Livv
Décisions

CA Lyon, jurid. premier président, 27 janvier 2025, n° 24/00137

LYON

Ordonnance

Autre

CA Lyon n° 24/00137

27 janvier 2025

N° R.G. Cour : N° RG 24/00137 - N° Portalis DBVX-V-B7I-PYJB

COUR D'APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRESIDENT

ORDONNANCE DE REFERE

DU 27 Janvier 2025

DEMANDERESSE :

Société IMBERT JAPAN CO LTD prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2],

[Adresse 4], JAPON

Représentée par Me Guillaume BAULIEUX substituant Me Emmanuel MOUCHTOURIS de la SELARL SOCIETE D'AVOCATS SAINT CYR AVOCATS, avocat au barreau de LYON (toque 1830)

DEFENDERESSE :

Société SICODIS SICA - Société d'Intérêt Collectif Agricole au capital de 38.112€, immatriculée au RCS de LYON sous le numéro 331 108 431

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Laurent LELIEVRE de la SELARL SAINT-EXUPERY AVOCATS, avocat au barreau de LYON (toque 716)

Audience de plaidoiries du 13 Janvier 2025

DEBATS : audience publique du 13 Janvier 2025 tenue par Pierre BARDOUX, Conseiller à la cour d'appel de Lyon, délégataire du Premier Président dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées selon ordonnance du 31 décembre 2024, assisté de Sylvie NICOT, Greffier.

ORDONNANCE : contradictoire

prononcée le 27 Janvier 2025 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile;

signée par Pierre BARDOUX, Conseiller et Sylvie NICOT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

''''

EXPOSE DU LITIGE

La société Imbert Japan Co Ltd (Imbert) a importé au Japon les produits commercialisés par la société d'intérêt collectif agricole Sicodis depuis octobre 2014. Par un courriel du 20 janvier 2024, la société Sicodis a mis fin à la collaboration au motif du non-respect des objectifs d'achat convenus.

Par assignation en référé du 14 mars 2024, la société Imbert a saisi en référé le président du tribunal de commerce afin d'obtenir la reprise des livraisons par la société Sicodis.

Par ordonnance de référé contradictoire rendue le 29 mars 2024, cette juridiction a :

- ordonné à la société Sicodis la reprise des livraisons des commandes de la société Imbert aux nouvelles conditions acceptées, ce sous astreinte de 2 000 € par commande non honorée,

- ordonné le maintien des conditions précitées jusqu'au 31 [30] septembre 2024,

- condamné la société Sicodis à payer à la société Imbert la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens de l'instance,

Par déclaration du 12 avril 2024, la société Sicodis a relevé appel de cette décision reprenant l'ensemble du dispositif de cette ordonnance. L'affaire a été fixée devant la cour d'appel à l'audience du 1er avril 2025.

Par assignation en référé du 18 juin 2024, la société Imbert demande au premier président de prononcer le retrait de l'affaire du rôle de la cour, la radiation de l'affaire, et la condamnation de la société Sicodis à lui verser la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

A l'audience du 13 janvier 2025 devant le délégué du premier président, les parties, comparantes et régulièrement représentées, s'en sont remises à leurs écritures qu'elles ont soutenues oralement.

Dans son assignation, la société Imbert affirme qu'elle n'est plus en mesure d'honorer les commandes de ses autres clients à la suite du refus de la société Sicodis de la livrer. Elle fait valoir que pour justifier le refus d'honorer les commandes passées, la société Sicodis met en avant ses conditions générales de ventes, dont elle avait pourtant relevé le caractère inapplicable devant le juge des référés du tribunal de commerce.

Dans ses conclusions dites rectificatives déposées au greffe par RPVA le 7 novembre 2024, la société Sicodis demande au délégué du premier président de :

- débouter la société Imbert de sa demande de radiation de la procédure d'appel,

- à titre reconventionnel :

arrêter l'exécution provisoire de l'ordonnance de référé rendue le 29 mars 2024 par le président du tribunal de commerce de Lyon,

condamner la société Imbert à lui payer la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La société Sicodis soutient l'impossibilité d'exécuter la décision provisoire contre laquelle elle a aussitôt interjeté appel puisque consécutivement à l'arrêt de sa relation commerciale avec la société Imbert, elle s'est engagée par contrat à la distribution exclusive sur le territoire japonais avec la société Shoei et en conclut une impossibilité de faire droit à la demande de radiation.

A titre reconventionnel, la société Sicodis demande l'arrêt de l'exécution provisoire au motif que le maintien forcé de la relation contractuelle l'empêcherait notamment de poursuivre avec un autre distributeur japonais avec lequel elle a convenance à consentir une exclusivité et caractériserait dès lors une conséquence manifestement excessive.

Elle invoque la nullité de l'assignation en ce que celle-ci est muette sur le fondement juridique invoqué par la société Imbert qui l'autoriserait à exiger de la société Sicodis qu'elle accepte et honore les commandes qui lui sont adressées. Ensuite, elle soulève la nullité de l'ordonnance du 29 mars 2024 pour défaut de motivation puisqu'il n'existe aucun texte légal qui aurait permis au juge des référés d'ordonner le maintien d'un contrat non écrit.

Elle fait également valoir l'application du droit japonais à l'exclusion du droit français. Enfin, elle considère enfin que les demandes présentées par la société Imbert sont mal fondées au motif que cette dernière sollicite l'application d'un contrat non écrit, ne formule aucune demande tirée d'une prétendue brutalité de rupture des relations et demande sa condamnation à accepter des commandes jusqu'à la fin de l'année 2024 sans justifier du moindre texte légal qui l'autoriserait à déroger au principe de liberté contractuelle.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe par RPVA le 8 janvier 2025, la société Imbert maintient les demandes formulées dans ses précédentes conclusions et demande en outre la condamnation de la société Sicodis à lui verser la somme de 5 000 € au titre de sa résistance abusive.

Elle affirme que les conséquences manifestement excessives invoquées par la société Sicodis sont inexistantes et que la compétence du premier président pour examiner les moyens d'infirmation ou d'annulation qu'elle invoque est par définition exclue.

Elle considère qu'aucune nullité de l'assignation devant le juge des référés n'est susceptible d'être retenue en ce que la société Sicodis avait connaissance du fondement juridique de ses demandes basées sur les articles 1103, 1217 à 1231-7 du Code civil et ne justifie pas d'un grief au sens de l'article 114 du Code de procédure civile.

Elle fait valoir que l'ordonnance dont appel a été motivée et qu'elle l'approuve en ce qu'elle a retenu la compétence du juge des référés du tribunal de commerce de Lyon comme la loi applicable en application du règlement Rome I, comme en ce qu'elle a retenu l'imputabilité comme le motif de la rupture.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe par RPVA le 10 janvier 2025, la société Sicodis maintient les prétentions contenues dans ses précédentes écritures.

Elle argumente de plus fort sur les moyens d'annulation et de réformation qu'elle invoque.

Pour satisfaire aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour plus de précisions sur les faits, prétentions et arguments des parties, à la décision déférée, aux conclusions régulièrement déposées et ci-dessus visées, comme pour l'exposé des moyens à l'énoncé qui en sera fait ci-dessous dans les motifs.

MOTIFS

Sur la demande principale de radiation de l'instance d'appel

Attendu que la société Imbert demande d'abord le retrait du rôle de l'appel formé par la société Sicodis, terme impropre, et particulièrement la radiation de cette instance d'appel pour défaut d'exécution des condamnations édictées dans l'ordonnance de référé rendue le 29 mars 2024 par le tribunal de commerce de Lyon ;

Attendu qu'à défaut de désignation d'un conseiller de la mise en état, la demande de radiation formée au visa de l'article 524 du Code de procédure civile relève de la compétence exclusive du premier président, et tel est le cas en l'espèce, l'appel formé contre cette ordonnance n'ayant pas été par nature soumis à une mise en état ;

Attendu qu'en application de cet article 524, lorsque l'exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président peut décider après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l'appel lorsque l'appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d'appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l'article 521 du Code de procédure civile, à moins qu'il lui apparaisse que l'exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l'appelant est dans l'impossibilité d'exécuter la décision ; que cette faculté laissée au premier président est discrétionnaire ;

Attendu que la société Imbert ne justifie pas de la signification de l'ordonnance de référé du 29 mars 2024, formalité nécessaire à la mise en oeuvre d'une exécution forcée de cette décision ;

Qu'en outre, les termes mêmes de cette ordonnance en dehors d'une liquidation de l'astreinte et du paiement de la somme allouée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ne sont plus susceptibles d'exécution forcée, l'échéance du 30 septembre 2024 étant expirée depuis plusieurs mois ;

Attendu qu'il est vainement recherché dans les pièces de la société Imbert des éléments manifestant une volonté de saisir le juge de l'exécution d'une demande de liquidation de l'astreinte provisoire ordonnée par le juge des référés du tribunal de commerce comme une réclamation tendant à obtenir le paiement de la condamnation au titre des frais irrépétibles ;

Que la question du paiement de cette indemnité n'est d'ailleurs pas invoquée par la société Imbert ;

Attendu, surtout, qu'en dehors d'un courriel de commande du 15 mai 2024, aucune tentative de mise en demeure de la société Sicodis de respecter les termes de l'ordonnance de référé dont appel n'a été effectuée ;

Attendu qu'ainsi que la société Sicodis l'a rappelé dans ses écritures, le contrôle de proportionnalité imposé au premier président, au regard en particulier de la jurisprudence de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme sur l'application de l'article 526 devenu 524 du Code de procédure civile, nécessite d'apprécier le besoin de la demanderesse qui sollicite la radiation de l'appel et l'absence de privation de la partie condamnée d'un accès au juge d'appel ;

Attendu que la nette proximité de l'audience devant la cour d'appel, prévue le 1er avril 2025, ne peut conduire à priver la société Sicodis et les parties en général d'un accès rapide à la décision d'appel et pour ces seuls motifs la demande de radiation présentée par la société Imbert est rejetée ;

Sur la demande reconventionnelle d'arrêt de l'exécution provisoire

Attendu que l'exécution provisoire de droit dont est assortie l'ordonnance du 29 mars 2024 par le président du tribunal judiciaire de Lyon ne peut être arrêtée, que conformément aux dispositions de l'article 514-3 du Code de procédure civile, et lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives ; que ces deux conditions sont cumulatives ;

Attendu que s'agissant de l'existence de conséquences manifestement excessives, il y a lieu de rappeler qu'il appartient seulement au premier président de prendre en compte les risques générés par la mise à exécution de la décision rendue notamment en fonction des facultés de remboursement de l'intimé si la décision était infirmée, mais également de la situation personnelle et financière du débiteur ;

Qu'en outre, le caractère manifestement excessif des conséquences de la décision rendue ne saurait exclusivement résulter de celles inhérentes à la mise à exécution d'une condamnation à respecter une obligation de faire, mais ces conséquences doivent présenter un caractère disproportionné ou irréversible pour la personne qui est contrainte à exécuter ;

Attendu que la société Sicodis soutient que le maintien de l'exécution provisoire aurait pour elle des conséquences manifestement excessives en ce qu'elle l'empêche de convenir ou de maintenir une relation contractuelle avec un autre importateur japonais, qui pourrait être difficile à raison d'une nécessaire exclusivité exigée par ce nouveau partenaire commercial ; qu'elle indique pourtant s'être engagée par contrat à la distribution exclusive sur le territoire japonais avec la société Shoei ;

Que comme cela vient d'être relevé, la décision du juge des référés du tribunal de commerce de Lyon a limité la portée de l'obligation de la société Sicodis à exécuter les commandes de la société Imbert jusqu'au 30 septembre 2024 ;

Attendu qu'au jour où il est statué le maintien de l'exécution provisoire n'est ainsi nullement un obstacle pour convenir avec un autre partenaire japonais de nouvelles relations commerciales, et depuis cette échéance dépassée depuis de longues semaines ;

Attendu que ce seul élément mis en avant par la société Sicodis ne lui permet pas de prospérer en sa demande reconventionnelle d'arrêt de l'exécution provisoire, sa carence à démontrer l'existence même d'un risque de conséquences manifestement excessives consécutives au maintien de l'exécution provisoire conduisant au rejet sans qu'il soit besoin d'apprécier le sérieux des moyens de réformation qu'elle articule ;

Sur la demande présentée par la société Imbert au titre de la résistance abusive

Attendu que la société Imbert demande au délégué du premier président de sanctionner une résistance à l'exécution opposée par la société Sicodis tout en relevant par ailleurs avec pertinence dans ses écritures que ses pouvoirs juridictionnels ne lui permettent pas d'évaluer les chances de réformation ou d'annulation de la décision de première instance ;

Que le premier président ne peut ainsi se prononcer sur le caractère abusif d'une résistance à l'exécution provisoire d'une ordonnance de référé sans apprécier préalablement si les demandes qui étaient présentées au juge des référés du tribunal de commerce de Lyon devaient prospérer ou être rejetées ;

Attendu que cette demande indemnitaire doit dès lors être déclarée irrecevable ;

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Attendu que les parties succombent toutes deux en leurs prétentions respectives et doivent garder la charge de leurs propres dépens inhérents à la présente instance en référé, leurs demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ne pouvant prospérer ;

Attendu qu'il en est de même concernant la demande présentée par la société Sicodis au titre des dépens de première instance et d'appel, soumis à la seule appréciation de la cour d'appel ;

PAR CES MOTIFS

Nous, Pierre Bardoux, délégué du premier président, statuant publiquement, en référé, par ordonnance contradictoire,

Vu la déclaration d'appel du 12 avril 2024,

Rejetons les demandes principale de radiation de l'instance d'appel et reconventionnelle d'arrêt de l'exécution provisoire présentées par les parties,

Déclarons irrecevable la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive présentée par la société Imbert Japan Co Ltd,

Disons que chaque partie garde la charge de ses propres dépens inhérents à la présente instance en référé et rejetons les demandes présentées par les parties au titre des frais irrépétibles,

Rejetons la demande présentée par la société d'intérêt collectif agricole Sicodis au titre des dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site