CA Nîmes, 4e ch. com., 24 janvier 2025, n° 24/01362
NÎMES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Soto (SARL)
Défendeur :
Soto (SARL), Brmj (SELARL), Bleu Sud (SELARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Codol
Conseillers :
M. Maitral, Mme Vareilles
Avocats :
Me Reche, Me Floutier
EXPOSÉ
Vu l'appel interjeté le 16 avril 2024, enregistré le 22 avril 2024 par la SARL SOTO à l'encontre d'une ordonnance prononcée le 20 mars 2024 par la juridiction des référés du tribunal judiciaire de Nîmes dans l'instance n°24/86.
Vu l'avis du 13 mai 2024 de fixation de l'affaire à bref délai à l'audience du 6 janvier 2025.
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 22 novembre 2024 par l'appelante , la SELARL BRMJ, la SELARL Bleu Sud, intervenantes volontaires et le bordereau de pièces qui y est annexé.
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 19 décembre 2024 par Madame [G] [H] épouse [L] et Monsieur [J] [L], intimés, et le bordereau de pièces qui y est annexé.
Vu l'ordonnance du 6 janvier 2025 de clôture de la procédure à effet différé au 2 janvier 2025.
* * *
Par acte sous seing privé conclu le 7 décembre 2018, Monsieur [M] [W] a donné à bail commercial à la société Soto pour une durée de neuf années des locaux situés [Adresse 5] à effet au 17 décembre 2018 et moyennant un loyer mensuel de 709.21 € payable par trimestre, outre 65 € de charges mensuelles par trimestre.
Le 1er juillet 2019, les époux [L] ont acquis les locaux objet du bail commercial. Le 15 décembre 2023, les époux [L] ont fait délivrer un commandement visant la clause résolutoire du contrat de bail pour un montant en principal de 4 036,94 €.
Par assignation en référé délivrée le 1er février 2024, les bailleurs ont saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Nîmes aux fins de voir constater le jeu de la clause résolutoire et ordonner la restitution des lieux et l'expulsion de la société Soto. Par ordonnance de référé du 20 mars 2024, le juge des référés a :
- a constaté que le résiliation du bail liant la SARL Soto à Monsieur et Madame [L] est acquise à la date du 15 janvier 2024;
- condamné la SARL Soto ainsi que tous les occupants de son chef, à quitter et vider les lieux reçus à bail dans les 20 jours de la signification de la présente ordonnance et à défaut de départ volontaire dans ce délai ordonné l'expulsion de la SARL Soto ainsi que tous occupants de son chef avec le concours d'un commissaire de justice et si besoin de la force publique;
- condamné la SARL Soto à payer à M [L] et Mme [H] à titre provisionnel la somme de 6 203.69 € au titre de l'arriéré de loyer, charges et indemnité d'occupation arrêté au 29 janvier 2024 somme augmentée des intérêts au taux légal à compter de la signification de la décision;
- condamné la SARL Soto à payer à M [L] et Mme [H] à payer une indemnité provisionnelle d'occupation mensuelle de 892.25 € soit l'équivalent du loyer actuel outre les taxes, charges et accessoires à compter du 15 janvier 2024 et jusqu'à la libération définitive des lieux et la remise des clés;
- ordonné la capitalisation des intérêts;
- condamné la SARL Soto à payer la somme de 1000 € aux époux [L] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la SARL Soto aux entiers dépens en ce compris le cout du commandement de payer du 15 décembre 2023.
Une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la société Soto par jugement du tribunal de commerce de Nîmes du 27 mars 2024 désignant la SELARL BRMJ en qualité de mandataire judiciaire. Par ordonnance du juge-commissaire du 2 septembre 2024, le mandat de la SELARL BRMJ a été transféré à la SELARL Bleu Sud à compter du 1er juillet 2024.
Le 16 avril 2024, la société Soto a relevé appel de l'ordonnance de référé pour voir obtenir l'annulation à tout le moins la réformation de l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions.
Dans ses dernières conclusions reçues par la voie électronique, la société Soto, appelante, les SELARL BRMJ et Bleu Sud, intervenantes volontaires, demandent à la cour de :
« déclarer l'appel recevable et bien fondé ;
infirmer en toutes des dispositions l'ordonnance de référé entreprise ;
Statuant à nouveau,
juger irrecevable les demandes des époux [L] par application de l'article 122 du code de procédure civile tenant le principe de l'arrêt des poursuites attachés à l'ouverture de la procédure collective ;
débouter en conséquence les époux [L] de l'ensemble de leurs demandes fins et conclusions ;
les condamner aux entiers dépens d'appel. »
Au soutien de leurs prétentions, le preneur et le mandataire judiciaire es qualités exposent que le jugement d'ouverture de la procédure collective interrompt ou interdit toute action en justice de la part des créanciers dont la créance trouve son origine antérieurement au jugement si elle tend à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent, au visa des articles L.622-21 et L.631-14 du code de commerce.
Dans leurs dernières conclusions reçues par la voie électronique, Madame et Monsieur [L] demandent à la cour de :
- « confirmer l'ordonnance de référé rendue le 20 mars 2024 par Madame le Président du Tribunal Judiciaire de Nîmes en ce qu'elle a constaté que la SARL Soto était débitrice d'un arriéré locatif à l'égard de Monsieur [J] [L] et Madame [G] [H], épouse [L], au titre du contrat de bail commercial conclu suivant acte sous signature privée du 07 décembre 2018.
Statuant à nouveau,
- Fixer la créance de Monsieur [J] [L] et Madame [G] [H], épouse [L], au passif de la procédure collective de la SARL Soto à la somme de 5.303,69 euros, à titre privilégié, au titre de l'arriéré locatif du contrat de bail commercial conclu suivant acte sous signature privée du 07 décembre 2018, selon décompte arrêté au 27 mars 2024 ;
- Fixer la créance de Monsieur [J] [L] et Madame [G] [H], épouse [L], au passif de la procédure collective de la SARL Soto à la somme de 3.000 euros, à titre chirographaire, au titre des frais irrépétibles dus en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
- Dire que les dépens de première instance et d'appel seront des frais privilégiés de la procédure collective. »
Au soutien de leurs prétentions, les époux [L] font valoir que la société Soto ne conteste ni le principe, ni le montant de la créance de 5 303,69 euros selon décompte arrêté au 27 mars 2024, de sorte qu'il doit être fixé au passif de la procédure collective.
Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.
DISCUSSION
L'article L 622-21. I du code de commerce prévoit que le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L 622-17 (non en cause) et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent. L'article L.622-22 prévoit que les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance, qu'elles sont ensuite reprises de plein droit, le mandataire ou l'administrateur judiciaire appelé, mais tendent uniquement à la constatation de la créance
L'instance en référé tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une provision n'est pas une instance en cours interrompue par l'ouverture de la procédure collective du débiteur, de sorte que la cour d'appel, statuant sur l'appel formé par ce dernier contre l'ordonnance l'ayant condamné au paiement d'une provision, doit infirmer cette ordonnance et dire n'y avoir lieu à référé, la demande en paiement étant devenue irrecevable en vertu de la règle de l'interdiction des poursuites édictées par l'article L. 622-21 du code de commerce.
Une clause résolutoire est considérée comme ayant produit ses effets avant l'ouverture de la procédure collective quand sa mise en oeuvre judiciaire est passée en force de chose jugée. Lorsqu'à la date du jugement d'ouverture, l'acquisition de la clause résolutoire n'a pas encore été constatée par une décision passée en force de chose jugée, le bailleur se trouve privé de la possibilité de poursuivre l'action en application de l'article L.622-21 précité.
Il s'ensuit que l'ordonnance déférée doit être infirmée en toutes ses dispositions, les demandes de Madame et Monsieur [L] étant irrecevables.
Madame et Monsieur [L], qui succombent, devront supporter les dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant par arrêt contradictoire,
Infirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,
Et statuant à nouveau,
Déclare les demandes de Madame et Monsieur [L] irrecevables,
Condamne Madame [G] [H] épouse [L] et Monsieur [J] [L] aux dépens de première instance et d'appel.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.