Livv
Décisions

CA Toulouse, 1re ch. sect. 1, 29 janvier 2025, n° 23/01978

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Defix

Conseillers :

Mme Robert, Mme Rouger

Avocats :

Me Marty Etcheverry, Me Dejean

TJ Toulouse, du 23 mai 2023, n° 22/01501

23 mai 2023

EXPOSÉ DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

Par acte d'échange notarié du 24 août 2001, M. [Y] [I], d'une part, et M. [N] [I] et Mme [S] [V] épouse [I], d'autre part, ont échangé deux parcelles de terre. M. [Y] [I] a cédé à M. [N] [I] et Mme [S] [V] épouse [I] la parcelle B [Cadastre 4] située à [Localité 7] (31) et M. [N] [I] et Mme [S] [V] ont cédé à M. [Y] [I] la parcelle B [Cadastre 3] située à [Localité 8] (31).

Chacune des deux parcelles a été évaluée à 6097,96 €.

Il est mentionné dans cet acte l'existence d'inscriptions hypothécaires grevant chacune des deux parcelles échangées au profit de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de [Localité 9] (Crcam).

Par jugement du 12 octobre 2012 le tribunal de grande instance de Toulouse a ouvert une procédure de redressement judiciaire de la Scea du Milieu qui a été étendue par jugement du 5 février 2013 à la personne de M. [Y] [I] exploitant agricole.

Aux termes d'un jugement du 1er avril 2014 du tribunal de grande instance de Toulouse le plan de redressement par voie de continuation présenté par la Scea du Milieu et M. [Y] [I] dont les patrimoines ont été confondus a été arrêté pour 15 ans.

M. [N] [I] et Mme [S] [V] ont vendu la maison construite sur la parcelle B [Cadastre 4] située à [Localité 7] le 10 mars 2017 à la suite de leur divorce intervenu le 11 décembre 2016. La somme de 33 562,46 € a été réglée à la Crcam de [Localité 9] au titre de l'hypothèque grevant le bien.

Suivant exploit d'huissier du 23 mars 2022, Mme [S] [V] a fait assigner devant le tribunal judiciaire de Toulouse M. [Y] [I] aux fins de le voir condamner à lui payer la moitié de la somme réglée à la Crcam de Toulouse pour son compte sur le fondement de l'article L 643-11 II du code de commerce qui prévoit que les coobligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent poursuivre le débiteur s'ils ont payé à la place de celui-ci.

Par ordonnance du 23 mai 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Toulouse a déclaré irrecevable l'action introduite par Mme [S] [V] à l'encontre de M. [Y] [I], -rejeté les demandes formées au titre des frais irrépétibles et condamné Mme [S] [V] aux entiers dépens de l'instance.

Pour statuer ainsi le juge de la mise en état a rappelé qu'en vertu des dispositions de l'article L 622-21 du code de commerce toute action en justice tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent postérieurement à l'ouverture d'une procédure collective est interdite et que cette prohibition étant d'ordre public le juge est tenu de relever d'office cette fin de non-recevoir.

Il a considéré que l'action introduite par Mme [V] ne visait pas à faire engager la responsabilité délictuelle de M. [Y] [I] pour une éventuelle omission de déclaration de l'existence de sa créance mais visait à obtenir paiement d'une créance antérieure au jugement d'extension de la procédure collective à M. [Y] [I] et qu'ainsi les dispositions de l'article L 622-21 du code de commerce devaient s'appliquer.

Par déclaration en date du 1er juin 2023, Madame [S] [V] a relevé appel de cette ordonnance en ce qu'elle a déclaré son action irrecevable.

EXPOSE DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 7 juillet 2023, Mme [S] [V], appelante, demande à la cour de :

- déclarer recevable et bien fondé son appel,

Y faisant droit,

- réformer l'ordonnance dont appel,

- recevoir l'intégralité des moyens et prétentions du demandeur,

Statuant à nouveau,

- rejeter la fin de non-recevoir tirée de l'article L. 622-21 du code de commerce,

- rejeter l'irrecevabilité de prescription soulevée,

- renvoyer devant le juge de la mise en état.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 26 juillet 2023, M. [Y] [I], intimé et sur appel incident, demande à la cour de :

Rejeter toutes conclusions contraires comme injustes ou en tout cas mal fondées,

À titre principal,

- confirmer l'ordonnance du 23 mai 2023 dont appel,

- débouter Mme [V] des fins de son appel comme non justifié et non fondé,

À titre subsidiaire,

- déclarer irrecevable comme prescrite l'action en paiement engagée par Mme [S] [V] à son encontre,

- déclarer irrecevable l'action en paiement engagée par Mme [S] [V] à son encontre pour défaut d'intérêt d'agir,

- débouter Mme [V] des fins de son appel comme non justifié et non fondé,

Faisant droit à l'appel incident,

- condamner Mme [S] [V] au paiement de la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

L'affaire a été examinée à l'audience du 23 avril 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Aux termes des dispositions de l'article L 622-21 du code de commerce le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent.

Le I de l'article L 622-17 prévoit que les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période sont payées à leur échéance.

Postérieurement à l'adoption d'un plan de sauvegarde ou de redressement, l'arrêt des poursuites perdure pendant toute la durée du plan.

Il en est de même d'un créancier qui n'a pas été invité à déclarer créance à la suite d'un comportement estimé frauduleux du débiteur qui n'a pas signalé sa créance au mandataire judiciaire.

Dans son assignation introductive d'instance Mme [V] demande paiement de la somme de 16 791,23 € représentant la moitié de la somme réglée à la Crcam en lieu et place de [Y] [I] sur le prix de vente de la maison commune du couple [V]-[I] [N] le 14 mars 2017.

Cette demande en paiement d'une somme d'argent concernant une créance non mentionnée au I de l'article L. 622-17 est soumise à l'interdiction des poursuites visée ci-dessus.

Mme [V] fait valoir qu'elle a payé pour le compte de M. [Y] [I] de sorte que les dispositions de l'article L 643-11 du code de commerce doivent s'appliquer, que ce dernier a engagé sa responsabilité personnelle en ne déclarant pas l'existence de cette créance au « mandataire liquidateur » , faute commise postérieurement au redressement judiciaire et enfin qu'il n'est pas établi que le plan de redressement soit toujours en cours.

Il résulte des dispositions de l'article L 643-11 II du code de commerce que la caution ou le co-obligé qui a payé pour le compte du débiteur ne recouvre l'exercice individuel de son action contre le débiteur qu'à compter du jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif.

Il en est de même, en vertu des dispositions du IV du même article, en cas de fraude à l'égard d'un créancier, à condition d'y être autorisé par décision du tribunal lors de la clôture ou postérieurement.

M. [Y] [I] produit une consultation du Bodacc le concernant qui ne fait apparaître qu'une seule annonce numéro 1427 du Bodacc A n° 20130037 publiée le 21/02/2013 se référant à l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire par extension à la procédure de redressement judiciaire ouverte le 12/10/2012 à l'encontre de la Scea du Milieu.

Mme [V] de son côté ne produit aucune pièce venant démontrer que le plan de redressement aurait été résolu et qu'une liquidation judiciaire aurait été prononcée et clôturée.

Il résulte du tout que quel que soit son fondement la demande en paiement de Mme [V] à l'encontre de M. [Y] [I] doit être déclarée irrecevable, l'ordonnance dont appel étant confirmée.

Les demandes annexes

Succombant, Mme [V] supportera les dépens de première instance ainsi que retenu par le premier juge, et les dépens d'appel.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de M. [Y] [I] les frais irrépétibles qu'il a exposés tant en première instance qu'en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

- Confirme l'ordonnance rendue le 23 mai 2023 par le juge de mise en état du tribunal judiciaire de Toulouse en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

- Condamne Mme [S] [V] aux dépens d'appel ;

- Déboute M. [Y] [I] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site