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Décisions

CA Toulouse, 3e ch., 5 février 2025, n° 23/04443

TOULOUSE

Arrêt

Autre

CA Toulouse n° 23/04443

5 février 2025

05/02/2025

ARRÊT N° 85/2025

N° RG 24/00166 - N° Portalis DBVI-V-B7I-P6CD ET

N° 23/4443- N° Portalis

DBVI-V-B7H-P4WR

SG/KM

Décision déférée du 23 Novembre 2023

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Toulouse

( 23/01784)

J.POUYANNE

[J] [X]

[D] [M]

C/

S.A.S. KEREIS FRANCE

S.A. BPCE VIE

JONCTION RG 23/4443 ET 24/166

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

3ème chambre

***

ARRÊT DU CINQ FEVRIER DEUX MILLE VINGT CINQ

***

APPELANTS

Monsieur [J] [X]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Karine GISTAIN-LORDAT, avocat au barreau de TOULOUSE

Madame [D] [M]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Karine GISTAIN-LORDAT, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEES

S.A.S. KEREIS FRANCE poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Elisabeth LAJARTHE de la SELARL DBA, avocat POSTULANT au barreau de TOULOUSE et par par Me Olivia RISPAL CHATELLE de la SCP SCP LDGR, avocat plaidant au barreau de PARIS

S.A. BPCE VIE poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentée par Me Elisabeth LAJARTHE de la SELARL DBA, avocat POSTULANT au barreau de TOULOUSE et par par Me Olivia RISPAL CHATELLE de la SCP SCP LDGR, avocat plaidant au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Novembre 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant S. GAUMET, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

E. VET,conseiller faisant fonction de président

P. BALISTA, conseiller

S. GAUMET, conseiller

Greffier, lors des débats : K. MOKHTARI

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par E. VET, président, et par K. MOKHTARI, greffier de chambre

FAITS

En date du 3 octobre 2015, Mme [D] [M] épouse [X] et M. [J] [X] ont contracté un prêt immobilier auprès de la Banque Populaire. Par l'intermédiaire de la société de courtage CBP France désormais dénommée SA Kereis France, les emprunteurs ont souscrit auprès de la SA BPCE Vie une assurance contre les risques de décès, perte totale et irréversible d'autonomie et incapacité de travail.

A compter du 15 mai 2018, M. [J] [X], qui exerçait la profession d'enseignant, a été en arrêt de travail, il a bénéficié du maintien de son salaire pendant 3 ans et il a été placé en congé de longue durée à demi traitement à partir du 15 mai 2021.

Entre mars et juillet 2021, un diagnostic de maladie d'Alzheimer a été posé, M. [X] souffrant d'une maladie neuro-dégénérative avec altération du fonctionnement cognitif, d'une perte de la mémoire et des repères patio-temporel, d'insomnie et d'anxiété.

Les époux [X] ont déposé un dossier auprès de la société CBP afin de solliciter l'application de la garantie en raison de l'incapacité de travail de M. [X]. L'assureur a fait diligenter une expertise médicale. Par courrier du 26 novembre 2021, indiquant que le comité médical de l'assureur était en possession du rapport établi suite à l'examen de M. [X] en date du 11 octobre 2021, la société CPB a fait savoir aux emprunteurs que le médecin expert ayant retenu un taux d'incapacité professionnelle de 100%, un taux d'incapacité fonctionnelle de 50%, le degré d'invalidité était de 63%, soit au-dessous du seuil contractuel de 66%, ce qui entraînait la cessation du versement des prestations à compter du 11 octobre 2021.

À compter du 20 décembre 2022, M. [X] a été hospitalisé dans un service spécialisé dans la maladie d'Alzheimer à l'Hôpital [8] de [Localité 10]. Le 21 février 2023, il a été admis à l'EHPAD la Thésauque de [Localité 9], en service protégé.

Par jugement rendu le 19 octobre 2023, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Muret a habilité de manière générale pour une durée de 10 ans Mme [M] à représenter M. [X] pour tous les actes relatifs à ses biens, notamment d'administration de ses comptes bancaires et paiement des dépenses habituelles et à sa personne.

PROCÉDURE

Par acte en date du 28 septembre 2023 et du 6 octobre 2023, Mme [D] [M] et M. [J] [X] ont fait assigner la SA BPCE et la SAS Kereis France devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Toulouse sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile aux fins de voir :

- ordonner une expertise sur pièces et commettre, pour y procéder, tel médecin expert neurologue, qui pourra avoir pour mission de :

* se faire communiquer par les parties tous documents médicaux utiles à l'accomplissement de sa mission sans que puisse lui être opposé le secret médical,

* relater l'histoire médicale détaillée de la maladie faisant l'objet du sinistre ainsi que leurs suites et leurs conséquences et les dates des :

** premiers signes fonctionnels,

** première consultation médicale et première consultation spécialisée,

** premiers examens complémentaires, traitement, nature et résultat,

** hospitalisations et arrêts de travail en rapport,

- après avoir pris connaissance de la définition de la 'garantie incapacité de travail (article 9 - Notice N°0101-01/2013) :

* déterminer le taux d'incapacité professionnelle de M. [J] [X] à la date de la première expertise, soit au 11 octobre 2021,

* déterminer le taux d'incapacité fonctionnelle de M. [J] [X] à la date de la première expertise, soit au 11 octobre 2021,

* déterminer le taux d'incapacité professionnelle actuel de M. [J] [X],

* déterminer le taux d'incapacité fonctionnelle actuel de M. [J] [X],

- après avoir pris connaissance des conditions de la 'garantie perte totale et irréversible d'autonomie' (article 8- notice N0101-01/2013) à savoir ' l'assuré peut bénéficier de la garantie perte totale et irréversible d'autonomie si par suite d'accident ou de maladie il réunit les conditions suivantes : être reconnu, par le médecin conseil de l'assureur, dans l'incapacité totale et définitive de se livrer au moindre travail procurant gain ou profit, ni à la moindre occupation , être dans l'obligation d'avoir recours à l'assistance d'une tierce personne pour effectuer les actes ordinaires de la vie' : dire si l'état de santé de M. [J] [X] correspond à celui d'une perte totale et irréversible d'autonomie au sens contractuel, et pour quels motifs,

* dans l'affirmative, préciser depuis quelle date;

* dire que si l'expert pourra entendre tout en sachant et pourra s'adjoindre l'assistance de tout spécialiste de son choix,

* réserver les dépens.

Par ordonnance en date du 23 novembre 2023, le juge des référés a :

- ordonné une expertise,

- commis en qualité d'expert : Mme [T] [O] épouse [Z] et en cas d'indisponibilité M. [R] [Y], avec pour mission de :

1/ se faire communiquer par les parties ou leurs conseils :

* les renseignements d'identité du patient, M. [J] [X],

* tous les documents médicaux relatifs à son état de santé depuis le 15 mai 2018,

1/ procéder à un examen clinique détaillé au domicile du patient permettant :

* de décrire les déficits neuro-moteurs sensoriels, orthopédiques et leur répercussion sur les actes et gestes de la vie quotidienne, en posant un diagnostic sur la maladie dont souffre le patient,

* d'analyser en détail les troubles des fonctions intellectuelles, affectives et du comportement, et leur incidence sur les facultés d'insertion sociale,

2/ déficit fonctionnel permanent,

* indiquer si le patient subit un déficit fonctionnel permanent, évaluer l'altération permanente d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentale ou psychique en en chiffrant le taux;

* dire si des douleurs permanentes (c'est à dire chronique) existent et comment elles ont été prises en compte dans le taux retenu. Au cas où elles ne l'auraient pas été compte tenu du barème médico-légal utilisé, majorer ledit taux en considération de l'impact de ces douleurs sur les fonctions physiologiques, sensorielles, mentales et psychiques de la victime,

* décrire les conséquences de ces altérations permanentes et de ces douleurs sur la qualité de vie du patient,

3/ assistance par tierce personne : indiquer le cas échéant si l'assistance ou la présence constante ou occasionnelle d'une aide humaine (étrangère ou non à la famille) a été ou est nécessaire pour accomplir les actes de la vie quotidienne, décrire précisément les besoins en tierce personne, préciser la nature de l'aide à prodiguer et sa durée quotidienne,

3/ dépenses de santé futures : décrire les soins futurs et les aides techniques compensatoire au handicap de la victime (prothèses appareillages spécifiques, véhicule) en précisant la fréquence de leur renouvellement,

4/ frais de logement et/ou véhicule adapté : donner son avis d'éventuels aménagements nécessaire pour permettre le cas échéant, à la victime d'adapter son logement et/ou son véhicule à son handicap,

5/ pertes de gains professionnels futurs : indiquer si le déificit fonctionnel permanent entraîne l'obligation de la victime de cesser totalement ou partiellement son activité professionnelle, d'adapter celle-ci ou de changer d'activité professionnelle,

6/ incidence professionnelle indiquer si le permanent entraîne d'autres répercussions sur son activité professionnelle actuelle ou future (obligation de formation pour un reclassement professionnel, pénibilité accrue de son activité, 'dévalorisation' sur le marché du travail),

7/ souffrances endurées : décrire les souffrances physiques, psychiques ou morales; les évaluer distinctement dans une échélle de 1 à 7,

8/ préjudice esthétique temporaire et définitif : décrire et donner un avis sur l'existence, la nature et l'importance du préjudice esthétique en distinguant éventuellement le préjudice temporaire et définitif. Evaluer distinctement les préjudices temporaires et définitifs de 1 à 7,

9/ préjudice sexuel : indiquer s'il a existé ou s'il existera un préjudice (atteinte organique ou fonctionnelle, perte ou diminution de libido, perte de plaisir, perte de fertilité ou autres troubles...),

10/ préjudice d'établissement : dire si la victime subit une perte d'espoir ou de chance de normalement réaliser un projet de vie familiale,

11/ préjudice d'agrément : indiquer si la victime est empêchée en tout ou partie de se livrer à des activités spécifiques de sport ou de loisir;

12/ dire si l'état de la victime est susceptibles de modifications en aggravation,

13/ établir une synthèse de l'ensemble des postes énumèrés dans la mission en repondant aux deux séries de questions suivantes :

1ère série de questions :

* dire si le patient est dans l'incapacité totale et dénitive de se livrer au moindre travail procurant gain ou profit, ni à la moindre occupation,

* dire si le patient est dans l'obligation d'avoir recours à l'assistance d'une tierce personne pour effectuer les actes ordinaires de la vie,

2ème série de questions :

* dire que si le patient est dans l'impossibilité absolue d'exercer son activité professionnelle même partiellement,

* fixer un taux d'incapacité sous forme de taux d'incapacité fonctionnelle et de taux d'incapacité professionnelle,

Etant précisé que le taux d'incapacité fonctionelle doit être apprécié en dehors de tout considération professionnelle en tenant compte uniquement de la diminution de l'incapacité physique ou mental de l'assuré suite à sa maladie, par référence aux barème d'évaluation des taux d'incapacité en droit commun,

et que le taux d'incapacité professionnelle doit être apprécié en fonction du degré et de la nature de l'incapacité de l'assuré par rapport à sa profession, en tenant compte de la capacité de l'assuré à l'exercer antérieurement à la maladie, des conditions d'exercice normale de sa profession et de ses possibilités d'exercice restantes, sans considération des possibilités de reclassement dans une profession différentes,

modalités techniques impératives :

avis aux parties :

- disons que Mme [D] [M] et M. [J] [X] devront consigner au greffe du tribunal, une somme de mille quatre cents euros (1 400 euros), par hèque libellé à l'ordre du régisseur d'avances du tribunal judiciaire de Toulouse, dans le mois de la notification de l'avis d'appel de consignation faite par le greffe, sous peine de de caducité de la présente désignation conformément à l'article 271 du code de procédure civile. Il est rappelé que l'avance des frais ne préjuge pas de la charge finale du coût de l'expertise qui peut incomber à l'une ou l'autre des parties en la cause. Ce chèque sera adressé, avec les références du dossier N°RG 23/0784 - N° Portalis DBX-W-B7H-SITF au greffe du tribunal judiciaire de Toulouse, service des référés,

et enjoignons,

- au demandeur ou son conseil de fournir immédiatement à l'expert toutes pièces médicales ou para-médicales utiles l'accomplissement de la mission, en particulier les certificat médicaux, prescriptions médicales, certificats de consolidation, documents d'imagerie médicale, compte-rendus opératoires et d'examen, y compris bilan neuro-psychologiques (si existants) expertises...,

- aux défendeurs ou leurs conseils de fournir aussitôt que possible et au plus tard 8 jours avant la première réunion, les documents, renseignements, réclamations indispensables au bon déroulement des opérations, l'exclusion de documents médicaux protégés par le secret professionnel et relatif au(x) demandeur(s) sauf établir leur origine et l'accord du demandeur sur leur divulgation,

- disons qu'à défaut d'obtenir la remise des pièces qui lui sont nécessaires, l'expert pourra être autorisé par le juge chargé du contrôle des expertises à déposer son rapport en l'état,

- disons que l'expert pourra se faire communiquer directement avec l'accord de la victime ou de ses ayant- droits, par tous tiers : médecins, personnels para-médicaux, établissements hospitaliers et de soins, par toutes pièces médicales qui ne lui auraient pas été transmises par les parties et dont la production lui paraîtra nécessaire,

avis l'expert,

rappelons à l'expert qu'il doit, dès sa saisine,

- adresser au greffe de la juridiction l'acceptation de sa mission et un engagement d'impartialité, et que tout refus ou tout motif d'empêchement devra faire l'objet d'un courrier circonstancié adressé dans les huit jours de sa saisine; étant précisé que si le magistrat chargé des expertises accepte sa position, l'expert sera remplacé par simple ordonnance et que dans tous les cas, la demande de décharge est communiquée au magistrat du parquet suivi de la liste des experts,

- vérifier le contenu de sa missione et la qualité des parties et des intervenants aux opérations ainsi que la nécessité de provoquer éventuellement la mise en cause d'autres acteurs, la diligence des parties sous le contrôle, le cas échéant, du magistrat chargé de la surveillance des expertises, ce magistrat devant notamment être informé de toutes difficultés affectant le bon déroulement de la mesure et pouvant accorder, à titre exceptionnel, toute prorogation du délai imparti sur demande motivée de l'expert, le magistrat pouvant être saisi de toute demande particulière conditionnant, au niveau matériel ou financier, la poursuite de l'expertise,

-établir l'issu de la premières réunion, s'il l'estime utile, une fiche récapitulative établie en la forme simplifiée, en vue d'assurer un déroulement efficace de ses opérations, adressée au juge chargé de la surveillance des expertises,

- préciser sans délai aux parties le calendrier de ses opérations, le coût prévisible de sa mission sous réserve de l'évolution de celle-ci et de la décision finale du juge taxateur. Il devra au fur et à mesure de sa mission solliciter les provisions nécessaires afin qu'elles soient le plus proche possible du coût final.

- demandons à l'expert de s'adresser à la boîte structurelle de la juridiction dédiée à l'expertise ([Courriel 7]),

- disons que l'expert s'assurera, à chaque réunion d'expertise, de la communication aux parties des pièces qui lui sont remises dans un délai permettant leur étude, conformément au principe de la contradiction; que les documents d'imagerie médicale pertinents seront analysés de façon contradictoire lors des réunions d'expertise;

- que les pièces seront numérotées en continu et accompagnées d'un bordereau récapitulatif,

- disons que l'expert devra procéder dans le respect absolu du principe du contradictoire, établir un inventaire des pièces produites entre des mains ainsi que des documents utilisés dans le cadre de sa mission et repondre aux dires que les parties lui communiqueront en cours d'expertise ou avant le dépôt du rapport final, dans le cadre du pré-rapport qu'il établira de façon systématique, éventuellement en la forme dématérialisée pour éviter un surcoût, en rappelant aux parties qu'elles sont irrecevables à faire valoir des observations au delà du délai fixé,

- disons que l'expert devra convoquer toutes les parties par lettre recommandée avec accusé de réception et leur avocat par lettre simple, les avisant de la faculté qu'elles ont de se faire assister par le médecin-conseil de leur choix,

- rappelons que, selon les dispositions de l'article 276 du code de procédure civile : 'lorsque l'expert a fixé aux parties un délai pour reformuler leurs observations ou réclamations, il n'est pas tenu de prendre en compte celles qui auraient été fites après l'expiration de ce délai, à moins qu'il n'existe une cause grave et dûment justifiée, auquel cas, il en fait rapport au juge; lorsqu'elles sont écrites, les dernières observations ou réclamations des parties doivent rappeler sommairement le contenu de celles qu'elles ont présentées antérieurement, à défaut, elles sont réputées abandonnées par les parties; l'expert devant faire mention, dans son avis, de la suite donnée aux observations ou réclamations présentées',

- disons que l'expert procédera à l'examen clinique, en assurant la protection de l'intimité de la vie privée de la personne examinée et le secret médical pour des constatations étrangères à l'expertise et qu'à l'issue de cet examen, en application du principe du contradictoire, il informera les parties et leurs conseils de façon circonstanciée de ses constatations et de leurs conséquences,

- disons qu'à l'issue de ses opérations, l'expert organisera une réunion de clôture au cours de laquelle il informera les parties du résultat de ses investigations et recueillera leurs ultimes observations le tout devant être consigné dans son rapport, l'expert pouvant toutefois substituer à cette réunion, l'envoi d'un pré-rapport en impartissant un délai aux parties qui en pourra être inférieur à 15 jours, pour présenter leurs observations,

- fixons à l'expert un délai de 6 mois maximum à compter de sa saisine pour déposer son rapport accompagné de toutes les pièces complémentaires, sauf propagation accordée par le juge chargé du contrôle des expertises,

- autorisons l'expert, en vertu de l'article 278 du code de procédure civile, à s'adjoindre de tout technicien ou homme de l'art, distinct de sa spécialité,

- dans le but de limiter les frais d'expertise, invitons les parties, pour leurs échanges contradictoires avec l'expert et la communication des documents nécessaires à la réalisation de la mesure à utiliser la voie dématérialisée via l'outil OPALEXE. Cette utilisation se fera dans le cadre déterminé par le site web : http://www.certeurope.fr et sous réserve de l'accord exprès et préalable de l'ensemble des parties,

- invitons les parties le demandeur à communiquer sans délai à l'expert une version numérisée de son assignation,

- déboutons Mme [D] [M] et M. [J] [X] de leur demande d'expertise sur dossier médical,

- laissé les dépens à la charge de Mme [D] [M] et de M. [J] [X],

- réservé toutes demandes annexes relatives à l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration en date du 21 décembre 2023 et déclaration rectificative du 15 janvier 2024, M. et Mme [X] ont relevé appel de la décision en en critiquant l'ensemble des dispositions.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Mme [D] [M] épouse [X] et M. [J] [X] dans leurs dernières conclusions en date du 20 février 2024 demandent à la cour de :

rejetant toutes conclusions contraires comme injustes ou mal fondées,

- procéder à la jonction des procédures enrôlées sous les numéros 23/04443 et 24/00166,

- réformer l'ordonnance rendue par le tribunal judiciaire de Toulouse en date du 23 novembre 2023, sauf en ce qu'elle a ordonné l'expertise, et commis pour y procéder Mme [T] [O], ou en cas d'indisponibilité M. [R] [Y],

statuant à nouveau,

- juger que l'expertise médicale se déroulera intégralement sur pièces, sur la base du dossier médical complet de M. [J] [X],

- juger que la mission de l'expert désigné sera la suivante :

* se faire communiquer tous documents médicaux utiles à l'accomplissement de sa mission sans que puisse lui être opposé le secret médical,

* relater l'histoire médicale détaillée de la maladie faisant l'objet du sinistre ainsi que leurs suites et conséquences et les dates des :

** premiers signes fonctionnels,

** première consultation médicale et première consultation spécialisée,

** premiers examens complémentaires,

** traitement, nature et résultats,

** hospitalisations et arrêts de travail en rapport,

* après avoir pris connaissance de la définition de la 'garantie incapacité de travail' (article 9 - notice N0101 - 01/2013),

** déterminer le taux d'incapacité professionnelle de M. [J] [X] à la date de la première expertise, soit au 11 octobre 2021,

** déterminer le taux d'incapacité fonctionnelle de M. [J] [X] à la date de la première expertise, soit au 11 octobre 2021,

** déterminer le taux d'incapacité professionnelle actuel de M. [J] [X],

** déterminer le taux d'incapacité fonctionnelle actuel de M. [J] [X],

* après avoir pris connaissance des conditions de la 'garantie perte totale et irréversible d'autonomie' (article 8 - notice N0101-01/2013) à savoir : 'L'assuré peut bénéficier de la garantie perte totale et irréversible à la date d'effet de la garantie et avant son 65ème anniversaire, il réunit les conditions suivantes : être reconnu, par le médecin conseil de l'assureur, dans l'incapacité totale et définitive de se livrer au moindre travail procurant gain ou profit, ni à la moindre occupation, être dans l'obligation d'avoir recours à l'assistance d'une tierce personne pour effectuer les actes ordinaires de la vie',

** dire si l'état de santé de M. [J] [X] correspond à celui d'une personne en perte totale et irréversible d'autonomie au sens contractuel, et pour quels motifs,

** dans l'affirmative, préciser à quelle date,

* dire que l'expert pourra entendre tout sachant et pourra s'adjoindre de l'assistance de tout spécialiste de son choix,

- réserver les dépens,

La SA BCPE Vie et la SAS Kereis France dans leurs dernières conclusions en date du 08 février 2024 demandent à la cour au visa de l'article 145 du code de procédure civile et de l'article 1103 du code civil, de :

statuant sur l'appel incident de la SA BPCE Vie,

- infirmer l'ordonnance de référé rendue par le tribunal judiciaire de Toulouse le 23 novembre 2023 en ce qu'elle a imparti à l'expert une mission de droit commun aux points 1 à 12,

- lui impartir en lieu et place la mission suivante :

1/ se faire remettre tous documents médicaux et contractuels détenus par les divers sachants,

2/ définir la nature de l'affection ayant nécessité l'arrêt de travail du 15 mai 2018,

3/ relater l'histoire médicale détaillée de l'affection faisant l'objet du sinistre ainsi que ses suites et conséquences et les dates des :

* premiers signes fonctionnels,

* première consultation médicale et première consultation spécialisée;

* premiers examens complémentaires,

* traitements, nature, et résultats,

* hospitalisations et arrêt de travail en rapport.

4/ l'affection est-elle en rapport avec un état pathologique préexistant à la date du contrat '

5/ procéder à l'examen de M. [J] [X] et en faire le compte-rendu,

6/ après avoirs pris connaissance de la définition contractuelle de l'incapacité de travail figurant dans la notice d'information du contrat n°0101,

- dire si M. [J] [X] est consolidé et, en tout état de cause, au plus tard trois ans après le début de son incapacité de travail,

* fixer le taux d'incapacité fonctionnelle,

* fixer le taux d'incapacité professionnelle,

7/ dire que l'expert pourra entendre tout en sachant et s'adjoindre l'assistance de tout spécialiste de son choix,

8 dire que l'expert dressera un pré-rapport de ses opérations et l'adressera aux parties pour leur permettre de faire valoir leurs observations,

9/ dire que le secret médical ne saurait être opposé à l'expert par les divers sachants,

- confirmer l'ordonnance sur le surplus,

- dire n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeter toutes autres demandes plus amples ou contraires.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 octobre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Sur la jonction des instances

L'article 367 al. 1er du code de procédure civile dispose que le juge peut, à la demande des parties ou d'office, ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s'il existe entre les litiges un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble.

En l'espèce, dans la mesure où les instances résultent d'une déclaration d'appel suivie d'une déclaration rectificative formées par les époux [X], il est de bonne administration de la justice de faire droit à leur demande de jonction des instances N° RG 23-4443 et 24-166.

2. Sur la mission de l'expert

L'article 232 du code de procédure civile prévoit que le juge peut commettre toute personne de son choix pour l'éclairer par des constatations, par une consultation ou par une expertise sur une question de fait qui requiert les lumières d'un technicien.

Il est constant que la mission de l'expert est destinée à éclairer le tribunal éventuellement saisi au fond dans le cadre du procès susceptible de se tenir devant lui, de sorte que, si elle ne peut consister en une interprétation des clauses d'un contrat qui n'appartient qu'au juge, le libellé de la mission doit permettre à la juridiction du fond de trancher les points sur lesquels les parties sont contraires.

En l'espèce, la saisine de la cour porte sur trois points de la mission confiée à l'expert en première instance, à savoir les postes qu'il doit évaluer, les conditions matérielles de l'expertise et enfin les conditions du secret médical.

Les postes à évaluer

C'est à juste titre que toutes les parties soutiennent que la mission confiée à l'expert n'est pas adaptée aux faits de l'espèce, dans la mesure où il a été demandé à l'expert d'évaluer les divers postes de préjudices susceptibles de résulter d'un dommage corporel, alors que le potentiel litige entre les parties, qui est de nature contractuelle, est circonscrit à la couverture du contrat.

Concernant la perte totale et irréversible d'autonomie les garanties contractuelles s'appliquent lorsqu'avant son 65ème anniversaire, l'assuré réunit les conditions suivantes :

- être reconnu, par le Médecin conseil de l'assureur, dans l'incapacité totale et définitive de se livrer au moindre travail procurant gain ou profit, ni à la moindre occupation,

- être dans l'obligation d'avoir recours à l'assistance d'une tierce personne pour effectuer les actes ordinaires de la vie,

- s'il est salarié, être classé par la Sécurité sociale parmi les invalides de 3ème catégorie, ou être reconnu atteint par cet organisme d'une incapacité d'un taux égal à 100% en cas d'accident du travail et bénéficier de la majoration pour l'assistance d'une tierce personne.

Dans le cadre de la garantie de l'incapacité de travail, l'incapacité égale ou supérieure à 66% est couverte :

- lorsqu'elle est fonctionnelle, en tenant compte uniquement de l'incapacité physique ou mentale de l'assuré, suite à son accident ou à sa maladie, par référence au barème des taux d'incapacité en droit commun (édition du concours médical la plus récente au jour de l'expertise),

- lorsqu'elle est professionnelle, son taux étant apprécié en fonction du degré et de la nature de l'incapacité de l'assuré par rapport à sa profession, en tenant compte de l'incapacité de l'assuré à l'exercer antérieurement à l'accident ou à la maladie, des conditions d'exercice normales de sa profession et de ses possibilités d'exercice restantes, sans considération des possibilités de reclassement dans une profession différente.

Ainsi, sans qu'il soit nécessaire de demander à l'expert d'interpréter une clause contractuelle, il convient, par voie d'infirmation de la décision de première instance concernant la mission de l'expert, de lui confier, dans les conditions prévues au dispositif de la présente décision tenant compte de l'évolution éventuelle de la pathologie dont souffre M. [X] et de ses conséquences, une mission dont le libellé est en lien avec les garanties de la police d'assurance souscrite par les appelants telles que ci-avant rappelées.

Les conditions matérielles de l'expertise

Bien que les parties intimées indiquent ne pas s'opposer par principe à ce que tout ou partie de l'expertise se déroule sur pièces, il n'est pas justifié, de faire droit à la demande des époux [X] de voir l'expertise se réaliser intégralement sur pièces mais il est au contraire préférable que l'expert puisse rencontrer et examiner M. [X], sans qu'il ne puisse être préjugé que l'examen qu'il estimerait nécessaire soit dépourvu du tact et de la bienveillance présentés comme indispensables par les appelants.

La décision doit être confirmée en ce qu'elle les a déboutés de cette demande.

Les conditions du secret médical

Dans le cadre des modalités techniques imparties à l'expert pour la réalisation de sa mission, le premier juge, qui a débouté les époux [X] de leur demande de complément de mission relatif au secret médical, a autorisé l'expert à se faire communiquer directement, avec l'accord de la victime ou de ses ayant-droits, par tous tiers, les pièces médicales non transmises par les parties et dont la production lui paraîtra nécessaire.

Les appelants contestent cette approche restrictive en faisant valoir qu'il n'apparaît pas disproportionné d'autoriser l'expert à se voir communiquer tous documents médicaux utiles à l'accomplissement de sa mission sans que puisse lui être opposé le secret médical.

Les intimées s'en rapportent à la décision de la cour sur ce point.

Sur ce,

Tant les dispositions des articles L. 1110-4 et R. 4127-4 du code de la santé publique que des textes nationaux (article 2 de la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, articles 9 du code civil et 226-13 du code pénal), et internationaux (article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme) érigent le secret médical comme étant un droit propre du patient, instauré dans le but de protéger sa vie privée et le secret des informations le concernant. Ce droit présente un caractère absolu et s'impose dans les conditions établies par la loi à tout médecin ou établissement de santé, auxquels il est fait obligation de protéger contre toute indiscrétion les documents médicaux concernant les personnes qu'il a soignées ou examinées.

Il ne peut y être dérogé qu'en vertu d'une autorisation de la loi.

Le secret médical auquel sont nécessairement tenus les tiers détenant des pièces médicales relatives à l'état de santé du patient et aux soins qu'ils a reçus s'impose à eux et constitue un empêchement légitime.

Il s'impose également au juge qui ne peut impartir à l'expert une mission portant atteinte au secret médical sans subordonner l'exécution de cette mission à l'autorisation préalable du patient concerné, sauf à tirer les conséquences d'un refus illégitime du patient (Civ. 1ère, 11 juin 2009, N°08-12742).

Il résulte de ces éléments qu'il ne peut être dérogé à l'accord de la victime ou de ses ayants-droits lorsque l'expert entend se faire communiquer par un tiers une pièce médicale qui ne lui aurait pas déjà été communiquée par les parties auxquelles il appartient en premier lieu de pourvoir à la défense de leurs intérêts. En l'absence d'un tel accord, toute partie qui y aurait intérêt resterait admise soit à saisir le juge du contrôle pour qu'il ordonne la production de la pièce litigieuse, soit à faire constater le caractère illégitime du refus par le juge du fond auquel il pourrait être demandé d'en tirer toutes conséquences.

Au cas d'espèce, le recueil de l'accord de Mme [X], qui dispose d'une habilitation générale pour pourvoir aux intérêts de son époux est d'autant plus indispensable que M. [X], premier intéressé par la mesure d'expertise est manifestement dans l'incapacité de donner un consentement éclairé à la communication d'une pièce médicale le concernant.

Dans ces conditions, c'est de façon justifiée que le premier juge a soumis la production de pièces médicales à l'expert par des tiers à l'accord de la victime ou de ses ayants-droit. La décision sera confirmée de ce chef.

Les dépens seront à la charge des appelants.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant dans les limites de sa saisine,

- Ordonne la jonction des instances N°RG 23-4443 et 24-166,

- Confirme l'ordonnance rendue le 23 novembre 2023 par le président du tribunal judiciaire de Toulouse statuant en référé, sauf concernant la mission donnée à l'expert,

Statuant à nouveau,

- Dit que l'expert aura pour mission de :

1/ se faire communiquer par les parties ou leurs conseils :

- les renseignements d'identité du patient, M. [J] [X],

- tous les documents médicaux relatifs à son état de santé depuis le 15 mai 2018,

- les pièces échangées entre les parties et notamment la demande d'adhésion au contrat N°0101 et la notice d'information,

2/ procéder à un examen clinique détaillé au domicile du patient et en faire un compte-rendu,

3/ relater l'histoire médicale détaillée de la maladie faisant l'objet de la saisine de la SA BPCE Vie, ainsi que ses suites et conséquences et préciser les dates des :

* premiers signes fonctionnels,

* première consultation médicale et première consultation spécialisée,

* premiers examens complémentaires,

* traitement, nature et résultat,

* hospitalisations et arrêts de travail en rapport,

4/ dire si l'affection est en rapport avec un état pathologique pré-existant à la date du contrat,

5/ après avoir pris connaissance des éléments du contrat liant les parties relatifs aux garanties :

- dire si M. [J] [X] est consolidé,

- dire si M. [J] [X] présente une incapacité professionnelle, dans l'affirmative dire à quelle date elle a débuté, en fixer le taux et préciser si ce taux a évolué dans le temps, dans l'affirmative, dire à quelle(s) date(s),

- dire si M. [J] [X] présente une incapacité fonctionnelle, dans l'affirmative dire à quelle date elle a débuté, en fixer le taux et préciser si ce taux a évolué dans le temps, dans l'affirmative, dire à quelle(s) date(s),

6/ dire si l'état de santé de M. [J] [X] correspond à celui d'une personne en perte totale et irréversible d'autonomie, dans l'affirmative dire pour quels motifs et depuis quelle date,

7/ dire si l'état de santé de M. [J] [X] nécessite l'assistance d'une tierce personne pour effectuer les actes ordinaires de la vie et dans l'affirmative dire depuis quelle date,

Laisse les dépens à la charge de Mme [D] [M] épouse [X] et de M. [J] [X].

Le GREFFIER Le PRESIDENT

K.MOKHTARI E.VET

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