CA Versailles, ch. com. 3-1, 29 janvier 2025, n° 23/05038
VERSAILLES
Arrêt
Autre
PARTIES
Demandeur :
Le Droit Pour Moi (SAS)
Défendeur :
Institut National de la Propriété Industrielle
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Dubois-Stevant
Conseillers :
Mme Gautron-Audic, Mme Meurant
Avocats :
Me Mze, Me Edeline, Me Mares
EXPOSE DES FAITS
La société Le Droit pour moi (anciennement société Qualeta) a pour activités principales l'exploitation de portails et de sites internet d'information du public, notamment en matière juridique, et la production de contenus destinés à être présentés au public. Elle propose des modules d' « e-learning », des vidéos pédagogiques et des vidéos sur mesure à destination des entreprises, des cabinets d'avocats et autres professionnels du droit.
Elle a déposé, le 14 octobre 2015, la demande d'enregistrement de la marque LE DROIT POUR MOI sous le n° 15/4217685 désignant les produits suivants :
« Classe 35 : Recueil de données dans un fichier central ; Gestion de fichiers informatiques et de bases de données informatisées ; Services d'abonnement à tous supports d'informations, de textes, de sons et/ou d'images ; Services d'abonnement à des journaux électroniques ; Services d'abonnement à des publications et des bases de données (pour des tiers) ; Services d'abonnement à un site internet donnant accès à une bibliothèque en ligne ; Service d'abonnement à une librairie en ligne ; Service de librairie électronique, à savoir : vente de livres, manuel d'enseignement, revues, guides, ouvrage, magazine, périodiques, journaux, publications, lettres d'actualité ; formulaires, modèles de documents ; services de revue de presse ; Diffusion d'annonces ; Diffusion d'annonces publicitaires ; Location d'espaces sur des sites web pour faire de la publicité de produits et services ; Publication de textes publicitaires ; publicité en ligne ; Recherches d'informations dans des fichiers informatiques pour des tiers ; Organisation de manifestations événementielles dans le domaine du droit ; Administration commerciale notamment par le biais d'Internet ; Travaux de bureau ; Aide à la direction des affaires ; Conseils en organisation et direction des affaires ; Services de conseils et d'informations commerciales en rapport avec la vente et la promotion de produits et services divers en lien avec le domaine du droit ; Consultation professionnelle d'affaires ; Conseil dans tous les domaines du marketing et du marketing interactif, de l'Internet et des autres médias numérique ; Classe 38 : Télécommunications ; Transmission de messages et d'images assistée par ordinateur ; Communication d'informations par ordinateur ; Communication par voie électronique ; Fourniture d'accès à des bases de données ; Fournisseur d'accès à des moteurs de recherches ; Fournisseurs d'accès à des forums internet ; Mise à disposition de forums en ligne ; Transfert et diffusion d'informations et de données par le biais de réseaux informatiques et d'internet ; Services informatiques fournissant des actualités et des informations en ligne en relation avec le droit ;
Classe 41 : Education ; Formation ; Activités culturelles ; Informations en matière d'éducation, formation, divertissement, activités culturelles ; Publication de livres ; Production de films sur bande vidéo ; Location d'enregistrement sonores ; Organisation de concours ; Organisation et conduite de colloques, forums, conférence, séminaires, salons et congrès à but professionnel ou non, à but culturels ou éducatifs ; Publication électronique de livres et de périodiques en ligne ; Services de bibliothèque électroniques pour la fourniture d'informations électroniques ; Services de reporters et de journalistes;
Classe 42 : Élaboration, conception, développement, installation, gestion informatique, maintenance, mise à jour de banques de données informatiques ; Conception installation, maintenance, mise à jour et développement de logiciels ; Location et mise à disposition de banques de données informatiques, de programmes informatiques, de logiciels ; Conversion de données d'un support physique vers un support électronique ;
Classe 45 : Services juridiques, y compris recherche, analyse, informations et conseils juridiques ; Fourniture d'un site internet contenant des informations juridiques ; Services de recherches juridiques; Services d'informations juridiques ; Mise à disposition d'expertises juridiques ; Fourniture d'informations relatives aux services juridiques ; Fourniture de bases de données interactives en ligne contenant des informations juridiques et des ressources juridiques. »
Par décision du 21 juin 2023 le directeur de l'INPI (l'INPI) a rejeté la demande d'enregistrement « LE DROIT POUR MOI » pour les services suivants : « éducation ; formation ; information en matière d'éducation, formation ; services juridiques, y compris recherche, analyse, informations et conseils juridiques ; fourniture d'un site internet contenant des informations juridiques ; services de recherches juridiques ; services d'informations juridiques ; mise à disposition d'expertises juridiques ; fourniture d'informations relatives aux services juridiques ; fourniture de bases de données interactives en ligne contenant des informations juridiques et des ressources juridiques ».
La marque a été enregistrée pour les autres services figurant dans la demande.
Par acte du 21 juillet 2023, la société Le Droit pour moi a formé un recours à l'encontre de cette décision et remis des conclusions au greffe le 13 octobre 2023 par RPVA.
Par dernières conclusions remises au greffe par RVPVA le 13 mai 2024, la société Le droit pour moi demande à la cour :
- de juger que la marque LE DROIT POUR MOI présente un caractère distinctif et non descriptif ;
- d'annuler la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté la demande d'enregistrement n°15/4217685 portant sur la dénomination « LE DROIT POUR MOI » pour les services suivants : « éducation ; formation ; information en matière d'éducation, formation ; services juridiques, y compris recherche, analyse, informations et conseils juridiques ; fourniture d'un site internet contenant des informations juridiques ; services de recherches juridiques ; services d'informations juridiques ; mise à disposition d'expertises juridiques ; fourniture d'informations relatives aux services juridiques ; fourniture de bases de données interactives en ligne contenant des informations juridiques et des ressources juridiques ».
Par observations reçues au greffe le 21 novembre 2023, l'INPI considère que la décision est fondée, le signe ne distinguant pas une origine commerciale des services mais apparaissant plus comme un slogan les vantant et étant, en outre, descriptif des services visés en en indiquant la nature, l'objet, l'adéquation aux besoins.
Par avis du 23 février 2024 le ministère public est d'avis que la cour rejette le recours, le signe verbal étant descriptif des services considérés et par conséquent non distinctif.
Le 29 novembre 2024, la société Le Droit pour moi a remis une note en délibéré, que la Cour a autorisée, exposant que la décision de changement de dénomination sociale a été prise lors de l'assemblée générale mixte des actionnaires du 20 juin 2023 et enregistrée au greffe du tribunal de commerce le 28 août 2023.
SUR CE,
Sur l'aptitude du signe à distinguer les services de ceux des concurrents
Selon l'article L. 712-7 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction en vigueur au jour du dépôt, « la demande d'enregistrement est rejetée (') si le signe ne peut constituer une marque par application des articles L. 711-1 et L. 711-2 (') ».
L'article L. 711-1 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction applicable en la cause, définit la marque comme « un signe servant à distinguer les produits ou services d'une personne physique ou morale de ceux d'autres personnes physiques ou morales ».
Pour être accueillie à l'enregistrement, une marque doit pouvoir remplir sa fonction essentielle, à savoir permettre d'identifier les produits ou services qu'elle désigne comme provenant d'une entreprise déterminée et ce, afin de les distinguer des produits ou services provenant d'autres entreprises. Ce caractère distinctif est apprécié en tenant compte des produits ou services pour lesquels l'enregistrement est demandé et de la perception qu'en a le public pertinent.
En l'espèce, le signe LE DROIT POUR MOI vise des services ayant trait à l'éducation, à la formation et aux services juridiques destinés selon la requérante à un public professionnel et averti dont l'attention est élevée.
Si les prestations que la société requérante propose à ce public la distinguent par leur nature de celles fournies par des entreprises concurrentes comme elle l'expose, l'expression LE DROIT POUR MOI n'est pas pour autant en elle-même distinctive en ce qu'elle ne permet pas au public concerné, même averti, d'identifier l'origine des services visés.
En reprenant le domaine dans lequel les services visés sont proposés, à savoir le domaine juridique, elle est dépourvue d'originalité.
Le rythme binaire de l'expression et de la rime entre DROIT et MOI, dont se prévaut la requérante, ne résulte pas d'une créativité de nature à la rendre distinctive. Il révèle au contraire que le signe LE DROIT POUR MOI relève, comme le soutient l'INPI, de la formule ou du slogan.
Cette expression, utilisée seule, sans autre signe ou marque, sera ainsi davantage perçue comme une formule ou un slogan visant à désigner et promouvoir les services en cause que comme le signe permettant d'identifier l'origine commerciale des services et ce, même par un public qui, constitué de professionnels du droit, serait doté d'un degré d'attention plus élevé que le grand public.
Sur le caractère descriptif du signe quant aux services visés :
L'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle précisait, dans sa rédaction en vigueur au jour du dépôt, que « sont dépourvus de caractère distinctif (') les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l'époque de la production du bien ou de la prestation de service ».
En l'espèce, l'expression LE DROIT POUR MOI est de nature à décrire l'objet ou la qualité des services en cause.
En effet, l'expression, au regard des services concernés, renvoie immédiatement à l'objet des services, à savoir les sujets d'ordre juridique, ou bien à la façon dont ils sont prodigués, à savoir de manière personnalisée, en tenant compte de la situation, des besoins particuliers du consommateur.
Elle signifie également que les services visés permettent au consommateur de s'approprier les règles de droit qui s'imposent à lui, comme la société requérante l'expose elle-même, ce qui est l'objet même d'un service d'éducation ou de formation ou d'un service d'informations juridiques, de mise à disposition d'expertises juridiques, de conseil.
Comme le souligne l'INPI, l'expression LE DROIT POUR MOI présente un rapport direct et concret avec les services visés.
Il ressort de tout ce qui précède que le signe LE DROIT POUR MOI n'étant pas apte à identifier l'origine commerciale des services visés et pouvant en outre désigner une caractéristique de ces derniers ne répond pas aux conditions de validité prescrites par le code de la propriété intellectuelle et ne peut dès lors être adopté comme marque pour désigner de tels services et ce, nonobstant le constat fait par la requérante que des marques apparaissant comparables aient pu précédemment faire l'objet d'un enregistrement, un tel constat n'étant pas de nature à lier l'INPI ou créer un droit au bénéfice de la requérante concernant sa propre demande d'enregistrement. La validité d'une marque s'appréciant au cas par cas, la décision de l'INPI qui doit être confirmée ne porte pas atteinte à la libre concurrence ni ne conduit à une inégalité de traitement.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant contradictoirement,
Déboute la société Le Droit pour moi de sa demande d'annulation de la décision du Directeur de l'INPI du 21 juin 2023 ayant rejeté la demande d'enregistrement n°15/4217685 portant sur la dénomination « LE DROIT POUR MOI » pour les services suivants : « éducation ; formation ; information en matière d'éducation, formation ; services juridiques, y compris recherche, analyse, informations et conseils juridiques ; fourniture d'un site internet contenant des informations juridiques ; services de recherches juridiques ; services d'informations juridiques ; mise à disposition d'expertises juridiques ; fourniture d'informations relatives aux services juridiques ; fourniture de bases de données interactives en ligne contenant des informations juridiques et des ressources juridiques ».
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.