CA Douai, 2e ch. sect. 2, 6 février 2025, n° 24/00939
DOUAI
Ordonnance
Autre
PARTIES
Demandeur :
Berryalloc NV (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Barbot
Avocats :
Me Laurent, Me Migaud, Me Broulin
***
Vu le jugement rendu entre les parties par le tribunal de commerce de Lille, le 23 janvier 2024 ;
Vu l'appel formé contre ce jugement par la société [C] père et fils (la société [C]) le 27 février 2024 ;
Vu les conclusions d'incident signifiées par la société Berryalloc BV (la société Berryalloc), intimée, le 23 août 2024 ;
Vu les conclusions d'incident en réponse signifiées par la société [C] le 1er octobre 2024 ;
MOTIFS
Aux termes de l'article L. 442-1, I, 2° du code de commerce :
Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, dans le cadre de la négociation commerciale, de la conclusion ou de l'exécution d'un contrat, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services :
1° D'obtenir ou de tenter d'obtenir de l'autre partie un avantage ne correspondant à aucune contrepartie ou manifestement disproportionné au regard de la valeur de la contrepartie consentie ;
2° De soumettre ou de tenter de soumettre l'autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ; [']
L'article L. 442-4, III, du même code dispose que :
Les litiges relatifs à l'application des articles L. 442-1, L. 442-2, L. 442-3, L. 442-7 et L. 442-8 sont attribués aux juridictions dont le siège et le ressort sont fixés par décret.
Et l'article D. 442-3 de ce code :
La cour d'appel compétente pour connaître des décisions rendues par ces juridictions est celle de Paris.
ll en résulte que, lorsqu'un défendeur à une action fondée sur le droit commun présente une demande reconventionnelle en invoquant les dispositions de l'article L. 442-6 précité, la juridiction saisie, si elle n'est pas une juridiction désignée par l'article D. 442-3 précité, doit, si son incompétence est soulevée, selon les circonstances et l'interdépendance des demandes, soit se déclarer incompétente au profit de la juridiction désignée par ce texte et surseoir à statuer dans l'attente que cette juridiction spécialisée ait statué sur la demande, soit renvoyer l'affaire pour le tout devant cette juridiction spécialisée (V. Com, 18 octobre 2023, n° 21-15378, publié).
Il découle de cet arrêt de revirement que les textes ci-dessus reproduits instituent une règle de compétence d'attribution exclusive, et non une fin de non-recevoir comme il était jugé auparavant.
En l'espèce, il résulte des pièces de la procédure que l'exception d'incompétence de la cour d'appel de Douai a été soulevée in limine litis par la société Berryalloc, conformément à l'article 74 du code de procédure civile.
Par ailleurs, dans ses conclusions au fond, signifiées le 27 mai 2024, la société [C], appelante, demande en particulier à la cour d'appel :
- l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a rejeté sa demande de dommages et intérêts fondée sur l'article L. 442, I, 2°, du code de commerce ;
- et, statuant à nouveau, la condamnation de la société intimée Berryalloc au paiement de la somme de 62 880,95 euros sur le fondement de l'article L. 442, I, 2° précité.
Cette demande relève donc de la compétence exclusive de la cour d'appel de Paris, et non de la cour d'appel de Douai, qui ne peut en connaître.
Cette demande ne peut être déclarée « irrecevable », comme le requiert à tort la société Berryalloc. Compte tenu des circonstances de l'espèce, et tel que le demande la société [C], il y lieu de renvoyer l'affaire pour le tout devant la cour d'appel de Paris.
Les dépens et la demande d'indemnité de procédure formée par la société Beryalloc seront réservés.
PAR CES MOTIFS
- Déclarons la cour d'appel de Douai incompétente pour statuer sur l'appel formé par la société [C] père et fils contre le jugement rendu le 23 janvier 2024 (RG n° 2022022885) et, en conséquence, renvoyons l'affaire et les parties devant la cour d'appel de Paris ;
- Réservons les dépens et la demande de la société Berryalloc NV fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.