CA Toulouse, 3e ch., 29 janvier 2025, n° 24/00770
TOULOUSE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Demeures d'Occitanie (SARL)
Défendeur :
Demeures d'Occitanie (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vet
Conseillers :
M. Balista, Mme Gaumet
Avocats :
Me Maury, Me Alengrin
FAITS ET PROCÉDURE
Par contrat du 23 aout 2019, M. [V] [C] a confié à la SARL Demeures d'Occitanie l'édification d'une maison d'habitation pour un prix de 112 080 €.
Un procès-verbal de réception sans réserve était contradictoirement signé le 13 août 2021.
Par acte du 30 octobre 2023, la SARL Demeures d'Occitanie a fait assigner M. [C] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Toulouse aux fins de voir:
- débouter M. [V] [C] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- condamner M. [V] [C] à verser à la SARL Demeures d'Occitanie la somme provisionnelle de 4. 171, 28 € au titre du solde restant dû sur le prix de la construction,
- condamner M. [V] [C] à verser à la SARL Demeures d'Occitanie la somme provisionnelle de 2. 000 € à titre de dommages-et-intérêts pour résistance abusive,
- le condamner aux entiers dépens, outre la somme de 2. 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance contradictoire du 13 février 2024, le juge a :
- condamné M. [V] [C] à verser à la SARL Demeures d'Occitanie la somme provisionnelle de 4 171, 28 € au titre du solde restant dû sur le prix de la construction,
- accordé à M. [V] [C] un délai pour se libérer de sa dette en principal, frais et intérêts moyennant le versement de 11 mensualités de 347 € et une mensualité égale au solde restant dû, avant le 10 de chaque mois et pour la première fois avant le mois suivant la signification de la présente décision,
- dit qu'à défaut de paiement d'une seule mensualité à son échéance, l'intégralité de la dette restant due sera immédiatement exigible,
- débouté la SARL Demeures d'Occitanie de sa demande en dommages-et-intérêts,
- condamné M. [V] [C] aux dépens,
- condamné M. [V] [C] à payer à SARL Demeures d'Occitanie la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration en date du 4 mars 2024, M. [V] [C] a relevé appel de la décision sauf en ce qu'elle a débouté la SARL Demeures d'Occitanie de sa demande en dommages-intérêts.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
M. [V] [C] dans ses dernières conclusions du 15 avril 2024 demande à la cour au visa de l'article 835 du code de procédure civile et des articles 1104, 1345-3, 1792-6, 1793 du code civil et l'article R231 du code de la construction et de l'habitation, de :
- déclarer recevable et bien-fondé M. [V] [C] en son appel de l'ordonnance rendue le 13 février 2024 par le tribunal judiciaire de Toulouse statuant en la forme des référés,
Y faisant droit,
- infirmer l'ordonnance du 13 février 2024 rendue par le tribunal judiciaire de Toulouse statuant en la forme des référés en ce qu'elle a :
* condamné M. [V] [C] à verser à la SARL Demeures d'Occitanie la somme provisionnelle de 4.171,28 € au titre du solde restant dû sur le prix de la construction,
* accordé M. [V] [C] un délai pour se libérer de sa dette en principal, frais et intérêts moyennant le versement de 11 mensualités de 347 € et une 12ème mensualité égale au solde restant dû, avant le 10 de chaque mois et pour la première fois avant le 10 du mois suivant la signification de la décision,
* dit qu'à défaut de paiement d'une seule mensualité à son échéance, l'intégralité de la somme restant due sera immédiatement exigible,
* condamné M. [V] [C] aux dépens,
* condamné M. [V] [C] à payer à la SARL Demeures d'Occitanie la somme de 1 000 € sur le fondementt de l'article 700 du code de procédure civile,
* confirmé au surplus,
Et statuant à nouveau,
À titre principal,
- juger que la demande de provision de la SARL Demeures d'Occitanie se heurte à des contestations sérieuses,
En conséquence,
- débouter la SARL Demeures d'Occitanie de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
À titre subsidiaire,
- constater que M. [V] [C] fait face à d'importantes charges mensuelles,
- accorder à M. [V] [C] les plus larges délais de paiement pour s'acquitter de sa dette à l'égard de la SARL Demeures d'Occitanie,
En tout état de cause,
- condamner la SARL Demeures d'Occitanie au paiement de la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 70 du code de procédure civile.
La SARL Demeures d'Occitanie dans ses dernières conclusions du 2 mai 2024, demande à la cour au visa de l'article 835 du code de procédure civile et de l'article R231-7 du code de la construction et de l'habitation, de :
- confirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a débouté M. [V] [C] de toutes ses demandes au titre de prétendues contestations sérieuses,
- condamner en conséquence M. [V] [C] à verser à la SARL Demeures d'Occitanie la somme provisionnelle de 4.171,28 € au titre du solde restant dû sur le prix de la construction,
- confirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a condamné M. [V] [C] aux frais irrépétibles et aux dépens,
- infirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a :
* alloué à M. [V] [C] des délais de paiement,
* débouté la SARL Demeures d'Occitanie de sa demande de provision au titre de la résistance abusive,
- débouter M. [V] [C] de l'ensemble de demandes, fins et prétentions, et notamment de toute demande au titre de délais de paiement,
- condamner M. [V] [C] à verser à la SARL Demeures d'Occitanie la somme provisionnelle de 2.000 € à titre de dommages-et-intérêts pour résistance abusive,
- le condamner aux entiers dépens, outre la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 2 décembre 2024.
La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fera expressément référence au jugement entrepris ainsi qu'aux dernières conclusions déposées.
MOTIFS
M. [C] fait valoir que :
' il a signé un procès-verbal de réception alors qu'il existait des réserves ainsi qu'il est établi par courriel du 13 août 2021 du conducteur de travaux et que la SARL Demeures d'Occitanie s'était engagée à reprendre ces désordres,
' postérieurement à la livraison, il a constaté des désordres (dysfonctionnement du pad Tywatt, malfaçons du carrelage, porte d'entrée non remplie, fissures sur les murs, porte décalée),
' il résulte des textes applicables que le solde du prix n'est dû au constructeur qu'à la levée de l'intégralité des réserves et qu'en l'espèce il a parfaitement informé l'intimée de réserves postérieurement à la réception auquel il n'a pas été remédié,
' la SARL Demeures d'Occitanie a augmenté le prix convenu de la prestation de 112'080 € à 114'942,82 €,
' la SARL Demeures d'Occitanie a manqué à son obligation de bonne foi en lui affirmant qu'il ne pouvait bénéficier de la garantie de parfait achèvement tant qu'il n'avait pas réglé le solde ce qui l'empêche désormais de faire valoir cette garantie.
La SARL Demeures d'Occitanie oppose que :
' les réserves évoquées par M. [C] sont postérieures à la réception et concernent des éléments connus et apparents définitivement couverts par une réception sans réserve alors qu'aucune réserve complémentaire n'a été notifiée dans le délai de huit jours,
' la présence de réserves à la réception ne permet pas au maître de l'ouvrage de refuser de régler le solde mais d'en consigner le montant,
' deux avenants ont été signés entraînant une augmentation du prix initialement convenu,
' il appartenait à M. [C] de faire jouer la garantie de parfait achèvement s'il estimait son action fondée.
Sur ce
Suivant l'article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Selon l'article R 231-7 du code de la construction et de l'habitation le solde du prix est payable dans les huit jours de la remise des clés lorsque, comme en l'espèce, le maître de l'ouvrage ne s'est pas fait assister par un professionnel pour la réception et qu'aucune réserve n'a été formulée.
Ce texte précise que dans le cas où des réserves sont formulées, une somme au plus égale à 5 % du prix convenu est, jusqu'à la levée des réserves, consignée entre les mains d'un consignataire accepté par les deux parties ou, à défaut, désigné par le président du tribunal judiciaire.
Ainsi, en cas de difficultés les sommes dues doivent être consignées et en l'espèce force est de constater que M. [C] ne l'a pas fait se contentant de ne pas payer le solde réclamé.
L'article 1792-6 alinéa 1er du code civil dispose « La réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement.
La garantie de parfait achèvement, à laquelle l'entrepreneur est tenu pendant un délai d'un an, à compter de la réception, s'étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception.
Les délais nécessaires à l'exécution des travaux de réparation sont fixés d'un commun accord par le maître de l'ouvrage et l'entrepreneur concerné.
En l'absence d'un tel accord ou en cas d'inexécution dans le délai fixé, les travaux peuvent, après mise en demeure restée infructueuse, être exécutés aux frais et risques de l'entrepreneur défaillant.
L'exécution des travaux exigés au titre de la garantie de parfait achèvement est constatée d'un commun accord, ou, à défaut, judiciairement.
La garantie ne s'étend pas aux travaux nécessaires pour remédier aux effets de l'usure normale ou de l'usage.».
L'article L 231-8 du code de la construction et de l'habitation prévoit que le maître de l'ouvrage peut, par lettre recommandée avec accusé de réception dans les huit jours qui suivent la remise des clefs consécutive à la réception, dénoncer les vices apparents qu'il n'avait pas signalés lors de la réception afin qu'il y soit remédié dans le cadre de l'exécution du contrat.
À défaut, la réception sans réserve couvre les désordres apparents, de sorte que le maître d'ouvrage ne peut plus agir à l'encontre du constructeur.
Or, en l'espèce, il n'est pas contesté que les cinq désordres évoqués par M. [C] sont apparents. Selon procès-verbal du 13 août 2021, il a reçu l'ouvrage sans réserve et il n'est justifié d'aucune dénonciation de ces vices apparents dans le délai de huit jours conformément à l'article L 231-8 du CCH visé.
De plus, si par courriel du 13 août 2021, le conducteur de travaux indiquait à M. [C] que le joint de la porte d'entrée et le cache pare-tempête de la baie seraient repris début septembre. Ces désordres ne sont plus invoqués par M. [C].
Par message du 5 août 2022 M. [C] alertait la SARL Demeures d'Occitanie concernant le tywatt, le carrelage et la gouttière, plus aucun désordre n'est évoqué pour cette dernière dans le cadre de la présente procédure.
Enfin, le 13 octobre 2022, il rappelait à la société les désordres concernant le carrelage, la porte d'entrée et des chambres et le tybox.
Cependant, ces messages ne peuvent être retenus comme caractérisant des réserves au sens des textes visés car trop tardif.
En conséquence, c'est à bon droit que le premier juge a considéré que M. [C] ne pouvait arguer de réserves.
De plus, selon deux avenants du 20 août 2020 les parties ont convenu de la construction d'une terrasse non couverte au prix de 1744,82 € TTC et du remplacement d'un meuble simple par un meuble double vasque moyennant 1118 € TTC.
Ainsi, les parties, qui ont conclu un contrat de construction ont par la suite convenu de la réalisation d'une terrasse et de la modification d'un équipement, il s'agit là de réalisations distinctes de celles originairement prévues dont le coût a été accepté par M. [C] et dont la réalisation, par ailleurs non contestée, doit recevoir paiement conformément aux dispositions contractuelles.
Enfin, M. [C] soulève la mauvaise foi de son adversaire qui l'aurait informé à tort de ce que la garantie de parfait achèvement ne pouvait jouer en l'absence de paiement du solde.
La garantie de parfait achèvement oblige un maître d''uvre défaillant à réparer tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage dans un délai d'un an à compter de la date de réception du chantier. En cas de litige, le maître d'ouvrage peut ainsi obtenir réparation des dommages.
En l'espèce, le refus de prise en considération par son adversaire de sa demande en raison d'une absence de paiement du solde ne peut être considérée comme caractérisant la mauvaise foi de son adversaire et fonder une contestation sérieuse alors que le message reproché à la société indique seulement une prise de position de refus de prise en charge et non l'existence d'une impossibilité légale. Ainsi, il appartenait à M. [C] d'agir à son encontre, dans le délai légal, sur le fondement de cette garantie, en établissant les manquements de son adversaire, ce qu'il ne fait toujours pas en cause d'appel en l'absence de démonstration de l'existence des désordres allégués aucun procès-verbal de constat ou photographie n'étant produit excepté celle concernant le joint de la porte d'entrée, le cache par-tempête et la gouttière décrochée de la toiture, désordres qui ne sont plus évoqués et dont il convient d'en conclure qu'ils ont été repris.
En conséquence, M. [C] ne démontre pas le manquement à l'obligation de bonne foi allégué à l'encontre de la société.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, c'est à bon droit que le premier juge, considérant que M. [C] n'invoquait aucune contestation sérieuse l'a condamné à verser à l'intimée la somme de 4171,28 € à titre provisionnel.
M. [C] considère qu'il ne peut respecter les délais de paiement qui ont été octroyés par le premier juge, exposant être seul à travailler et avoir deux enfants à charge.
La SARL Demeures d'Occitanie oppose que M. [C] a bénéficié de délais de paiement depuis près de deux ans puisqu'aucune somme n'a été versée depuis le 7 septembre 2023 et que l'échéancier qui a été accordé par le premier juge n'a pas été respecté.
L'article 1343-5 du Code civil prévoit que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
En l'espèce, M. [C], n'a effectué aucun versement depuis plus d'un an, ne fait aucune proposition concrète et en tout état de cause n'a pas respecté l'échéancier imposé par le premier juge, malgré l'exécution provisoire qui lui en imposait le respect. En conséquence, il convient de rejeter sa demande.
L'équité commande de rejeter les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en appel.
M. [C] qui succombe gardera la charge des dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS:
La cour,
Statuant dans les limites de sa saisine:
Confirme la décision déférée sauf en ce qu'elle a octroyé à M. [V] [C] des délais de paiement,
Statuant à nouveau de ce chef:
Dit n'y avoir lieu à l'octroi de délais de paiement au bénéfice de M. [V] [C],
Rejette les demandes présentées par les parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en appel,
Condamne M. [V] [C] aux dépens d'appel.