CA Nîmes, 4e ch. com., 24 janvier 2025, n° 23/02982
NÎMES
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Le Madisson (SARL)
Défendeur :
Quo Vadis (SCI)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Codol
Conseillers :
M. Maitral, Mme Vareilles
Avocats :
Me Lamy, Me Fontaine
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Vu l'appel interjeté le 20 septembre 2023 par la SARL Le Madisson à l'encontre de l'ordonnance rendue le 16 février 2023 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nîmes, dans l'instance n°23/2982,
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 17 décembre 2024 par l'appelante et le bordereau de pièces qui y est annexé,
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 17 décembre 2024 par la SCI Quo Vadis, intimée, et le bordereau de pièces qui y est annexé,
Vu l'ordonnance du 6 juin 2024 de clôture de la procédure à effet différé au 26 décembre 2024,
Vu les notes en délibéré transmises les 13 et 14 janvier 2025 par les parties, à la demande de la cour,
En vertu d'un bail renouvelé par acte notarié du 26 avril 2003, la SARL Le Madisson exploite un fonds de commerce de restauration dans des locaux situés [Adresse 1] à [Localité 3] (30), appartenant à la SCI Quo Vadis.
Le 7 avril 2021, un constat amiable de dégât des eaux a été dressé entre le bailleur et le preneur, à la suite d'infiltrations par la toiture.
Le 6 mai 2021, un nouveau constat amiable de dégât des eaux a été effectué.
Par courrier recommandé du 28 mai 2021, le conseil du preneur a demandé au bailleur de faire, avant sa réouverture au 9 juin 2021, les travaux préconisés par expert afin de procéder à l'isolation phonique des logements situés au dessus du fonds de commerce, à la réparation de la verrière et des gouttières en façade et des travaux de nature à mettre fin aux infiltrations par les appartements.
Par courrier recommandé du 28 octobre 2021, le conseil du preneur a indiqué au bailleur que les désordres persistaient et l'a mis en demeure de lui indiquer les dates prévues pour la réalisation des travaux.
Le 27 avril 2022, le preneur a signé seul un constat amiable de dégât des eaux, à la suite d'une fuite provenant de l'appartement du dessus.
Par lettre officielle du 5 mai 2022, le conseil du preneur a demandé au conseil du bailleur de faire le nécessaire auprès de son client pour que la fuite soit réparée rapidement.
Le 18 janvier 2022, la SCI Quo Vadis a fait délivrer à la SARL Le Madisson un commandement de payer la somme de 29 438,24 euros correspondant à des loyers impayés avec indexation à hauteur de 17 540,53 euros et des taxes foncières des années 2017 à 2021 à hauteur de 11 637 euros.
Par exploit du 15 février 2022, la SARL Le Madisson a fait citer la SCI Quo Vadis devant le tribunal judiciaire de Nîmes aux fins de voir prononcer la nullité du commandement de payer visant la clause résolutoire, à tout le moins, débouter le bailleur de sa demande d'indexation du loyer et de règlement de la taxe foncière, suspendre les effets de la clause résolutoire, autoriser le preneur à consigner les loyers depuis le mois de juin 2021 sur le compte CARPA de son conseil et ordonner une mesure d'expertise.
Par voie de conclusions remises par la voie électronique le 29 mars 2022, la SARL Le Madisson a saisi le juge de la mise en état d'une demande d'autorisation de consigner les loyers et de désignation d'un expert.
Le bailleur a sollicité reconventionnellement la condamnation du preneur au paiement d'une provision sur les loyers impayés.
Par ordonnance du 16 février 2023, le juge de la mise en état a :
- Débouté la SARL Le Madisson de sa demande de consignation des loyers,
- Condamné la SARL Le Madisson à payer à la SCI Quo Vadis la somme provisionnelle de 29 177,53 euros, correspondant aux loyers et taxes foncières tels que visés par le commandement de payer du 18 janvier '2021",
- Ordonné une mesure d'expertise judiciaire et commis Monsieur [E] pour y procéder,
- Réservé l'article 700 du code de procédure civile et les dépens,
- Dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire,
- Rejeté toute prétention plus ample ou contraire.
Le 20 septembre 2023, la SARL Le Madisson a interjeté appel de cette décision aux fins de la voir infirmer, annuler ou à tout le moins réformer en toutes ses dispositions sauf en ce qu'elle a fait droit à sa demande d'expertise.
Par ordonnance de référé du 12 janvier 2024, le magistrat délégué par le premier président de la cour d'appel de Nîmes a notamment débouté la SARL Le Madisson de sa demande tendant à voir suspendre l'exécution provisoire de l'ordonnance du juge de la mise en état du 16 février 2023.
Par ordonnance de référé du 31 juillet 2024, le magistrat délégué par le premier président de la cour d'appel de Nîmes a notamment complété l'ordonnance du 12 janvier 2024 et ajouté au dispositif en autorisant la consignation partielle des sommes dues par la SARL Le Madisson à la Caisse des dépôts et consignations à hauteur de la somme de 29 177,53 euros, en disant que les fonds devraient être versés à la Caisse des dépôts et consignations dans le délai de trente jours à compter du prononcé de la décision et qu'à défaut l'aménagement serait sensé n'avoir jamais été autorisé, et en disant que la SARL Le Madisson devrait justifier de l'accomplissement de ses diligences dans le délai imparti.
Par courrier transmis le 10 janvier 2025 par la voie électronique, la cour a demandé aux parties de présenter des observations sur le moyen tiré de l'absence du pouvoir du juge de la mise en état et par là même de la cour, pour statuer sur la demande d'annulation du commandement de payer visant la clause résolutoire.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, l'appelante demande à la cour, au visa des articles 117, 122 et 123 du code de procédure civile, de :
- Prononcer la nullité du commandement de payer du 18 janvier 2022 et de la décision rendue le 16 février 2023 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nîmes,
- Débouter la SCI Quo Vadis de ses demandes fins et conclusions,
- Ordonner la déconsignation de la somme de 29 177,53 euros consignée à la Caisse des dépôts et consignations en vertu de l'ordonnance de Monsieur le premier président de la cour d'appel de Nîmes du 31 juillet 2024 au profit de la SARL Le Madisson,
A titre subsidiaire,
- Déclarer la SCI Quo Vadis irrecevable en toutes ses demandes et notamment sa demande de condamnation à payer une provision sur la période du 11 décembre 2022 à la date de nomination du nouveau gérant (publicité le 28 mars 2024),
- Débouter la SCI Quo Vadis de ses demandes, fins et conclusions,
- Ordonner la déconsignation de la somme de 29 177,53 euros consignée à la Caisse des dépôts et consignations en vertu de l'ordonnance de Monsieur le premier président de la cour d'appel de Nîmes du 31 juillet 2024 au profit de la SARL Le Madisson,
Vu l'article 524 du code de procédure civile,
- Se déclarer incompétente pour statuer sur la demande de radiation de l'affaire,
- Débouter la SCI Quo Vadis de ses demandes, fins et conclusions,
Sur le fond
- Infirmer la décision en ce qu'elle a :
'Débouté la SARL Le Madisson de sa demande de consignation des loyers,
Condamné la SARL Le Madisson à payer à la SCI Quo Vadis la somme provisionnelle de 29 177,53 euros, correspondant aux loyers et taxes foncières tels que visés par le commandement de payer en date du 18 janvier 2021,
Réservé l'article 700 du code de procédure civile,
Réservé les dépens,
Dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire, qui est en l'espèce de droit'
Et statuant à nouveau,
- Débouter la SCI Quo Vadis de ses demandes, fins et conclusions,
- Ordonner la déconsignation de la somme de 29 177,53 euros consignée à la Caisse des dépôts et consignations en vertu de l'ordonnance de Monsieur le premier président de la cour d'appel de Nîmes du 31 juillet 2024 au profit de la SARL Le Madisson,
Vu l'article 789 du code de procédure civile,
- Ordonner la déconsignation de la somme de 29 177,53 euros consignée à la Caisse des dépôts et consignations en vertu de l'ordonnance de Monsieur le premier président de la cour d'appel de Nîmes du 31 juillet 2024 au profit de la SARL Le Madisson,
- Autoriser la SARL Madisson à consigner sur le sous compte CARPA du cabinet Lamy Pomiès-Richaud, avocats associés, les loyers depuis le mois de juin 2021, dans l'attente de l'issue de l'expertise en cours jusqu'à la réalisation par le bailleur des travaux, tenant compte de la saisie des loyers par le Trésor public effective depuis le mois de juin 2022,
- Débouter la SCI Quo Vadis de ses demandes au titre des charges et des rappels d'indexation
- Débouter la SCI Quo Vadis de ses demandes, fins et conclusions,
- Condamner la SCI Quo Vadis à payer à la SARL Madisson la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner la SCI Quo Vadis en tous les dépens.
Au soutien de ses demandes de nullité de la procédure et d'irrecevabilité des demandes de l'intimée, l'appelante expose que la société bailleresse était radiée du registre du commerce et des sociétés depuis le 11 décembre 2021 et n'avait plus la personnalité morale. Elle n'avait pas qualité à agir et les actes réalisés depuis sa radiation sont nuls et non avenus. La nomination du gérant ne peut rétroactivement être opposable aux tiers.
À titre subsidiaire, l'appelante fait valoir que le bailleur n'a pas réalisé les travaux nécessaires pour délivrer un bien lui permettant d'exercer son activité conformément à la destination du bail. L'expert a conclu que le local était impropre à sa destination. Les désordres constatés après les déclarations du bailleur à son assureur génèrent nécessairement un trouble de jouissance pour le preneur, lequel devra être indemnisé par le bailleur. La consignation des loyers a été effectuée du fait de la carence du bailleur puisque de nouveaux désordres sont intervenus postérieurement aux déclarations effectuées à son assureur, ce qui démontre que les éventuels travaux dont se prévaut le bailleur - si tant est qu'ils existent - étaient manifestement insuffisants. Le préjudice du preneur perdure, son assureur refusant de l'indemniser tant que les travaux nécessaires n'auront pas été effectués. La vente du fonds de commerce est impossible. Le 5 juin 2022, le preneur s'est vu notifier un avis à tiers détenteur des services des impôts, ce qui démontre le risque d'impécuniosité du bailleur si des travaux d'ampleur devaient être effectués dans les lieux.
S'agissant de la demande reconventionnelle du bailleur, l'appelante rétorque que le bail mettant la taxe foncière à sa charge n'a pas été produit. Elle n'est en possession que de l'acte de renouvellement de bail qui ne fait pas état de règlement des charges ou de l'indexation du loyer. Le bail cédé serait un acte sous signature privée du 1er mai 1966 et non un bail du 27 avril 1999 qui est des plus suspect, eu égard aux nombreux ajouts non paraphés qui y figurent. La demande en paiement est prescrite pour toutes les sommes antérieures au 11 juillet 2017. La demande de provision ne peut donc porter éventuellement que sur les loyers si la consignation n'est pas ordonnée. Le bailleur reconnaît que les loyers impayés ont été consignés depuis le mois de juin 2021 jusqu'à l'avis à tiers détenteur reçu en juin 2022, soit la somme de 19 180 euros figurant sur le compte CARPA du preneur. Aucun loyer ne saurait être sollicité par le bailleur, compte-tenu de l'état du local qu'il loue.
Dans sa note en délibéré, l'appelante précise que la nullité du commandement de payer relève de la compétence du juge de la mise en état ou du conseiller de la mise en état.
De par l'effet dévolutif de l'appel, il semble que cette demande relève de la compétence de la cour.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, l'intimée demande à la cour de :
- Débouter la SARL Le Madisson de sa demande de nullité du commandement délivré le 18 janvier 2022 et de la décision rendue le 16 février 2023,
- Débouter la SARL Le Madisson de sa demande de consignation des loyers courant depuis le mois de juin 2021.
Faisant droit à la demande incidente de la SCI Quo Vadis,
- Condamner par provision la SARL Le Madisson à porter et payer à la SCI Quo Vadis la somme de 60 000 euros, par saine application des dispositions de l'article 789 du code de procédure civile
- La condamner à lui porter et payer la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens d'incident et de signification.
L'intimée précise que sa situation a été régularisée au tribunal de commerce.
Elle réplique qu'elle a fait toute démarche utile auprès de son assureur pour régler le sinistre d'infiltration. Le premier accedit organisé par l'expert judiciaire le 25 octobre 2023 a révélé des traces d'infiltrations devant être reprises, mais celles-ci n'obèrent absolument pas la possibilité d'exploiter du preneur. La cause du sinistre a été éradiquée. Le bailleur n'a plus de travaux majeurs à effectuer, seul le preneur doit gérer le rafraîchissement des embellissements. Le preneur n'a jamais alerté l'expert au sujet d'une nouvelle infiltration pour qu'il puisse la constater. Les appartements du dessus ne sont quasiment plus occupés. L'isolation est à la charge du preneur.
L'intimée souligne que le bail des précédents preneurs prévoit que le locataire rembourse au bailleur la quote-part de taxe foncière en fonction de la surface de ses locaux. L'essentiel de la créance est constitué par des faits générateurs beaucoup plus anciens que les loyers exigibles depuis juin 2021. Au 1er novembre 2023, la dette s'est majorée de 38 956,50 euros de loyers, outre les quote-parts de taxes foncières 2011 et 2012. Au 17 décembre 2024, le montant de la créance de loyers a augmenté de 23 019,75 euros.
Dans sa note en délibéré, l'intimée indique que la demande d'annulation d'un commandement de payer constitue une demande au fond, échappant en effet à la compétence du juge de la mise en état, et, partant, à l'appel induit dont la cour est saisie.
Pour un plus ample exposé, il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.
MOTIFS
L'article 803 du code de procédure civile exige la démonstration d'une cause grave révélée postérieurement à l'ordonnance de clôture pour que celle-ci puisse être révoquée.
En l'occurrence, il n'est pas établi que l'affichage de l'annonce de fermeture du fonds de commerce de restauration exploité par l'appelant pour les fêtes de fin d'année soit antérieure à la clôture de l'instruction de l'affaire au 26 décembre 2024. De plus, cet événement est sans incidence sur la solution du présent litige, la cour n'étant saisie que de l'appel de décision du juge de la mise en état qui statue sur une demande du preneur de consignation des loyers et une demande du bailleur de paiement d'une provision. Le chiffre d'affaires réalisé par le preneur est indifférent pour déterminer si les manquements commis le cas échéant par le bailleur sont suffisamment graves pour justifier le non paiement par le preneur des loyers.
En l'absence de cause grave révélée postérieurement, il n'y a pas lieu de révoquer l'ordonnance de clôture; par conséquent, les conclusions notifiées le 3 janvier 2025 par l'intimée seront déclarées irrecevables.
1) Sur la nullité du commandement de payer du 18 janvier 2022 et de la décision rendue le 16 février 2023
Aux termes de l'article 789 du code de procédure civile, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l'article 47 et les incidents mettant fin à l'instance.
L'article 117 du code de procédure civile prévoit que constitue notamment une irrégularité de fond affectant la validité de l'acte le défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant au procès comme représentant d'une personne morale.
La radiation de la société du registre du commerce et des sociétés n'a pas d'incidence sur sa personnalité morale et donc sur sa capacité à agir en justice.
En revanche, lors de la délivrance du commandement de payer du 18 janvier 2022 et de la saisine du juge de la mise en état, la SCI Quo Vadis n'avait plus de représentant légal, Monsieur [D] [N] étant décédé le 15 mai 2019, ce qui avait conduit à la radiation de la société du registre du commerce et des sociétés le 11 décembre 2021. Ce n'est qu'à l'issue d'une assemblée générale du 28 mars 2024 qu'un nouveau gérant a été désigné pour représenter la SCI Quo Vadis.
L'article 73 du code de procédure civile dispose que constitue une exception de procédure tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours.
En l'espèce, le moyen tiré de la nullité du commandement de payer du 18 janvier 2022 visant la clause résolutoire inserrée au bail tend à faire rejeter les prétentions au fond de la bailleresse et non à faire déclarer irrégulière la procédure. Il ne s'agit donc pas d'une exception de procédure mais d'une défense au fond qui ne relève pas de la compétence du juge de la mise en état.
La cour qui statue sur le recours formé à l'encontre d'une ordonnance du juge de la mise en état ne saurait avoir plus de pouvoirs que ce dernier sans que puisse être invoquée sa plénitude de juridiction. Il s'en suit qu'elle ne peut que déclarer irrecevable la demande du preneur tendant à voir prononcer la nullité du commandement de payer du 18 janvier 2022.
Il résulte des articles 117 et 121 du code de procédure civile que le défaut de pouvoir de celui qui figure au procès comme représentant d'une personne morale constitue une irrégularité de fond qui peut être couverte, en l'absence de forclusion, si sa cause a disparu au moment où le juge statue (Com., 20 juin 2000, pourvoi n° 97-17.791).
La SCI Quo Vadis étant valablement représentée devant la cour par sa nouvelle gérante désignée par l'assemblée générale du 28 mars 2024, la demande d'annulation de la décision rendue le 16 février 2023 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nîmes doit être rejetée.
2) Sur la recevabilité à agir de la bailleresse
La société bailleresse étant valablement représentée en cause d'appel par Madame [T] [N], elle est recevable en toutes ses demandes, y compris en sa demande de provision pour la période antérieure à la nomination de sa nouvelle gérante en remplacement de l'ancien gérant décédé.
3) Sur la demande de consignation de loyers
Un locataire ne peut pas invoquer l'exception d'inexécution pour suspendre le paiement des loyers en raison d'infiltrations affectant le local loué et concernant le clos et le couvert, si les infiltrations alléguées n'ont pas rendu les locaux loués impropres à l'usage auquel ils étaient destinés ( 3e Civ., 6 juillet 2023, pourvoi n° 22-15.923).
En l'occurrence, dans son rapport déposé le 15 novembre 2024, l'expert judiciaire a constaté que le local exploité par la SARL Le Madisson était affecté d'infiltrations importantes par la verrière et la toiture terrasse périphérique et subissait des retombées de pourssières provenant du lit de mortier du plancher haut du fait d'un défaut de calfeutrement, ces poussières tombant sdans la salle sur les tables et les clients. Il a également relevé l'abence de degré coupe-feu suffisant et l'insuffisance de l'isolement acoustique entre l'une des salles du restaurant et l'appartement situé au-dessus.
Bien que l'expert ait conclu que les désordres rendaient le local impropre à sa destination, les dégâts des eaux et infiltrations qui s'y sont produits n'ont pas empêché de le preneur jouir totalement des lieux puisqu'il a continué à y exploiter son activité de restauration, comme le démontrent les avis élogieux laissés sur Google par les clients.
De plus, le bailleur étant propriétaire du local donné à bail commercial ainsi que d'appartements faisant l'objet de baux d'habitation, son risque d'insolvabilité n'est pas avéré, quand bien même un avis à tiers détenteur d'un montant de 10 858,95 euros émis par le service des impôts a été notifié au preneur le 5 juin 2022.
L'utilisation des lieux loués n'étant pas devenue totalement impossible, c'est à bon droit que le premier juge a débouté le preneur de sa demande de consignation de loyers.
4) Sur la demande de provision
Aux termes de l'article 789 du code de procédure civile, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour allouer une provision pour le procès.
L'acte notarié de renouvellement de bail du 26 avril 2003 au profit de la SARL Le Madisson fait état du bail initial consenti le 1er mai 1996 par acte sous signature privée à la société Foal, sans se référer au bail qui a pu être renouvelé le 27 avril 1999, lors de la vente du fonds de commerce de la société Foal à la société Cavallino. Il est stipulé dans l'acte du 26 avril 2003 que le bail renouvelé comporte les mêmes clauses, charges et conditions que le bail expiré, à l'exception de celles relatives au montant du loyer, de l'indexation et du dépôt de garantie.
Le bail renouvelé indique que le loyer consenti initialement à compter du 1er mai 1996 moyennant un loyer de 12 805,72 euros a été ramené à 12 805,72 euros à compter du 1er mai 1999, date correspondant à la vente du fonds de commerce de la société Foal à la société Cavallino.
La bailleresse ne produisant pas le bail initial du 1er mai 1996 mais un bail du 27 avril 1999 auquel l'acte notarié de renouvellement du 26 avril 2003 ne se réfère pas, la contestation émise par le preneur en ce qui concerne la charge de la taxe foncière apparaît sérieuse et fait obstacle à ce qu'une provision lui soit allouée à ce titre.
Le décompte figurant dans le commandement de payer visant la clause résolutoire montre que le bailleur n'a comptabilisé la hausse du loyer qu'à compter de l'année 2018, l'application de l'indice INSEE du coût de la construction ayant conduit à une variation à la baisse au cours des années 2016 et 2017.
L'indexation du loyer a été expressément stipulée dans l'acte de renouvellement de bail du 26 avril 2003 de sorte que l'obligation du preneur de s'acquitter du rappel au titre de l'indexation de loyer à compter de l'année 2018, de 2 849,88 euros, n'est pas sérieusement contestable.
Le bailleur fait état dans le commandement du 18 janvier 2022 de loyers impayés depuis le mois de mars 2021.
Le montant de 1770,75 euros invoqué par le bailleur, dans ses écritures, correspond à l'indice du coût de la construction appliqué par le bailleur pour procéder à l'indexation du loyer de l'année 2021 et non pas au loyer réclamé dans le commandement de payer de 1 471 euros par mois, à partir d'avril 2021.
Le preneur justifie avoir réglé du 5 juin au 21 décembre 2022 sept mensualités de 1 370 euros chacune entre les mains du service des impôts des particuliers de Nîmes.
Il reconnaît, à tout le moins, avoir cessé de payer les loyers entre les mains du bailleur à compter de juin 2021, les ayant consignés sur le compte CARPA de son conseil, hormis la période d'exécution de l'avis à tiers détenteur.
Son obligation de paiement des loyers de juin 2021 à mai 2022 inclus de 17 652 euros (12 x 1 471), puis de janvier 2023 à décembre 2024 inclus de 35 304 euros (24 x 1 471) ne souffre donc d'aucune contestation sérieuse.
Dès lors, il convient de faire droit à la demande de provision sur les loyers et le rappel au titre de l'indexation à hauteur de la somme de 55 805 euros.
Le magistrat délégué par le premier président de la cour d'appel de Nîmes a aménagé les modalités de l'exécution provisoire de droit qui était attachée à l'ordonnance du 16 février 2023 du juge de la mise en état, dans l'attente de la décision de la cour statuant sur l'appel interjeté à l'encontre de cette ordonnance. En vertu du présent arrêt, l'ordonnance du juge de la mise en état est confirmée, de sorte que les sommes consignées reviennent de plein droit au bailleur en vertu de ce titre. Il n'y a pas lieu de déduire les loyers consignés du montant de la provision allouée au bailleur car la remise des sommes consignées au bailleur est une modalité d'exécution de la condamnation provisionnelle.
3) Sur les frais du procès
Le preneur qui succombe sera condamné aux dépens de l'instance d'appel.
L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur du bailleur.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Déboute la SCI Quo Vadis de sa demande de révocation de la clôture de l'instruction de l'affaire fixée au 26 décembre 2024,
Déclare irrecevables les conclusions notifiées le 3 janvier 2025 par la SCI Quo Vadis,
Déclare irrecevable la demande du preneur tendant à voir prononcer la nullité du commandement de payer du 18 janvier 2022,
Déboute la SARL Le Madisson de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de la décision rendue le 16 février 2023 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nîmes,
Déclare la SCI Quo Vadis recevable en toutes ses demandes,
Confirme l'ordonnance en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qui concerne le montant de la condamnation provisionnelle de la SARL Le Madisson,
Statuant à nouveau du chef infirmé,
Condamne la SARL Le Madisson à payer à la SCI Quo Vadis la somme provisionnelle de 55 805 euros,
Y ajoutant,
Rappelle que la présente décision se substitue à l'ordonnance du juge de la mise en état et entraîne par conséquent la remise de la somme de 29 177,53 euros consignée à la Caisse des dépôts et consignations à la SCI Quo Vadis, en exécution du présent titre,
Condamne la SARL Le Madisson aux entiers dépens d'appel,
Déboute la SCI Quo Vadis de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.