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Décisions

CA Paris, Pôle 6 ch. 3, 29 janvier 2025, n° 21/01842

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Robeco France (SAS)

Défendeur :

Robeco France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Sautron

Vice-président :

Mme Marmorat

Conseiller :

M. Baconnier

Avocats :

Me Kong Thong, Me de Saint Sernin, Me Durand

Cons. prud'h. Paris, du 8 janv. 2021, n°…

8 janvier 2021

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La SAS Robeco France a engagé M. [S] [O] par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 15 octobre 2015 en qualité de 'country manager'.

A compter du 2 novembre 2015 il occupera les fonctions de président.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des sociétés financières.

La société Robeco France occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

Le 7 mars 2019, son mandat de président a été révoqué.

Le 22 août 2019, M. [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris de demandes tendant à faire reconnaître qu'il a été victime de harcèlement et de discrimination.

Par lettre notifiée le 23 octobre 2019, M. [O] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 5 novembre 2019.

M. [O] a ensuite été licencié pour faute grave par lettre notifiée le 12 novembre 2019.

A la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement, M. [O] avait une ancienneté de 4 ans.

En dernier lieu, devant le conseil de prud'hommes, il a formé les demandes suivantes :

- dire et juger recevables et bien fondées ses demandes ;

- juger mal fondée l'exception d'incompétence qui lui est opposée par l'employeur et la rejeter ;

- fixer sa rémunération mensuelle moyenne à titre principal, à la somme de 56 929 euros, et à tout le moins à la somme de 31 929 euros ;

A titre principal et subsidiaire,

- juger nul le licenciement ;

- ordonner sa réintégration à son poste dans un délai maximum de deux mois suivant la notification de la décision ;

- condamner l'employeur à lui verser une indemnité correspondant aux salaires échus entre sa date de sortie des effectifs et sa date de réintégration effective ;

En tout état de cause ;

- condamner l'employeur à lui payer, avec intérêts à capitaliser, les sommes suivantes :

. 170 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis du fait du harcèlement moral ;

. 170 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices nés de la discrimination,

- 300 000 euros à titre de rappel de bonus de l'exercice 2018,

- 30 000 euros au titre des congés payés afférents,

- 194 224 euros au titre du rappel de primes de performance à long terme (à parfaire en fonction de la valeur à la date à laquelle la décisions de réintégration sera rendue).

Subsidiairement,

- 194 224 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice lié à la perte de chance d'avoir pu exercer son droit au titre des primes de performance à long terme ;

- 5 654 euros en paiement de la facture de l'année 2019 du Golf de [5],

- lui réattribuer ses congés payés du 22 juillet au l6 août 2019 qui ont été pris de façon contrainte et forcée ;

- 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire rendu le 8 janvier 2021 auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Paris a :

- rejeté l'exception d'incompétence ;

- jugé fondé le licenciement ;

- débouté M. [S] [O] de ses demandes au titre du harcèlement moral et de la discrimination ;

- condamné la société Robeco France à verser à M. [S] [O], avec intérêts, les sommes suivantes:

- 253 333 euros au titre de rappel de prime pour l'année 2018,

- 25 333 euros de congés payés afférents,

- 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- débouté M. [S] [O] du surplus de ses demandes.

- débouté la société Robeco France de ses demandes et l'a condamnée aux entiers dépens.

M. [S] [O] a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 11 février 2021, en toutes ses dispositions sauf le rejet de l'exception d'incompétence.

L'ordonnance de clôture a été rendue à la date du 3 décembre 2024.

L'affaire a été appelée à l'audience du 10 décembre 2024.

EXPOSE DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions communiquées par voie électronique le 2 décembre 2024, auxquelles la cour se réfère expressément pour l'exposé des moyens, M. [O] demande à la cour :

- de le dire et juger recevable et bien fondé en son appel ;

Y faisant pleinement droit,

In limine litis, sur l'appel incident de l'intimée,

- de rejeter l'exception d'incompétence ;

- de dire recevables ses demandes ;

avant dire droit,

- de juger les pièces adverses n° 41 et 42 irrecevables et de les écarter des débats ;

Au fond,

- d'infirmer le jugement dans toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

- de faire droit à ses demandes initiales sauf modification de certaines demandes ;

- de confirmer à titre subsidiaire la somme de 253 333 euros pour le bonus 2018, outre 25.333,33 euros au titre des congés payés afférents.

- de condamner l'employeur à lui payer :

. 223 358 euros au titre du rappel de primes de performance à long terme (à parfaire en fonction de la valeur à la date à laquelle la décision de réintégration sera rendue).

Subsidiairement,

- 223 358 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice lié à la perte de chance d'avoir pu exercer son droit au titre des primes de performance à long terme,

en tout état de cause,

- condamner l'employeur à lui payer 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions communiquées par voie électronique le 25 novembre 2024, auxquelles la cour se réfère expressément pour l'exposé des moyens, la SAS Robeco France demande à la cour :

- de confirmer le jugement en ce qu'il a jugé le licenciement fondé et débouté le salarié de certaines demandes ;

- de débouter l'appelant de ses demandes au titre du harcèlement moral et de la discrimination en raison de son état de santé ;

- de débouter l'appelant du surplus de ses demandes ;

- d'infirmer le jugement en ce qu'il :

* a rejeté l'exception d'incompétence ;

* a condamné la société Robeco France à verser au salarié avec intérêts les sommes suivantes :

.253 333 euros au titre de rappel de prime pour l'année 2018,

. 25 333 euros de congés payés y afférents ;

* a rappelé qu'en vertu de l'article R.1454-28 du Code du Travail, ces condamnations sont exécutoires de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire ;

* l'a condamnée à verser à l'appelant la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

* l'a déboutée de ses demandes et l'a condamnée aux entiers dépens ;

- de se déclarer incompétente au profit du Tribunal de commerce de Paris, en ce qui concerne les prétentions suivantes ;

* Dommages et intérêts pour discrimination,

* Rappel de bonus de l'exercice 2018,

* Prime de performance à long terme,

* Dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à la perte de chance d'avoir pu exercer son droit au titre des primes de performance à long terme et les congés payés afférents,

* Remboursement d'une facture de Golf pour l'année 2019 :

- de juger ces demandes irrecevables ;

- de débouter l'appelant de toutes ses demandes y compris d'indemnité de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de condamner l'appelant à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- de le condamner aux entiers dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1- sur les pièces 41 et 42 produites par l'intimée

Le salarié demande à la cour de déclarer ces pièces irrecevables et de les rejeter sans développer de moyens à cette fin de sorte que la demande sera rejetée.

2- Sur la compétence

L'employeur soutient, sur le fondement des dispositions de l'article L 1411-1 du code du travail, que la cour d'appel est incompétente matériellement pour traiter les demandes de bonus, de prime de performance, de paiement de la facture du golf, des dommages et intérêts en raison de la discrimination ainsi qu'en réparation du préjudice lié à la perte de chance d'avoir pu exercer le droit au titre des primes de performance à long terme, qui se rapportent au mandat de président et non pas au contrat de travail, le cumul entre ces deux statuts étant incompatible en l'espèce, suspendant le contrat de travail du 2 novembre 2015 au 7 mars 2019.

Le salarié soutient que cette demande découle directement du contrat de travail et de sa rupture et qu'il est impossible de scinder entre deux juridictions l'appréciation des agissements de harcèlement et de discrimination. En tout état de cause, il soutient avoir été maintenu dans un lien de subordination, malgré son mandat de président qui ne lui conférait aucun rôle effectif.

L'exception d'incompétence sera rejetée dans la mesure où la cour d'appel, saisie par l'effet dévolutif de l'appel de l'ensemble du litige, que le premier juge a tranché au fond, est investie de la plénitude de juridiction tant en matière prud'homale qu'en matière commerciale, et a le devoir de garder la connaissance de l'affaire et de lui apporter une solution au fond.

3- l'exécution du contrat de travail

- La rémunération variable

* le bonus 2018

Le salarié soutient que son contrat prévoyait une rémunération variable lui donnant droit chaque année à un bonus, lequel a été d'un montant de 300 000 euros en 2017. Il affirme avoir été privé de ce bonus en 2018 en raison du harcèlement moral dont il a été victime, puisque son absence empêchait la fixation des objectifs. Il réclame paiement d'un bonus égal à celui qu'il a perçu l'année précédente. À tout le moins, il demande confirmation du jugement qui lui a alloué une somme correspondant à la moyenne des trois derniers bonus.

L'employeur soutient que les règles du droit du travail doivent être écartées en raison du mandat social. Il fait valoir que le bonus est totalement discrétionnaire, soumis à l'appréciation du manager. Il ajoute que la demande formulée au titre des congés payés afférents est irrecevable dans la mesure où la rémunération variable est définie pour toute une année et ne peut être affectée par la prise de congés payés. Il prétend de plus que le bonus 2019 réclamé par le salarié n'est pas dû en raison de son absence prolongée, cette rémunération variable étant conditionnée à sa présence.

Sur le cumul du statut de salarié et de mandataire social, sauf novation ou convention contraire, le contrat de travail d'un salarié devenu mandataire social et qui cesse d'exercer des fonctions techniques dans un état de subordination à l'égard de la société est suspendu pendant la durée du mandat, pour retrouver tous ses effets lorsque le mandat social prend fin.

Dans le cas d'espèce, le salarié a été recruté en qualité de country manager France avec notamment la charge de l'organisation de la société Robeco France. Il rapportait alors à la présidente de la société.

Le 2 novembre 2015, il est devenu président de la société en vue d'assurer les fonctions prescrites par l'article L 532-2 du code monétaire et financier, autrement dit des fonctions de direction.

Ce cumul est nécessairement irrégulier dans la mesure où les fonctions salariées et les fonctions sociales étaient identiques, et le salarié n'avait pas de fonctions techniques distinctes du mandat social. De plus, en devenant président, il a occupé les fonctions de celle à qui il devait reporter supprimant ainsi le lien de subordination avec le plus haut niveau hiérarchique de la société.

Ce cumul irrégulier doit en principe conduire à une suspension du contrat de travail, sauf accord contraire des parties comme c'est le cas en l'espèce. En effet le procès-verbal de décision de l'associé unique du 2 novembre 2015 indique expressément que le contrat de travail restera en vigueur. Ce maintien a d'ailleurs été effectif, puisqu'en l'absence de rémunération du mandat social, le salarié a continué à percevoir son salaire.

Le contrat de travail prévoyait à titre de rémunération une partie fixe forfaitaire ainsi qu'une rémunération variable sur objectifs calculée selon la politique de rémunération variable applicable dans la société, étant précisé que les objectifs sont définis unilatéralement par la société. Par lettre du 1er juillet 2015 adressée au salarié, l'employeur a communiqué des informations relatives à la rémunération variable à laquelle salarié était éligible dans le cadre de son contrat. L'employeur a ainsi consenti au salarié une 'prime d'objectif brut première année' en termes suivants :

« vous pourrez bénéficier d'une prime d'objectif brut premier année discrétionnaire dans la limite D'EUR 235 000 (deux cent trente cinq mille euros).

Le paiement de cette prime d'objectif brut première année discrétionnaire sera laissé à l'entière discrétion de Robeco. Robeco pourra prendre certains critères en considération y compris, notamment, votre capacité à remplir les objectifs qualitatifs fixés par votre responsable, les résultats de la société et/ou Robeco, les plans de développement de la société et/ou Robeco, et/ou tout autre critère qu'elle jugera approprié. Le paiement de cette prime d'objectif brut premier année discrétionnaire sera effectué (le cas échéant) conformément aux termes du plan de paiement différé (« deferred Payment Scheme »). Le premier paiement (le cas échéant) interviendra en mars 2016 et les paiements suivants (le cas échéant) en mars de l'année/des années concernée(s).

Nous attirons toutefois votre attention sur le fait que cette prime ne vous sera versée qu'à la condition que vous soyez salarié de la société au moment du paiement de la prime. Ainsi, si vous cessez d'être salarié de la société pour quelque motif que ce soit avant le paiement de la prime, toute prime en cours (le cas échéant) sera perdue.

À la lecture de cette clause, il apparaît que cette prime n'est pas limitée à la première année nonobstant son appellation. De fait, elle a été payée en 2016 (prime 2015), en 2017 (prime 2016) et en 2018 (prime 2017).

Le salarié étant présent dans les effectifs en mars 2019, date de paiement de la prime 2018, c'est à tort que l'employeur se prévaut de la stipulation contractuelle empêchant le versement de la prime en cas de sortie du salarié des effectifs.

Concernant son caractère discrétionnaire, il faut rappeler que la part variable de la rémunération peut prendre la forme notamment de bonus. Le caractère obligatoire du versement par l'employeur à ce titre peut découler de sources légales, conventionnelles, contractuelles ou de la volonté de l'employeur (usage, accord ou engagement unilatéral).

Lorsqu'elle est payée en exécution d'un engagement unilatéral de l'employeur, une prime constitue un élément de salaire et est obligatoire pour l'employeur dans les conditions fixées par cet engagement, peu important son caractère variable et peu important l'absence du caractère général de la prime.

À l'inverse, le versement ne présente aucun caractère obligatoire dans le cas d'une libéralité qui est considérée comme une gratification bénévole, c'est-à-dire lorsque l'employeur décide librement de l'opportunité de son versement et du montant octroyé. Dans ce cas, le versement effectué n'est pas juridiquement considéré comme un salaire et n'est pas contraignant pour l'employeur.

Néanmoins, il appartient aux juges du fond de rechercher, lorsqu'ils y sont invités, si le bonus présente un caractère discrétionnaire. Ils apprécient souverainement les éléments de fait et de preuve permettant de caractériser ou non un engagement unilatéral de l'employeur et dispose du pouvoir souverain d'interprétation des engagements ambigus.

Or, en l'espèce, les conditions contractuelles de paiement de cette prime excluent de fait son caractère discrétionnaire pourtant expressément retenu dans la clause contractuelle. En effet, cette prime n'a pas de caractère exceptionnel puisqu'il est prévu un versement régulier chaque année, ce qui a été le cas pour les années 2015, 2016, et 2017. De plus, cette prime est fonction de la capacité du salarié à contribuer au résultat de l'entreprise. Elle ne peut donc être considérée comme une gratification bénévole, exceptionnelle et donc discrétionnaire.

C'est donc à raison que le conseil de prud'hommes, en l'absence de critères précis d'appréciation du montant de cette prime, et constatant l'absence d'objectifs fixés au salarié pour l'année 2018, a fait droit à la demande en l'évaluant à la moyenne des bonus versés les trois dernières années. Le jugement sera donc confirmé sur ce point ainsi que sur les congés payés afférents, dès lors que la rémunération variable a un caractère de salaire.

* les primes de performance à long terme

Le salarié soutient que son contrat de travail prévoyait des primes de performance à long terme dites « incentives », ce système de rémunération lui permettait de se voir attribuer des parts qui restaient bloquées pendant une période de trois ans aux termes de laquelle les primes de performance étaient alors payées par tranches successives réparties sur les années à venir. Il affirme s'être vu attribuer des parts en 2015, 2016 et 2017, et en a été privé en 2018, que les tranches successives des primes de 2015 à 2017 lui ont été partiellement réglées, les dernières tranches 2016 et 2017 n'ont pas été payées malgré la relance. Il rappelle que le montant de la prime est fonction de sa date de liquidation de sorte que sa demande a été actualisée à sa valeur au 1er janvier 2021.

À titre subsidiaire, en cas de non réintégration, il sollicite réparation du préjudice lié à la perte de chance d'avoir pu exercer son droit sur les actions tirées du plan de performance, en raison de son licenciement injustifié.

L'employeur soutient que le salarié n'a pas droit à cette rémunération dans la mesure où il a quitté la société, réduisant ainsi sa part de rémunération variable à néant et en justifie par la production des conditions générales de versement de la rémunération variable, avec leur version traduite en français. (Pièce 24 bis).

Il en résulte que la sortie des effectifs du salarié le prive du paiement de cette prime, ce qu'il en convient lui-même implicitement puisqu'il n'en réclame paiement qu'en cas de réintégration. Celle-ci étant rejetée par la cour, comme il sera dit plus loin, la demande ne peut qu'être rejetée.

D'ailleurs, le salarié forme une demande subsidiaire indemnitaire en cas de non- réintégration, estimant que la privation du bénéfice de cette prime résulte de la faute de l'employeur qui a mis fin abusivement au contrat de travail, demande qui sera également rejetée, la rupture par l'employeur étant fondée comme il sera expliqué plus avant.

- Le paiement de la facture 2019 du golf de [5]

Le salarié soutient que cette facture a toujours été prise en charge par son employeur depuis 2015 dans la mesure où ce sont des frais d'ordre professionnel puisque tous les ans il y organisait un événement conviant tous les clients.

L'employeur soutient que cette facture a toujours été payée dans la mesure où elle était validée par M. [O] lui-même.

Le contrat de travail prévoyait le remboursement de frais professionnels. Or, il est de principe que les frais professionnels qu'un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent lui être remboursés sans qu'ils ne puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due, à moins qu'il n'ait été contractuellement prévu qu'il en conserverait la charge moyennant le versement d'une somme fixée à l'avance de manière forfaitaire et à la condition que la rémunération proprement dite du travail reste au moins égale au SMIC.

Le mandat social prévoyait également le remboursement des frais professionnels engagés par le président.

Certes, la facture, au nom de M. [O], est produite par l'employeur. Cependant, M. [O] ne justifie pas que cette cotisation à un club de golf soit en lien avec ses activités professionnelles permettant de qualifier la dépense de frais professionnels.

Par conséquent, il faut confirmer le jugement sur ce point.

- Les congés payés du 22 juillet au 16 août 2019

Le salarié demande la réintégration dans ses droits, des congés qu'il a pris du 22 juillet au 16 août 2019 de manière forcée, pour pallier la défaillance du système de prévoyance.

L'employeur a conclu au débouté en soulignant le fait que le salarié ne démontre pas en quoi il serait responsable du retard dans le maintien de salaire et de l'obligation du salarié de prendre des congés payés.

La demande sera rejetée dans la mesure où le salarié a dit lui-même dans sa correspondance adressée à l'employeur qu'il a fait le choix de mettre fin à ses arrêts de travail et de prendre des congés faute de paiement des indemnités liées à la prévoyance dont la défaillance n'est pas imputable à l'employeur. En effet, ce dernier justifie au moyens d'e-mails et d'échanges avec la société Axa qu'il a oeuvré pour débloquer la situation de M. [O], laquelle a pâti du défaut de transmission de pièces notamment liées à la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie qui a causé les arrêts de travail. La situation a fini par être débloquée en décembre 2019.

- le harcèlement moral

Le salarié qui allègue un harcèlement moral doit, en application des dispositions de l'article L 1154-1 du code du travail en sa version applicable en l'espèce, présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement, étant rappelé que le harcèlement est défini par l'article L 1152-1 du code précité comme tous agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Au vu de ces éléments, il incombe alors à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs de harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

M. [O] fait valoir que fin 2018 la relation contractuelle a commencé à se dégrader de la manière suivante :

son poste a été totalement amputé de l'activité « wholesale », sans son accord à l'arrivée d'un nouveau supérieur hiérarchique qui a mis en place, sans le consulter ni l'associer, une nouvelle organisation des métiers,

il a été victime de pressions et d'humiliations de la part de son supérieur hiérarchique, notamment lors d'un déplacement professionnel à [Localité 8] le 13 février 2019. En effet, il dit avoir été brutalement convoqué sans aucune explication afin d'être humilié et de se voir reprocher un prétendu manque de leadership avec allégations mensongères de plaintes formulées contre lui par d'autres salariés,

il a été brutalement révoqué de son mandat social de président au profit d'un autre collègue,

la facture de golf a cessé d'être payée contrairement aux années précédentes avec insinuation qu'il serait un fraudeur,

l'employeur a remis en cause toutes ses factures sur 2017 et 2018 en lui imposant des ultimatums pour en justifier alors qu'il était en arrêt maladie et que son état de santé l''empêchait de répondre,

son état de santé s'est dégradé à tel point qu'il s'est vu prescrire un traitement antidépresseur dès le mois de janvier 2019, qu'il a subi des arrêts maladie qui ont débouché sur la reconnaissance d'une maladie professionnelle,

l'employeur l'a laissé volontairement sans prise en charge financière pendant ses arrêts maladie, en raison de la défaillance du système de prévoyance qui lui était imputable à faute, ne lui laissant d'autre choix que de faire valoir son droit de retrait pour pouvoir obtenir paiement de son salaire.

Il produit et se prévaut à ce titre :

- d'une pièce n° 7 en anglais non traduit,

- d'une pièce n°10 dans laquelle il se plaint auprès d'un interlocuteur d'avoir été convoqué sans aucune explication lors d'un séjour professionnel à Rotterdam, par son 'patron' qui lui a reproché une situation explosive en France un manque de leadership et de vision,

- d'une pièce n° 11 en anglais non traduit,

- d'une pièce n°12 attestant de la révocation de son mandat de président,

- d'une pièce numéro 15 constituée d'un mail adressé à la maison-mère dans lequel il s'insurge contre le non paiement de la facture de cotisation au club de golf,

- d'une pièce n° 16 constituée d'un échange de mails entre lui et le responsable de la maison mère dans lequel il se plaint de harcèlement moral et de man'uvres pour l'évincer, du traitement qu'il a subi un Rotterdam et des reproches selon lui fallacieux qui ont été faits, de l'absence de paiement de son bonus. En revanche les réponses qui lui sont faites sont en anglais non traduit,

- de pièces n°21 à 24 constituées d'arrêt maladie pour un syndrome anxiodépressif et d'une ordonnance pour des anxiolytiques,

- d'une pièce n° 50 constituée d'un échange de mails avec un interlocuteur avec qui il explore des solutions à sa situation bloquée en raison du refus de l'employeur d'admettre l'exercice de son droit de retrait, de son impossibilité de reprendre le travail et de sa situation d'arrêt de travail non indemnisé,

- d'une pièce n°42 constituée par la décision de la caisse d'assurance-maladie de reconnaissance de l'origine professionnelle de la maladie déclarée le 14 février 2019,

- des pièces 27 à 29 constituées de mails dans lesquels le salarié prend la décision d'écourter ses arrêts maladie pour se mettre en congé payé en l'absence d'indemnisation de ses arrêts de travail, puis d'exercer son droit de retrait,

- des pièces n°33, 39, 40 constituées de mails par lesquels il dénonce des agissements dont il est victime et notamment la défaillance du système de protection et l'inertie de l'employeur pour y remédier.

Il ressort donc de ces éléments que M. [O] a vu son mandat de président révoqué, le paiement de la facture de golf bloqué, sa situation de santé se dégrader et sa maladie reconnue d'origine professionnelle par la caisse d'assurance-maladie. Les difficultés liées à la mise en 'uvre du régime de prévoyance ont contribué à sa précarité le poussant à faire valoir son droit de retrait pour obtenir sa rémunération. Ces éléments montrent une réelle souffrance liée à l'expression d'une situation dans laquelle le salarié se sentait humilié par une réorganisation à laquelle il dit n'avoir pas été associé.

Hormis les pièces en langue étrangère non traduite et donc irrecevables, et hormis la révocation du mandat social qui n'est pas lié au contrat de travail, ces éléments, pris dans leur ensemble sont de nature à faire présumer le harcèlement moral au sens du texte précité. Il appartient alors à l'employeur de justifier que ces décisions sont étrangères au harcèlement moral.

L'employeur soutient :

que la réorganisation, par laquelle il a quitté une logique purement nationale par pays, pour se lancer dans une organisation business au sein de laquelle serait différenciée la clientèle institutionnelle et la clientèle distribution a été mise en place dans l'ensemble des pays dans lesquels la société était implantée et qu'il ne s'agissait pas d'une décision contre les intérêts personnels du salarié. Il prétend qu'il ne s'agit pas d'une remise en cause totale de l'organisation de travail au sein de l'entreprise dans la mesure où l'activité de la société a toujours été divisée en deux équipes constituant deux pôles commerciaux. Il soutient que le salarié a reçu un courrier explicatif sur l'étendue de ses missions et sur le fait qu'il conservait en sa qualité de country manager avec vocation à reprendre la charge de l'organisation de l'entreprise. Il soutient qu'il n'y a eu aucune modification du contrat de travail et souligne que le salarié n'a jamais exercé les fonctions résultant de la nouvelle organisation mise en 'uvre à compter de janvier 2019 dans la mesure où il a occupé le rôle de président jusqu'au 7 mars 2019 et qu'il n'a pas repris son poste de travail en raison d'arrêts maladie. Il souligne que dans ses conclusions le salarié indique lui-même que l'usage du droit de retrait n'était rien d'autre qu'une tactique de son avocat pour faire bouger les lignes. Il indique avoir rempli ses obligations liées au contrat de prévoyance bloqué par l'assureur dans l'attente de l'attestation de reconnaissance de maladie professionnelle et de justificatifs des indemnités journalières régularisées par la sécurité sociale.

qu'aucun fait ne permet de laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral ; que le salarié n'a pas souhaité répondre aux sollicitations de son employeur lors du rapport d'enquête interne mise en place suite à sa dénonciation de faits de harcèlement moral,

que l'incident prétendument survenu le 13 février 2019 à [Localité 8] n'est pas justifié ; qu'en réalité le salarié a quitté une réunion commerciale sans aucune explication ni information, après une discussion au cours de laquelle le salarié a été confronté à des réactions très troublantes et surprenantes de la part de ses subordonnés directs et de l'ensemble de l'équipe, qui contredisaient en fait directement ce dont il avait discuté pendant des mois avec son supérieur hiérarchique,

que le mandat de président est révocable à tout moment et que son absence prolongée a imposé cette révocation,

que la facture de golf n'a pas été payée faute de justificatifs de son caractère professionnel en soulignant le fait que si ces dépenses avaient été prises en charge par le passé c'était pour la seule raison qu'elle était validée par le salarié lui-même en sa qualité de président,

quelle ne peut être tenue pour responsable des décisions de l'organisme de prévoyance.

L'employeur produit les pièces n°:

- 27 et 27 bis en anglais traduit constituées d'une attestation par laquelle le supérieur hiérarchique de M. [O] confirme l'existence d'une réorganisation au cours de l'été et l'automne 2018 pour passer d'une logique nationale à une logique structurelle, sans modification des fonctions de M. [O], qui, associé au projet de réorganisation, s'est montrée opposant dès le départ. Dans cette pièce l'attribution de la partie 'wholesale' à une nouvelle structure est confirmée,

- pièce adverse n° 32 aux termes de laquelle le nouveau président de la société assure M. [O] que son contrat de travail n'est pas modifié, et qu'il reste son supérieur hiérarchique ;

- pièces 30, 31, 32, 33, 34, 35 constituées d'échanges de mails entre M. [O] et le personnel de la société employeur entre le personnel de la société et l'organisme de prévoyance, justifiant du traitement des demandes de l'organisme de prévoyance et de ce que le blocage de la prise en charge de la prévoyance s'explique par le fait que la société AXA était dans l'attente de l'attestation de reconnaissance de la maladie professionnelle ainsi que des indemnités journalières régularisées par la sécurité sociale. La pièce 35 atteste d'un déblocage de la situation le 19 décembre 2019 par l'établissement d'un chèque reçu par la société le 6 janvier 2020.

Il ressort donc de ces éléments que l'employeur justifie d'une réorganisation globale du groupe de sociétés auquel appartient la société Robeco France, de nature à modifier le périmètre d'intervention de M. [O], sans affecter ses missions qui restaient celles de Country manager avec fonction d'organiser la société Robeco France, organisation à laquelle le salarié n'a pas adhéré. Il ressort également que le salarié n'a pas supporté les remarques qui lui ont été faites à Rotterdam, les analysant comme des humiliations à l'origine de son état de santé. L'employeur justifie également la défaillance de la prévoyance ne lui est pas imputable et qu'au contraire il a 'uvré pour débloquer la situation. En outre, il a été retenu plus haut que le paiement de la facture de golf n'était pas justifié, faute de justificatifs de leur caractère professionnel.

Aussi, et quand bien même la souffrance du salarié a débouché sur une maladie reconnue d'origine professionnelle, l'employeur justifie que les faits établis par le salarié sont étrangers au harcèlement moral, de sorte que la demande à ce titre n'est finalement pas justifiée.

- La discrimination

Selon l'article L 1134-1 du Code du travail, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En droit, la discrimination directe existe quand, pour des raisons d'origine, de sexe, de moeurs, d'orientation sexuelle, d'identité de genre, d'âge, de situation familiale, de grossesse, de caractéristiques génétiques, de particulière vulnérabilité résultant de la situation économique, de l'appartenance ou non à une ethnie, une nation ou une prétendue race, d'opinions politiques, d'activités syndicales ou mutualistes, de l'exercice d'un mandat électif, de convictions religieuses, d'apparence physique, de nom de famille, de lieux de résidence ou de domiciliation bancaire, d'état de santé, de perte d'autonomie, de handicap, de capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français, une personne est traitée de manière moins favorable qu'un autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été.

Le salarié qui invoque la discrimination doit présenter des éléments de fait laissant supposer son existence directe ou indirecte telle que définie à l'article premier de la loi numéro 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute incrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné en cas de besoin, toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Le salarié soutient avoir subi une discrimination en raison :

* de la séance humiliante lors du séminaire du 13 février 2019 à [Localité 8] qui a affecté sa santé,

* du reproche qui lui a été fait de son arrêt maladie qui en est résulté,

* de la dégradation qui a suivi son évaluation,

* de la privation de son bonus en raison de son état de santé puisque ses arrêts de travail ont empêché la fixation d'objectifs,

ces agissements caractérisant selon lui la détermination de l'employeur à stigmatiser la détérioration de son état de santé.

Comme il a été relevé plus haut au titre du harcèlement moral, le salarié produit des mails dans lesquels il relate un incident survenu le 13 février 2019 à [Localité 8] qu'il a vécu comme humiliant et qui l'a amené à quitter les réunions auxquelles il devait participer pour rentrer en France. Il justifie de la dégradation de son état de santé comme il a été dit plus haut et l'absence de paiement de son bonus a été sanctionnée par la condamnation de l'employeur à paiement.

Le salarié s'appuie sur sa pièce n° 11 pour étayer le reproche qui lui aurait été fait de son arrêt maladie qui serait résulté de la réunion de [Localité 8]. Or, cette pièce en langue étrangère non traduite est irrecevable de sorte que ce fait n'est pas établi.

Il ressort de ces éléments que le salarié suite à l'incident survenu le 13 février 2019 à [Localité 8] a mis fin brutalement aux réunions auxquelles il devait participer, est rentré à [Localité 6] et a subi par la suite une dégradation de son état de santé marquée par des arrêts maladie, et qu'en mars 2019, alors qu'il n'était pas sorti des effectifs, il n'a pas reçu son bonus pour l'année 2018 contrairement aux années précédentes.

L'employeur soutient que le salarié dénature les propos de son supérieur hiérarchique contenus dans l'e-mail du 16 février 2019, lequel a regretté qu'il ne l'ait pas informé de son départ et qu'il ait quitté le séminaire de manière brusque ; qu'en aucun cas, il ne lui reprochait son état de santé. Il produit en effet la version traduite de cet e-mail (pièce 8 bis) dans laquelle son supérieur hiérarchique prend connaissance du fait qu'il est souffrant et regrette, non pas son absence, mais le fait qu'il soit parti sans avertir personne. Il ajoute que l'évaluation des performances a pâti de l'absence d'entretien.

Or, l'employeur ne peut soutenir que l'absence de paiement du bonus est lié à l'absence d'entretien, alors que les stipulations contractuelles n'en font pas une condition et qu'il n'est pas justifié que le salarié n'ait pas atteint des objectifs pour l'année 2018.

Ce faisant, l'employeur ne justifie pas que sa décision de ne pas payer le bonus est sans lien avec l'absence du salarié pour cause de maladie de sorte que la discrimination pour raison de santé est établie.

La somme de 10 000 euros réparera entièrement le préjudice subi, persistant après la condamnation à paiement du bonus de l'employeur, ci-dessus prononcée.

- la rémunération mensuelle moyenne

Le salarié soutient que sa rémunération se composait :

* d'un fixe plus un avantage en nature : 21 083 + 483 égal 21 566 euros bruts mensuels,

* d'une rémunération complémentaire au motif du dispositif « car's» : 124 358 euros annuels soient 10 363 euros bruts mensuels,

* d'un bonus annuel 300 000 euros au titre de 2018 soit 25 000 euros bruts mensuels,

ce qui totalise une rémunération brute mensuelle de 56 929 euros, soit 683 148 euros annuels.

En tout état de cause, il fait observer que la rémunération retenue par la caisse d'assurance-maladie au titre des 12 derniers mois travaillés soit du 1er février 2018 au 31 janvier 2019 était de 712 967,61 euros soit 59 414 euros bruts par mois.

La rémunération mensuelle brute doit inclure la rémunération fixe et la rémunération variable. De janvier 2019 à février 2018, période antérieure aux arrêts de travail, M. [O] a perçu une somme globale de 626 005,98 euros étant fait observer qu'en l'absence de fiche de paie du mois de novembre 2018, le salaire a été pris en compte pour 21 566,93 comprenant le fixe et l'avantage en nature. Le salaire brut moyen comprenant la rémunération fixe et variable se monte donc à 52 167,16 euros.

3- La rupture du contrat de travail

Le salarié soutient que le licenciement est nul aux motifs :

- qu'il constitue une mesure de rétorsion qui viole son droit fondamental d'ester en justice. Ainsi, il expose avoir prévenu son employeur le 19 août 2019 de la saisine judiciaire et que la mesure de licenciement est une mesure de rétorsion quand bien même l'employeur ne l'aurait pas inscrite ainsi dans la lettre de licenciement en insistant sur le fait qu'il appartient au juge de rechercher, au-delà des énonciations de la lettre de licenciement, la cause exacte de la rupture du contrat de travail comme l'a déjà décidé la haute cour,

- qu'il constitue une mesure discriminatoire en raison de son état de santé. Il prétend en effet que le licenciement est une mesure discriminatoire en raison de son état de santé en faisant valoir que l'employeur lui a reproché d'avoir quitté un séminaire à [Localité 8] en février 2019 alors que ce départ était motivé par son état de santé et qu'il s'est vu reprocher son arrêt maladie,

- qu'il constitue une sanction à l'exercice légitime de son droit de retrait,

- qu'il est intervenu en violation de la période de protection liée à une maladie professionnelle. Il soutient en effet qu'il a été licencié pendant la période de suspension du contrat de travail pour cause de maladie professionnelle rendant nul le licenciement en l'absence de preuve de la faute grave, qu'il conteste, en faisant valoir que l'employeur ne pouvait lui reprocher des absences dans la mesure où le contrat de travail avait été suspendu et qu'aucune visite de reprise n'avait été organisée et que de plus, il était légitime à exercer son droit de retrait. Il expose à cet égard que le conseil de la société intimée, à l'instar de nombreux autres employeurs assistés de leur avocat, a exploité les fruits d'une cabale lancée en avril 2022 contre son conseil et son médecin, cabale dont il expose les vicissitudes. Il affirme que la défense du salarié face aux accusations calomnieuses de fraude passe par la défense de son propre avocat qui est libre de produire toutes les pièces de sorte que toute demande éventuelle de rejet de ces pièces doit être écartée.

L'employeur soutient au contraire l'absence d'entrave au droit d'ester en justice en renvoyant à la lettre de licenciement dans laquelle figurent clairement les motifs, étrangers à la saisine du conseil de prud'hommes par le salarié, en soulignant le fait que le salarié a été convoqué à un entretien préalable plus de trois mois après la saisine du conseil de prud'hommes.

Il conteste la légitimité du droit de retrait invoqué par le salarié dans un mail comme étant la seule solution pour lui de ne pas reprendre le travail tout en maintenant sa rémunération. Il ajoute que le danger grave et imminent n'est pas démontré sachant que le salarié n'a pas occupé les fonctions résultant de la nouvelle organisation en raison de son mandat de président jusqu'au 7 mars 2019, puis en raison des arrêts maladie jusqu'à la rupture du contrat de travail.

L'employeur soutient que l'absence prolongée injustifiée du salarié motive la décision de licenciement pour faute grave après plusieurs mise en demeure adressée au salarié qui a sciemment décidé de ne pas donner suite aux demandes de justification de son absence. L'employeur ajoute que la tactique judiciaire mise en 'uvre par le salarié correspond à un mode opératoire frauduleux mise en 'uvre par son avocat et un médecin psychiatre dans le but d'obtenir judiciairement ou par négociation des sommes considérables en s'appuyant sur les risques de nullité du licenciement résultant de la déclaration de maladie professionnelle effectuée sur le fondement de ces certificats d'arrêt de travail, à tel point qu'une plainte ordinale a été déposée à l'encontre du cabinet d'avocat, une action disciplinaire a été engagée contre le médecin qui a été sanctionné d'une interdiction d'exercer ses fonctions pendant un an.

L'employeur soutient que la réintégration impossible dans la mesure où aucun poste de niveau équivalent à celui qu'occupait le salarié n'est disponible.

Il ajoute que la demande indemnitaire en cas d'annulation du licenciement ne peut conduire à une indemnisation qui serait supérieure au montant des salaires dont le salarié a été privé du fait de la rupture du contrat de travail, déduction faite des revenus de remplacement et ou d'activités perçues par l'intéressé pendant la même période, quelle que soit leur source, sous déduction des cotisations sociales et d'impôt sur le revenu qui devront être précomptés.

Il ressort des pièces du dossier analysées plus haut, que le 13 février 2019, suite à des échanges avec son supérieur hiérarchique qui, dans l'exercice légitime de son pouvoir hiérarchique, lui a reproché divers manquements, M. [O] est rentré en France précipitamment, que le 14 février 2019 il a été en arrêt de travail pour cause de maladie. Par courrier du 18 juillet 2019, il a fait savoir qu'il décidait d'écourter ses arrêts de travail et qu'il se mettait en congé payé jusqu'au 16 août 2019. Par courrier du 16 août 2019, l'employeur envisageait une visite de reprise, ce à quoi le salarié par courrier du 19 août 2019 a déclaré exercer son droit de retrait, et a informé l'employeur de son action judiciaire en discrimination. Le 22 août 2019, il a d'ailleurs saisi le conseil de prud'hommes pour faire reconnaître le harcèlement moral dont il se prétendait victime ainsi que la discrimination. Le 26 août 2019, l'employeur l'a mis en demeure de reprendre le 2 septembre 2019. À cette date, un nouvel arrêt de travail a été produit jusqu'au 5 octobre 2019. Le 23 octobre 2019 le salarié a été convoqué à un entretien préalable à licenciement, qui a été prononcé le 12 novembre 2019 dans les termes suivants :

« depuis le 13 février 2019, date de votre dernier jour de travail effectif, vous vous êtes alternativement trouvé en situation d'arrêt maladie, en congé payé ou en absence injustifiée. Plus précisément, il se trouve que depuis le 5 octobre 2019, date d'expiration de votre arrêt maladie vous ne nous avez apporté aucun justificatif d'absence, sans pour autant vous présenter à votre poste de travail. Nous vous avons pourtant contacté à plusieurs reprises ces derniers jours à la fois par courrier recommandé et par e-mail, afin de vous laisser le soin de nous transmettre les justificatifs nécessaires. Il vous a ainsi été adressé un premier courrier recommandé, avec une copie par e-mail, le 10 octobre 2019, vous informant que vous vous trouviez en absence injustifiée et que vous étiez invité, soit à nous transmettre un justificatif d'absence soit prendre attache avec nous afin qu'une visite de reprise s'organise auprès de la médecine du travail. Puis, le 18 octobre 2019 nous vous avons adressé un second courrier recommandé, dont vous avez également reçu copie par e-mail, mettant expressément en demeure de reprendre votre poste de travail. Nous vous avions alors indiqué que sans réponse de votre part nous serions contraints d'envisager contre vous le procédure disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement pour faute grave. C'est ainsi que compte tenu de l'absence de réponse de votre part et compte tenu du caractère persistant de votre absence depuis le 7 octobre 2019, nous vous avons alors adressé un courrier de convocation à un entretien préalable par courrier du 23 octobre 2019.

Depuis cette date, vous ne nous avez adressé aucun justificatif, permettant de justifier votre absence de manière légitime, et ce, alors même que vous nous avez adressé un e-mail le 17 octobre 2019 à propos des difficultés que vous rencontrez avec AXA s'agissant de la couverture prévoyance.

De la même manière lors de notre entretien du 5 novembre dernier, vous ne nous avez pas porté non plus le moindre justificatif valable de votre absence.

Nous comprenons que vous persistez à user du droit de retrait, telle que définie à l'article L4131-1 du code du travail, et à propos duquel nous vous avions indiqué dès le 26 août 2019 qu'il était injustifié.

D'ailleurs, vous ne nous avez transmis, malgré nos demandes, aucun élément supplémentaire permettant de justifier l'exercice légitime d'un tel droit.

Nous sommes donc au regret de constater que vous n'avez aucunement réagi à la mise en demeure qui vous avait été adressée et n'avez donné aucun justificatif à votre absence.

Un tel comportement, constitutif d'une faute grave, révèle en outre un comportement parfaitement déloyal qui ne peut être toléré et qui ne nous permet pas d'envisager la poursuite de votre contrat de travail au sein de Robeco France.

Dans ces conditions nous sommes contraints de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour faute grave. »

Il n'est pas contesté que le salarié a été en arrêt de travail jusqu'au 5 octobre 2019, puis il exercé son droit de retrait dont la licéité, contestée, doit être examinée.

Aux termes de l'article L. 4131-1 du code du travail, le travailleur alerte immédiatement l'employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu'il constate dans les systèmes de protection. Il peut se retirer d'une telle situation. L'employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d'une défectuosité du système de protection.

Aux termes de l'article L. 4131-3 du même code, aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l'encontre d'un travailleur ou d'un groupe de travailleurs qui se sont retirés d'une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu'elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou la santé de chacun d'eux.

Or le salarié prétend avoir exercé son droit de retrait en raison du danger grave et imminent lié au harcèlement moral dont il se disait victime et qui n'a pas été retenu plus haut. D'ailleurs, en réponse aux inquiétudes exprimées par le salarié, l'employeur lui a répondu que son contrat de travail n'avait pas été modifié étant observé qu'une enquête avait été diligentée au mois de mai 2019 sur la plainte de M. [O] laquelle a abouti à une absence de harcèlement moral. L'exercice du droit de retrait n'est donc pas justifié étant observé par ailleurs que dans le courrier adressé à l'employeur pour justifier l'exercice de son droit de retrait le salarié explique sa démarche comme un moyen de récupérer une rémunération dont il a été privé en raison de la défaillance du système de prévoyance l'empêchant de prolonger ses arrêts de travail.

Le 18 octobre 2019, l'employeur a vainement mis en demeure le salarié de justifier son absence autrement que par le droit de retrait, ou de reprendre le travail immédiatement en se disant à disposition du salarié pour organiser une visite de reprise en vue de son retour.

Certes, en l'absence de visite de reprise le contrat reste suspendu de sorte que l'employeur ne peut reprocher au salarié son absence sans avoir organisé une visite de reprise comme le fait justement observer le salarié.

Toutefois, la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, reproche au salarié non seulement son absence, mais également son défaut de justification de cette absence. Ce grief est formulé en ces termes : ' depuis le 5 octobre 2019, date d'expiration de votre arrêt maladie vous ne nous avez apporté aucun justificatif d'absence', 'il vous a ainsi été adressé un premier courrier recommandé, avec une copie par e-mail, le 10 octobre 2019, vous informant que.....vous étiez invité, soit à nous transmettre un justificatif d'absence soit prendre attache avec nous afin qu'une visite de reprise s'organise auprès de la médecine du travail', 'vous ne nous avez adressé aucun justificatif, permettant de justifier votre absence de manière légitime', 'lors de notre entretien du 5 novembre dernier, vous ne nous avez pas porté non plus le moindre justificatif valable de votre absence', 'nous sommes donc au regret de constater que vous n'avez aucunement réagi à la mise en demeure qui vous avait été adressée et n'avez donné aucun justificatif à votre absence'.

Or, même en l'absence de visite de reprise, l'absence de justification d'une absence par un motif légitime peut justifier la rupture du contrat de travail. Ce grief est bien caractérisé dès lors que le salarié, après le 5 octobre 2019 n'a pas justifié son absence autrement que par l'exercice d'un droit de retrait reconnu plus haut comme n'étant pas légitime. Il constitue un manquement aux obligations contractuelles suffisamment grave pour justifier que l'employeur mette fin au contrat de travail sans préavis dans la mesure où le salarié n'était plus en arrêt de travail, qu'il prétendait à tort exercer son droit de retrait empêchant toute reprise de la relation contractuelle, alors qu'il occupait le poste de direction de l'entreprise.

Par conséquent, la rupture a été décidée indépendamment de l'action judiciaire que le salarié avait annoncée dès le mois d'août 2019 sans que l'employeur ne réagisse alors. Le licenciement n'est pas davantage lié à une discrimination en raison de l'état de santé, dans la mesure où il ne ressort pas des pièces du dossier que l'employeur reproche au salarié ses absences pour cause de santé, mais la non- justification de cette absence après la fin de ses arrêts de travail pour cause de maladie.

Le jugement qui a débouté le salarié de sa contestation du licenciement et de ses demandes subséquentes sera donc confirmé.

4- les autres demandes

- Les intérêts

Les condamnations, de nature salariale, porteront intérêts comme il est dit au jugement qui sera confirmé sur ce point.

Les intérêts seront capitalisés, comme il sera précisé dans le dispositif.

- les frais irrépétibles et les dépens

L'employeur est condamné à paiement et le salarié est débouté sur nombre de ses demandes de sorte que personne ne succombe.

Aussi, par infirmation du jugement les dépens engagés par chacune des parties seront laissés à leur charge, et il n'y aura pas lieu dans ces conditions à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Le jugement sera infirmé sur ce point également.

PAR CES MOTIFS

la cour statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Rejette la demande d'irrecevabilité des pièces ;

Infirme le jugement rendu le 8 janvier 2021 par le conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il :

- a débouté le salarié de ses demandes au titre de la discrimination,

- a condamné l'employeur aux dépens et au paiement d'une indemnité de l'article 700 du code de procédure civile ;

statuant à nouveau, dans la limite des chefs d'infirmation,

Condamne la SAS Robeco France à payer à M. [S] [O] la somme de 10 000 euros en réparation des préjudices nés de la discrimination ;

Dit n'y avoir lieu à condamnation au remboursement des frais irrépétibles de première instance ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens de première instance ;

Confirme le surplus du jugement déféré ;

y ajoutant,

Dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêts ;

Fixe à 52 167,16 euros le montant du salaire mensuel brut de M. [S] [O] ;

Dit n'y avoir lieu à condamnation au remboursement des frais irrépétibles d'appel ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens d'appel.

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