CA Riom, ch. com., 22 janvier 2025, n° 24/00371
RIOM
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme DUBLED-VACHERON
Conseillers :
Mme NOIR, Mme BERGER
Avocats :
Me LACQUIT, Me FUZET
ARRET :
Prononcé publiquement le 22 Janvier 2025, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Par acte sous seing privé du 21 octobre 2014, la commune de [Localité 3] (Allier) a conclu un bail précaire avec M. [E] [U] et Mme [L] [U], portant sur la location d'un ensemble immobilier situé [Adresse 1] à [Localité 3], élevé sur caves d'une surface totale de 460 m2 comprenant un local commercial anciennement à usage de discothèque et un appartement.
L'article 5 du contrat de bail stipulait que les lieux devraient être exclusivement consacrés à l'exercice d'une activité de restauration et de débit de boissons et que les locataires auraient la jouissance des lieux pour leur habitation personnelle.
Le bail précaire a pris effet au 1er novembre 2014 pour se terminer le 31 mai 2015.
Par acte sous seing privé du 24 juin 2015, un contrat de bail commercial a été conclu entre les mêmes parties sur le même ensemble immobilier, prenant effet au 1er juin 2015 jusqu'au 31 mai 2024. Ce bail comportait la même clause de destination des lieux loués et prévoyait également la possibilité pour les preneurs d'adjoindre à l'activité prévue au bail des activités connexes ou complémentaires, sous réserve de faire connaître leur intention au bailleur par acte extrajudiciaire en indiquant les activités dont l'exercice était envisagé.
L'article 16-1 du bail stipulait également une promesse unilatérale de vente au profit des preneurs au plus tard à l'expiration du bail.
Par acte d'huissier du 13 mars 2019, la commune de [Localité 3] a mis en demeure les preneurs de cesser toutes les activités non autorisées par le bail (sous-location via la plate-forme Airbnb, activité d'assistante maternelle et de cours de sport et de gymnastique) et de respecter la clause de destination sous délai d'un mois. Cette sommation visait la clause résolutoire stipulée à l'article 15 du bail commercial.
Par acte d'huissier du 21 mai 2019, la commune de Saint-Pourçain-sur-Sioule a fait assigner les preneurs à bail devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Cusset, aux fins notamment de voir constater la résiliation de plein droit du bail à compter du 13 avril 2019.
Par ordonnance du 27 septembre 2019, le président du tribunal judiciaire de Cusset a déclaré l'action recevable mais s'est déclaré incompétent. La cour d'appel de Riom a confirmé cette ordonnance par un arrêt du 9 septembre 2020.
Par acte d'huissier du 4 décembre 2020, la commune de Saint-Pourçain-sur-Sioule a fait assigner M. [E] [U] et Mme [L] [U] devant le tribunal judiciaire de Cusset pour voir constater l'acquisition de la clause résolutoire depuis le 13 avril 2019, ordonner la résiliation du bail, condamner in solidum M. [E] [U] et Mme [L] [U] au paiement d'une indemnité d'occupation et ordonner l'expulsion de M. [E] [U] et Mme [L] [U] des lieux.
Le 2 avril 2021, le conseil de la commune de [Localité 3] a écrit au conseil de M. [E] [U] et Mme [L] [U] dans les termes suivants : '(...) Compte tenu de la volonté exprimée par vos clients de quitter les lieux et dans un but de clore définitivement le litige, la commune de [Localité 3] est disposée à indemniser les époux [U] à condition que ceux-ci quittent les lieux au plus tard le 15 avril prochain. En ce sens, l'état des lieux pourra être réalisé le 16 avril à 9h00.
La commune acceptera alors de se désister purement et simplement de l'action intentée à l'encontre des époux [U] devant le TJ de Vichy-Cusset pour l'audience de mise en état du 21 avril 2021 par la production de conclusions en ce sens.
Les époux [U] s'engageant de même à accepter purement et simplement ce désistement et à n'émettre aucune demande dans la procédure en cours ni à n'engager aucune action future, devant quelque juridiction, que ce soit, ayant un lien avec le contrat de location immobilière -bail commercial, signé le 24 juin 2015, qui expirera à l'occasion du présent accord transactionnel et rendra donc caduques toutes ses dispositions et notamment celles de l'article 16.
La Commune s'engage en contrepartie à verser une indemnisation à hauteur de 80 000 euros, montant auquel il convient de déduire la somme de 4 490,07 euros correspondant à la somme due, en termes de loyers et charges par vos clients à la date du 31 mars 2021 (cette somme prend bien en compte l'ajout de la somme non de 1 500 euros mais de 1 839,19 euros incluant les dépens mis à la charge de la commune par la CA de Riom : cf pièces justificatives jointes) : soit un total de 75 509,93 euros (à parfaire au besoin dérèglement de loyer aux charges étaient intervenus entre-temps bien entendu ce qui n'apparaît pas en trésorerie ce jour).
Concernant le dépôt de garantie versé par le client (4500 euros : cf pièces justificatives), l'article 9 du contrat trouvera parallèlement à s'appliquer, sauf si le montant des réparations devait dépasser le montant du dépôt de garantie, auquel cas le surplus serait déduit du montant de l'indemnisation déterminée ci-avant (...)'.
Par courrier 'officiel' adressé à leur conseil le 9 avril '2020", M. [E] [U] et Mme [L] [U] ont indiqué qu'ils donnaient leur accord à la proposition de la partie adverse de 'quitter les lieux pour le 16 avril à 9h00" et ils ont effectivement quitté les lieux le 16 avril 2021.
La commune a déposé des conclusions de désistement le 17 avril 2021 mais ce désistement n'a finalement pas été accepté par les époux [U].
En effet, entre temps et par courriel du 26 avril 2021, le conseil de la commune de [Localité 3] leur avait écrit pour les informer de ce que l'état des lieux du 16 avril avait révélé des dégâts graves évalués en première estimation à 32'000 euros soit un montant très supérieur à celui du dépôt de garantie et pour leur faire part de sa volonté de faire procéder rapidement à un chiffrage des réparations par un professionnel.
Suivant jugement du 29 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Cusset a notamment :
- rejeté la demande en désistement de la commune de [Localité 3] ;
- débouté celle-ci de sa demande en indemnisation ;
- débouté les consorts [U] de leur demande en indemnisation au titre des travaux réalisés ;
- débouté les consorts [U] de leur demande en indemnisation des loyers et impôts versés durant le bail ;
- débouté les consorts [U] de leur demande en indemnisation au titre de la mauvaise foi de la commune de [Localité 3] ;
- condamné la commune de [Localité 3] aux entiers dépens.
Ce jugement n'a pas été frappé d'appel.
Par acte d'huissier du 14 décembre 2022, les consorts [U] ont fait assigner à leur tour la commune de Saint-Pourçain-sur-Sioule devant le tribunal judiciaire de Cusset pour obtenir la condamnation de celle-ci à leur remettre les clés des locaux du bail commercial, à les laisser réintégrer les lieux sous astreinte et à leur payer la somme de 20.000 euros au titre de dommages et intérêts.
L'immeuble donné à bail a été démoli par la commune de [Localité 3] au mois de janvier 2023, en cours d'instance, de sorte que M. [E] [U] et Mme [L] [U] ont abandonné leurs demandes de remise des clés et de réintégration des lieux sous astreinte.
Par jugement du 9 février 2024, le tribunal judiciaire de Cusset a :
- débouté les consorts [U] de leur demande de condamnation de la commune de [Localité 3] à leur verser la somme de 100.000 euros ;
- débouté les consorts [U] de leur demande subsidiaire de condamnation de la commune de [Localité 3] à leur verser la somme de 80.000 euros ;
- débouté les consorts [U] de leur demande infiniment subsidiaire de condamnation de la commune de [Localité 3] à leur verser la somme de 48.000 euros ;
- débouté la commune de [Localité 3] de sa demande de condamnation des consorts [U] à leur verser la somme de 69.138 euros ;
- débouté les consorts [U] de leur demande au titre des dépens ;
- condamné in solidum les consorts [U] et la commune de [Localité 3] représentée par son maire en exercice aux dépens ;
- débouté la commune de [Localité 3] de sa demande au titre des dépens ;
- débouté les consorts [U] de leur demande au titre des frais irrépétibles ;
- débouté la commune de [Localité 3] de sa demande au titre des frais irrépétibles ;
- condamné la commune de [Localité 3] et les consorts [U] à supporter chacun les frais irrépétibles qu'ils ont engagés ;
- rappelé que le présent jugement en toutes ses dispositions est assorti de l'exécution provisoire.
A titre liminaire, le tribunal a constaté que le contrat litigieux a été conclu le 24 juin 2015 soit antérieurement au 1er octobre 2016 et que le litige était donc soumis aux anciennes dispositions du code civil relatives au droit des obligations (les articles 1137 et 1147 anciens du code civil).
Il a ensuite énoncé qu'il résultait des pièces versées aux débats que le contrat de bail était déjà résilié au jour de la destruction de l'immeuble puisque les clés des locaux avaient été remises par M. [E] [U] et Mme [L] [U] à un agent communal et qu'un état des lieux avait été organisé à l'initiative des locataires ayant volontairement quitté les lieux le 16 avril 2021.
Il a constaté que la demande d'indemnisation de M. [E] [U] et Mme [L] [U] était désormais le seul point en litige et a considéré que les preneurs ne rapportaient pas la preuve du préjudice allégué.
S'agissant de la demande subsidiaire de paiement d'une indemnité de 80'000 euros par application de l'accord initialement conclu, le jugement a relevé que M. [E] [U] et Mme [L] [U] concluaient eux-mêmes à la caducité de cet accord en raison de sa violation par la commune de [Localité 3] et que la somme demandée n'intégrait pas ' les conclusions de l'expertise réalisée par M. [W]' à la demande de la commune de [Localité 3].
S'agissant de la demande de paiement d'une somme de 48'000 euros formée à titre infiniment subsidiaire, le jugement a relevé que la preuve de l'existence d'un accord secondaire des parties n'était pas rapportée tant dans son principe que dans son montant.
Par déclaration du 5 mars 2024, enregistrée le 8 mars 2024, M. [E] [U] et Mme [L] [U] ont interjeté appel de cette décision.
Par conclusions déposées et notifiées le 31 mai 2024, M. [E] [U] et Mme [L] [U] demandent à la cour :
- de réformer le jugement rendu le 9 février 2024 par le tribunal judiciaire de Cusset ;
- statuant à nouveau, et à titre principal, de condamner la commune de [Localité 3] à leur payer la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
- à titre subsidiaire, de condamner la commune de [Localité 3] à leur payer la somme de 80.000 euros au titre de l'accord initial conclu entre les parties ;
- à titre infiniment subsidiaire, de condamner la commune de [Localité 3] à leur payer la somme de 48.000 euros au titre de l'accord secondaire invoquée par l'intimée ;
- en tout état de cause, de débouter la commune de [Localité 3] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- de condamner la commune de [Localité 3] à leur payer la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par conclusions déposées et notifiées le 16 juillet 2024, la commune de [Localité 3] demande à la cour :
- de confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Cusset du 9 février 2024 en ce qu'il a débouté les époux [U] de l'intégralité de leurs demandes ;
- de condamner solidairement les époux [U] à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- de condamner les époux [U] solidairement aux entiers dépens.
Il sera renvoyé pour l'exposé complet des demandes et moyens des parties, à leurs dernières conclusions.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 octobre 2024.
MOTIFS :
Sur les demandes de dommages-intérêts formées par M. [E] [U] et Mme [L] [U] :
Selon l'article 1147 du code civil, dans sa version antérieure à l'Ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 : 'Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part'.
Au soutien de leur demande principale de dommages et intérêts d'un montant de 100'000 euros, M. [E] [U] et Mme [L] [U] font valoir que la résiliation du bail commercial n'a jamais été prononcée puisque le jugement du 29 novembre 2021 du tribunal judiciaire de Cusset a jugé que le désistement de la commune de ses demandes de constat d'acquisition de la clause résolutoire, de résiliation du bail et l'expulsion des locaux loués n'était pas parfait.
Ils soutiennent que, de ce fait, la clause résolutoire n'a jamais joué et qu'ils restent titulaires du bail.
Ils soulignent également que la commune n'a jamais repris sa demande d'expulsion dans ses conclusions après désistement.
Ils considèrent que le jugement déféré a commis une erreur en considérant que la résiliation du bail était implicite du fait de la remise des clés à un agent communal et de l'existence d'un état des lieux de sortie puisqu'il n'existe pas juridiquement de résiliation tacite d'un bail.
Ils ajoutent que s'ils ont quitté spontanément et amiablement les lieux au mois d'avril 2021 c'est exclusivement en vertu d'un accord conclu avec la commune, accord devenu caduc en raison du non-respect par la commune de ses termes puisque la libération des lieux était la contrepartie du versement à leur profit d'une somme de 80'000 euros qui ne leur a jamais été payée.
Ils considèrent que de ce fait, ils étaient parfaitement fondés à réintégrer les lieux.
Ils font également valoir que la commune a procédé à la démolition du bâtiment au mois de janvier 2023 soit quelques jours après leur assignation aux fins de réintégration des lieux, dans le but d'y faire obstacle, ce qui caractérise un comportement malicieux de la part du bailleur et justifie l'octroi de dommages-intérêts particulièrement conséquents.
La commune de Saint-Pourçain-sur-Sioule s'oppose à la demande au motif que cette demande de dommages et intérêts se heurte à l'autorité de la chose jugée car le jugement du 29 novembre 2021 du tribunal judiciaire de Cusset a définitivement statué sur les demandes de dommages et intérêts au titre des travaux réalisés, au titre des loyers et impôts versés et au titre de la mauvaise foi de la commune.
Elle soutient que ce jugement a également considéré de façon très claire que la résiliation du bail était acquise puisque M. [E] [U] et Mme [L] [U] avaient spontanément remis les clés du local et quitté les lieux.
Elle indique qu'au regard de l'importance des détériorations causées par les travaux réalisés par M. [E] [U] et Mme [L] [U], telles qu'elles ressortent du rapport d'expertise de M. [W] chiffrant le total des réparations à 332'400 euros TTC, elle 'a dû faire le choix catégorique d'une démolition compte tenu de l'état de dégradation du local causé tant par les travaux réalisés sans autorisation par les consorts [U] et dans l'irrespect le plus total des règles de l'art que, osons l'affirmer, par une volonté farouche de détériorer le local avant sa restitution'. Elle précise qu'outre le montant très important du coût de remise en état des locaux, elle n'a pas voulu assumer le risque de laisser quiconque pénétrer dans les lieux ainsi détériorés et rendus dangereux.
Elle précise que la décision de démolition a été prise bien avant la délivrance de l'assignation par les époux [U] et que cette décision n'a été mise en œuvre qu'après la passation des marchés publics.
Il résulte des conclusions de M. [E] [U] et Mme [L] [U] que leur demande de dommages et intérêts présentée à hauteur de 100'000 euros est fondée sur l'attitude malicieuse reprochée à la commune consistant à avoir démoli le bâtiment loué dans le but de faire obstacle à la demande de réintégration présentée par voie d'assignation le 14 décembre 2022.
Contrairement à ce que soutient la commune de [Localité 3], le jugement du 29 novembre 2021 n'a pas déjà tranché cette demande dans la mesure où la démolition de l'immeuble servant de fondement à la demande a été réalisée postérieurement à ce jugement.
En effet, selon l'article 1355 du code civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement et il faut que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause et que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.
Aucune autorité de chose jugée n'est donc opposable à la demande de dommages et intérêts formée par M. [E] [U] et Mme [L] [U] à titre principal.
S'agissant de l'attitude malicieuse reprochée à la commune de [Localité 3], la résiliation du bail n'a jamais été prononcée par le jugement du 29 novembre 2021 puisque la commune n'a pas repris cette demande dans ses dernières conclusions.
En revanche, il ressort du procès-verbal d'état des lieux de sortie dressé le 16 avril 2021 par Maître [V], commissaire de justice, que M. [E] [U] et Mme [L] [U] ont quitté les lieux et ont remis les clés au directeur des services de la mairie de [Localité 3] à cette date.
Cependant, il résulte également des mentions de ce procès-verbal (page 1) que les preneurs ont accepté de quitter les lieux en raison 'de leur départ négocié des lieux loués'.
Leur départ était donc conditionné à l'accord conclu avec la commune de [Localité 3] sur la résiliation du bail, aux termes duquel M. [E] [U] et Mme [L] [U] devaient quitter les lieux au plus tard le 15 avril 2021 avec un état des lieux au 16 avril 2021 et une acceptation du désistement d'instance de la commune, en contrepartie du paiement d'une indemnité de 80 000 euros sous déduction des loyers et charges dus au 31 mars 2021 (4 490,07 euros), des condamnations prononcées par l'arrêt du 9 septembre 2020 au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens ainsi que du coût des travaux de réparations imputables aux locataires s'ils dépassaient le montant du dépôt de garantie de 4 500 euros.
Or, il est constant que cet accord n'a pas été respecté par les parties, la commune de [Localité 3] ayant fait valoir par courriel du 26 avril 2021, soit 10 jours après le départ des lieux de M. [E] [U] et Mme [L] [U], l'existence de 'dégâts graves qui ont fait l'objet d'une première estimation par un agent de la commune à hauteur de 32'000 euros' et M. [E] [U] et Mme [L] [U] ayant refusé en réponse d'accepter le désistement d'instance de la commune de [Localité 3].
Contrairement à ce qu'a retenu le jugement déféré, il résulte de ces éléments qu'aucune résiliation du bail n'était donc intervenue au jour de la destruction de l'immeuble par la commune de [Localité 3].
Cette destruction, dont la commune justifie par la production du permis de démolir (pièce 18) qu'elle a été décidée avant le 25 février 2022, revêt néanmoins un caractère fautif dans la mesure où elle a été mise en oeuvre alors que la commune de [Localité 3] avait connaissance depuis le 14 décembre 2022 de la demande de réintégration et de remise des clés de l'immeuble loué par M. [E] [U] et Mme [L] [U] et qu'elle ne rapporte aucune preuve de l'obligation de procéder à cette démolition sans attendre l'issue de l'instance.
En effet, le rapport d'expertise de M. [W] du 4 mai 2021 produit par la commune ne revêt aucun caractère contradictoire et s'avère insuffisamment précis sur l'origine et l'étendue des malfaçons, sur les règles de l'art non respectées ou encore sur l'évaluation des travaux de remise en état chiffrés par l'expert à 332 400 euros - hors honoraires et retrait des matériaux amiantés - sans aucun devis et sur la seule base de son expérience d'architecte.
La cour relève en outre que la décision de procéder à la démolition de l'immeuble a été prise avant le dépôt de ce rapport, alors que les travaux de remise en état étaient chiffrés par la commune à la somme de 32 000 euros, soit un montant bien moins élevé que les frais de démolition exposés (69 138 euros TTC) de sorte que l'argument économique également invoqué par la commune de [Localité 3] n'est pas fondé.
Cette démolition fautive de l'immeuble loué sans résiliation préalable du bail caractérise un manquement de la commune de [Localité 3] à l'obligation de mise à la disposition du local loué stipulée à l'article 2 du bail.
Cependant, M. [E] [U] et Mme [L] [U] ne précisent et ne justifient pas de l'existence du préjudice de 100 000 euros qu'ils allèguent, en lien avec la faute commise par la commune de [Localité 3], de sorte que cette demande indemnitaire formée à titre principal sera rejetée.
S'agissant de la demande subsidiaire de 80 000 euros de dommages et intérêts au titre des travaux réalisés par les preneurs dans les locaux loués, présentée sur le fondement de l'accord initial conclu entre les parties, le jugement déféré a justement relevé que cette demande était contradictoire avec le moyen tiré de la caducité de cet accord invoqué par M. [E] [U] et Mme [L] [U] pour démontrer l'absence de résiliation du bail. De plus, la commune fait justement valoir que cette demande d'indemnisation a été définitivement rejetée par le jugement du 29 novembre 2021 et se heurte donc à l'autorité de la chose jugée.
La commune de [Localité 3] fait également valoir à juste titre qu'il n'existe aucun accord secondaire conclu entre les parties sur une indemnisation à hauteur de 32 000 euros des travaux réalisés par les locataires et qu'en toute hypothèse, cette demande de dommages et intérêts se heurte également à l'autorité de la chose jugée.
En conséquence et en l'absence de preuve des préjudices subis par M. [E] [U] et Mme [L] [U], consécutifs à la faute commise par la commune de [Localité 3], la cour, confirmant le jugement de ces chefs, rejette les demandes de dommages et intérêts formées par M. [E] [U] et Mme [L] [U] à hauteur de 100 000 euros, 80 000 euros et 48 000 euros, respectivement à titre principal, à titre subsidiaire et à titre infiniment subsidiaire.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Chacune des parties conservera la charge de ses dépens.
L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement entrepris SAUF en ce qu'il a condamné M. [E] [U] et Mme [L] [U] et la commune de [Localité 3] in solidum aux dépens ;
Statuant à nouveau sur ce chef et y ajoutant :
Dit que M. [E] [U], Mme [L] [U] d'une part et la commune de [Localité 3] d'autre part supporteront chacun la charge de leurs dépens de première instance et d'appel ;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en appel.