriptions légales ont été, en fait, observées'. Par suite, constatant que si l'arrêt ne mentionne, quant à la composition de la cour d'appel, que le nom de M. X, président, il ressort de l'extrait du registre d'audience, signé du greffier et du président, certifié conforme par le greffier en chef, que la cour d'appel était composée de M. X, président, Mme Y. et M. Z, conseillers, elle a décidé que le moyen n'était pas fondé et que l'arrêt n'encourait pas la nullité.
En d'autres termes, l'omission ou l'inexactitude relatives au nom des magistrats qui ont délibéré n'entraîne pas ipso facto la nullité de la décision de justice et la lecture 'libérale' de ces dispositions, selon laquelle la nullité de la décision peut être évitée, en cas d'omission de la mention du nom d'un ou de plusieurs juges ayant participé au délibéré, par le recours aux pièces de procédure, au registre d'audience ou par tout autre moyen établissant dans les faits le respect des prescriptions légales, a ainsi été adoptée par la haute juridiction. Cette solution libérale permettra en outre que cette omission puisse être considérée comme étant constitutive d'une erreur matérielle pouvant être rectifiée grâce à l'application des dispositions de l'article 462 du code de procédure civile.
Enfin, l'article 7, alinéa 1, de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 précise que les magistrats sont installés dans leurs fonctions en audience solennelle de la juridiction à laquelle ils sont nommés ou rattachés.
Il s'en déduit que l'installation des magistrats fixe la date de la prise des nouvelles fonctions et, par voie de conséquence, de la cessation des anciennes (voir, par exemple, Crim., 26 mai 1970, pourvoi n° 68-91.778, Bulletin Criminel n° 168 p. 392 ; Com., 1 décembre 2021, pourvoi n° 20-16.004 ; 1re Civ., 26 octobre 2022, pourvoi n° 21-50.047, publié au bulletin).
Il découle de l'ensemble des développements qui précède que c'est à bon droit que les demanderesses à l'inscription de faux soutiennent que des mentions inexactes portant sur le nom d'un juge qui a délibéré sont susceptibles de faire déclarer fausse une décision de justice si la preuve de cette inexactitude est rapportée, par tous moyens.
En l'espèce, il résulte de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 16 novembre 2023, les éléments suivants :
* mention y est portée du fait que (souligné par la cour) 'l'affaire a été débattue le 18 novembre 2021, en audience publique, et en application des dispositions des articles 22 du code de procédure civile, L. 153-1-3°, du code de commerce, en chambre du conseil, devant la cour composée de : Mme [L] [N], présidente de chambre, - Mme [B] [K], présidente de chambre ; - Mme [Y] [A], conseillère qui en ont délibéré' (page 4 de l'arrêt) ;
* sont visés les faits suivants (souligné par la cour), 'Vu la demande, en cours de délibéré, adressée par la cour par courriel en date du 24 octobre 2023, invitant le conseil de la CRT à lui adresser les justificatifs concernant la situation actuelle de celle-ci, et les autres parties, le ministre chargé de l'économie et l'Autorité de la concurrence, à lui adresser leurs éventuelles observations en réponse ;
Vu l'absence d'observations du ministre chargé de l'économie et de l'Autorité de la concurrence ;
Vu la réponse adressée à la cour en date du 27 octobre 2023 ;
Vu la réponse adressée à la cour des intervenants volontaires en date du 2 novembre 2023, s'en remettant à la cour sur les conséquences à tirer' (page 6 de l'arrêt) ;
* page 136 de l'arrêt, aux points 831 et 832, l'arrêt indique encore ce qui suit (souligné par cette cour) :
'7. Sur la liquidation amiable de la CRT
831.Par une note en délibéré déposée au greffe le 27 octobre 2023, en réponse à une demande de la Cour, il a été précisé que l'association CRT T et la société CRT S ont cessé leurs activités et ont été placées, le 30 juin 2023, en liquidation amiable par deux décisions de leurs assemblées générales réunies la veille, dont des extraits des procès-verbaux sont annexés, mais que ces entités subsistent pour les besoins de la liquidation.
832.La CRT T (anciennement dénommée CRT) subsistant juridiquement, elle demeure tenue
responsable des pratiques et sanctionnable à ce titre.'
Par ailleurs, il est établi que Mme [L] [N] a cessé d'exercer ses fonctions de présidente de chambre à la cour d'appel de Paris au plus tard le 18 septembre 2023, date à laquelle elle a été officiellement installée en qualité de conseillère à la chambre commerciale de la Cour de cassation.
Malgré la cessation des fonctions de cette magistrate au sein de la cour d'appel de Paris, le 18 septembre 2023, l'arrêt déféré énonce très clairement, ainsi que rappelé précédemment, que la cour a poursuivi son délibéré, puisqu'elle a tenu compte des observations en réponse à sa note en délibéré adressée aux parties le 24 octobre 2023, ce que les points 831 et 832 exposent expressément.
C'est ainsi faussement que l'arrêt de la cour d'appel de Paris mentionne que Mme [N] a délibéré avec ses deux collègues de sorte que la demande en faux est fondée.
Contrairement à ce que sollicitent les défenderesses, l'inscription de faux ne saurait être circonscrite à la participation de Mme [L] [N] au délibéré de l'affaire portant uniquement sur la situation juridique de la CRT.
En effet, le délibéré est secret et seuls ceux qui y participent en connaissent le déroulement ainsi que les modalités suivies par les magistrats qui y participent pour parvenir à la décision finale. C'est donc de façon téméraire, sans preuve, que les défenderesses soutiennent que, compte tenu de sa durée, Mme [N] a nécessairement délibéré sur l'ensemble des points litigieux à l'exception, sans doute, du point portant sur la situation juridique de la CRT.
La demande tendant à circonscrire l'inscription de faux à la participation de Mme [L] [N] au délibéré de l'affaire portant uniquement sur la situation juridique de la CRTT ne pourra qu'être rejetée.
Il s'ensuit que l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 16 novembre 2023 (RG n° 20/03434) sera déclaré faux.
Par voie de conséquence, le présent arrêt qui déclare le faux sera mentionné en marge de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 16 novembre 2023 (RG n° 20/03434), reconnu faux.
L'affaire sera renvoyée devant la Cour de cassation, saisie du pourvoi, pour qu'il soit statué sur les mérites de celui-ci.
Sur les demandes accessoires
Les dépens de la présente procédure seront mis à la charge du Trésor Public.
L'équité ne commande pas d'allouer des sommes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par arrêt rendu par défaut et mis à disposition,
Vu l'ordonnance du 13 mai 2024 rendue par Monsieur le Premier président de la Cour de cassation ;
Vu l'ordonnance du 10 juin 2024 rendue par Monsieur le Premier président de la Cour de cassation ;
Vu les déclarations de saisine de la cour d'appel de Versailles du 8 juillet 2024 ;
ORDONNE la jonction des procédures enregistrées sous les numéros de répertoire général 24/4304, 24/04307, 24/4308 et 24/4310 et dit qu'elles sont jugées ensemble sous le numéro de répertoire général 24/04304 ;
DÉCLARE recevables l'association CRTT, la société Sodexo et la société Pluxee France (anciennement Sodexo Pass France), la société Swile, venant aux droits de la société Bimpli, elle-même venant aux droits de Natixis Intertitres, la société Natixis, les sociétés Edenred France et Edenred à s'inscrire en faux contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 16 novembre 2023 ;
REJETTE la demande tendant à écarter des débats les références au rapport du conseiller rapporteur de la Cour de cassation (sous l'arrêt 3e Civ., 13 juin 2024, pourvoi n° 23-14.746) invoqué par l'Autorité de la concurrence suivant ses observations ainsi que tous développements de l'Autorité se référant audit rapport ;
REJETTE la demande tendant à circonscrire à la participation de Mme [L] [N] au délibéré de l'affaire portant uniquement sur la situation juridique de la CRT à la suite de la demande du greffe ;
DÉCLARE faux l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 16 novembre 2023 (RG n° 20/03434) ;
ORDONNE de mentionner le présent arrêt en marge de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 16 novembre 2023 (RG n° 20/03434) ;
RENVOIE à la Cour de cassation, saisie du pourvoi, pour qu'il soit statué sur celui-ci ;
DIT que les dépens sont mis à la charge du Trésor Public ;
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Madame Nathalie BOURGEOIS-DE RYCK, Première présidente de chambre, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,
DE
VERSAILLES
Code nac : 97H
Chambre civile 1-1
ARRET N°
PAR DÉFAUT
DU 28 JANVIER 2025
N° RG 24/04304 - N° Portalis DBV3-V-B7I-WUAM
AFFAIRE :
LA CENTRALE DE REGLEMENT DES TITRES TRAITEMENT
C/
M. LE MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE LA SOUVERAINETE INDUSTRIELLE ET NUMERIQUE
...
Décision déférée à la cour : Arrêt rendu le 16 Novembre 2023 par la Cour d'Appel de PARIS
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 20/03434
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
- la SELARL LX PARIS- VERSAILLES- REIMS,
- Me Christophe DEBRAY
- le PG
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT HUIT JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
DEMANDERESSE devant la cour d'appel de Versailles désignée par ordonnance du Premier président de la Cour de cassation du 10 juin 2024, prise en application de l'article 1031 du code de procédure civile, autorisant les parties à se pourvoir devant la cour d'appel de Versailles pour statuer sur le faux.
LA CENTRALE DE REGLEMENT DES TITRES TRAITEMENT, représentée par son liquidateur amiable, M. [P] [C], suite au placement en dissolution amiable par décision de l'assemblée générale en date du 29 juin 2023
[Adresse 7]
[Localité 20]
représentée par Me Martine DUPUIS de la SELARL LX PARIS- VERSAILLES- REIMS, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 2474038
Me Djazia TIOURTITE de l'AARPI BIRD & BIRD AARPI, avocat - barreau de PARIS, vestiaire : R255
****************
DÉFENDEURS DEVANT LA COUR DE RENVOI
S.A. NATIXIS
prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège social
N° SIRET : 542 044 524
[Adresse 13]
[Localité 19]
et
S.A.S. SWILE
venant aux droits de SASU Bimpli, elle-même venant aux droits de la SA Natixis Intertitres
prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège social
N° SIRET : 824 012 173
[Adresse 27]
[Adresse 27]
[Localité 11]
représentées par Me Martine DUPUIS de la SELARL LX PARIS- VERSAILLES- REIMS, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625
Me Pierre GALMICHE de la SELARL ARAMIS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
Me Alice CABOURDIN substuituant Me Jérôme PHILIPPE du LLP FRESHFIELDS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J007
Me Pierre GALMICHE de la SELARL ARAMIS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
S.A. SODEXO
agissant en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social
N° SIRET : 301 940 219
[Adresse 8]
[Localité 24]
et
S.A. PLUXEE FRANCE (anciennement Sodexo Pass France)
agissant en la personne de son directeur général, domicilié en cette qualité au siège social
N° SIRET : 340 393 065
[Adresse 9]
[Localité 18]
représentées par Me Martine DUPUIS de la SELARL LX PARIS- VERSAILLES- REIMS, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625
Me Yéléna TRIFOUNOVITCH de la SAS BREDIN PRAT, avocat - barreau de PARIS,
Me Sébastien SEGARD, avocat - barreau de PARIS, vestiaire : C2173
Me Corinne KHAYAT de la SCP UGGC AVOCATS, avocat - barreau de PARIS, vestiaire : P0261
S.A.S. EDENRED FRANCE
agissant en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège social
N° SIRET : 393 365 135
[Adresse 5]
[Localité 26]
et
S.A. EDENRED agissant en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège social
N° SIRET : 493 322 978
[Adresse 3]
[Localité 24]
représentées par Me Martine DUPUIS de la SELARL LX PARIS- VERSAILLES- REIMS, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625
Me Bertrand HOMASSEL substituant Me Igor SIMIC de la SAS BREDIN PRAT, avocat - barreau de PARIS, vestiaire : R170
Me Arthur HELFER, avocat - barreau de PARIS
l'AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
[Adresse 1]
[Localité 14]
représentée par Mme [R] [T], munie d'un pouvoir
S.A.S. OCTOPLUS
prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social
N° SIRET : 531 601 136
[Adresse 10]
[Localité 15]
représentée par Me Christophe DEBRAY, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 24349
Me Matthieu DE VALLOIS de l'AARPI 186 Avocats, avocat - barreau de PARIS, vestiaire : D0010
SYNDICAT NATIONAL DE LA RESTAURATION PUBLIQUE ORGANISEE (SNRPO)
pris en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège social
N° SIRET : 422 477 356
[Adresse 6]
[Localité 17]
et
SYNDICAT NATIONAL DE LA RESTAURATION THEMATIQUE ET COMMERCIALE (SNRTC)
pris en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège social
N° SIRET : 829 176 080
[Adresse 4]
[Localité 16]
représentés par Me Christophe DEBRAY, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 24349,
Me Nicoals GIACOBI substituant Me Emilie DUMUR, avocat - barreau de PARIS, vestiaire : K0024
Me Pascal WILHELM de la SAS WILHELM & ASSOCIES, avocat - barreau de PARIS, vestiaire : K0024
LE PROCUREUR GENERAL
POLE ECOFI - COUR D'APPEL DE VERSAILLES
Avis du 7 octobre 2024
Monsieur LE MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE LA SOUVERAINETÉ INDUSTRIELLE ET NUMÉRIQUE
Ministère de l'Economie et des Finances
[Adresse 2]
[Localité 21]
Défaillant
Madame la DIRECTRICE GÉNÉRALE DE LA CONCURRENCE, DE LA CONSOMMATION ET DE LA RÉPRESSION DES FRAUDES, commissaire du gouvernement auprès de l'Autorité de la Concurrence
[Adresse 12]
[Adresse 12]
[Localité 22]
Défaillante
Société UP COOP
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège
N° SIRET : 642 044 366
[Adresse 23]
[Localité 25]
Défaillante
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue en audience publique le 26 Novembre 2024, Madame Anna MANES, présidente de chambre ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Nathalie BOURGEOIS-DE RYCK, Première présidente de chambre,
Madame Anna MANES, Présidente de chambre,
Monsieur Thomas VASSEUR, Président de chambre,
Madame Pascale CARIOU, Conseillère,
Madame Pauline de ROCQUIGNYDU FAYEL, Conseillère,
Madame Marine IGELMAN, Conseillère,
Madame Charlotte GIRAULT, Conseillère
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL
**********************
FAITS ET PROCÉDURE
La centrale de règlement des titres (CRT) devenue, depuis le 1er janvier 2016, la CRT Traitement, a été créée en 1972 par les émetteurs de titres-restaurant afin de mutualiser les coûts de traitement de ces titres.
Concomitamment à la création de la CRT, sous la forme d'une association loi 1901, les émetteurs historiques ont créé la société de Services Immobiliers et Mobiliers (SSIM), société par actions simplifiée remplissant un rôle de fonction support pour la CRT [la SSIM est devenue CRT Services (CRT S) le 1er janvier 2016].
Par une décision du 17 décembre 2019 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur des titres-restaurant, l'Autorité de la concurrence a sanctionné les sociétés Edenred France, Edenred SA (ci-après, 'Edenred'), SA Natixis et Natixis Intertitres, Sodexo Pass France (devenue Pluxee France) et Sodexo SA, Up Coop et l'association la Centrale de règlement des titres traitement (ci-après, l' 'association CRTT'), pour avoir enfreint les dispositions des articles L 420-1 du code de commerce et 101, §1, du Traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne (ci-après, le 'TFUE'), en mettant en oeuvre des pratiques d'échanges d'informations relatives à l'activité nationale des membres sociétaires de la CRT. Au titre de cette première pratique, elle a infligé à la société Sodexo Pass France, solidairement avec la société Sodexo SA, une sanction pécuniaire de 15 339 000 euros.
L'Autorité de la concurrence a ensuite dit qu'il était établi que les sociétés Edenred France et Edenred SA, Natixis et Natixis Intertitres, Sodexo Pass France et Sodexo SA et la CRT ont enfreint les dispositions des articles L 420-1 du code de commerce et 101, §1, du TFUE en participant à une entente ayant pour objet de verrouiller le marché des titres-restaurant et a infligé à ce titre à la société Sodexo Pass France et Sodexo SA, une sanction pécuniaire de 110 983 000 euros.
Enfin, elle a enjoint aux entités sanctionnées de procéder à la publication de la décision et de mettre en conformité les statuts et le règlement intérieur de la CRT avec le droit de la concurrence ; cette injonction ayant fait l'objet d'un sursis à exécution.
La SA Edenred, la SAS Edenred France, la SA Natixis et Natixis Intertitres, Sodexo Pass France (devenue Pluxee) France et Sodexo SA, Up Coop et l'association CRTT ont formé un recours à l'encontre de la décision devant la cour d'appel de Paris par différentes déclarations déposées au greffe de cette juridiction en mars, juillet et août 2020.
Les sociétés Octoplus, le syndicat national de la restauration thématique et commerciale ainsi que le syndicat national de la restauration publique organisée sont intervenus volontairement à l'instance.
Par un arrêt du 16 novembre 2023 (RG 20/03434), la cour d'appel de Paris a :
- Rejeté les moyens d'annulation dirigés contre la décision de l'Autorité de la concurrence du 17 décembre 2019 et dit n'y avoir lieu d'écarter des débats aucune pièce ;
- Infirmé cette décision, mais seulement sur le montant des sanctions infligées à la société Up et en ce qu'elle avait ordonné une injonction de mise en conformité des statuts et du règlement intérieur de la CRT avec le droit de la concurrence ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés, elle a :
- Infligé à la société Up, au titre des pratiques visées par le grief n° 1, une sanction réduite à 6 320 000 euros et, au titre des pratiques visées par le grief n° 2, une sanction réduite à 21 280 000 euros et a déclaré l'injonction faite à la CRT sans objet ;
- Condamné in solidum les requérantes à payer à la société Octoplus la somme globale de 50 000 euros et à chaque syndicat la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'association La Centrale de règlement des titres traitements (CRTT) et son liquidateur amiable, M. [C], les sociétés SA Sodexo, SA Pluxee France (anciennement Sodexo Pass France), SAS Swile venant aux droits de Sasu Bimpli, elle-même venant aux droits de Natixis Intertitres, la société Natixis, Edenred France et Edenred SA (ci-après, Edenred) ont formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.
Incidemment au pourvoi, les sociétés ont présenté quatre requêtes en inscription de faux.
Par ordonnance du 13 mai 2024, le Premier président de la Cour de cassation a :
- Autorisé l'association La Centrale de règlement des titres traitements (CRTT) et les sociétés SA Sodexo, SA Pluxee France (anciennement Sodexo Pass France), Natixis, SAS Swile venant aux droits de Sasu Bimpli, elle-même venant aux droits de Natixis Intertitres, Edenred France, Edenred SA (ci-après, Edenred), à s'inscrire en faux contre les mentions de l'arrêt n° 20/3434 du 16 novembre 2023 de la cour d'appel de Paris relatives à la composition de la formation qui a délibéré.
Par ordonnance du 10 juin 2024, prise en application de l'article 1031 du code de procédure civile, le Premier président de la Cour de cassation a dit y avoir lieu de statuer sur le faux et renvoyé les parties à se pourvoir devant la cour d'appel de Versailles pour statuer sur le faux.
Le 8 juillet 2024, la cour d'appel de Versailles a été régulièrement saisie à cette fin par l'association CRTT (RG 24/04304), la société Sodexo et la société Pluxee France (anciennement Sodexo Pass France) (RG 24/04307), la société Swile, venant aux droits de la société Bimpli, elle-même venant aux droits de Naxitis Intertitres, et la société Natixis (RG 24/04308) et enfin les sociétés Edenred France et Edenred (RG 24/04310).
Par dernières conclusions notifiées le 6 novembre 2024 (19 pages), auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, l'association CRTT, représentée par son liquidateur amiable, M. [C], demande à la cour, au fondement des articles 430, 432 al.2, 444 al. 2, 446 et 447 du code de procédure civile, L. 121-2 du code de l'organisation judiciaire, 6-1 de Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, de l'ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958, de :
- Déclarer faux l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 16 novembre 2023 en ce qu'il indique que Mme [L] [N], présidente, a délibéré de l'affaire,
- Ordonner que l'arrêt à intervenir de la cour d'appel de Versailles déclarant faux l'arrêt contesté devra être mentionné en marge de l'acte reconnu faux, conformément à l'article 310 du code de procédure civile,
- Condamner M. Le Président de l'Autorité de la concurrence, ès qualités, à lui payer, représentée par son liquidateur amiable, M. [C], la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner M. Le Président de l'Autorité de la concurrence, ès qualités, aux entiers dépens de l'instance en faux.
Par leurs dernières conclusions du 25 novembre 2024 (20 pages), auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, les sociétés Edenred France et Edenred invitent cette cour, au visa des articles 31, 303 et suivants, 351, 447, 454, 458 et 1031 du code de procédure civile, à :
- Juger qu'Edenred a un intérêt à agir dans le cadre de la présente instance ;
- Juger que les mentions suivantes de l'arrêt du 16 novembre 2023, en ce qu'elles indiquent la présence au délibéré de Mme [L] [N], ne sont pas conformes à la réalité des faits :
'L'affaire a été débattue le 18 novembre 2021, en audience publique, et en application
des dispositions des articles 22 du code de procédure civile et L. 153-1-3° du code de
commerce, en chambre du conseil, devant la Cour composée de :
Mme [L] [N], présidente de chambre, présidente
Mme [B] [K], présidente de chambre
Mme [Y] [A], conseillère
qui en ont délibéré' (Pièce 1; page 4)
En conséquence,
- Juger que l'arrêt du 16 novembre 2023 constitue un faux ;
- Ordonner que l'arrêt à intervenir de la cour d'appel de Versailles déclarant faux l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 16 novembre 2023 devra être mentionné en marge de l'acte reconnu faux, conformément à l'article 310 du code de procédure civile ;
- Condamner M. le Président de l'Autorité de la concurrence, ès qualités, à payer aux sociétés Edenred et Edenred France la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner M. le Président de l'Autorité de la concurrence, ès qualités, aux entiers dépens de l'instance en faux.
Par leurs dernières conclusions notifiées le 25 novembre 2024 (40 pages), auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, les sociétés Pluxee France (ex Sodexo Pass France) et Sodexo invitent cette cour, au fondement des articles 132 et suivants, 31, 1031, 303 et suivants, 314 et suivants, 306 et du code de procédure civile, à :
A titre préalable :
- Ecarter des débats les références au rapport du conseiller rapporteur de la Cour de cassation invoqué par l'Autorité de la concurrence suivant ses observations ainsi que tous développements de l'Autorité se référant audit rapport ;
Sur le fond :
- Juger que Pluxee France et Sodexo S.A ont un intérêt à agir en inscription de faux contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 16 novembre 2023 ;
Y faisant droit,
- Se prononcer sur le vice de faux affectant l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 16 novembre 2023, conformément à l'ordonnance de M. le Premier Président de la Cour de cassation du 10 juin 2024 invitant les parties à saisir la cour d'appel de Versailles ;
- Juger que l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 16 novembre 2023 mentionnant que 'l'affaire a été débattue le 18 novembre 2021, en audience publique, et en application des dispositions des articles 22 du code de procédure civile et L. 153-1-3° du code de commerce, en chambre du conseil, devant la Cour composée de :
- Mme [L] [N], présidente de chambre, présidente,
- Mme [B] [K], présidente de chambre,
- Mme [Y] [A], conseillère qui en ont délibéré' constitue un faux,
- Déclarer faux l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 16 novembre 2023, avec toutes les conséquences de droit qui en découlent ;
- Dire que l'arrêt à intervenir de la cour d'appel de Versailles déclarant faux l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 16 novembre 2023 devra être mentionné en marge de l'acte reconnu faux, conformément à l'article 310 du code de procédure civile ;
- Renvoyer à la Cour de cassation, saisie du pourvoi formé par les requérantes, l'examen de la validité de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 16 novembre 2023 en considération de l'arrêt à intervenir statuant sur la demande d'inscription de faux ;
- Juger mal fondée l'Autorité de la concurrence en l'ensemble de ses observations et l'en débouter ;
- Débouter les défendeurs à l'inscription de faux de l'intégralité de leurs demandes, prétentions, moyens, fins et conclusions ;
- Condamner l'Autorité de la concurrence, Octoplus, le SNRTC et le SNRPO à verser à chacune d'entre elles la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par leurs dernières conclusions notifiées le 5 novembre 2024 (22 pages), auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, les sociétés Swile et Natixis demandent à la cour de :
' Déclarer faux l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 16 novembre 2023 (RG n° 20/03434, N° Portalis 35L7-V-B7E-CBQV) en ce qu'il indique que Mme [L] [N], présidente de chambre, présidente, a délibéré de l'affaire,
' Ordonner que l'arrêt à intervenir de la cour d'appel de Versailles déclarant faux l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 16 novembre 2023 devra être mentionné en marge de l'acte reconnu faux, conformément à l'article 310 du code de procédure civile,
' Condamner M. le Président de l'Autorité de la concurrence, ès qualités, à payer aux sociétés Swile et Natixis la somme de 10 000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
' Condamner M. le Président de l'Autorité de la concurrence, ès qualités, aux entiers dépens de l'instance en faux.
Par d'uniques conclusions notifiées le 21 novembre 2024, le Syndicat National de la Restauration Thématique et Commerciale (ci-après, autrement nommé, le 'SNRTC') et le Syndicat National de la Restauration Publique Organisée (ci-après, autrement nommé, le 'SNRPO') (27 pages), auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, demandent à la cour, au visa des articles 306 et suivants, 1028 et suivants, 432, 442, 447, 448, 452, 456, 457, 459 du code de procédure civile, 1317 du code civil, de :
A titre principal,
- Rejeter l'intégralité des demandes des demanderesses à l'inscription de faux ;
- Juger que la mention de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 16 novembre 2023 (RG n°20/03434) selon laquelle Mme [L] [N] a délibéré de l'affaire n'est pas fausse ;
- Juger que l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 16 novembre 2023 (RG n°20/03434) n'est pas un faux ;
A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour jugeait que les demanderesses rapportent la preuve que Mme [L] [N] n'aurait pas participé à l'intégralité du délibéré, - Juger que les demanderesses n'établissant pas en quoi le constat du défaut d'objet de la réinstauration de l'injonction prononcée à l'encontre de la CRT pourrait affecter défavorablement leur situation juridique, leur action en inscription en faux est infondée et procède d'une instrumentalisation, et donc les en DEBOUTER.
A à titre infiniment subsidiaire,
- Juger que l'inscription de faux sera circonscrite à la participation de Mme [L] [N] au délibéré de l'affaire portant uniquement sur la situation juridique de la CRT à la suite de la demande du greffe ;
- Rejeter, pour le surplus, les demandes des demanderesses à l'inscription de faux ;
En tout état de cause,
- Condamner les demanderesses à l'inscription de faux au paiement, chacune, de la somme de 5 000 euros au SNRTC et au SNRPO.
- Condamner les demanderesses à l'inscription de faux au entiers dépens.
Par d'uniques conclusions notifiées le 21 novembre 2024 (28 pages), auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Octoplus demande à la cour, au fondement des articles 306 et suivants,1028 et suivants, 432, 442, 447, 448, 452, 456, 457, 459 du code de procédure civile, 1317 du code civil, de :
A titre principal,
- Rejeter l'intégralité des demandes des demanderesses à l'inscription de faux ;
- Juger que la mention de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 16 novembre 2023 (RG n°20/03434) selon laquelle Mme [L] [N] a délibéré de l'affaire n'est pas fausse ;
- Juger que l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 16 novembre 2023 (RG n°20/03434) n'est pas un faux ;
A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour jugeait que les demanderesses rapportent la preuve que Mme [L] [N] n'aurait pas participé à l'intégralité du délibéré,
- Juger que les demanderesses n'établissant pas en quoi le constat du défaut d'objet de la réinstauration de l'injonction prononcée à l'encontre de la CRT pourrait affecter défavorablement leur situation juridique, leur action en inscription en faux est infondée et procède d'une instrumentalisation, et donc les en DEBOUTER.
A à titre infiniment subsidiaire,
- Juger que l'inscription de faux sera circonscrite à la participation de Mme [L] [N] au délibéré de l'affaire portant uniquement sur la situation juridique de la CRT à la suite de la demande du greffe ;
- Rejeter, pour le surplus, les demandes des demanderesses à l'inscription de faux ;
En tout état de cause,
- Condamner les demanderesses à l'inscription de faux au paiement, chacune, de la somme de 5 000 euros à Octoplus.
- Condamner les demanderesses à l'inscription de faux au entiers dépens.
Aux termes de son avis notifié par la voie du réseau privé virtuel des avocats le 7 octobre 2024, auquel il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. le Procureur général invite cette cour à :
- Déclarer faux l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 16 novembre 2023 (RG 20/03434) en ce qu'il indique que Mme [L] [N], présidente, a délibéré de l'affaire ;
- Ordonner que l'arrêt à intervenir de la cour d'appel de Versailles déclarant faux l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 16 novembre 2023 devra être mentionné en marge de l'acte reconnu faux, conformément à l'article 310 du code de procédure civile.
Aux termes de ses observations du 27 septembre 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, l'Autorité de la concurrence invite cette cour à :
- Déclarer irrecevables les demanderesses à la procédure d'inscription de faux faute pour elles de justifier d'un intérêt à demander à être autorisées à s'inscrire en faux, l'invitation de la cour d'appel de Paris par courriel du 24 octobre 2023 concernant la CRTT n'ayant rien changé à la situation des demanderesses ;
- Rejeter la demande d'inscription de faux ;
- Subsidiairement, annuler partiellement et seulement ses dispositions visées par les demandes de la cour d'appel de Paris après le 18 septembre 2023 date à laquelle Mme [N] a été nommée à la Cour de cassation par décret du 26 juin 2023 et installée le 18 septembre 2023.
SUR CE, LA COUR,
Sur la jonction
A l'ouverture des débats, les parties ont été avisées que, conformément aux dispositions des articles 367 et 368 du code de procédure civile, l'intérêt d'une bonne justice justifie que les procédures enregistrées sous les numéros de répertoire général 24/4304, 24/04307, 24/4308 et 24/4310 soient jointes pour être jugées ensemble sous le numéro de répertoire général 24/04304, en raison de leur connexité (mêmes parties, même décision attaquée, mêmes demandes et défenses dans l'ensemble des quatre procédures).
Sur la recevabilité des demandes
Conformément aux dispositions de l'article 31 du code de procédure civile et contrairement à ce que soutient l'Autorité de la concurrence, tant l'association CRTT, la société Sodexo, la société Pluxee France (anciennement Sodexo Pass France), la société Swile, venant aux droits de la société Bimpli, elle-même venant aux droits de Natixis Intertitres, la société Natixis, que les sociétés Edenred France et Edenred justifient d'un intérêt à s'inscrire en faux contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris susmentionné dès lors qu'elles-mêmes ou les sociétés aux droits desquelles elles viennent étaient parties à la procédure ayant donné lieu à cet arrêt.
Il s'ensuit que les demanderesses sont recevables en leur action et en leurs demandes.
Sur la demande tendant à écarter des débats les références au rapport du conseiller rapporteur de la Cour de cassation invoqué par l'Autorité de la concurrence suivant ses observations ainsi que tous développements de l'Autorité se référant audit rapport
C'est à tort que les sociétés Pluxee France (ex Sodexo Pass France) et Sodexo soutiennent que les dispositions des articles 132 et 133 du code de procédure civile justifieraient leur demande qui tendent en réalité, non à écarter une pièce des débats, mais à la cancellation des passages figurant sous les paragraphes 20 à 23 des observations de l'Autorité de la concurrence relatives à un rapport du conseiller rapporteur sous l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 13 juin 2024 rejetant un pourvoi par une décision non spécialement motivée (3e Civ., 13 juin 2024, pourvoi n° 23-14.746).
Les dispositions des articles 132 et 133 du code de procédure civile imposent, en effet, à une partie qui fait état d'une pièce de la communiquer spontanément à toute autre partie à l'instance faute de quoi elle peut y être obligée par le juge. L'article 135 du même code ajoute que le juge peut écarter des débats les pièces qui n'ont pas été communiquées en temps utile.
En l'espèce, l'Autorité de la concurrence n'ayant pas produit cette pièce, les dispositions invoquées sont inopérantes puisqu'il ne peut pas sérieusement être sollicité du juge d'écarter des débats une pièce qui n'a pas été produite. Les dispositions invoquées à l'appui de cette demande ne sont donc pas pertinentes.
La cancellation de passages contenus dans des écritures notifiées par les parties à un litige, produites devant les juges, relève des dispositions de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
Faute d'invoquer une quelconque méconnaissance des dispositions de cette loi, ou un quelconque fondement juridique de nature à justifier la demande de cancellation, celle-ci ne pourra qu'être rejetée.
Au surplus, en application de l'article 15 du code de procédure civile, il incombe aux parties de se faire mutuellement connaître en temps utile les éléments de preuve qu'elles produisent. Le défaut, par l'Autorité de la concurrence, de production d'une pièce, qui ne revêt effectivement pas un caractère public, est susceptible d'être pris en considération dans l'appréciation du bien-fondé du moyen qu'elle invoque mais ne justifie en tout état de cause pas la cancellation des conclusions, telle que demandée, qui plus est de manière imprécise, par les sociétés Pluxee France et Sodexo.
Sur la demande de déclarer faux l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 16 novembre 2023
Aux termes de l'article 454 du code de procédure civile (souligné par la cour), 'Le jugement est rendu au nom du peuple français.
Il contient l'indication :
- de la juridiction dont il émane ;
- du nom des juges qui en ont délibéré ;
- de sa date ;
- du nom du représentant du ministère public s'il a assisté aux débats ;
- du nom du secrétaire ;
- des nom, prénoms ou dénomination des parties ainsi que de leur domicile ou siège social ;
- le cas échéant, du nom des avocats ou de toute personne ayant représenté ou assisté les parties ;
- en matière gracieuse, du nom des personnes auxquelles il doit être notifié.'
L'article 456 du même code précise que 'Le jugement est signé par le président et par le secrétaire. En cas d'empêchement du président, mention en est faite sur la minute qui est signée par l'un des juges qui en ont délibéré.'
Selon l'article 457 du même code, 'Le jugement a la force probante d'un acte authentique, sous réserve des dispositions de l'article 459.'
L'article 458 du même code dispose que 'Ce qui est prescrit par les articles 447, 451, 454, en ce qui concerne la mention du nom des juges, 455 (alinéa 1) et 456 doit être observé à peine de nullité.
Toutefois, aucune nullité ne pourra être ultérieurement soulevée ou relevée d'office pour inobservation des formes prescrites aux articles 451 et 452 si elle n'a pas été invoquée au moment du prononcé du jugement par simples observations, dont il est fait mention au registre d'audience.'
Conformément aux dispositions de l'article 459 du code de procédure civile, 'L'omission ou l'inexactitude d'une mention destinée à établir la régularité du jugement ne peut entraîner la nullité de celui-ci s'il est établi par les pièces de la procédure, par le registre d'audience ou par tout autre moyen que les prescriptions légales ont été, en fait, observées.'
L'article 460 du code de procédure civile précise que 'La nullité d'un jugement ne peut être demandée que par les voies de recours prévues par la loi.'
Aux termes de l'article 462, alinéa 1er, du code de procédure civile, 'Les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l'a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande.'
S'agissant de la composition de la juridiction, le principe d'imparité impose le respect des règles définies aux articles 430 du code de procédure civile, L.121-2, L. 312-1 et L. 312-2, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire.
Ainsi, l'article 430 du code de procédure civile dispose que 'La juridiction est composée, à peine de nullité, conformément aux règles relatives à l'organisation judiciaire.
Les contestations afférentes à sa régularité doivent être présentées, à peine d'irrecevabilité, dès l'ouverture des débats ou dès la révélation de l'irrégularité si celle-ci survient postérieurement, faute de quoi aucune nullité ne pourra être ultérieurement prononcée de ce chef, même d'office.
Les dispositions de l'alinéa qui précède ne sont pas applicables dans les cas où il aurait été fait appel à une personne dont la profession ou les fonctions ne sont pas de celles qui l'habilitent à faire partie de la juridiction.'.
L'article L. 121-2 du code de l'organisation judiciaire précise 'Sauf disposition particulière, les juges statuent en nombre impair'.
Selon l'article L. 312-1 du code de l'organisation judiciaire, 'La cour d'appel statue en formation collégiale.'
Aux termes de l'article L. 312-2, alinéa 1er, du même code, 'La formation de jugement de la cour d'appel se compose d'un président et de plusieurs conseillers.'
Il résulte clairement des dispositions des articles 454 et 458 du code de procédure civile, que seule la mention relative au 'nom des juges qui en ont délibéré' est exigée à peine de nullité de la décision de justice. Le champ d'application de la nullité édictée à cet article 458 est donc circonscrit à cette seule indication.
La raison d'être de la règle selon laquelle le nom des juges qui ont délibéré doit figurer dans la décision de justice à peine de nullité réside dans le fait qu'elle est le gage d'une décision de justice rendue dans le secret d'un délibéré respectueux des principes directeurs du procès équitable dans un Etat de droit.
En effet, la qualification de 'décision de justice' est réservée à la décision rendue au terme d'un délibéré par des juges régulièrement nommés et affectés aux fonctions qu'ils exercent.
L'indication du nom des juges qui ont délibéré poursuit en outre différents objectifs. Elle permet, en particulier, de s'assurer :
* de l'impartialité objective des juges qui s'accommoderait mal de décisions de justice anonymes ;
* que le délibéré s'est déroulé régulièrement tant au regard du nombre des juges y ayant participé qu'à celui du respect du principe de l'imparité.
La décision de justice tire en effet sa force de l'autorité qui l'a rendue et a, selon l'article 457 du code de procédure civile, la force probante d'un acte authentique sous réserve de l'application de l'article 459 du même code, qui dispose, rappelons-le, que 'l'omission ou l'inexactitude d'une mention destinée à établir la régularité du jugement ne peut entraîner la nullité de celui-ci s'il est établi par les pièces de la procédure, par le registre d'audience ou par tout autre moyen que les prescriptions légales ont été, en fait, observées'.
Aux termes de l'article 460 du code de procédure civile, cette action en nullité ne peut être demandée que par les voies de recours prévues par la loi.
Il appartiendra alors au demandeur d'invoquer et prouver l'existence d'une 'omission ou [...]inexactitude d'une mention destinée à établir la régularité du jugement', c'est-à-dire portant sur le défaut d'indication exacte du nom des juges en ayant délibéré.
A cet égard, il convient de rappeler que la jurisprudence édicte la présomption selon laquelle les magistrats dont les noms figurent dans la décision de justice sont présumés en avoir délibéré. Cette présomption recouvre différentes réalités : celle selon laquelle, à défaut d'indication contraire, les magistrats mentionnés comme composant la juridiction lors du prononcé sont ceux-là même qui en ont délibéré et, d'autre part, la présomption selon laquelle, à défaut d'indication contraire, les magistrats mentionnés dans la décision comme ayant siégé lors des débats sont présumés en avoir délibéré.
Cependant, cette présomption et ses deux variantes ne sont que des présomptions simples. Il est ainsi possible de rapporter la preuve contraire, par tous moyens. L'article 459 du code de procédure civile en cite deux, à savoir les pièces de la procédure et le registre d'audience. Les mentions contradictoires de la décision suffiraient également à écarter cette présomption simple.
Dans un arrêt du 11 décembre 2009, publié au rapport de la Cour de cassation (Ch. mixte., 11 décembre 2009, pourvoi n° 08-13.643, Ch. mixte, Bull. 2009, n° 3), la chambre mixte de cette haute juridiction a jugé 'qu'aux termes de l'article 459 du code de procédure civile, l'inexactitude d'une mention destinée à établir la régularité du jugement ne peut entraîner la nullité de celui-ci s'il est établi par les pièces de la procédure, par le registre d'audience ou par tout autre moyen que les prescriptions légales ont été, en fait, observées'. Par suite, constatant que si l'arrêt ne mentionne, quant à la composition de la cour d'appel, que le nom de M. X, président, il ressort de l'extrait du registre d'audience, signé du greffier et du président, certifié conforme par le greffier en chef, que la cour d'appel était composée de M. X, président, Mme Y. et M. Z, conseillers, elle a décidé que le moyen n'était pas fondé et que l'arrêt n'encourait pas la nullité.
En d'autres termes, l'omission ou l'inexactitude relatives au nom des magistrats qui ont délibéré n'entraîne pas ipso facto la nullité de la décision de justice et la lecture 'libérale' de ces dispositions, selon laquelle la nullité de la décision peut être évitée, en cas d'omission de la mention du nom d'un ou de plusieurs juges ayant participé au délibéré, par le recours aux pièces de procédure, au registre d'audience ou par tout autre moyen établissant dans les faits le respect des prescriptions légales, a ainsi été adoptée par la haute juridiction. Cette solution libérale permettra en outre que cette omission puisse être considérée comme étant constitutive d'une erreur matérielle pouvant être rectifiée grâce à l'application des dispositions de l'article 462 du code de procédure civile.
Enfin, l'article 7, alinéa 1, de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 précise que les magistrats sont installés dans leurs fonctions en audience solennelle de la juridiction à laquelle ils sont nommés ou rattachés.
Il s'en déduit que l'installation des magistrats fixe la date de la prise des nouvelles fonctions et, par voie de conséquence, de la cessation des anciennes (voir, par exemple, Crim., 26 mai 1970, pourvoi n° 68-91.778, Bulletin Criminel n° 168 p. 392 ; Com., 1 décembre 2021, pourvoi n° 20-16.004 ; 1re Civ., 26 octobre 2022, pourvoi n° 21-50.047, publié au bulletin).
Il découle de l'ensemble des développements qui précède que c'est à bon droit que les demanderesses à l'inscription de faux soutiennent que des mentions inexactes portant sur le nom d'un juge qui a délibéré sont susceptibles de faire déclarer fausse une décision de justice si la preuve de cette inexactitude est rapportée, par tous moyens.
En l'espèce, il résulte de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 16 novembre 2023, les éléments suivants :
* mention y est portée du fait que (souligné par la cour) 'l'affaire a été débattue le 18 novembre 2021, en audience publique, et en application des dispositions des articles 22 du code de procédure civile, L. 153-1-3°, du code de commerce, en chambre du conseil, devant la cour composée de : Mme [L] [N], présidente de chambre, - Mme [B] [K], présidente de chambre ; - Mme [Y] [A], conseillère qui en ont délibéré' (page 4 de l'arrêt) ;
* sont visés les faits suivants (souligné par la cour), 'Vu la demande, en cours de délibéré, adressée par la cour par courriel en date du 24 octobre 2023, invitant le conseil de la CRT à lui adresser les justificatifs concernant la situation actuelle de celle-ci, et les autres parties, le ministre chargé de l'économie et l'Autorité de la concurrence, à lui adresser leurs éventuelles observations en réponse ;
Vu l'absence d'observations du ministre chargé de l'économie et de l'Autorité de la concurrence ;
Vu la réponse adressée à la cour en date du 27 octobre 2023 ;
Vu la réponse adressée à la cour des intervenants volontaires en date du 2 novembre 2023, s'en remettant à la cour sur les conséquences à tirer' (page 6 de l'arrêt) ;
* page 136 de l'arrêt, aux points 831 et 832, l'arrêt indique encore ce qui suit (souligné par cette cour) :
'7. Sur la liquidation amiable de la CRT
831.Par une note en délibéré déposée au greffe le 27 octobre 2023, en réponse à une demande de la Cour, il a été précisé que l'association CRT T et la société CRT S ont cessé leurs activités et ont été placées, le 30 juin 2023, en liquidation amiable par deux décisions de leurs assemblées générales réunies la veille, dont des extraits des procès-verbaux sont annexés, mais que ces entités subsistent pour les besoins de la liquidation.
832.La CRT T (anciennement dénommée CRT) subsistant juridiquement, elle demeure tenue
responsable des pratiques et sanctionnable à ce titre.'
Par ailleurs, il est établi que Mme [L] [N] a cessé d'exercer ses fonctions de présidente de chambre à la cour d'appel de Paris au plus tard le 18 septembre 2023, date à laquelle elle a été officiellement installée en qualité de conseillère à la chambre commerciale de la Cour de cassation.
Malgré la cessation des fonctions de cette magistrate au sein de la cour d'appel de Paris, le 18 septembre 2023, l'arrêt déféré énonce très clairement, ainsi que rappelé précédemment, que la cour a poursuivi son délibéré, puisqu'elle a tenu compte des observations en réponse à sa note en délibéré adressée aux parties le 24 octobre 2023, ce que les points 831 et 832 exposent expressément.
C'est ainsi faussement que l'arrêt de la cour d'appel de Paris mentionne que Mme [N] a délibéré avec ses deux collègues de sorte que la demande en faux est fondée.
Contrairement à ce que sollicitent les défenderesses, l'inscription de faux ne saurait être circonscrite à la participation de Mme [L] [N] au délibéré de l'affaire portant uniquement sur la situation juridique de la CRT.
En effet, le délibéré est secret et seuls ceux qui y participent en connaissent le déroulement ainsi que les modalités suivies par les magistrats qui y participent pour parvenir à la décision finale. C'est donc de façon téméraire, sans preuve, que les défenderesses soutiennent que, compte tenu de sa durée, Mme [N] a nécessairement délibéré sur l'ensemble des points litigieux à l'exception, sans doute, du point portant sur la situation juridique de la CRT.
La demande tendant à circonscrire l'inscription de faux à la participation de Mme [L] [N] au délibéré de l'affaire portant uniquement sur la situation juridique de la CRTT ne pourra qu'être rejetée.
Il s'ensuit que l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 16 novembre 2023 (RG n° 20/03434) sera déclaré faux.
Par voie de conséquence, le présent arrêt qui déclare le faux sera mentionné en marge de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 16 novembre 2023 (RG n° 20/03434), reconnu faux.
L'affaire sera renvoyée devant la Cour de cassation, saisie du pourvoi, pour qu'il soit statué sur les mérites de celui-ci.
Sur les demandes accessoires
Les dépens de la présente procédure seront mis à la charge du Trésor Public.
L'équité ne commande pas d'allouer des sommes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par arrêt rendu par défaut et mis à disposition,
Vu l'ordonnance du 13 mai 2024 rendue par Monsieur le Premier président de la Cour de cassation ;
Vu l'ordonnance du 10 juin 2024 rendue par Monsieur le Premier président de la Cour de cassation ;
Vu les déclarations de saisine de la cour d'appel de Versailles du 8 juillet 2024 ;
ORDONNE la jonction des procédures enregistrées sous les numéros de répertoire général 24/4304, 24/04307, 24/4308 et 24/4310 et dit qu'elles sont jugées ensemble sous le numéro de répertoire général 24/04304 ;
DÉCLARE recevables l'association CRTT, la société Sodexo et la société Pluxee France (anciennement Sodexo Pass France), la société Swile, venant aux droits de la société Bimpli, elle-même venant aux droits de Natixis Intertitres, la société Natixis, les sociétés Edenred France et Edenred à s'inscrire en faux contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 16 novembre 2023 ;
REJETTE la demande tendant à écarter des débats les références au rapport du conseiller rapporteur de la Cour de cassation (sous l'arrêt 3e Civ., 13 juin 2024, pourvoi n° 23-14.746) invoqué par l'Autorité de la concurrence suivant ses observations ainsi que tous développements de l'Autorité se référant audit rapport ;
REJETTE la demande tendant à circonscrire à la participation de Mme [L] [N] au délibéré de l'affaire portant uniquement sur la situation juridique de la CRT à la suite de la demande du greffe ;
DÉCLARE faux l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 16 novembre 2023 (RG n° 20/03434) ;
ORDONNE de mentionner le présent arrêt en marge de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 16 novembre 2023 (RG n° 20/03434) ;
RENVOIE à la Cour de cassation, saisie du pourvoi, pour qu'il soit statué sur celui-ci ;
DIT que les dépens sont mis à la charge du Trésor Public ;
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Madame Nathalie BOURGEOIS-DE RYCK, Première présidente de chambre, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,