CA Toulouse, 4e ch. sect. 2, 24 janvier 2025, n° 23/01597
TOULOUSE
Arrêt
Autre
24/01/2025
ARRÊT N°25/24
N° RG 23/01597
N° Portalis DBVI-V-B7H-PNJO
AFR/ND
Décision déférée du 27 Mars 2023
Conseil de Prud'hommes
Formation paritaire de TOULOUSE
(21/00682)
M. PICCARDI
[X] [S]
C/
S.A.R.L. AGESTIS
CONFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 2
***
ARRÊT DU VINGT QUATRE JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ
***
APPELANTE
Madame [X] [S]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Valérie ASSARAF-DOLQUES, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMEE
S.A.R.L. AGESTIS, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Pascal SAINT GENIEST de l'AARPI QUATORZE, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Novembre 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant AF. RIBEYRON, conseillère chargée du rapport et C. BRISSET, présidente. Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. BRISSET, présidente
AF. RIBEYRON, conseillère
F. CROISILLE-CABROL, conseillère
Greffière, lors des débats : M. TACHON
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par C. BRISSET, présidente, et par M. TACHON, greffière de chambre
EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [X] [S] a été embauchée selon un contrat de travail à durée déterminée à temps complet à compter du 20 janvier 2014 et jusqu'au 30 avril 2014 par la Sarl Agestis en qualité de gestionnaire de copropriété. Un avenant a été signé le 1er mars 2014 soumettant la salariée à un forfait annuel en heures. Le 31 octobre 2014, Mme [S] a été embauchée selon un contrat de travail à durée indéterminée pour assurer la même fonction. Le 15 juillet 2015, la société Agestis a promu Mme [S] gestionnaire de copropriété référente.
La convention collective applicable est celle de l'immobilier. La société emploie au moins 11 salariés.
Mme [S] a été placée en arrêt de travail à partir du 9 décembre 2019, renouvelé jusqu'au 30 septembre 2020.
Les discussions engagées par les parties en septembre 2020 et relatives à une rupture conventionnelle du contrat de travail de Mme [S] n'ont pas abouti.
Mme [S] a repris son poste le 1er octobre 2020 après avis du médecin du travail du 2 octobre suivant indiquant qu'il ne pouvait statuer et sollicitait un avis spécialisé. Elle a été ensuite placée en arrêt de travail à compter du 8 octobre 2020 jusqu'au 31 octobre 2020, puis jusqu'au 5 février 2021.
Le 8 octobre 2020, le médecin du travail a conclu que l'état de santé de Mme [S] était incompatible avec le poste pourvu dans les conditions actuelles de travail et prévoyait une nouvelle évaluation à la reprise.
La société Agestis a, le 19 octobre 2020, convoqué Mme [S] à un entretien préalable fixé au 29 octobre 2020. Elle a notifié à Mme [S] son licenciement le 4 novembre 2020 en raison d'absences entraînant une perturbation dans le fonctionnement du service syndic et de la société.
Par requête du 5 mai 2021, Mme [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse afin de contester son licenciement.
Par jugement du 27 mars 2023, le conseil de prud'hommes de Toulouse ' section encadrement a :
- dit et jugé que la Sarl Agestis n'a pas commis d'actes constitutifs de harcèlement moral à l'encontre de Mme [S].
- dit et jugé que la société Agestis a respecté la clause conventionnelle de garantie d'emploi.
- dit et jugé que le licenciement notifié à Mme [S] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
- condamné la société Agestis, prise en la personne de son représentant légal ès-qualités, à payer à Mme [S] les sommes suivantes :
- 13 575,69 euros (treize mille cinq cent soixante-quinze euros et soixante-neuf centimes) pour les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
- 1 500,00 euros (mille cinq cents euros) pour l'article 700 du code de procédure civile.
- débouté Mme [S] du surplus de ses demandes, fins et conclusions.
- condamné la société Agestis, prise en la personne de son représentant légal ès-qualités, aux entiers dépens d'instance.
- débouté la société Agestis de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [S] a interjeté appel de ce jugement le 2 mai 2023, en énonçant dans sa déclaration d'appel les chefs critiqués.
Dans ses dernières écritures en date du 21 mai 2024 auxquelles il est fait expressément référence, Mme [S] demande à la cour de:
- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Toulouse le 27 mars 2023 en ce qu'il a :
- dit et jugé que la Sarl Agestis n'a pas commis d'actes constitutifs de harcèlement moral à l'encontre de Mme [S],
- débouté Mme [S] de sa demande concernant son licenciement du 4 novembre 2020 nul et de nul effet,
- limité le montant des dommages et intérêts à 13 575,69 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- débouté Mme [S] du surplus de ses demandes, fins et conclusions.
Par voie de conséquence, et statuant à nouveau
- juger que la Sarl Agestis a commis des actes constitutifs de harcèlement moral à l'encontre de Mme [S],
- condamner la Sarl Agestis au paiement de la somme de 27 151,38 euros à titre de justes dommages et intérêts correspondant à 6 mois de salaire pour harcèlement moral,
- juger à titre principal le licenciement nul et de nul effet et à titre subsidiaire sans cause réelle et sérieuse,
- condamner à titre principal la Sarl Agestis au paiement de la somme de 45 252,30 euros à titre de justes dommages et intérêts correspondant à 10 mois de salaire pour licenciement nul et à titre subsidiaire à la somme de 36 201,84 euros à titre de justes dommages et intérêts correspondant à 8 mois de salaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- débouter la Sarl Agestis de l'intégralité de ses demandes,
- condamner la Sarl Agestis au paiement d'une somme complémentaire de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.
A titre principal, Mme [S] soutient la nullité du licenciement en raison de l'existence d'un harcèlement moral consistant en une surcharge de travail, des brimades et des attitudes vexatoires. A titre subsidiaire, elle affirme que son licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse en ce que l'employeur ne mentionne pas dans la lettre de licenciement la désorganisation de l'entreprise mais celle du service « syndic » résultant de l'absence de la salariée. Elle prétend que l'employeur ne caractérise pas cette désorganisation ni les difficultés qu'il rencontrerait à recruter une autre personne de manière provisoire pour la remplacer et qu'il ne respecte pas les critères du remplacement définitif. Elle sollicite la confirmation de la décision du conseil mais sa réformation sur le quantum.
Dans ses dernières écritures en date du 25 octobre 2023, auxquelles il est fait expressément référence, la Sarl Agestis demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- dit et jugé que la société Agestis n'a pas commis d'actes constitutifs de harcèlement moral à l'encontre de Mme [S],
- dit et jugé que la société Agestis a respecté la clause conventionnelle de garantie d'emploi,
- débouté Mme [S] du surplus de ses demandes, fins et conclusions,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- dit et jugé que le licenciement notifié à Mme [S] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- condamné la société Agestis à payer à Mme [S] les sommes suivantes :
- 13 575,69 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 1 500 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau :
- juger que le licenciement notifié à Mme [S] repose sur une cause réelle et sérieuse,
- débouter Mme [S] de sa demande à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- débouter Mme [S] de sa demande à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [S] à verser à la société Agestis la somme de 3 000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il conteste l'existence d'un harcèlement moral en relevant que la salariée n'a pas fait état d'une surcharge de travail et que des salariés ont été recrutés entre juillet 2019 et décembre 2019. Il soutient que ce licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse en ce que l'absence pendant dix mois de la salariée perturbait le fonctionnement de l'entreprise au regard de l'importance des fonctions de Mme [S] dont le remplacement définitif est intervenu dans le cadre d'un remplacement en cascade.
La clôture de la procédure a été prononcée selon ordonnance du 22 octobre 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le harcèlement
L'employeur a prononcé le licenciement de Mme [S] au motif d'absences entraînant une perturbation dans le fonctionnement du service syndic et de l'entreprise.
A titre principal, Mme [S] soutient la nullité du licenciement en raison de l'existence d'un harcèlement moral lié à une surcharge de travail, des brimades et des attitudes vexatoires puis une mise à l'écart et le non-versement d'une prime.
Il résulte des dispositions de l'article L. 1152-1 du code du travail qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Par application des dispositions de l'article L. 1154-1 du même code lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Mme [S] fait état de :
Une surcharge de travail résultant de la répartition du portefeuille d'un autre gestionnaire de copropriété non remplacé (M.[C]), par moitié entre deux autres collègues et elle-même. Répartition qu'elle n'a pas décidée mais qu'elle a annoncée à ses collègues par courriel du 13 mai 2019. Le non-remplacement de ce gestionnaire de copropriété et la répartition de sa charge de travail entre Mme [S] et deux autres salariés sans concertation de la première sont confirmés par trois collègues du service « Syndic », [U] [R], [Z] [M] et [G] [F], qui ont toutes les trois démissionné en juin 2019 et en août 2020.
- Le fait que l'employeur ne lui a pas versé une prime bilan en 2018 dont il avait annoncé la suppression mais pas dénoncé l'usage, relevant que celle versée en avril 2018 était une prime distincte pour être intitulée « prime exceptionnelle ».
Les bulletins de salaire de la salariée pour 2018 mettent en évidence qu'aucune prime de bilan ne lui a été versée.
- Des brimades et des attitudes vexatoires de M.[A] à son encontre pour lesquelles elle produit les attestations de trois collègues :
Mme [R], négociatrice immobilière, qui évoque deux réunions de service des 26 mars et 25 avril 2019 au cours desquelles elle décrit M.[A] comme imputant à Mme [S] la situation déficitaire du service « Syndic » de la société notamment après le départ du gestionnaire non-remplacé, la qualifiant 'd'irresponsable, que son attitude mettait en péril la société car elle ne comprenait rien'. Mme [R] fait état de violences verbales et non verbales de M.[A] à l'encontre de Mme [S] et l'ensemble du service « Syndic » ;
Mme [F], assistante syndic, qui évoque la dégradation considérable de l'ambiance de travail à compter de mai 2019, date de répartition du portefeuille du gestionnaire non remplacé entre les deux autres restants et Mme [S], puis à compter d'octobre 2019,date de l'arrivée de Mme [H], que Mme [S] était régulièrement prise à partie dans son rôle, avec l'approbation de M.[A] dont la salariée n'avait plus aucun soutien et qu'il n'était pas rare d'assister ou d'entendre les éclats de voix de M.[A] résonner dans l'agence jusqu'à l'arrêt maladie de Mme [S] en décembre 2019 ;
Mme [M], gestionnaire de copropriété, qui décrit une dégradation des conditions de travail lié à l'augmentation de la charge de travail sans contrepartie financière et « au comportement oppressant et aux décisions restrictives » de M.[A] à l'égard du service « Syndic » et de Mme [S] laquelle devait ainsi assurer des tâches et missions classiques d'un gestionnaire de copropriété.
Une mise à l'écart au retour de l'arrêt de travail à compter du 1er octobre 2020 et la relégation à des tâches d'assistante sans relation avec son poste de gestionnaire de copropriété référente. Elle produit le courriel de M.[A] du lundi 5 octobre 2020 lui demandant de préparer, avant envoi pour la fin de la semaine, des notifications pour deux copropriétés et des convocations aux assemblées générales pour dix autres en précisant qu'il s'agit de permettre une reprise progressive et de prendre en compte le retard pris par le service. Elle justifie en outre d'une promesse d'embauche d'une assistante gestionnaire de copropriétaire dont les tâches comptent notamment la préparation et mise sous pli des convocations et des assemblées générales. Elle établit avoir sollicité, le 7 octobre 2020, un entretien avec des élus du CSE le 7 octobre 2020 pour évoquer sa reprise de travail et son poste de travail.
Une intimidation exercée par M.[A] après la reprise de travail le 1er octobre 2020.
Mme [S] justifie avoir sollicité le médecin du travail, le 8 octobre 2020, en évoquant une crise de larmes et d'angoisse après une consultation avec le médecin psychiatre le même jour, l'ayant empêchée de regagner son lieu de travail, ainsi qu'une altercation avec son employeur venu dans son bureau et qui s'est montré violent verbalement en date du vendredi précédent (2 octobre). Ces faits que la salariée a aussi relatés à un inspecteur du travail par courriel du 20 novembre 2020 ne sont toutefois corroborés par aucun autre élément que ses déclarations.
Les éléments tenant à la surcharge de travail, aux attitudes vexatoires et à l'affectation de tâches d'assistante et au défaut de versement d'une prime, pris dans leur ensemble, peuvent laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral.
Il convient donc d'apprécier les éléments apportés par l'employeur pour justifier que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
S'agissant de la surcharge de travail, l'employeur ne produit certes aucun élément de nature à remettre en cause les déclarations concordantes de trois salariées du service dont la salariée était responsable, quant à l'attribution à Mme [S] d'une partie au moins équivalente à un tiers de ce portefeuille de copropriétés. Le fait que ces trois salariées soient démissionnaires ne prive nullement de pertinence leurs constatations alors que justifiant d'une ancienneté allant de 3 à 4 ans, elles ont effectivement quitté la société après l'augmentation de la charge de travail liée au départ d'un collègue. Il est par ailleurs exact qu'il ne démontre pas que Mme [S] a décidé de la répartition du portefeuille du gestionnaire dans une proportion compatible avec ses attributions ; la seule annonce à ses collègues par courriel du 13 mai 2019 en qualité de responsable du service de cette nouvelle répartition ne saurait établir qu'elle était la décisionnaire de celle-ci.
L'employeur justifie certes avoir procédé à des embauches, une seule en juillet 2019 et les autres à compter d'octobre 2019 laissant subsister cependant une surcharge objective pendant plusieurs mois étant observé que les salariées qui attestent en faveur de Mme [S] ont démissionné à compter d'octobre.
S'agissant de la prime bilan, si l'employeur avait annoncé la dénonciation d'un usage il est exact qu'il ne démontre pas avoir procédé à une dénonciation effective. Cependant, si la dernière prime bilan a été versée en avril 2017, il apparaît que dès avril 2018 l'employeur réglait une prime, d'un montant au demeurant supérieur, qualifiée cette fois d'exceptionnelle. La possible erreur de l'employeur sur les modalités de dénonciation et sur la qualification de prime, sans traitement différencié de la salariée et sans incidence sur la réalité de sa rémunération, ne saurait relever d'une question de harcèlement moral. En toute hypothèse, la prime d'avril 2018 même qualifiée d'exceptionnelle constituait un élément objectif.
S'agissant des brimades et attitudes vexatoires, l'employeur justifie de l'absence de M. [A] en déplacement à [Localité 5], les 25 et 26 avril 2019, date avancée par Mme [R] comme celle d'une réunion de service au cours de laquelle M.[A] aurait tenu des propos comminatoires et violents à l'endroit de Mme [S]. Cet élément est de nature à remettre en question les propos imputés à M.[A] à une date précise par Mme [R] seule alors que Mmes [F] et [M] ont fait état d'une attitude habituelle du premier à l'encontre de Mme [S] depuis le mois de mai 2019 sans circonstancier plus avant leurs affirmations.
L'employeur produit aussi l'attestation de Mme [J] [W], assistante de copropriété depuis février 2019, faisant état de divergences d'opinions entre M.[A] et Mme [S] sur certaines questions et que les tensions, qui pouvaient parfois en résulter, lui ont toujours semblé logiques ainsi que les conséquences directes de ces divergences, au même titre que celles qu'ils pouvaient en avoir entre collègues ou à l'égard de Mme [S]. Il verse en outre aux débats l'attestation de M.[Y] [I], directeur comptable Syndic/Gestion et responsable informatique, relatant la survenance épisodique d'échanges vifs entre M.[A] et Mme [S] qui correspondaient à l'expression de points de vue parfois divergents entre deux personnalités fortes et pugnaces et qu'il n'avait jamais été témoin de brimades ou de pressions ni de faits pouvant relever d'un quelconque harcèlement.
Enfin, l'employeur rappelle les termes du courriel de M.[A] du 5 octobre 2020 par lesquels ce dernier précise à Mme [S] « pour te permettre une reprise progressive et compte tenu du retard pris dans l'envoi des AG et des PV, tu trouveras la liste des AG et des PV à préparer avant envoi pour la fin de cette semaine, comme convenu ensemble vendredi. »
Le fait de circonscrire à des tâches basiques du gestionnaire de copropriété les activités de la salariée pendant les premiers jours suivant son retour d'un arrêt de travail de dix mois, en précisant au demeurant que cette demande s'inscrivait dans le contexte de reprise d'activité du post-confinement exigeant le rattrapage des assemblées générales de copropriété qui n'avaient pu être tenues, ne permet pas de caractériser une mise à l'écart ni une rétrogradation des tâches habituelles de Mme [S].
Au total, seule subsiste une surcharge objective de travail pendant les mois ayant précédé l'arrêt de travail de décembre 2019. Ceci ne saurait toutefois être caractéristique d'un harcèlement moral, seul fondement invoqué par la salariée.
La cour considère qu'au regard de l'ensemble des éléments produits par l'employeur, il ne peut être retenu de harcèlement moral. La décision du premier juge ayant débouté Mme [S] de sa demande en nullité du licenciement à ce titre sera donc confirmée.
Il convient ensuite de déterminer si le licenciement de Mme [S] repose sur une cause réelle et sérieuse comme le soutient l'employeur qui sollicite l'infirmation de la décision déférée.
La lettre de licenciement du 4 novembre 2020, qui fixe les limites du litige, est rédigée dans les termes suivants :
« Madame,
Nous faisons suite à l'entretien préalable qui s'est tenu le 29 octobre 2020.
Par la présente, nous vous informons de notre décision de procéder à votre licenciement, en raison de vos absences entraînant une perturbation dans le fonctionnement de notre entreprise, et nécessitant de pourvoir à votre remplacement.
En effet, vous occupez au sein de notre société les fonctions de Responsable du service syndic.
Or, vous avez été placée en arrêt de travail, de façon continue, à compter du 9 décembre 2019 jusqu'au 1er octobre 2020.
Vous avez ensuite repris vos fonctions le 2 octobre 2020, mais avez à nouveau été placée en arrêt de travail, à compter du 8 octobre 2020.
Cela fait à ce jour près de onze mois que vous êtes absente de votre poste, qui comporte la responsabilité de l'encadrement du service syndic.
Il ne nous est plus possible, compte tenu des fonctions que vous exercez de continuer de pallier à votre absence dans des conditions qui permettraient de garantir un fonctionnement satisfaisant du service.
En effet, le service syndic se doit d'assurer un service permanent et un fonctionnement constant, afin de permettre la gestion et le suivi de nos copropriétés.
Comme vous le savez, notre société a acquis Ia société BARTHAS IMMOBILIER, dont l'activité est de fait intégrée à celle de la société AGESTIS. Il n'est pas possible pour nous d'envisager la fusion avec la société BARTHAS IMMOBILIER, sans responsable permettant d'assurer la transition des copropriétés, et Ia bonne intégration des deux services.
Aussi, notre service syndic compte cinq gestionnaires de copropriété, quatre assistants de gestionnaire de copropriété, quatre comptables, un chargé technique, tous en relation avec le service juridique qui doivent travailler sous la coordination d'un responsable de service.
L'année 2020 a été particulièrement éprouvante pour l'activité de syndic, dans la mesure où notre société a poursuivi son activité durant le confinement puisqu'il fallait permettre la continuité de la gestion des résidences et des immeubles en copropriété.
De surcroît, la période de confinement a décalé de nombreuses assemblées générales qui auraient dû se dérouler au deuxième trimestre 2020.
Le contexte sanitaire crée des complexités complémentaires dans l'organisation de ces assemblées, qui ont été reportées sur le dernier trimestre de l'année 2020.
ll convient donc, au cours de cette fin d'année, de gérer également la transition des copropriétés au sein de notre structure. A l'heure actuelle, le portefeuille intégral des deux structures comporte 232 copropriétés, correspondant à 7017 lots à gérer.
Nous sommes tenus de tenir au total 232 assemblées générales an cours de l'année 2020.
Sur les deux derniers mois de l'exercice 2020, nous sommes donc tenus de convoquer et tenir encore 125 assemblées générales.
Une telle charge de travail est insusceptible d'être assumée au sein d'un service incomplet et dépourvu d'encadrement. Il a été déjà extrêmement délicat pour nous d'assurer la bonne poursuite de notre activité en votre absence au vu de la période. Ceci se révèle aujourd'hui impossible en l'état des circonstances exceptionnelles de cette crise sanitaire, ayant entrainé un décalage de la quasi-totalité des assemblées générales.
Nous sommes donc contraints de vous remplacer à vos fonctions de responsable du service syndic.
Nous sommes donc contraints de vous notifier donc par la présente votre licenciement, en raison de la nécessité de pourvoir à votre remplacement définitif, en raison de vos absences perturbant le fonctionnement du service syndic, et par voie de conséquence, celui de notre société.
A toutes fins utiles, nous vous indiquons vous délier de toute clause de non-concurrence pouvant être insérée dans votre contrat de travail. »
L'employeur fonde donc la mesure de licenciement sur l'absence de Mme [S] depuis le 9 décembre 2019 pour maladie au motif qu'elle a désorganisé l'entreprise compte tenu de ses fonctions de responsable du service Syndic et qu'elle rendait nécessaire son remplacement définitif.
L'employeur expose avoir procédé au remplacement définitif de Mme [S] par Mme [H], dans le cadre d'un remplacement en cascade puisque Mme [H] a elle-même été remplacée par trois autres gestionnaires de copropriété. Il expose que ce remplacement était nécessaire au regard des responsabilités de la salariée, de l'absence de tout responsable du service pendant dix mois, du défaut de perspective sérieuse et raisonnable de retour et de l'impossibilité de procéder à son remplacement provisoire par des salariés engagés à durée déterminée alors que le nombre de syndicats de copropriétaires avait augmenté de 60% en 2020 et avec la suractivité induite par la tenue des assemblées générales reportées du fait du confinement.
La salariée affirme que l'employeur ne mentionne pas dans la lettre de licenciement la désorganisation de l'entreprise mais celle du service « syndic » résultant de son absence de sorte qu'il ne caractérise pas cette désorganisation ni les difficultés qu'il rencontrerait à recruter de manière provisoire un autre salarié. Elle prétend que l'employeur ne respecte pas les critères du remplacement définitif puisque selon contrat à durée indéterminée du 10 novembre 2020, il l'a remplacée par Mme [H], qui intervenait déjà en qualité de responsable service Syndic depuis juin 2020.
Si l'article L. 1132-1 du code du travail, qui fait interdiction de licencier un salarié notamment en raison de son état de santé ou de son handicap, sauf inaptitude constatée par le médecin du travail, ne s'oppose pas à un licenciement motivé, non pas par l'état de santé du salarié mas par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée ou les absences répétées de l'intéressé, celui-ci ne peut toutefois être licencié que si ces perturbations entraînent la nécessité pour l'employeur de procéder à son remplacement définitif.
Ce remplacement définitif doit intervenir dans un délai raisonnable après le licenciement. La charge de la preuve de perturbation dans le fonctionnement de l'entreprise comme de la nécessité de procéder au remplacement définitif du salarié malade pèse sur l'employeur.
Si la lettre de licenciement mentionne que l'absence de Mme [S] perturbe le fonctionnement du service Syndic, et par voie de conséquence, celui de la société, il sera relevé que cette formule intervient en son terme après la précision du motif présenté dès la troisième ligne comme « les absences entrainant une perturbation dans le fonctionnement de notre entreprise » et après une présentation plus développée.
S'agissant de la perturbation dans le fonctionnement de l'entreprise, l'employeur produit :
- l'attestation de Mme [W], assistante de copropriété, relatant les difficultés d'organisation et les retards générés par l'absence d'une direction de proximité du service Syndic qui impliquait de se référer pour les prises de décision importantes et l'organisation courante au gérant de la société, nécessairement moins disponible que Mme [S] et les conséquences du report des assemblées générales du fait de la covid 19;
- l'attestation de M.[I], directeur du service Comptabilité Syndic Gestion Maintenance informatique, évoquant les difficultés d'organisation consécutives à l'absence de la salariée et amplifiée par les décalages d'assemblées générales liés à la Covid 19 et par l'incorporation du Cabinet Barthas et la nécessité d'une direction de service fixe et définitive assurant l'encadrement des collaborateurs dont le recrutement est rendu délicat depuis plusieurs années en raison de l'exigence des clients ;
- une liste des 249 syndicats de copropriétaires à gérer à la suite de l'absorption du Cabinet Barthas et une liste des effectifs du service Syndic.
Le contrat de travail de Mme [S] indiquait qu'en sa qualité de responsable du service, elle en assurait l'encadrement et l'organisation, la répartition des copropriétés entre les gestionnaires, le reporting de l'activité au gérant, le suivi de l'ensemble des précontentieux et contentieux en lien avec le responsable juridique, la coordination de l'activité des autres gestionnaires pour les tâches courantes et pour la prise de mandat de nouvelles copropriétés ainsi que la gestion du personnel de l' équipe et le recrutement de futurs salariés.
Si l'absence de la salariée emportait nécessairement une certaine désorganisation, l'employeur ne peut toutefois pas se prévaloir de l'absorption d'une autre société, mesure qui relevait de ses choix de gestion et qui nécessitait en toute hypothèse le recours au personnel de la société reprise.
Mais surtout, s'agissant du remplacement définitif, si le remplacement en cascade est certes possible encore faut-il qu'il soit établi de manière certaine et que la cour puisse contrôler la réalité des remplacements successifs. Or, l'employeur invoque finalement un certain nombre d'embauches mais sans caractériser en quoi il s'agissait bien de pourvoir au remplacement définitif de Mme [S] par glissement successif de poste.
Ainsi à suivre l'employeur dans son argumentation, c'est Mme [H], préalablement gestionnaire de copropriété, qui a remplacé Mme [S]. S'il est produit en pièce 25 un contrat de travail du 10 novembre 2020, il s'agissait en réalité d'une modification du contrat initial du 14 octobre 2019 modifiant les fonctions de la salariée. Il aurait été procédé, pour justifier du glissement, au remplacement de Mme [H] et il est produit trois contrats de travail, ceux de Mme [T], de M.[L] et de Mme [V] en qualité de gestionnaires de copropriété des 26 octobre, 2 et 9 novembre 2020. Il n'est jamais précisé quel contrat était destiné à remplacer Mme [H], alors que toutes les embauches sont antérieures à la promotion de cette dernière. Au surplus, l'ensemble s'inscrivait dans une charge de travail accrue tant par la question de l'absorption de la société que par les conséquences de la crise sanitaire. Si la cour a d'ailleurs écarté ci-dessus la notion de harcèlement moral, elle a en revanche admis qu'il existait bien une surcharge objective de travail.
Compte tenu de l'ensemble de ces considérations et alors qu'il n'est pas établi que le poste de Mme [S] ne permettait pas un remplacement temporaire, l'employeur ne rapporte pas la preuve qui lui incombe permettant de justifier un licenciement pour le motif retenu.
Par application des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail, Mme [S] peut prétendre à une indemnité réparant le préjudice subi du fait de son licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Au regard de l'ancienneté de six années complètes, cette indemnité est fixée entre 3 et 7 mois de salaire brut qui s'élevait à 4 525,23 euros. Mme [S] a signé un contrat de travail le 23 juillet 2022 avec une rémunération moindre. Il convient de fixer le montant des dommages-intérêts à la somme de 22 000 euros par infirmation du jugement.
Il sera fait application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail dans la limite de trois mois par ajout au jugement.
Sur les demandes accessoires
L'employeur succombant, sera condamné aux dépens de première instance par confirmation du jugement et à ceux de la présente procédure.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Mme [S] et au titre la procédure d'appel, l'employeur sera condamné à lui payer la somme complémentaire de 2 000 euros.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme la décision du conseil des prud'hommes de Toulouse du 27 mars 2023 sauf en ce qu'elle a fixé les dommages-intérêts dus à Mme [S] au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 13 575,69 euros,
L'infirme de ce chef,
Statuant à nouveau du chef infirmé,
Condamne la Sarl Agestis à payer à Mme [X] [S] la somme de 22 000 euros au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Y ajoutant,
Ordonne le remboursement par l'employeur des indemnités chômage payées à la salariée dans la limite de trois mois,
Condamne la Sarl Agestis à payer à Mme [S] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,
Condamne la Sarl Agestis aux dépens d'appel.
Le présent arrêt a été signé par C. BRISSET, présidente, et par M. TACHON, greffière.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
M. TACHON C. BRISSET.
ARRÊT N°25/24
N° RG 23/01597
N° Portalis DBVI-V-B7H-PNJO
AFR/ND
Décision déférée du 27 Mars 2023
Conseil de Prud'hommes
Formation paritaire de TOULOUSE
(21/00682)
M. PICCARDI
[X] [S]
C/
S.A.R.L. AGESTIS
CONFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 2
***
ARRÊT DU VINGT QUATRE JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ
***
APPELANTE
Madame [X] [S]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Valérie ASSARAF-DOLQUES, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMEE
S.A.R.L. AGESTIS, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Pascal SAINT GENIEST de l'AARPI QUATORZE, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Novembre 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant AF. RIBEYRON, conseillère chargée du rapport et C. BRISSET, présidente. Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. BRISSET, présidente
AF. RIBEYRON, conseillère
F. CROISILLE-CABROL, conseillère
Greffière, lors des débats : M. TACHON
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par C. BRISSET, présidente, et par M. TACHON, greffière de chambre
EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [X] [S] a été embauchée selon un contrat de travail à durée déterminée à temps complet à compter du 20 janvier 2014 et jusqu'au 30 avril 2014 par la Sarl Agestis en qualité de gestionnaire de copropriété. Un avenant a été signé le 1er mars 2014 soumettant la salariée à un forfait annuel en heures. Le 31 octobre 2014, Mme [S] a été embauchée selon un contrat de travail à durée indéterminée pour assurer la même fonction. Le 15 juillet 2015, la société Agestis a promu Mme [S] gestionnaire de copropriété référente.
La convention collective applicable est celle de l'immobilier. La société emploie au moins 11 salariés.
Mme [S] a été placée en arrêt de travail à partir du 9 décembre 2019, renouvelé jusqu'au 30 septembre 2020.
Les discussions engagées par les parties en septembre 2020 et relatives à une rupture conventionnelle du contrat de travail de Mme [S] n'ont pas abouti.
Mme [S] a repris son poste le 1er octobre 2020 après avis du médecin du travail du 2 octobre suivant indiquant qu'il ne pouvait statuer et sollicitait un avis spécialisé. Elle a été ensuite placée en arrêt de travail à compter du 8 octobre 2020 jusqu'au 31 octobre 2020, puis jusqu'au 5 février 2021.
Le 8 octobre 2020, le médecin du travail a conclu que l'état de santé de Mme [S] était incompatible avec le poste pourvu dans les conditions actuelles de travail et prévoyait une nouvelle évaluation à la reprise.
La société Agestis a, le 19 octobre 2020, convoqué Mme [S] à un entretien préalable fixé au 29 octobre 2020. Elle a notifié à Mme [S] son licenciement le 4 novembre 2020 en raison d'absences entraînant une perturbation dans le fonctionnement du service syndic et de la société.
Par requête du 5 mai 2021, Mme [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse afin de contester son licenciement.
Par jugement du 27 mars 2023, le conseil de prud'hommes de Toulouse ' section encadrement a :
- dit et jugé que la Sarl Agestis n'a pas commis d'actes constitutifs de harcèlement moral à l'encontre de Mme [S].
- dit et jugé que la société Agestis a respecté la clause conventionnelle de garantie d'emploi.
- dit et jugé que le licenciement notifié à Mme [S] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
- condamné la société Agestis, prise en la personne de son représentant légal ès-qualités, à payer à Mme [S] les sommes suivantes :
- 13 575,69 euros (treize mille cinq cent soixante-quinze euros et soixante-neuf centimes) pour les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
- 1 500,00 euros (mille cinq cents euros) pour l'article 700 du code de procédure civile.
- débouté Mme [S] du surplus de ses demandes, fins et conclusions.
- condamné la société Agestis, prise en la personne de son représentant légal ès-qualités, aux entiers dépens d'instance.
- débouté la société Agestis de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [S] a interjeté appel de ce jugement le 2 mai 2023, en énonçant dans sa déclaration d'appel les chefs critiqués.
Dans ses dernières écritures en date du 21 mai 2024 auxquelles il est fait expressément référence, Mme [S] demande à la cour de:
- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Toulouse le 27 mars 2023 en ce qu'il a :
- dit et jugé que la Sarl Agestis n'a pas commis d'actes constitutifs de harcèlement moral à l'encontre de Mme [S],
- débouté Mme [S] de sa demande concernant son licenciement du 4 novembre 2020 nul et de nul effet,
- limité le montant des dommages et intérêts à 13 575,69 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- débouté Mme [S] du surplus de ses demandes, fins et conclusions.
Par voie de conséquence, et statuant à nouveau
- juger que la Sarl Agestis a commis des actes constitutifs de harcèlement moral à l'encontre de Mme [S],
- condamner la Sarl Agestis au paiement de la somme de 27 151,38 euros à titre de justes dommages et intérêts correspondant à 6 mois de salaire pour harcèlement moral,
- juger à titre principal le licenciement nul et de nul effet et à titre subsidiaire sans cause réelle et sérieuse,
- condamner à titre principal la Sarl Agestis au paiement de la somme de 45 252,30 euros à titre de justes dommages et intérêts correspondant à 10 mois de salaire pour licenciement nul et à titre subsidiaire à la somme de 36 201,84 euros à titre de justes dommages et intérêts correspondant à 8 mois de salaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- débouter la Sarl Agestis de l'intégralité de ses demandes,
- condamner la Sarl Agestis au paiement d'une somme complémentaire de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.
A titre principal, Mme [S] soutient la nullité du licenciement en raison de l'existence d'un harcèlement moral consistant en une surcharge de travail, des brimades et des attitudes vexatoires. A titre subsidiaire, elle affirme que son licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse en ce que l'employeur ne mentionne pas dans la lettre de licenciement la désorganisation de l'entreprise mais celle du service « syndic » résultant de l'absence de la salariée. Elle prétend que l'employeur ne caractérise pas cette désorganisation ni les difficultés qu'il rencontrerait à recruter une autre personne de manière provisoire pour la remplacer et qu'il ne respecte pas les critères du remplacement définitif. Elle sollicite la confirmation de la décision du conseil mais sa réformation sur le quantum.
Dans ses dernières écritures en date du 25 octobre 2023, auxquelles il est fait expressément référence, la Sarl Agestis demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- dit et jugé que la société Agestis n'a pas commis d'actes constitutifs de harcèlement moral à l'encontre de Mme [S],
- dit et jugé que la société Agestis a respecté la clause conventionnelle de garantie d'emploi,
- débouté Mme [S] du surplus de ses demandes, fins et conclusions,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- dit et jugé que le licenciement notifié à Mme [S] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- condamné la société Agestis à payer à Mme [S] les sommes suivantes :
- 13 575,69 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 1 500 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau :
- juger que le licenciement notifié à Mme [S] repose sur une cause réelle et sérieuse,
- débouter Mme [S] de sa demande à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- débouter Mme [S] de sa demande à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [S] à verser à la société Agestis la somme de 3 000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il conteste l'existence d'un harcèlement moral en relevant que la salariée n'a pas fait état d'une surcharge de travail et que des salariés ont été recrutés entre juillet 2019 et décembre 2019. Il soutient que ce licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse en ce que l'absence pendant dix mois de la salariée perturbait le fonctionnement de l'entreprise au regard de l'importance des fonctions de Mme [S] dont le remplacement définitif est intervenu dans le cadre d'un remplacement en cascade.
La clôture de la procédure a été prononcée selon ordonnance du 22 octobre 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le harcèlement
L'employeur a prononcé le licenciement de Mme [S] au motif d'absences entraînant une perturbation dans le fonctionnement du service syndic et de l'entreprise.
A titre principal, Mme [S] soutient la nullité du licenciement en raison de l'existence d'un harcèlement moral lié à une surcharge de travail, des brimades et des attitudes vexatoires puis une mise à l'écart et le non-versement d'une prime.
Il résulte des dispositions de l'article L. 1152-1 du code du travail qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Par application des dispositions de l'article L. 1154-1 du même code lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Mme [S] fait état de :
Une surcharge de travail résultant de la répartition du portefeuille d'un autre gestionnaire de copropriété non remplacé (M.[C]), par moitié entre deux autres collègues et elle-même. Répartition qu'elle n'a pas décidée mais qu'elle a annoncée à ses collègues par courriel du 13 mai 2019. Le non-remplacement de ce gestionnaire de copropriété et la répartition de sa charge de travail entre Mme [S] et deux autres salariés sans concertation de la première sont confirmés par trois collègues du service « Syndic », [U] [R], [Z] [M] et [G] [F], qui ont toutes les trois démissionné en juin 2019 et en août 2020.
- Le fait que l'employeur ne lui a pas versé une prime bilan en 2018 dont il avait annoncé la suppression mais pas dénoncé l'usage, relevant que celle versée en avril 2018 était une prime distincte pour être intitulée « prime exceptionnelle ».
Les bulletins de salaire de la salariée pour 2018 mettent en évidence qu'aucune prime de bilan ne lui a été versée.
- Des brimades et des attitudes vexatoires de M.[A] à son encontre pour lesquelles elle produit les attestations de trois collègues :
Mme [R], négociatrice immobilière, qui évoque deux réunions de service des 26 mars et 25 avril 2019 au cours desquelles elle décrit M.[A] comme imputant à Mme [S] la situation déficitaire du service « Syndic » de la société notamment après le départ du gestionnaire non-remplacé, la qualifiant 'd'irresponsable, que son attitude mettait en péril la société car elle ne comprenait rien'. Mme [R] fait état de violences verbales et non verbales de M.[A] à l'encontre de Mme [S] et l'ensemble du service « Syndic » ;
Mme [F], assistante syndic, qui évoque la dégradation considérable de l'ambiance de travail à compter de mai 2019, date de répartition du portefeuille du gestionnaire non remplacé entre les deux autres restants et Mme [S], puis à compter d'octobre 2019,date de l'arrivée de Mme [H], que Mme [S] était régulièrement prise à partie dans son rôle, avec l'approbation de M.[A] dont la salariée n'avait plus aucun soutien et qu'il n'était pas rare d'assister ou d'entendre les éclats de voix de M.[A] résonner dans l'agence jusqu'à l'arrêt maladie de Mme [S] en décembre 2019 ;
Mme [M], gestionnaire de copropriété, qui décrit une dégradation des conditions de travail lié à l'augmentation de la charge de travail sans contrepartie financière et « au comportement oppressant et aux décisions restrictives » de M.[A] à l'égard du service « Syndic » et de Mme [S] laquelle devait ainsi assurer des tâches et missions classiques d'un gestionnaire de copropriété.
Une mise à l'écart au retour de l'arrêt de travail à compter du 1er octobre 2020 et la relégation à des tâches d'assistante sans relation avec son poste de gestionnaire de copropriété référente. Elle produit le courriel de M.[A] du lundi 5 octobre 2020 lui demandant de préparer, avant envoi pour la fin de la semaine, des notifications pour deux copropriétés et des convocations aux assemblées générales pour dix autres en précisant qu'il s'agit de permettre une reprise progressive et de prendre en compte le retard pris par le service. Elle justifie en outre d'une promesse d'embauche d'une assistante gestionnaire de copropriétaire dont les tâches comptent notamment la préparation et mise sous pli des convocations et des assemblées générales. Elle établit avoir sollicité, le 7 octobre 2020, un entretien avec des élus du CSE le 7 octobre 2020 pour évoquer sa reprise de travail et son poste de travail.
Une intimidation exercée par M.[A] après la reprise de travail le 1er octobre 2020.
Mme [S] justifie avoir sollicité le médecin du travail, le 8 octobre 2020, en évoquant une crise de larmes et d'angoisse après une consultation avec le médecin psychiatre le même jour, l'ayant empêchée de regagner son lieu de travail, ainsi qu'une altercation avec son employeur venu dans son bureau et qui s'est montré violent verbalement en date du vendredi précédent (2 octobre). Ces faits que la salariée a aussi relatés à un inspecteur du travail par courriel du 20 novembre 2020 ne sont toutefois corroborés par aucun autre élément que ses déclarations.
Les éléments tenant à la surcharge de travail, aux attitudes vexatoires et à l'affectation de tâches d'assistante et au défaut de versement d'une prime, pris dans leur ensemble, peuvent laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral.
Il convient donc d'apprécier les éléments apportés par l'employeur pour justifier que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
S'agissant de la surcharge de travail, l'employeur ne produit certes aucun élément de nature à remettre en cause les déclarations concordantes de trois salariées du service dont la salariée était responsable, quant à l'attribution à Mme [S] d'une partie au moins équivalente à un tiers de ce portefeuille de copropriétés. Le fait que ces trois salariées soient démissionnaires ne prive nullement de pertinence leurs constatations alors que justifiant d'une ancienneté allant de 3 à 4 ans, elles ont effectivement quitté la société après l'augmentation de la charge de travail liée au départ d'un collègue. Il est par ailleurs exact qu'il ne démontre pas que Mme [S] a décidé de la répartition du portefeuille du gestionnaire dans une proportion compatible avec ses attributions ; la seule annonce à ses collègues par courriel du 13 mai 2019 en qualité de responsable du service de cette nouvelle répartition ne saurait établir qu'elle était la décisionnaire de celle-ci.
L'employeur justifie certes avoir procédé à des embauches, une seule en juillet 2019 et les autres à compter d'octobre 2019 laissant subsister cependant une surcharge objective pendant plusieurs mois étant observé que les salariées qui attestent en faveur de Mme [S] ont démissionné à compter d'octobre.
S'agissant de la prime bilan, si l'employeur avait annoncé la dénonciation d'un usage il est exact qu'il ne démontre pas avoir procédé à une dénonciation effective. Cependant, si la dernière prime bilan a été versée en avril 2017, il apparaît que dès avril 2018 l'employeur réglait une prime, d'un montant au demeurant supérieur, qualifiée cette fois d'exceptionnelle. La possible erreur de l'employeur sur les modalités de dénonciation et sur la qualification de prime, sans traitement différencié de la salariée et sans incidence sur la réalité de sa rémunération, ne saurait relever d'une question de harcèlement moral. En toute hypothèse, la prime d'avril 2018 même qualifiée d'exceptionnelle constituait un élément objectif.
S'agissant des brimades et attitudes vexatoires, l'employeur justifie de l'absence de M. [A] en déplacement à [Localité 5], les 25 et 26 avril 2019, date avancée par Mme [R] comme celle d'une réunion de service au cours de laquelle M.[A] aurait tenu des propos comminatoires et violents à l'endroit de Mme [S]. Cet élément est de nature à remettre en question les propos imputés à M.[A] à une date précise par Mme [R] seule alors que Mmes [F] et [M] ont fait état d'une attitude habituelle du premier à l'encontre de Mme [S] depuis le mois de mai 2019 sans circonstancier plus avant leurs affirmations.
L'employeur produit aussi l'attestation de Mme [J] [W], assistante de copropriété depuis février 2019, faisant état de divergences d'opinions entre M.[A] et Mme [S] sur certaines questions et que les tensions, qui pouvaient parfois en résulter, lui ont toujours semblé logiques ainsi que les conséquences directes de ces divergences, au même titre que celles qu'ils pouvaient en avoir entre collègues ou à l'égard de Mme [S]. Il verse en outre aux débats l'attestation de M.[Y] [I], directeur comptable Syndic/Gestion et responsable informatique, relatant la survenance épisodique d'échanges vifs entre M.[A] et Mme [S] qui correspondaient à l'expression de points de vue parfois divergents entre deux personnalités fortes et pugnaces et qu'il n'avait jamais été témoin de brimades ou de pressions ni de faits pouvant relever d'un quelconque harcèlement.
Enfin, l'employeur rappelle les termes du courriel de M.[A] du 5 octobre 2020 par lesquels ce dernier précise à Mme [S] « pour te permettre une reprise progressive et compte tenu du retard pris dans l'envoi des AG et des PV, tu trouveras la liste des AG et des PV à préparer avant envoi pour la fin de cette semaine, comme convenu ensemble vendredi. »
Le fait de circonscrire à des tâches basiques du gestionnaire de copropriété les activités de la salariée pendant les premiers jours suivant son retour d'un arrêt de travail de dix mois, en précisant au demeurant que cette demande s'inscrivait dans le contexte de reprise d'activité du post-confinement exigeant le rattrapage des assemblées générales de copropriété qui n'avaient pu être tenues, ne permet pas de caractériser une mise à l'écart ni une rétrogradation des tâches habituelles de Mme [S].
Au total, seule subsiste une surcharge objective de travail pendant les mois ayant précédé l'arrêt de travail de décembre 2019. Ceci ne saurait toutefois être caractéristique d'un harcèlement moral, seul fondement invoqué par la salariée.
La cour considère qu'au regard de l'ensemble des éléments produits par l'employeur, il ne peut être retenu de harcèlement moral. La décision du premier juge ayant débouté Mme [S] de sa demande en nullité du licenciement à ce titre sera donc confirmée.
Il convient ensuite de déterminer si le licenciement de Mme [S] repose sur une cause réelle et sérieuse comme le soutient l'employeur qui sollicite l'infirmation de la décision déférée.
La lettre de licenciement du 4 novembre 2020, qui fixe les limites du litige, est rédigée dans les termes suivants :
« Madame,
Nous faisons suite à l'entretien préalable qui s'est tenu le 29 octobre 2020.
Par la présente, nous vous informons de notre décision de procéder à votre licenciement, en raison de vos absences entraînant une perturbation dans le fonctionnement de notre entreprise, et nécessitant de pourvoir à votre remplacement.
En effet, vous occupez au sein de notre société les fonctions de Responsable du service syndic.
Or, vous avez été placée en arrêt de travail, de façon continue, à compter du 9 décembre 2019 jusqu'au 1er octobre 2020.
Vous avez ensuite repris vos fonctions le 2 octobre 2020, mais avez à nouveau été placée en arrêt de travail, à compter du 8 octobre 2020.
Cela fait à ce jour près de onze mois que vous êtes absente de votre poste, qui comporte la responsabilité de l'encadrement du service syndic.
Il ne nous est plus possible, compte tenu des fonctions que vous exercez de continuer de pallier à votre absence dans des conditions qui permettraient de garantir un fonctionnement satisfaisant du service.
En effet, le service syndic se doit d'assurer un service permanent et un fonctionnement constant, afin de permettre la gestion et le suivi de nos copropriétés.
Comme vous le savez, notre société a acquis Ia société BARTHAS IMMOBILIER, dont l'activité est de fait intégrée à celle de la société AGESTIS. Il n'est pas possible pour nous d'envisager la fusion avec la société BARTHAS IMMOBILIER, sans responsable permettant d'assurer la transition des copropriétés, et Ia bonne intégration des deux services.
Aussi, notre service syndic compte cinq gestionnaires de copropriété, quatre assistants de gestionnaire de copropriété, quatre comptables, un chargé technique, tous en relation avec le service juridique qui doivent travailler sous la coordination d'un responsable de service.
L'année 2020 a été particulièrement éprouvante pour l'activité de syndic, dans la mesure où notre société a poursuivi son activité durant le confinement puisqu'il fallait permettre la continuité de la gestion des résidences et des immeubles en copropriété.
De surcroît, la période de confinement a décalé de nombreuses assemblées générales qui auraient dû se dérouler au deuxième trimestre 2020.
Le contexte sanitaire crée des complexités complémentaires dans l'organisation de ces assemblées, qui ont été reportées sur le dernier trimestre de l'année 2020.
ll convient donc, au cours de cette fin d'année, de gérer également la transition des copropriétés au sein de notre structure. A l'heure actuelle, le portefeuille intégral des deux structures comporte 232 copropriétés, correspondant à 7017 lots à gérer.
Nous sommes tenus de tenir au total 232 assemblées générales an cours de l'année 2020.
Sur les deux derniers mois de l'exercice 2020, nous sommes donc tenus de convoquer et tenir encore 125 assemblées générales.
Une telle charge de travail est insusceptible d'être assumée au sein d'un service incomplet et dépourvu d'encadrement. Il a été déjà extrêmement délicat pour nous d'assurer la bonne poursuite de notre activité en votre absence au vu de la période. Ceci se révèle aujourd'hui impossible en l'état des circonstances exceptionnelles de cette crise sanitaire, ayant entrainé un décalage de la quasi-totalité des assemblées générales.
Nous sommes donc contraints de vous remplacer à vos fonctions de responsable du service syndic.
Nous sommes donc contraints de vous notifier donc par la présente votre licenciement, en raison de la nécessité de pourvoir à votre remplacement définitif, en raison de vos absences perturbant le fonctionnement du service syndic, et par voie de conséquence, celui de notre société.
A toutes fins utiles, nous vous indiquons vous délier de toute clause de non-concurrence pouvant être insérée dans votre contrat de travail. »
L'employeur fonde donc la mesure de licenciement sur l'absence de Mme [S] depuis le 9 décembre 2019 pour maladie au motif qu'elle a désorganisé l'entreprise compte tenu de ses fonctions de responsable du service Syndic et qu'elle rendait nécessaire son remplacement définitif.
L'employeur expose avoir procédé au remplacement définitif de Mme [S] par Mme [H], dans le cadre d'un remplacement en cascade puisque Mme [H] a elle-même été remplacée par trois autres gestionnaires de copropriété. Il expose que ce remplacement était nécessaire au regard des responsabilités de la salariée, de l'absence de tout responsable du service pendant dix mois, du défaut de perspective sérieuse et raisonnable de retour et de l'impossibilité de procéder à son remplacement provisoire par des salariés engagés à durée déterminée alors que le nombre de syndicats de copropriétaires avait augmenté de 60% en 2020 et avec la suractivité induite par la tenue des assemblées générales reportées du fait du confinement.
La salariée affirme que l'employeur ne mentionne pas dans la lettre de licenciement la désorganisation de l'entreprise mais celle du service « syndic » résultant de son absence de sorte qu'il ne caractérise pas cette désorganisation ni les difficultés qu'il rencontrerait à recruter de manière provisoire un autre salarié. Elle prétend que l'employeur ne respecte pas les critères du remplacement définitif puisque selon contrat à durée indéterminée du 10 novembre 2020, il l'a remplacée par Mme [H], qui intervenait déjà en qualité de responsable service Syndic depuis juin 2020.
Si l'article L. 1132-1 du code du travail, qui fait interdiction de licencier un salarié notamment en raison de son état de santé ou de son handicap, sauf inaptitude constatée par le médecin du travail, ne s'oppose pas à un licenciement motivé, non pas par l'état de santé du salarié mas par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée ou les absences répétées de l'intéressé, celui-ci ne peut toutefois être licencié que si ces perturbations entraînent la nécessité pour l'employeur de procéder à son remplacement définitif.
Ce remplacement définitif doit intervenir dans un délai raisonnable après le licenciement. La charge de la preuve de perturbation dans le fonctionnement de l'entreprise comme de la nécessité de procéder au remplacement définitif du salarié malade pèse sur l'employeur.
Si la lettre de licenciement mentionne que l'absence de Mme [S] perturbe le fonctionnement du service Syndic, et par voie de conséquence, celui de la société, il sera relevé que cette formule intervient en son terme après la précision du motif présenté dès la troisième ligne comme « les absences entrainant une perturbation dans le fonctionnement de notre entreprise » et après une présentation plus développée.
S'agissant de la perturbation dans le fonctionnement de l'entreprise, l'employeur produit :
- l'attestation de Mme [W], assistante de copropriété, relatant les difficultés d'organisation et les retards générés par l'absence d'une direction de proximité du service Syndic qui impliquait de se référer pour les prises de décision importantes et l'organisation courante au gérant de la société, nécessairement moins disponible que Mme [S] et les conséquences du report des assemblées générales du fait de la covid 19;
- l'attestation de M.[I], directeur du service Comptabilité Syndic Gestion Maintenance informatique, évoquant les difficultés d'organisation consécutives à l'absence de la salariée et amplifiée par les décalages d'assemblées générales liés à la Covid 19 et par l'incorporation du Cabinet Barthas et la nécessité d'une direction de service fixe et définitive assurant l'encadrement des collaborateurs dont le recrutement est rendu délicat depuis plusieurs années en raison de l'exigence des clients ;
- une liste des 249 syndicats de copropriétaires à gérer à la suite de l'absorption du Cabinet Barthas et une liste des effectifs du service Syndic.
Le contrat de travail de Mme [S] indiquait qu'en sa qualité de responsable du service, elle en assurait l'encadrement et l'organisation, la répartition des copropriétés entre les gestionnaires, le reporting de l'activité au gérant, le suivi de l'ensemble des précontentieux et contentieux en lien avec le responsable juridique, la coordination de l'activité des autres gestionnaires pour les tâches courantes et pour la prise de mandat de nouvelles copropriétés ainsi que la gestion du personnel de l' équipe et le recrutement de futurs salariés.
Si l'absence de la salariée emportait nécessairement une certaine désorganisation, l'employeur ne peut toutefois pas se prévaloir de l'absorption d'une autre société, mesure qui relevait de ses choix de gestion et qui nécessitait en toute hypothèse le recours au personnel de la société reprise.
Mais surtout, s'agissant du remplacement définitif, si le remplacement en cascade est certes possible encore faut-il qu'il soit établi de manière certaine et que la cour puisse contrôler la réalité des remplacements successifs. Or, l'employeur invoque finalement un certain nombre d'embauches mais sans caractériser en quoi il s'agissait bien de pourvoir au remplacement définitif de Mme [S] par glissement successif de poste.
Ainsi à suivre l'employeur dans son argumentation, c'est Mme [H], préalablement gestionnaire de copropriété, qui a remplacé Mme [S]. S'il est produit en pièce 25 un contrat de travail du 10 novembre 2020, il s'agissait en réalité d'une modification du contrat initial du 14 octobre 2019 modifiant les fonctions de la salariée. Il aurait été procédé, pour justifier du glissement, au remplacement de Mme [H] et il est produit trois contrats de travail, ceux de Mme [T], de M.[L] et de Mme [V] en qualité de gestionnaires de copropriété des 26 octobre, 2 et 9 novembre 2020. Il n'est jamais précisé quel contrat était destiné à remplacer Mme [H], alors que toutes les embauches sont antérieures à la promotion de cette dernière. Au surplus, l'ensemble s'inscrivait dans une charge de travail accrue tant par la question de l'absorption de la société que par les conséquences de la crise sanitaire. Si la cour a d'ailleurs écarté ci-dessus la notion de harcèlement moral, elle a en revanche admis qu'il existait bien une surcharge objective de travail.
Compte tenu de l'ensemble de ces considérations et alors qu'il n'est pas établi que le poste de Mme [S] ne permettait pas un remplacement temporaire, l'employeur ne rapporte pas la preuve qui lui incombe permettant de justifier un licenciement pour le motif retenu.
Par application des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail, Mme [S] peut prétendre à une indemnité réparant le préjudice subi du fait de son licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Au regard de l'ancienneté de six années complètes, cette indemnité est fixée entre 3 et 7 mois de salaire brut qui s'élevait à 4 525,23 euros. Mme [S] a signé un contrat de travail le 23 juillet 2022 avec une rémunération moindre. Il convient de fixer le montant des dommages-intérêts à la somme de 22 000 euros par infirmation du jugement.
Il sera fait application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail dans la limite de trois mois par ajout au jugement.
Sur les demandes accessoires
L'employeur succombant, sera condamné aux dépens de première instance par confirmation du jugement et à ceux de la présente procédure.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Mme [S] et au titre la procédure d'appel, l'employeur sera condamné à lui payer la somme complémentaire de 2 000 euros.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme la décision du conseil des prud'hommes de Toulouse du 27 mars 2023 sauf en ce qu'elle a fixé les dommages-intérêts dus à Mme [S] au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 13 575,69 euros,
L'infirme de ce chef,
Statuant à nouveau du chef infirmé,
Condamne la Sarl Agestis à payer à Mme [X] [S] la somme de 22 000 euros au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Y ajoutant,
Ordonne le remboursement par l'employeur des indemnités chômage payées à la salariée dans la limite de trois mois,
Condamne la Sarl Agestis à payer à Mme [S] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,
Condamne la Sarl Agestis aux dépens d'appel.
Le présent arrêt a été signé par C. BRISSET, présidente, et par M. TACHON, greffière.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
M. TACHON C. BRISSET.