CA Aix-en-Provence, ch. 3-1, 5 février 2025, n° 24/07141
AIX-EN-PROVENCE
Ordonnance
Autre
PARTIES
Demandeur :
Doctipharma (SAS), Promofarma Ecom (SL), Apotheke Zur Rose Inhaler Ulrich Nachtsheim (EK)
Défendeur :
Doctipharma (SAS), Promofarma Ecom SL (Sté), Apotheke Zur Rose Inhaler Ulrich Nachtsheim E K (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Vincent
Avocats :
Me Jourdan, SCP JF Jourdan - PG Wattecamps et Associés, Me Badie, SCP Badie, Simon-Thibaud, Juston, Me Ponthieu, SELARL Ponthieu Avocat
EXPOSE DU LITIGE
Par jugement du 9 avril 2024, le tribunal de commerce de Marseille a :
- dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer ;
- déclaré que la Sas Doctipharma, la société Promofarma Ecom SL et la société Apotheke zur Rose Inhaler Ulrich Nachtsheim E K ont commis ensemble des actes fautifs constitutifs de concurrence déloyale et de parasitisme au détriment de la Sas Coty France ;
- ordonné à la Sas Doctipharma, la société Promofarma Ecom SL et la société Apotheke zur Rose Inhaler Ulrich Nachtsheim E K de cesser, à la date du prononcé du jugement et pour l'avenir, la commercialisation des produits dont les marques sont intégrées dans le réseau de distribution sélective de la Sas Coty France, et ce sous astreinte de 500 € par acte de commercialisation constaté 15 jours après la date de signification du jugement ;
- dit n'y avoir lieu de se réserver la liquidation de l'astreinte ;
- débouté la Sas Coty France de sa demande de communication par les défenderesses de nombreux justificatifs comptables et commerciaux ;
- condamné in solidum la Sas Doctipharma, la société Promofarma Ecom SL et la société Apotheke zur Rose Inhaler Ulrich Nachtsheim E K à payer à la Sas Coty France la somme de 500.000 € en réparation du préjudice subi pour actes de concurrence déloyale, actes de parasitisme et préjudice d'image ;
- condamné conjointement la Sas Doctipharma, la société Promofarma Ecom SL et la société Apotheke zur Rose Inhaler Ulrich Nachtsheim E K à payer à la Sas Coty France la somme de 7.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné conjointement la Sas Doctipharma, la société Promofarma Ecom SL et la société Apotheke zur Rose Inhaler Ulrich Nachtsheim E K aux dépens.
Par acte du 6 juin 2024, la Sas Doctipharma, la société Promofarma Ecom SL et la société Apotheke zur Rose Inhaler Ulrich Nachtsheim E K ont interjeté appel de ce jugement.
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Par conclusions enregistrées par voie électronique le 15 juillet 2024, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la Sas Coty France a saisi le conseiller de la mise en état des demandes tendant à voir:
- à titre principal, déclarer incompétente la cour d'appel d'Aix-en-Provence pour juger de la validité de la décision rendue par le tribunal de commerce de Marseille, en sa qualité de juridiction spécialisée, au profit de la cour d'appel de Paris ;
- à titre subsidiaire, prononcer la radiation du rôle de l'affaire pour défaut d'exécution du jugement de première instance par les appelantes ;
- en tout état de cause, condamner conjointement et solidairement la Sas Doctipharma, la société Promofarma Ecom SL et la société Apotheke zur Rose Inhaler Ulrich Nachtsheim E K à lui payer la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, la somme de 25.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Au visa des articles L442-2, L442-4 III et D442-3 du code de commerce, 32-1, 524 et 559 du code de procédure civile et 1240 du code civil, elle fait valoir :
- reprocher aux sociétés appelantes de commercialiser sans autorisation les produits distribués au sein de son réseau de distribution sélective, en violation de l'article L442-2 du code de commerce, fondement de l'assignation qui leur a été délivrée ; l'affaire a ainsi été portée en première instance devant le tribunal de commerce de Marseille, juridiction spécialisée pour connaître de ces sujets ;
- les sociétés appelantes ne se sont toujours pas acquittées des sommes auxquelles elles ont été condamnées en première instance ;
- les sociétés appelantes ont saisi à dessein la mauvaise cour d'appel à des fins dilatoires, l'obligeant à engager des frais inutiles pour assurer sa défense.
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Par conclusions enregistrées par voie électronique le 21 novembre 2024, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, la Sas Doctipharma, la société Promofarma Ecom SL et la société Apotheke zur Rose Inhaler Ulrich Nachtsheim E K demandent au conseiller de la mise en état de :
- déclarer la cour d'appel d'Aix-en-Provence incompétente au profit de la cour d'appel de Paris ;
- renvoyer l'entier litige devant la cour d'appel de Paris ;
- subsidiairement, débouter la Sas Coty France de sa demande de radiation ;
- débouter la Sas Coty de sa demande de dommages et intérêts pour abus de procédure ;
- débouter la Sas Coty de sa demande de condamnation des appelantes à lui verser la somme de 25.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle réplique :
- avoir saisi à tort la présente cour alors que la cour d'appel de Paris a une compétence d'ordre public en matière de pratiques anti-concurrentielles ;
- la demande de radiation ainsi que les demandes indemnitaires ne pourraient prospérer que si la cour décidait de ne pas renvoyer l'affaire à la cour d'appel de Paris.
MOTIFS
- Sur la compétence
L'article D.442-3 du code de commerce a réservé l'examen des litiges relatifs aux pratiques restrictives de concurrence à certaines juridictions commerciales spécifiquement désignées à l'annexe 4-2-1 et bénéficiant ainsi d'une compétence d'attribution exclusive.
Il en résulte que lorsque le droit des pratiques restrictives est invoqué comme moyen, le juge territorialement compétent pour connaître de la demande en paiement principale ne peut examiner le bien-fondé de ce moyen de défense, quels que soient les développements ou la pertinence des éléments invoqués à l'appui de ce moyen.
Ainsi, la juridiction saisie, si elle n'est pas une juridiction désignée par l'article D. 442-3 précité, doit, si son incompétence est soulevée, selon les circonstances et l'interdépendance des demandes, soit se déclarer incompétente au profit de la juridiction désignée par ce texte et surseoir à statuer dans l'attente que cette juridiction spécialisée ait statué sur la demande, soit renvoyer l'affaire pour le tout devant cette juridiction spécialisée.
En l'espèce, la Sas Coty France reproche aux sociétés appelantes de commercialiser sans autorisation des produits distribués au sein de son réseau de distribution sélective, en violation de l'article L442-2 du code de commerce. Si le tribunal de commerce de Marseille était bien compétent en application des dispositions précitées pour connaître de cette demande, seule la cour d'appel de Paris est compétente pour statuer en cas d'appel de la décision rendue par le tribunal de commerce de Marseille.
En application des dispositions précitées, la présente cour d'appel n'a pas pouvoir pour statuer sur l'appel susvisé, et par conséquent, il convient, de renvoyer l'affaire pour le tout devant la cour d'appel de Paris.
- Sur les demandes indemnitaires
Au visa de l'article 1241 du code civil l'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, ne peut constituer un abus de droit susceptible de donner lieu à dommages-intérêts que dans des circonstances particulières le rendant fautif, et notamment lorsqu'est caractérisée une intention malveillante ou une volonté de nuire de la part de celui qui l'exerce.
Si la Sas Coty France sollicite l'octroi de dommages et intérêts, reprochant aux appelantes d'avoir saisi la mauvaise cour dans une intention dilatoire, de sorte qu'il appartient bien au conseiller de la mise en état de la présente cour de trancher cette demande afférente à l'incident, force est de constater qu'elle ne fournit aucun élément de nature à démontrer l'abus de droit ainsi reproché. Elle sera dès lors déboutée de sa demande à ce titre.
Les demandes relatives aux dépens et aux frais irrépétibles seront réservées.
PAR CES MOTIFS
Le Conseiller de la mise en état, statuant publiquement et contradictoirement,
Ordonnons le renvoi de l'affaire enrôlée sous le numéro RG 24-7141 devant la cour d'appel de Paris,
Déboutons la Sas Coty France de sa demande de dommages et intérêts,
Réservons les demandes relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.