Cass. 1re civ., 29 janvier 2025, n° 23-15.999
COUR DE CASSATION
Autre
Cassation
PARTIES
Défendeur :
MMA IARD (Sté), MMA IARD assurances mutuelles (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Champalaune
Rapporteur :
Mme Kass-Danno
Avocat général :
Mme Duval-Arnould
Avocats :
SCP Fabiani - Pinatel, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 novembre 2021), Mme [L] a acquis de M. [S], en février 2005, un appartement dans lequel elle a réalisé des travaux en décembre 2005.
3. Elle a été assignée, en référé aux fins d'expertise puis au fond, par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble se plaignant de désordres survenus à la suite de ces travaux et a été assistée par M. [F], avocat.
4. Par jugement du 9 janvier 2012, confirmé le 8 octobre 2014, elle a été condamnée à faire procéder, sous astreinte, aux travaux préconisés par l'expert judiciaire et à payer une certaine somme au syndicat des copropriétaires.
5. Estimant que M. [S] était responsable des désordres, en raison des travaux qu'il avait réalisés antérieurement à la vente, et aurait dû être assigné par M. [F] en intervention forcée, elle a assigné celui-ci et ses assureurs, les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, en responsabilité et indemnisation.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
6. Mme [L] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'au terme de son rapport d'expertise judiciaire, M. [G] a conclu : «A- En résumé succinct des faits : M. [S], précédent propriétaire du logement du rez-de-chaussée a supprimé un mur porteur il y aurait 15 ans environ, laissant un fer vertical bien insuffisant en place et arguant avoir obtenu les autorisations de la copropriété sans aucunement apporter de preuve écrite. Mme [L] a acheté ce logement en 2005 et souhaité changer ce fer vertical qui présentait un flambement important. Elle dit avoir fait appel à des personnes dont elle n'a pas voulu nous révéler l'identité pour ces travaux. Il est évident que ces personnes ont mal exécuté le début de ces travaux, provoquant un bruit important et faisant apparaître une fissure structurelle dans l'appartement de Mme [C] situé au premier étage. Aucun règlement amiable de ce litige n'a pu intervenir avant l'assignation menant à l'ordonnance qui m'a désigné. Ce fer structurellement insuffisant restant en place, le fer n'étant pas encoffré coupe-feu présentant en outre un danger pour la stabilité au feu de l'immeuble et le litige perdurant, il convenait soit de faire exécuter les travaux en urgence (étaiements et encoffrement coupe-feu), soit de changer ce fer par un autre fer porteur formant portique avec encoffrement coupe-feu. La copropriété inquiète a choisi de faire réaliser les travaux d'urgence suivant les études et devis portés par l'architecte de la copropriété suivant le pré-rapport adressé aux parties et au tribunal, indiquant ne pas avoir les moyens de faire plus
[
] C - Des responsabilités J'ai toujours indiqué à Mme [L] que sa responsabilité me paraissait grandement engagée, ayant commandé les travaux entraînant ces désordres, dans des conditions peu claires et sans demander l'autorisation de la copropriété, s'agissant d'un porteur, qui plus est fragilisé. Mme [L] a toujours protesté, incriminant d'une part, M. [S], de sa responsabilité de l'état antérieur mais sans jamais indiquer sa volonté de le voir mis en cause pendant nos opérations et d'autre part, la copropriété de connaître l'état de fait antérieur, ce qui ne la dédouane pas à mon sens. Cette façon de voir a conduit la copropriété à mettre en oeuvre les travaux d'urgence dans l'attente du jugement. Mme [L] avait néanmoins, lors de l'expertise amiable, proposé de prendre en charge un tiers des travaux » ; que la cour d'appel a écarté toute perte de chance d'agir sur le fondement possible du vice caché au motif qu'« une action de ce chef n'aurait pu davantage prospérer faute que les conclusions du rapport d'expertise laissent envisager cette éventualité, tout convergeant vers le constat de ce que lesdits désordres, inexistants lorsque M. [S] était propriétaire de l'appartement, ne sont apparus qu'en conséquence des travaux réalisés par Mme [L], l'expert ayant conclu à sa seule responsabilité à l'égard du syndicat » ; qu'en statuant ainsi quand il ne ressort pas des conclusions précitées du rapport d'expertise que les travaux réalisés par Mme [L] seraient la cause unique et exclusive du dommage dès lors qu'il est indiqué que M. [S], précédent propriétaire du logement du rez-de-chaussée a supprimé un mur porteur il y aurait 15 ans environ, laissant un fer vertical bien insuffisant en place et que l'expert reproche précisément à cette dernière de ne pas avoir mis en cause M. [S] pendant les opérations d'expertise, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions du rapport d'expertise et a violé le principe précité. »
Réponse de la Cour
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :
7. Pour rejeter la demande de Mme [L], après avoir relevé que M. [F] avait manqué à son devoir de conseil, l'arrêt retient que, même si celui-ci aurait pu agir deux ans après le dépôt du rapport d'expertise contre M. [S] sur le fondement de la garantie des vices cachés, sans que son action soit forclose, un telle action n'aurait pu prospérer dès lors qu'il se déduit des conclusions du rapport d'expertise que les désordres, inexistants lorsque M. [S] était propriétaire de l'appartement, sont apparus en conséquence des travaux réalisés par Mme [L].
8. En statuant ainsi, alors que, selon le rapport d'expertise, c'était M. [S] qui, après avoir supprimé un mur porteur, avait mis en place un fer structurellement insuffisant, la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le principe susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a condamné M. [F] in solidum avec la société MMA IARD et la société d'assurances mutuelles MMA IARD Assurances Mutuelles à payer à Mme [L] la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts, sous réserve, en ce qui concerne les assureurs, de l'application de la franchise prévue au contrat, l'arrêt rendu le 2 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne M. [F] et les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [F] et les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles et les condamne à payer à Mme [L] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;